Séance en hémicycle du 22 février 2012 à 14h30

Résumé de la séance

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  • TVA
  • compétitivité
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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l’avenant n° 1 relatif à une dotation complémentaire au Fonds national d’amorçage et la convention portant avenant aux conventions de mise en œuvre des actions du programme d’investissements d’avenir confiées à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations (proposition n° 224, texte de la commission n° 371, rapport n° 370).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier Mme la rapporteur Muguette Dini, ainsi que tous ses collègues qui ont soutenu la proposition de loi de Mme la députée Henriette Martinez, d’avoir cherché à améliorer encore la législation relative à la protection de l’enfance.

La protection de l’enfance est une question prioritaire pour le Gouvernement et d’importance majeure pour la société. Elle doit être en permanence renforcée et rendue plus efficace ; cette proposition de loi y contribue largement.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance avait déjà amélioré le repérage et la prise en charge des enfants en danger ou risquant de l’être, notamment avec la mise en place des cellules de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, qui sont maintenant généralisées à l’ensemble des départements.

Je tiens à préciser que la mise en œuvre de cette loi est aujourd’hui acquise et que son suivi et son évaluation constituent une priorité pour le Gouvernement. Ainsi, le rapport sur la mise en place des cellules est prêt et sera transmis prochainement au Parlement.

Par ailleurs, j’ai souhaité organiser avec Roselyne Bachelot-Narquin une manifestation le 5 mars prochain pour célébrer les cinq ans de cette grande loi réformatrice et échanger avec l’ensemble des acteurs concernés à propos des avancées qu’elle a permis d’obtenir et des pistes d’amélioration envisageables.

Le texte dont nous débattons aujourd’hui constitue sans aucun doute une avancée notable pour la protection des enfants.

La question du suivi des enfants en danger avait fait l’objet, dans le cadre des états généraux de l’enfance fragilisée qui se sont déroulés en 2010, de travaux et de propositions : il est en effet apparu que le suivi des enfants en danger pouvait parfois être interrompu du fait du déménagement de familles et qu’il convenait d’organiser ce suivi dans l’intérêt des enfants à protéger.

Cette proposition de loi vise justement à renforcer la coordination entre les services, entre tous les intervenants : certaines familles ont compris que le nomadisme est le meilleur moyen de passer entre les mailles du filet : le déménagement dans un autre département permet de se soustraire au suivi tant social que judiciaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis tout comme vous persuadée qu’il faut intervenir bien en amont, lorsque la procédure en est au stade préventif, celui de l’information préoccupante, et avant que le signalement ne soit formalisé, que l’enquête sociale ne soit enclenchée, que la justice ne soit saisie. La proposition de loi favorise ce traitement, ce partage des informations, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’objectif de ce texte est d’assurer la transmission des informations pour mieux protéger l’enfant et assurer, dans l’intérêt de ce dernier, la continuité et la cohérence des actions de protection.

Le président du conseil général, qui a été consacré comme le pivot, le chef de file de la protection de l’enfance par la loi de 2007, a, de ce point de vue, une responsabilité essentielle, puisqu’il est le garant de cette continuité et de cette cohérence.

Je reviendrai donc sommairement sur les deux grandes avancées du texte.

La première partie de la proposition de loi prévoit que, lorsque la nouvelle adresse de la famille est connue en cas de déménagement, le président du conseil général assure la transmission des informations et des dossiers relatifs aux enfants en danger ou risquant de l’être au président du conseil général du nouveau département, dès lors que ces enfants ont fait l’objet d’une information préoccupante, d’une mesure administrative ou d’une décision judiciaire de protection de l’enfance.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement, qui a été adopté, visant à renvoyer explicitement à un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le soin de déterminer les modalités de transmission de ces informations.

Je tiens à vous indiquer que ce décret est en cours de finalisation par mes services, en vue d’une publication en avril ou en mai 2012, donc très prochainement. Il vise à homogénéiser les pratiques, mais surtout à assurer la sécurité et l’efficacité de ces échanges d’informations. L’organisation de ces derniers doit en effet présenter toutes les garanties nécessaires. Ce décret sera soumis à l’avis de la CNIL et de la CCEN, la Commission consultative d’évaluation des normes.

La seconde partie de la proposition de loi, qui a, elle aussi, été amendée par le Gouvernement, concerne les situations où la nouvelle adresse de la famille n’est pas connue. Le pouvoir donné par ce texte au président du conseil général, à savoir la possibilité de saisir les caisses d’assurance maladie et les caisses d’allocations familiales pour obtenir la nouvelle adresse de la famille, constitue un levier important de protection de l’enfant.

Le texte prévoit aussi l’obligation pour le président du conseil général de saisir l’autorité judiciaire dans ces situations.

En effet, si l’interruption de l’évaluation d’une information préoccupante ou d’une mesure administrative ou judiciaire de protection de l’enfance met l’enfant en danger, il y a bien lieu pour le président du conseil général, en l’absence de connaissance de la nouvelle adresse, de saisir l’autorité judiciaire.

Cette clarification des critères de saisine de l’autorité judiciaire améliorera utilement la coordination entre présidents de conseils généraux et procureurs de la République.

La procédure prévue par la proposition de loi peut par conséquent intervenir en complément et parallèlement à la saisine de l’autorité judiciaire : elle n’a pas vocation à la remplacer.

Dans ces conditions, je comprends le sens de l’amendement déposé par M. Mézard, qui souhaite optimiser encore l’effet de cette proposition de loi. Toutefois, pour des raisons que je préciserai tout à l’heure, j’estime que cet amendement n’est pas nécessaire pour atteindre les objectifs visés par son auteur.

Je souhaite que le Sénat adopte ce texte, afin qu’il puisse être rapidement mis en œuvre et que les enfants soient mieux protégés, car il est de notre devoir à tous de renforcer l’aide et la protection que nous leur devons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur vous : nous partageons tous cette ferme volonté de faire progresser encore la protection de l’enfant, d’assurer le respect de ses droits et de veiller collectivement à son intérêt supérieur.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue députée Henriette Martinez, dont je suis heureuse de noter la présence dans les tribunes aujourd’hui, porte sur la procédure de suivi qui est mise en œuvre à l’échelon départemental pour les enfants en danger ou risquant de l’être.

Vous le savez sans doute, la loi du 5 mars 2007 a introduit des changements essentiels dans le système de protection de l’enfance, afin de le rendre plus lisible pour les acteurs locaux et, surtout, plus protecteur pour les enfants.

Elle a en particulier consacré le président du conseil général comme chef de file de la protection de l’enfance et créé, sous son autorité, la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes.

Le dispositif départemental de protection de l’enfance a ainsi gagné en cohérence et en efficacité. Toutefois, on constate aujourd’hui que, lorsqu’une famille titulaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance quitte un département pour un autre, les informations la concernant ne sont pas transmises au-delà de cette frontière administrative. Il en résulte une rupture, soit dans la prise en charge de l’enfant, soit dans l’évaluation des informations préoccupantes à son sujet.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune coordination interdépartementale n’est en effet organisée sur le plan national. Certains départements ont bien mis en place un système d’alerte, dit « de signalements nationaux », mais ce dispositif n’a pas de base réglementaire et son efficacité reste limitée en raison de pratiques variables selon les départements.

La proposition de loi vise donc à combler ce vide juridique en conférant un cadre légal à la transmission des informations relatives aux enfants en danger entre le département d’origine et le département d’accueil, démarche qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, relève du bon sens.

Pour ce faire, elle distingue deux cas de figure.

Le premier, le plus simple, s’appliquera lorsque la famille qui déménage informe le département d’origine de sa nouvelle adresse.

Actuellement, et c’est assez singulier, aucun dispositif de transmission d’informations n’est prévu entre le département d’origine et le département d’accueil.

Désormais, lorsqu’une famille titulaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance ou d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance communiquera sa nouvelle adresse au département qu’elle quitte, le président du conseil général du département d’origine le signalera à son homologue du département d’accueil et lui transmettra, pour l’accomplissement de ses missions, les données relatives au mineur et à sa famille. Cette procédure s’appliquera également lorsqu’une information préoccupante sur la situation de l’enfant est en cours d’évaluation.

Comme l’a souligné Mme la secrétaire d'État, les modalités de cette procédure de transmission seront définies par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, étant donné l’enjeu de confidentialité qui y est associé.

Pour autant, je rappelle, à mon tour, que la loi du 5 mars 2007 prévoyait déjà un décret de ce type.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Interpellée sur ce sujet par nos collègues députés, la ministre des solidarités et de la cohésion nationale, Roselyne Bachelot-Narquin, s’est engagée à publier le décret dès le mois de mars prochain.

Madame la secrétaire d'État, j’espère que le Gouvernement tiendra parole, car cette mesure de transmission des informations, qui répond aux préconisations formulées lors des états généraux de l’enfance fragilisée tenus en mai 2010, présente deux avantages.

Premièrement, elle garantit au département d’accueil la possibilité de disposer de toutes les informations nécessaires à la continuité de la prise en charge, pour répondre au mieux aux besoins du mineur.

Deuxièmement, elle permettra au jeune devenu adulte qui consulte son dossier de reconstituer l’ensemble de son parcours au sein du dispositif de protection de l’enfance. Ce n’est pas là un sujet mineur, car nous savons que, une fois devenus adultes, les enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance ont quelquefois bien du mal à se retrouver dans leur propre histoire.

J’en viens au second cas de figure : la famille qui déménage sans laisser d’adresse.

Dans ce cas, le suivi des situations préoccupantes ou signalées se révèle évidemment beaucoup plus difficile. Il faut en effet attendre que toute la procédure interrompue dans le département d’origine ait été relancée dans le département d’accueil, par le biais d’une nouvelle transmission d’informations préoccupantes ou d’un nouveau repérage. Un temps précieux est ainsi perdu, ce qui, dans certains cas, peut avoir de très graves conséquences sur l’enfant concerné.

Les acteurs de la protection de l’enfance observent même que certaines familles profitent de cette insuffisante coordination entre départements pour échapper aux filets des services d’aide sociale à l’enfance.

Pour corriger les failles du système actuel, le texte propose deux mesures.

La première oblige le président du conseil général du département d’origine à prévenir sans délai l’autorité judiciaire du départ inopiné d’une famille impliquée dans un processus d’évaluation d’informations préoccupantes, d’aide sociale ou de protection de l’enfance, dont l’interruption met en danger le mineur.

Cette clarification des critères de saisine de l’autorité judiciaire, également recommandée dans les conclusions des états généraux de l’enfance fragilisée, devrait utilement améliorer la coordination entre les présidents de conseils généraux et les procureurs de la République.

La seconde mesure permet au président du conseil général du département d’origine d’obtenir des organismes sociaux – caisse primaire d’assurance maladie et caisse d’allocations familiales – communication de la nouvelle adresse dans les dix jours.

À l’heure actuelle, le président du conseil général peut déjà formuler cette demande par l’intermédiaire de l’autorité judiciaire. Néanmoins, cette procédure présente deux inconvénients majeurs : elle est longue et elle est pratiquée de façon différente selon les parquets.

Dans la mesure où la famille éligible aux prestations sociales ne manque généralement pas d’en faire la demande dans son nouveau département de résidence, les caisses de sécurité sociale semblent les plus à même de connaître l’adresse de cette famille et de la communiquer rapidement aux services du conseil général. Pour obtenir cette information, les caisses d’assurance maladie seront d’ailleurs habilitées à consulter le répertoire national inter-régimes. Tout ce réseau respectera évidemment les règles du secret professionnel applicables à la protection de l’enfance, lesquelles offrent les garanties requises, dans l’unique intérêt du mineur.

Enfin, pour boucler ce circuit d’information, le président du conseil général du département d’origine communiquera bien sûr sans délai à son homologue du département d’accueil la nouvelle adresse ainsi que les informations relatives à la famille et à l’enfant, conformément à la procédure de coordination interdépartementale que nous allons instaurer.

Vous le voyez, mes chers collègues, il s’agit d’un texte de nature technique, simple et opérationnel, qui, en améliorant la transmission d’informations entre les acteurs de la protection de l’enfance, offrira les conditions d’un meilleur suivi des enfants en danger. Notre commission en est convaincue, puisqu’elle l’a adopté, à l’unanimité, dans une rédaction conforme à celle de l’Assemblée nationale.

Toutefois, les échanges approfondis auxquels nous avons procédé ont fait apparaître que, si cette proposition de loi apporte une réponse concrète à un problème précis, elle ne résout pas l’ensemble des difficultés que pose, sur le terrain, l’application de la loi du 5 mars 2007.

En effet, de nombreuses questions demeurent en suspens, comme les moyens du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, la prise en charge des mineurs étrangers isolés ou la notion du « secret partagé » : autant de sujets sur lesquels notre commission se propose de travailler dans les prochains mois pour faire évoluer une loi qui, bien entendu, reste perfectible.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui sollicités pour statuer sur un aspect de la protection de l’enfance en danger, sujet complexe et grave, transversal à l’ensemble de notre société et pour lequel modestie et persévérance s’imposent.

Protéger les enfants, ces êtres fragiles en construction, relève de la responsabilité des parents. Il faut souligner que, globalement, les familles assument bien leur rôle éducatif et ce, de plus en plus longtemps, du fait non seulement de l’allongement des études, mais aussi de la réalité du chômage des jeunes.

Lorsque des difficultés surviennent en ce qui concerne la sécurité morale ou physique de l’enfant ou du jeune, il est de la responsabilité de la société de prendre le relais, temporairement ou durablement. Il en est ainsi dans toutes les sociétés humaines.

Relevant autrefois des familles élargies ou de la charité, la prise en charge des enfants en danger ou risquant de l’être a fait l’objet de nombreuses évolutions législatives et organisationnelles au cours du temps, pour être confiée aux conseils généraux, en 1983, dans le cadre des premières lois de décentralisation. Les départements sont chargés d’organiser la prise en charge de ces enfants, en lien avec leurs familles le cas échéant. Il en va de même pour les enfants abandonnés ou privés durablement de famille, dont la collectivité doit organiser la prise en charge, voire l’adoption.

Bien que promulguée le même jour que la loi relative à la prévention de la délinquance, et ayant à ce titre fait craindre des amalgames, la loi du 5 mars 2007 a été en général plutôt bien accueillie par les conseils généraux et les professionnels de la protection de l’enfance. Rappelons ses trois objectifs principaux : renforcer la prévention ; réorganiser les procédures de signalement via notamment la création des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes ; diversifier les modes de prises en charge.

Pour notre part, nous y avons vu un texte comportant des mesures de nature à clarifier les rôles de la justice et des conseils généraux, misant sur la prévention et laissant une place aux familles. Nous avons également considéré que ce texte proposait des moyens d’agir.

Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ? Qu’en est-il de la mise en œuvre effective de cette loi ? Qu’a-t-on produit, en réalité, sur l’ensemble du territoire national, en métropole comme outre-mer ? Telles sont les véritables questions auxquelles nous devons répondre.

Or, aujourd’hui, on nous propose, avec cette proposition de loi, non pas de mettre un terme à des situations dramatiques, mais d’opérer un simple ajustement relatif aux familles qui déménagent.

À mes yeux, la protection de l’enfance mérite mieux que des mesures d’opportunité, même si je ne nie pas la nécessité de mieux définir les rôles et les responsabilités des uns et des autres en la matière.

Comme l’a affirmé Mme la secrétaire d’État, cette proposition de loi permet de préciser les responsabilités entre la justice et le président du conseil général lorsque les familles en cours de mesure éducative ou de mesure d’investigation à la suite d’une information préoccupante quittent le département. Il est proposé de faire glisser peu à peu sur les épaules du président du conseil général une responsabilité qui incombe à la justice, afin – nous dit-on – de gagner en rapidité et efficacité.

Or les obligations d’un conseil général s’inscrivent dans le cadre d’une relation contractuelle avec la famille ou dans celui de l’exécution d’une mesure judiciaire. La proposition de recherche d’informations personnelles n’entre pas dans le champ des responsabilités du président du conseil général, même à titre facultatif, car la justice a seule le pouvoir d’enquêter.

Le service d’aide sociale à l’enfance du département de départ informe le conseil général d’arrivée lorsqu’il connaît la destination. Dans le cas contraire, il transmet ses constats et ses informations à l’autorité judiciaire, laquelle peut enquêter afin de retrouver le nouveau domicile des parents. On ne devrait compter que quelques situations de ce type chaque année, ce qui ne devrait pas engorger les tribunaux.

Il est donc clair que cette proposition de loi vise principalement à régler les questions de répartition des responsabilités pénales entre les uns et les autres, quand il nous faudrait surtout continuer à renforcer la qualité des échanges entre l’Aide sociale à l’enfance et la justice.

À cet égard, je regrette qu’aucune approche quantifiée n’étaye le dossier. De même, ni l’avis du groupement d’intérêt public – ou GIP – Enfance en danger, ni celui de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, n’ont, me semble-t-il, été sollicités.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, cinq ans après sa promulgation, il est temps de dresser un bilan complet de la mise en œuvre de la loi réformant la protection de l’enfance, en lien avec tous les partenaires concernés : bien sûr, les départements et l’ADF, mais aussi l’ONED, le GIP Enfance en danger, les représentants des associations, la protection judiciaire de la jeunesse, ou PJJ, et bien entendu la justice.

En effet, les conseils généraux ont pris à bras-le-corps leurs responsabilités. Ils sont même allés au-delà, en faisant preuve d’inventivité dans la construction de nouvelles modalités de travail et de nouvelles réponses de prévention et d’accueil des mineurs en danger.

Pour les départements, je le rappelle, c’est tout d’abord une lourde responsabilité morale, puisqu’il s’agit d’aider des enfants blessés à se construire et à se faire une place dans la société, malgré toutes les embûches rencontrées.

C’est ensuite une responsabilité pénale, que nombre de présidents de conseils généraux ont parfois dû assumer devant les tribunaux.

Enfin, c’est une responsabilité budgétaire. Les dépenses afférentes à cette politique étant en grande partie liées aux décisions des magistrats, elles s’imposent aux conseils généraux sans aucune discussion ni prévision possible.

Si les départements font face à leurs responsabilités autant qu’il leur est possible, on ne peut pas en dire autant de l’État.

En effet, cinq ans après la promulgation de la loi réformant la protection de l’enfance, plusieurs décrets d’application manquent encore.

D'ailleurs, la présente proposition de loi vise l’un des « chaînons manquants » de la loi de 2007, bien qu’un texte réglementaire eût, à mon avis, pu suffire.

Ce n’est d’ailleurs ni le seul ni le principal chaînon manquant ; Mme la rapporteur vient d’en rappeler quelques-uns. Pour ma part, je citerai les moyens et les missions du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, la prise en charge des mineurs étrangers isolés, le refus du Gouvernement de procéder à la publication du décret relatif à la définition de la nature de l’information préoccupante, la question des appels à projets dans le secteur public départemental de la protection de l’enfance et, enfin, la non-publication du décret sur la tarification des lieux de vie et d’accueil et les appels à projets les concernant.

Les désengagements successifs de l’État dans le domaine éducatif – au sens large – viennent aussi peser, au final, sur la protection de l’enfance. Sans dresser un inventaire à la Prévert, j’évoquerai plusieurs mesures dont les effets affectent directement les publics concernés : la diminution des postes RASED, qui permettent de détecter au plus tôt les situations difficiles et d’élaborer des réponses, en lien avec les familles et la communauté éducative ; l’augmentation des effectifs dans les classes maternelles et primaires, qui limite, de fait, la disponibilité des enseignants et enseignantes auprès des élèves et des familles ; l’érosion, depuis de très nombreuses années, des prestations familiales et les menaces récurrentes du Gouvernement de ne pas verser ces allocations aux familles dites « défaillantes », alors même que la pauvreté accentue indéniablement les tensions familiales.

Je citerai également l’insuffisance des places en structures de soins spécialisés dans le domaine médicosocial ou dans celui de la pédopsychiatrie. En effet, cette insuffisance amène à maintenir trop longtemps des enfants dans des structures inadaptées, voire contraires à leurs besoins spécifiques. Par ailleurs, elle « embolise » l’urgence et le système d’accueil de la protection de l’enfance. Surtout, elle ne permet pas de proposer aux enfants et aux jeunes concernés un lieu adapté à leurs besoins.

Vous l’aurez compris, je saisis l’occasion offerte par cette discussion générale pour formuler le vœu qu’un véritable bilan de la loi du 5 mars 2007 soit rapidement établi, portant sur ses avancées – car il y en a ! – comme sur ses manques, ou sur ses dispositions susceptibles d’être améliorées.

Ne l’oublions pas, la protection de l’enfance fait parler d’elle lorsque des drames surviennent : mon département, la Loire-Atlantique, a ainsi été endeuillé, l’an dernier, par un drame à rebondissements autour du meurtre de la jeune Laetitia.

Toutefois, nous devons souligner que, de manière globale, les professionnels des conseils généraux et des associations habilitées – les travailleurs sociaux, les assistantes familiales, les travailleuses et travailleurs en intervention sociale et familiale – réalisent un travail éducatif remarquable. Grâce à leur implication sans faille, les enfants qui leur sont confiés ont toutes leurs chances de se construire un avenir meilleur, car la plupart de ces jeunes sortent « par le haut » de leurs difficultés. À nous de le faire savoir également, lors de ce bilan, pour que les enfants et les jeunes malmenés par la vie, ainsi que leurs familles, leurs éducateurs et leurs éducatrices, gardent confiance en eux-mêmes et en l’avenir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Roche applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est, je le reconnais, plutôt d’ordre technique, puisqu’il s’agit d’organiser, en cas de déménagement des familles, la transmission d’informations portant sur les enfants en danger, du département d’origine à celui d’accueil. Cette mesure est même tellement technique que le recours à la procédure législative était peut-être superflu. Nous aurions en effet pu nous contenter d’une mesure d’ordre réglementaire, attendue de longue date, notamment par les présidents des conseils généraux et, de toute façon, indispensable pour la bonne application de cette proposition de loi, une fois celle-ci adoptée.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit, notamment par Mme la rapporteur. Comme vous le savez, les présidents des conseils généraux se sont vu confier, depuis 2007, des compétences nouvelles en matière de protection de l’enfance. Nous ne contestons d’ailleurs pas cet échelon de compétence, dans la mesure où il est déjà retenu pour l’attribution des aides sociales à l’enfance.

Nous avons tous en mémoire des drames rares, mais douloureux, qui nous rappellent la part de responsabilité qui est la nôtre en la matière. Ils justifient, ainsi que tous les cas que nous pouvons éviter, qu’une transmission interdépartementale puisse s’organiser de manière pérenne. Certains conseils généraux, profitant de la nouvelle rédaction de l’article 226-13 du code pénal relatif au secret professionnel, ont d’ailleurs expérimenté des mesures équivalentes préfigurant ce système : il nous faut désormais généraliser et encadrer cette coopération interdépartementale fondée sur le volontariat. À cet égard, cette proposition de loi constitue un premier pas positif, que nous ne pouvons que saluer.

Toutefois, nous regrettons que cette proposition de loi ne soit pas plus complète. Il faudra sans doute l’accompagner de mesures réglementaires, ce qui retardera d’autant son application. J’en reviens donc à mon analyse d’origine : plutôt qu’une proposition de loi, il aurait été plus pertinent que le Gouvernement élabore, en lien étroit avec les acteurs locaux et leurs représentants, l’Assemblée des départements de France, par exemple, une mesure réglementaire plus opportune.

Je pense, par exemple, à l’établissement d’une définition commune, sur la base de critères objectifs et négociés avec les acteurs, de la notion même d’enfance en danger. Je pense également à la nécessité d’élaborer des référentiels et un protocole communs de transmission, afin que le travail de recueil et de traitement de l’information soit facilité, mais je crois avoir compris qu’un décret sur cette question était en attente de publication.

Malgré ces quelques insuffisances, nous voterons cette proposition de loi, mais ce vote, madame la secrétaire d’État, n’entame en rien notre vigilance concernant les moyens mis à la disposition des départements pour accomplir ces missions : en effet, ceux-ci font cruellement défaut.

Je n’ignore rien de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, à la suite du dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité par le département des Côtes-d’Armor, qui estimait que la loi de 2007 violait l’article 72 de la Constitution. Le Conseil a tranché : considérant que le législateur « n’a procédé ni à un transfert aux départements d’une compétence qui relevait de l’État ni à une création ou extension de compétences », il a estimé que l’État n’était pas tenu au financement de ces mesures.

Toutefois, je n’ignore pas non plus que M. Philippe Bas, alors ministre, s’était engagé devant le Sénat, au nom du Gouvernement, à abonder le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, ou FNFPE, promesse non entièrement tenue.

M. Ronan Kerdraon approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Je sais aussi que tout un pan de la protection de l’enfance en danger reste en friche aujourd’hui, du fait même du désengagement de l’État. Je pense ainsi à la suppression des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, dont la mission est pourtant essentielle dans l’accompagnement et le développement des enfants les plus en difficulté.

Je pense également à l’absence de réponses concrètes en ce qui concerne les « mineurs étrangers isolés » : les départements gèrent seuls les demandes, l’État ne participant pas au financement des structures d’accueil.

Je pense, enfin, au sort qui est réservé aux travailleurs sociaux, à la réduction des moyens qui leur sont accordés pour mener à bien leur mission d’accompagnement et d’émancipation : cette mission est devenue de plus en plus difficile à accomplir du fait de la révision générale des politiques publiques, au point que les finalités mêmes de leur engagement sont progressivement remises en cause. Les logiques comptables et chiffrées qu’on leur impose aujourd’hui sont incompatibles avec les notions d’humanisme et de solidarité qui fondent historiquement le sens de leur activité.

On dit souvent que l’on mesure la qualité d’une société au sort qu’elle réserve à ses jeunes. Malgré l’adoption de cette proposition de loi, qui est utile, je n’en disconviens pas, il nous semble que beaucoup reste encore à faire dans notre pays pour que les droits et les besoins de tous les enfants soient garantis.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période pré-électorale mouvementée, il est agréable de constater qu’il reste des sujets dépassant les clivages partisans et sur lesquels un consensus peut se dégager au sein de notre Haute Assemblée. Tel est pour nous le cas avec cette proposition de loi dont l’adoption doit permettre de mener à leur terme l’ensemble des enquêtes sociales diligentées en vue de protéger des enfants en danger.

Ce texte consensuel, de nature technique, est rendu nécessaire par une lacune de la loi du 5 mars 2007, qui n’a pas prévu de coordination interdépartementale. Cette loi a cependant permis de franchir une étape essentielle dans la construction d’un dispositif de protection efficace de l’enfance, fondé sur l’intérêt de l’enfant : le développement de la prévention, un meilleur dépistage des enfants en danger et l’amélioration de l’intervention auprès des enfants et de leurs familles ont été mis en avant lors de la discussion de ce premier texte.

De même, le principe de la primauté de la protection administrative sur la protection judiciaire a été consacré. De fait, le rôle central dans le dispositif de protection de l’enfance a été dévolu au président du conseil général, à l’instar du « directeur de la protection de la jeunesse » que connaissent nos amis québécois. Ce président centralise dorénavant l’ensemble des informations préoccupantes transmises par tous les intervenants du secteur.

Pour l’aider dans le recueil et le traitement de ces informations, il peut s’appuyer sur la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, qui les conserve et les analyse, et sur l’observatoire départemental de la protection de l’enfance, auquel participent tous les acteurs de cette politique.

Cinq années ont passé depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2007, qui a rendu plus efficace et cohérent le système de protection. Malheureusement – nous le savons, nous qui gérons ces collectivités locales –, certains ménages ont cerné les limites d’un dispositif départemental. Deux tragiques faits divers récents nous en ont apporté une preuve aussi cruelle qu’évidente : des familles suivies par la protection de l’enfance ont pu passer entre les mailles des filets tendus aux frontières des départements et se sont purement et simplement soustraites aux enquêtes sociales.

De telles situations sont rares – on parle, en tout et pour tout, d’une centaine de familles –, mais elles font courir un risque d’une grande gravité aux enfants, dès lors que les parents souhaitent sciemment échapper aux services sociaux en se réfugiant de l’autre côté de la frontière administrative dressée par la loi du 5 mars 2007.

Mes chers collègues, je ne peux que me féliciter, au nom de mon groupe, de la solution retenue par l’auteur de cette proposition de loi qui facilite la transmission d’informations entre départements, lorsque la nouvelle adresse du ménage est connue, mais aussi lorsqu’elle ne l’est pas. Le président du conseil général du département de départ pourra alors saisir les services qui versent les prestations sociales aux fins d’obtenir la nouvelle adresse qu’il communiquera au département d’accueil. Cet outil efficace et rapide permettra de faire face aux cas les plus difficiles.

Madame la secrétaire d’État, il aura fallu attendre près de cinq ans pour corriger les imperfections de la loi du 5 mars 2007 et un an et demi pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de la Haute Assemblée après son vote par nos collègues députés.

Permettez-nous de rester dubitatifs quant aux réelles intentions du Gouvernement en matière de protection de l’enfance. À ce jour, nous n’osons plus espérer la publication du décret d’application de la loi de 2007 définissant et sécurisant la transmission des informations, tant nous l’avons attendu !

Nous nous interrogeons également sur cette étrange logique qui pousse, d’un côté, à développer la protection de l’enfance et, de l’autre, à battre en brèche tous les principes protecteurs prévus par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Je pense aussi à l’attitude du Gouvernement face aux conseils généraux : une fois encore, vous opérez un transfert de charges et de compétences sans contrepartie financière.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d’État

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les 40 millions d’euros que vous avez daigné affecter au Fonds national de financement de la protection de l’enfance attestent, au regard des 6 milliards d’euros que coûte l’aide sociale à l’enfance, de votre manque de considération pour nos collectivités territoriales.

Les sénateurs radicaux de gauche et l’ensemble des membres du RDSE auraient préféré une réforme d’envergure qui aurait enfin pris à bras-le-corps la question du « secret partagé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Certes limité, le texte qui nous est soumis constitue néanmoins une avancée qui facilitera la prise en charge et la protection des enfants en situation de grave danger, raison pour laquelle nous voterons unanimement en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, ce débat nous rassemble, au-delà des clivages politiques, en raison de notre volonté commune d’avancer sur la question de la transmission, de département en département, des dossiers des enfants en danger.

Plusieurs histoires tragiques d’enfants maltraités ou même assassinés dans leur famille ont malheureusement prouvé que notre système de signalement et de suivi de ces enfants pouvait encore être amélioré : au travers de ce texte, il s’agit d’assurer une coordination territoriale systématique des différents intervenants.

En effet, dans les situations de maltraitance, le temps constitue un facteur décisif : lorsque des parents déménagent sans laisser d’adresse, on peut craindre qu’ils souhaitent ainsi échapper à la surveillance des services sociaux et judiciaires.

La loi du 5 mars 2007 a fait des présidents de conseil général les pivots de la protection de l’enfance dans les départements. C’est au sein des conseils généraux que sont constituées les cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, qui filtrent les informations leur parvenant et diligentent les enquêtes sociales nécessaires, puisqu’elles rassemblent les différents partenaires chargés de s’occuper de l’enfance en danger.

La loi confie aux présidents de conseils généraux une mission de recueil, de traitement et d’évaluation de ces informations préoccupantes, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine. Ils ont montré – je puis en témoigner, en tant que président de conseil général – qu’ils savaient prendre leurs responsabilités.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Contrairement au Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le dispositif de suivi des enfants est en grande partie efficace. Lorsque l’enfant fait l’objet de mesures éducatives, il n’y a pas de problème de suivi.

C’est en amont, lorsque la procédure n’en est qu’au stade préventif et social, c’est-à-dire celui d’une enquête sociale qui n’a pas encore abouti ou, plus encore, d’une simple information préoccupante, qu’il est impératif d’améliorer le suivi d’un département à un autre.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d'État

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

En tant que président du conseil général de la Marne, je peux témoigner, à l’échelle de ce département, que l’information est bien traitée et communiquée, d’où ma surprise initiale, que j’ai marquée en commission, à l’annonce de la nécessité d’une loi.

Cependant, notre rapporteur l’a très bien expliqué, aucune coordination départementale n’est organisée sur le plan national. Seuls certains départements ont mis en place des dispositifs d’alerte improvisés afin de signaler les informations préoccupantes. Les pratiques différant d’un département à l’autre, il y avait lieu de légiférer.

Lorsque la famille franchit la frontière administrative du département, la localisation de l’enfant est trop souvent perdue et le suivi suspendu. Pour mettre fin à cette frontière administrative, il relève donc de notre devoir de légiférer.

Afin de faire suivre les informations relatives à une famille qui a fait l’objet d’un signalement, le président du conseil général se verra officiellement confier la mission d’interroger les organismes qui délivrent les prestations sociales – caisses d’allocations familiales et caisses primaires d’assurance maladie –, par le biais de la saisine du répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie. Il pourra ainsi transmettre la nouvelle adresse et les éléments relatifs au signalement au président du conseil général du département d’accueil.

Je rappelle que ce texte est issu d’une concertation menée par Mme le député Henriette Martinez, qui a recueilli les avis des associations de protection de l’enfance, de l’Assemblée des départements de France, du Médiateur de la République et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, afin de s’assurer que le texte ne contrevient pas à la protection de la vie privée des familles.

Il en ressort que la consultation des fichiers par des organismes sociaux aux fins de transmettre les adresses des familles ne peut être autorisée que par la loi ; une disposition d’ordre réglementaire n’aurait pas suffi.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il nous appartient d’agir vite et de légiférer avant la suspension des travaux parlementaires, ce qui ne sera possible qu’en adoptant ce texte conforme. En d’autres circonstances, nous aurions été heureux de présenter des amendements afin d’améliorer le dispositif législatif sur différents points.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Certains d’entre eux auraient d'ailleurs pu recueillir un large assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le vote de cette proposition de loi, que j’ai qualifiée de « technique », ne doit pas nous faire oublier – je réponds en cela à M. Mézard – que plusieurs autres dispositifs doivent être revus. La loi du 5 mars 2007 mérite d’être évaluée, afin de comprendre pourquoi ses dispositions, dans certains domaines, n’ont pas été suivies d’effet.

À ce titre, les mesures d’accompagnement social personnalisé, les MASP, n’ont pas encore fait la preuve de leur pleine efficacité, puisqu’elles devraient être beaucoup plus nombreuses. En 2011, le département dont je suis l’élu n’en comptait ainsi que vingt-sept. Il convient de créer une relation nouvelle entre le monde social et le monde judiciaire, de façon à prendre en compte les difficultés de chacun et à trouver une solution. Ce type de dispositif mérite d’être évalué et amélioré, dans le respect des prérogatives des uns et des autres, sans occulter les nécessaires répercussions financières.

S'agissant des mineurs étrangers isolés, sujet auquel Isabelle Debré a consacré un rapport intéressant, il faudra bien prendre des décisions, quelle que soit l’issue des prochaines élections. Il importe de trouver des solutions adéquates, et nous nous y emploierons !

Les présidents de conseils généraux sont prêts à assumer leurs responsabilités ; cependant, en matière de prise en charge des mineurs étrangers isolés, il conviendra de trouver une solution, en tout cas sur le plan financier, et nous y parviendrons si nous nous comprenons mutuellement. Je rappelle que la prise en charge d’un mineur coûte 50 000 euros par an. Si nous devions assumer les difficultés rencontrées par les mineurs étrangers sur notre territoire, ce serait au détriment de nos propres ressortissants.

Nous devons trouver, sur cette question, une solution novatrice. Le Fonds national de financement de la protection de l’enfance a été mentionné. À titre d’exemple, le département de la Marne a perçu seulement 100 000 euros pour plus de 16 000 mineurs et consacre au total 53 millions d’euros à la protection de l’enfance et de la famille.

Nous avons des propositions à formuler dans ce domaine, que nous soumettrons au Gouvernement dans un esprit constructif.

En ce qui concerne le secret partagé, le partage de l’information, qui est déterminant, il nous faudra trouver des règles déontologiques sur le plan social, comme il en existe sur le plan médical.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d'État

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. Signaler n’est pas dénoncer : ce dispositif, rappelons-le, permet régulièrement de sauver des enfants.

Mme la secrétaire d’État acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous devrons également chercher des solutions, qui pourraient être partagées, en ce qui concerne les allocations familiales, en particulier l’allocation de rentrée scolaire. L’ARS continue en effet d’être versée aux familles dont les enfants sont confiés par le juge au département pour être placés. Dans ce cas, nous proposons que l’ARS soit perçue par le département pour qu’il la mette à la disposition de l’enfant, sauf avis contraire du juge prévoyant de la confier à la famille. Nous souhaitons inverser le dispositif. Nous devons être à même de revoir les dispositifs de la loi de 2007 et de trouver ensemble les solutions qui conviennent.

Quoi qu’il en soit, nous n’en sommes pas là ! Pour l’heure, nous soutiendrons la proposition de loi qui nous est soumise pour permettre une mise en œuvre rapide de ses dispositions.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, régulièrement, des drames concernant des enfants maltraités défraient la chronique. Extrêmement douloureux, ils ne sont hélas que la partie émergée de l’iceberg.

Chaque année, environ 300 000 enfants sont pris en charge au titre de la protection de l’enfance, prise en charge qui se répartit à égalité entre les mesures éducatives, prodiguées en milieu ouvert ou directement au domicile de l’enfant, et les mesures de retrait de l’enfant de son milieu familial.

Pour éviter les drames à venir, l’enjeu est donc bien d’identifier tous les enfants en danger afin de leur proposer, ainsi qu’à leurs parents, une aide adaptée – c'est-à-dire, selon la loi, les mineurs non émancipés dont « la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger » ou dont « les conditions d’éducation ou de développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».

En ce sens, la loi du 5 mars 2007 constitue un net progrès, mes collègues l’ont rappelé, en visant un triple objectif d’amélioration de la prévention, de repérage des enfants en danger et d’intervention en leur faveur.

La notion d’enfant en danger a été substituée à celle d’enfant maltraité, afin de tenir compte de toute la palette des situations pouvant, physiquement ou moralement, mettre en danger les mineurs.

La procédure de signalement des enfants en danger a été clarifiée, ainsi que les rôles respectifs de la protection administrative et de la protection judiciaire.

Un cadre légal a été fixé au partage d’information entre les professionnels soumis au secret professionnel de différents services participant aux missions de protection de l’enfance, pratique qui, bien que tolérée par l’autorité judiciaire, était auparavant interdite en droit et donc susceptible d’être poursuivie pénalement par les parents.

Enfin, pour pallier le partage insuffisant des informations, celles qui sont préoccupantes sur les mineurs sont désormais centralisées et traitées par les présidents des conseils généraux, qui sont donc devenus la clef de voûte de la protection de l’enfance. C’est aujourd’hui sur leurs épaules que repose « le recueil, le traitement et l’évaluation des informations préoccupantes », même si les représentants de l’État et l’autorité judiciaire leur apportent bien sûr leur concours.

Malgré toutes ces avancées, des lacunes demeuraient après 2007. La proposition de loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations qui est soumise aujourd’hui au Sénat n’en traite qu’une, mais qui est importante.

La prise en charge d’enfants en danger ou le travail d’évaluation concernant des enfants suspectés de l’être sont parfois interrompus par un déménagement, une séparation, une mutation professionnelle, ou même parfois une volonté de se soustraire à l’autorité.

Un vide juridique existe alors, puisqu’aucun dispositif ne prévoit pour l’instant de transmission d’informations entre départements lorsqu’une famille déménage, même dans le cas où celle-ci informe le département d’origine de sa nouvelle adresse.

C’est ce vide juridique qu’il s’agit ici de combler, en fixant un cadre légal à la transmission entre départements des informations relatives aux enfants en danger.

Le président du conseil général peut désormais transmettre les informations et les dossiers concernant les enfants en danger – ou risquant de l’être – à son homologue du département d’accueil. En outre, dans les cas où la famille n’a pas laissé de nouvelle adresse, il peut demander communication de celle-ci aux organismes sociaux.

Cette mesure technique allant clairement dans le bon sens, les membres du groupe écologiste appellent bien évidemment à voter pour ce texte, dans une version conforme à celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale, afin que les dispositions prévues entrent en vigueur au plus vite.

Mes chers collègues, permettez-moi néanmoins de formuler quelques remarques.

Tout d’abord, je le souligne à mon tour, les conditions dans lesquelles il nous est aujourd’hui donné d’examiner ce texte ne sont pas satisfaisantes du point de vue démocratique.

Nous constatons, en le déplorant, que la proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale le 13 janvier 2011, voilà donc plus d’un an, et que le Gouvernement nous met en quelque sorte au pied du mur en nous contraignant à l’examiner en urgence et à l’adopter sans l’amender, pressés par la fin imminente de la session parlementaire.

Ensuite, cette proposition de loi est extrêmement restrictive et ne comble qu’une des lacunes de la loi du 5 mars 2007. J’en citerai trois autres.

Premièrement, ce texte n’évoque en rien les moyens et les missions du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le FNPE, qui manque cruellement de moyens financiers, comme nous avons pu le constater lors du débat budgétaire.

Deuxièmement, il ne comporte rien non plus en ce qui concerne la difficile venue en aide aux mineurs isolés étrangers. Or il existe une très grande inégalité de fait dans la répartition territoriale de ces mineurs, six départements accueillant la plupart des mineurs isolés étrangers, soit environ 6 000 jeunes : la Seine-Saint-Denis, Mayotte, Paris, le Nord, le Pas-de-Calais et l’Ille-et-Vilaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Leur effectif suit par ailleurs une augmentation alarmante. À titre d’exemple, en Seine-Saint-Denis, leur nombre est passé de 150 en 1997 à un peu plus de 1 000 aujourd’hui.

La question de la répartition entre l’État et le département des compétences les concernant n’ayant toujours pas été tranchée, dans les faits, ces départements font face à un surcoût important – certains présidents de conseils généraux ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme –, mais également à une surcharge considérable, qui a des conséquences sur le fonctionnement de leurs services, car elle déstabilise l’ensemble de l’aide sociale à l’enfance. Le travail des équipes est rendu difficile. On demande à des travailleurs sociaux de mener une mission alors qu’ils ne disposent pas des outils nécessaires !

Je ferai enfin une dernière remarque sur les décrets d’application, lesquels sont source de difficultés dans le secteur de l’enfance en danger.

Le décret d’application de la loi du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants, qui devait fixer les modalités exactes d’organisation des visites médicales de détection des enfants maltraités et des séances annuelles d’information et de sensibilisation n’a toujours pas été pris. Douze ans après le vote de cette loi, la mise en œuvre de solutions préventives est malheureusement bloquée !

Par ailleurs, je rejoins tous ceux qui, avant moi, se sont émus de la suppression incompréhensible et inacceptable des RASED, une mesure aggravant évidemment la situation. Un certain nombre de syndicats et d’associations ont récemment lancé des appels. Il faut absolument les écouter.

Quant aux sept décrets de la loi du 5 mars 2007, ils n’ont pas encore été publiés. Les circonvolutions auxquelles a donné lieu la publication du décret sur la remontée de données par les départements à l’Observatoire national de l’enfance en danger posent un sérieux problème : à ce jour, et depuis 2006, nous ne disposons pas de données fiables sur les populations prises en charge par les conseils généraux. Il faut absolument rattraper ce retard !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi porte sur une action très précise de la protection de l’enfance : le suivi dans leur famille, après un signalement social ou judiciaire, des enfants considérés comme étant en danger. Cette mesure, bien qu’elle ne règle qu’un problème ponctuel, n’en était pas moins attendue.

La proposition de loi permettra en effet de donner un outil supplémentaire et très précieux aux présidents de conseils généraux, qui en ont bien besoin pour remplir la lourde mission qui leur est confiée. Comme l’a très bien expliqué notre collègue et rapporteur Muguette Dini, ce texte comble un vide juridique qui posait problème.

Aujourd’hui, lorsqu’une famille bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance quitte un département pour un autre, les informations la concernant ne sont pas transmises au-delà de la frontière administrative du département, ce qui entraîne une rupture dans la prise en charge de l’enfant ou dans l’évaluation de sa situation. Aucune coordination interdépartementale n’est organisée à l’échelon national. En tant que président du conseil général de la Haute-Loire, j’ai, comme tous mes collègues gérant un département, été confronté à ce problème.

Pour y faire face, certains départements, dont celui dont j’ai la responsabilité, ont mis en place le système d’alerte qui a déjà été évoqué, celui des signalements nationaux. Toutefois, cette mesure n’ayant pas été prise dans tous les départements, elle ne peut bien évidemment avoir qu’une efficacité limitée.

La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise apporte une réponse pertinente au problème posé.

Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif proposé, car il a déjà été suffisamment rappelé, mais vous me permettrez de formuler un regret, une interrogation et une louange.

Je commencerai par énoncer un regret, madame la secrétaire d’État.

Dans le cas où une famille bénéficiaire de la prestation d’aide sociale à l’enfance, ou faisant l’objet d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance, a informé le département d’origine de sa nouvelle adresse, le texte prévoit que le président du conseil général du département d’origine devra la transmettre à son homologue du département d’accueil. Or une telle disposition était déjà prévue dans la loi de 2007 !

Cinq ans après la promulgation de cette loi, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Cela n’est évidemment ni normal ni satisfaisant, comme l’ont déjà fait observer certains de mes collègues. Vous avez toutefois pris l’engagement, madame la secrétaire d’État, que ce décret serait publié au mois de mars. Je ne peux que m’en réjouir. Mieux vaut tard que jamais !

J’en viens maintenant à mon interrogation : si nous adoptons le présent texte aujourd’hui, n’y aura-t-il pas redondance ou doublon ? Autrement dit, à quoi servira ce décret si cette proposition de loi est adoptée, et réciproquement ?

En outre, cette situation ne pose-t-elle pas un problème constitutionnel ? En effet, en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution, une même mesure ne peut être à la fois de nature réglementaire et législative. Éclairez-moi, madame la secrétaire d’État, car, en tant que nouveau sénateur, j’avoue être un peu perdu !

Enfin, mes louanges iront au dispositif prévu dans le cas où les familles concernées déménagent sans laisser d’adresse. Ce mécanisme est double : il prévoit, d’une part, l’information immédiate de l’autorité judiciaire, et, d’autre part, la recherche et la transmission de la nouvelle adresse au département d’accueil via les organismes sociaux. Il est de nature à apporter une solution efficace et concrète au problème.

En résumé, parce qu’il corrige une lacune reconnue par tous de la loi du 5 mars 2007, il est bien naturel que ce texte ait été adopté conforme et à l’unanimité en commission des affaires sociales. J’espère que tel sera également le cas aujourd'hui en séance.

Toutefois, comme je l’ai dit au début de mon intervention, ce dispositif ne règle qu’un problème ponctuel.

Le champ d’application de la loi du 5 mars 2007 est bien plus vaste et il reste très mal défini sur bien des points, les décrets d’application n’ayant toujours pas été publiés.

Les moyens manquent pour la protection de l’enfance, d’autant que le système a été perverti – c’est de nouveau le président du conseil général qui parle à présent. L’État ne prenant plus en charge les jeunes majeurs, les départements ont dû s’y substituer, ce qui a compromis tous leurs efforts d’organisation et leurs efforts financiers en faveur de l’aide sociale à l’enfance. L’État doit compenser au département la charge réelle que représente cette compétence, du moins pour les départements qui ont le plus de difficultés financières.

Plus globalement, cinq ans après la loi de 2007, quatre problèmes peuvent être identifiés : la prise en charge des jeunes majeurs, l’insuffisance de l’abondement du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le financement des lieux d’accueil et de vie des jeunes, enfin, la prise en charge des mineurs étrangers isolés, ce problème étant actuellement sous les feux de l’actualité.

Il faut donc aller au-delà de la mesure ponctuelle que nous examinons aujourd’hui. Une remise à plat du système est nécessaire : il faut l’évaluer et, le cas échéant, le réformer.

Il revient à la commission pour le suivi de l’application des lois du Sénat de faire dans les plus brefs délais un point très précis sur l’application de la loi de 2007.

En outre, je me rallie à la proposition de Muguette Dini, notre rapporteur, de constituer un groupe de travail sur ce sujet au sein de la commission des affaires sociales, groupe auquel reviendra éventuellement le soin de formuler des propositions d’amélioration du système.

Dans l’attente de ces travaux si importants, il ne me reste plus qu’à féliciter la commission, sa présidente, Annie David, et son rapporteur, Muguette Dini, pour l’excellence de leur travail.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, examiner cette proposition de loi aujourd’hui, c’est partir du constat que la législation existante en matière de protection de l’enfance est incomplète.

Des familles faisant l’objet de mesures éducatives ou d’enquêtes sociales consécutives à un signalement d’enfant en danger déménagent sans laisser d’adresse. Qui peut rester insensible aux drames qui se jouent en leur sein ? Personne, nous sommes bien d’accord. Dans ce domaine, nous n’avons pas droit à l’erreur.

Ce texte a pour objectif de mieux protéger les enfants dont les familles font l’objet d’une enquête sociale. Il vise à garantir la poursuite des enquêtes sociales jusqu’à leur terme.

En effet, si le suivi judiciaire des affaires les plus graves prévu par la loi ne soulève a priori pas de problème, il n’en est pas de même du suivi administratif et de l’enquête sociale au stade des premières informations préoccupantes et de la première demande d’informations, de même que dans la phase de prise en charge sociale de la famille.

À cette fin, et ceux de mes collègues qui m’ont précédé à la tribune l’ont maintes fois répété, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise prévoit que le président du conseil général devra, en cas de déménagement, transmettre les données concernant ces enfants à son homologue du département où s’installe la famille.

Mes chers collègues, madame la rapporteur, nous soutiendrons ce texte majoritairement, voire unanimement, car la démarche qui nous est proposée ne peut qu’être approuvée. Elle favorisera en effet un meilleur suivi des enfants et permettra sans doute d’éviter des drames.

Toutefois, force est de constater que ce texte est de portée limitée. Il montre bien les décrochages de l’État dans le domaine de la protection de l’enfance.

Il m’appartient aujourd'hui de vous faire partager mon avis sur l’obligation qui sera imposée, une fois de plus, aux présidents de conseils généraux.

Lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, au mois de janvier 2011, Mme Bachelot avait elle-même avoué que de nombreux décrets d’application de la loi de 2007 étaient encore en cours de rédaction. Il en était de même pour une circulaire informative.

Finalement, quatre ans après l’adoption de la loi, le dispositif est en cours d’élaboration, mais pas vraiment construit.

Mme Martinez, la députée qui est à l’origine de ce texte, ne voyant pas venir le décret d’application, a souhaité faire adopter cette mesure par voie législative. Le texte qui nous est aujourd'hui soumis vise donc à mettre en œuvre l’un des chaînons manquants de la loi, même si un dispositif d’ordre réglementaire aurait été suffisant. L’objectif était de gagner du temps, mais il n’a pas été atteint, puisque le Sénat n’examine ce texte qu’aujourd'hui, soit plus d’un an après l’Assemblée nationale.

Il semblerait que Mme Bachelot n’ait pas les mêmes priorités que tout le monde, à moins qu’elle ait une conception différente de la nôtre de ce qu’est une priorité…

J’en veux pour preuve la loi du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants. Nous attendons toujours son décret d’application devant fixer les modalités exactes d’organisation des visites médicales de détection des enfants maltraités et des séances annuelles d’information et de sensibilisation.

Il est certain que le dispositif actuel mérite d’être évalué et amélioré, comme l’a déjà indiqué notre collègue Michelle Meunier. Nous ne manquerons pas de nous atteler à cette tâche.

J’évoquerai maintenant le dispositif qui nous est proposé. Pour qu’il soit efficace, il faut en définir précisément les contours et dégager les moyens nécessaires à son bon fonctionnement.

L’ambiguïté de ce texte réside non pas dans son contenu, mais plutôt dans ses oublis, directement liés au désengagement global de l’État des politiques de protection de l’enfance et de la jeunesse. Tous les orateurs, quelle que soit leur appartenance politique, l’ont souligné.

La procédure, madame la secrétaire d’État, aurait mérité d’être perfectionnée au moins sur trois points.

Premièrement, il eût fallu mieux définir le cadre légal du secret professionnel partagé.

Deuxièmement, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner en commission, je souhaite attirer votre attention sur les problèmes que posent les départements transfrontaliers.

Ainsi, à Hendaye, dans les Pyrénées-Atlantiques, département dont je préside le conseil général, la moitié des enfants scolarisés sont des Espagnols qui viennent de Saint-Sébastien ou de la frontière plus proche. Si cette mixité est enrichissante, comment assurer la transmission des informations dans les départements transfrontaliers ? Comment appliquer ce texte, madame la secrétaire d’État, dans des territoires comme le mien ?

Troisièmement, il faut définir les responsabilités de chacun, à commencer par celles du président du conseil général et celles des organismes de sécurité sociale qui seront saisis. Savons-nous bien jusqu’où iront ces responsabilités en cas de dysfonctionnement ? Qui, dans les services départementaux, sera chargé d’assurer le suivi des enfants ? Quels moyens seront dégagés pour accomplir ces tâches nouvelles ?

Martine Pinville, députée de Charente, a proposé d’établir une grille déterminant les informations à communiquer en fonction du signalement. Elle a également proposé de distinguer les situations d’accompagnement acceptées par les familles de celles dans lesquelles les familles ne participent pas. Je regrette que sa proposition n’ait pas trouvé d’écho.

Je ne prolongerai pas mon intervention, monsieur le président, le temps qui m’est imparti étant écoulé. Chacun a pu exprimer son point de vue sur les relations de plus en plus complexes entre l’État et les conseils généraux.

Pour terminer, il convient de faire preuve de volonté, afin de concilier impératif déontologique et nécessité du travail social. Je recommanderai aussi, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, d’engager le débat sur la question du partage des informations confidentielles dans le secteur social et médicosocial.

Je ne saurais achever mon propos sans évoquer la très forte inquiétude des départements transfrontaliers. Pardonnez-moi d’insister sur ce point, mais ils existent, mes chers collègues ! Les conseils généraux doivent supporter des charges de plus en plus lourdes, dues notamment à l’accueil des enfants mineurs étrangers et de leur famille. Les départements transfrontaliers sont encore plus sensibles que les autres à ces mutations.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d'État

Nous venons d’entendre une discussion générale fort intéressante, portant sur une proposition de loi elle-même remarquable. Je salue d’ailleurs son auteur, Mme Martinez, présente dans les tribunes de ce bel hémicycle.

Cette proposition de loi est importante, comme en témoignent les nombreuses questions que les différents intervenants ont été amenés à me poser.

Madame la rapporteur, vous avez évoqué le décret relatif à la transmission des informations entre conseils généraux, tout comme d’autres orateurs, d’ailleurs. Sachez qu’il était en préparation quand la loi Martinez fut discutée à l’Assemblée nationale, en janvier 2011.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d'État

Nous avons voulu travailler sur deux scenarios différents. Une première version de ce décret prenait en compte les conditions en vigueur avant que la loi Martinez ne soit présentée. Une seconde prenait en considération l’état du droit prévalant après son adoption au Sénat, qui change, évidemment, les modalités d’action en la matière.

En tout état de cause, je vous l’ai déjà indiqué, ce décret sera publié au cours du premier trimestre 2012, probablement en mars prochain.

J’en viens à la question de Mme Meunier, portant sur l’évaluation de la loi de 2007. Établi en coopération avec l’ensemble des acteurs concernés, un bilan, je le rappelle, est réalisé annuellement, dans le cadre du comité de suivi de la réforme. Je tiens aussi à vous préciser, madame la sénatrice, que, contrairement à ce que vous avez affirmé, tous les décrets prévus par la loi de 2007 ont été publiés à la fin de l’année 2011. En effet, le décret portant sur la transmission des informations n’est pas un texte d’application de la réforme de 2007.

Je voudrais aussi vous rappeler que le décret relatif à la définition de l’information préoccupante, sujet abordé à de très nombreuses reprises, n’a pas d’objet. En effet, cette définition n’a pas à donner lieu à un texte réglementaire, car elle est déjà rappelée dans les guides sur l’action des cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes.

Madame Pasquet, monsieur Mézard, vous avez évoqué, avec d’autres, le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, ou FNPE. Il a été créé pour compenser les nouvelles charges induites par la réforme de 2007, comme la mise en place des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. Il a, pour ce faire, été abondé à hauteur de 40 millions d’euros.

Je précise que les mineurs étrangers isolés ne font pas partie du dispositif. Beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont indiqué que nous devions nous emparer de ce thème. Ils ont raison. C’est pourquoi nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet.

L’encadrement du partage d’information entre professionnels est déterminé par la loi de 2007. Des protocoles ont été conçus lors de la mise en place des cellules de recueil et de traitement des informations préoccupantes. Voilà ce que je voulais vous dire sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs.

Monsieur Savary, dans votre remarquable intervention, vous avez souligné que le dispositif fonctionnait bien dans le département dont vous présidez le conseil général. Je ne peux que vous en féliciter. Pour autant, nous avons vu que tel n’était pas le cas sur tout le territoire français, loin s’en faut. Notre action doit donc s’attacher à favoriser une répartition géographique harmonieuse du dispositif. C’est aussi l’objet de la proposition de loi présentée par Mme Martinez.

Je partage votre inquiétude sur les mineurs étrangers isolés. Ce sujet nous préoccupe grandement. Comme je l’ai rappelé, un groupe de travail interministériel a été mis en place. Il associe les principaux conseils généraux concernés par les mineurs étrangers isolés, ainsi que l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Il travaille à l’élaboration de solutions concrètes visant à résoudre les problèmes liés à la répartition des mineurs entre les différents conseils généraux, ou encore au financement de ces derniers. Bref, il étudie tous les sujets que vous avez abordés, monsieur Savary.

Monsieur Roche, le décret relatif à la transmission des informations préoccupantes entre conseils généraux était en préparation quand cette loi a été présentée par Mme Martinez. Je crois avoir déjà couvert le champ de vos questions à travers mes précédentes réponses.

Je tiens sincèrement à saluer votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs. J’ai bien senti la volonté des différents orateurs, qui est aussi celle de tous les membres de cette assemblée, d’améliorer la situation encore plus que le présent texte ne le permet. Je ne puis, d’ailleurs, que partager votre sentiment sur ce point.

Toutefois, je salue la détermination du Sénat, ainsi que celle de l’Assemblée nationale, à apporter enfin une solution pratique et pragmatique, dans le seul intérêt des enfants. En permettant la transmission des informations entre les différents conseils généraux, notre action contribuera à faire en sorte que la protection des enfants soit effective.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique du texte de la commission.

(Non modifié)

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 221-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 221 -3. – Lorsqu’une famille bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aide financière, ou d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance change de département à l’occasion d’un changement de domicile, le président du conseil général du département d’origine en informe le président du conseil général du département d’accueil et lui transmet, pour l’accomplissement de ses missions, les informations relatives au mineur et à la famille concernés.

« Il en va de même lorsque la famille est concernée par une information préoccupante en cours de traitement ou d’évaluation.

« Les modalités de cette transmission d’informations sont définies par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

2° Après l’article L. 226-3-1, il est inséré un article L. 226-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 226 -3 -2. – Dans le cas où la procédure de transmission d’informations prévue à l’article L. 221-3 est rendue impossible par l’absence d’information sur la nouvelle adresse de la famille et si l’interruption de l’évaluation ou du traitement de l’information préoccupante, de la prestation d’aide sociale à l’enfance ou de la mesure judiciaire de protection de l’enfance met en danger le mineur concerné, le président du conseil général du département d’origine avise sans délai l’autorité judiciaire de la situation en application de l’article L. 226-4.

« Le président du conseil général du département d’origine peut également, pour ses missions de protection de l’enfance, saisir la caisse primaire d’assurance maladie et la caisse d’allocations familiales compétentes, qui lui communiquent la nouvelle adresse de la famille dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande et dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel. À cette fin, la caisse primaire d’assurance maladie peut accéder aux informations contenues dans le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie visé à l’article L. 161-32 du code de la sécurité sociale.

« Le président du conseil général du département d’origine communique sans délai au président du conseil général du département d’accueil l’adresse de la famille et lui transmet les informations relatives à cette famille et au mineur concerné en application de l’article L. 221-3 du présent code. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, ou lorsqu'une information préoccupante est recueillie après le départ de la famille

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s’agit d’un amendement d’appel, mais nous souhaitons que cet appel soit entendu !

Dans un certain nombre de cas, les informations préoccupantes sont recueillies après le départ de la famille, alors que celle-ci n’a laissé aucune indication quant à sa destination.

Pour tout vous dire, c’est une préoccupation que nous partageons avec la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, et qui porte sur des cas tout à fait évidents et précis.

Cet amendement vise à étendre le champ de compétences du président du conseil général du département d’origine aux situations où le recueil d’informations préoccupantes intervient plusieurs semaines ou plusieurs mois après que la famille a changé de département.

Cette mesure apporterait une réponse pratique aux situations familiales conflictuelles ou, surtout, aux situations de dérives sectaires, qui se traduisent, dans les faits, par un brusque départ de la famille et par une rupture soudaine des relations avec les autres membres de celle-ci.

Nous pourrions ainsi garantir, conformément à l’article 371-4 du code civil, le droit des enfants et de leurs ascendants à entretenir des relations personnelles, dans toutes les situations où les informations préoccupantes ne peuvent pas être traitées en raison de l’absence de localisation géographique de la famille.

En effet, dans ces cas-là, ce droit est souvent bafoué, notamment lorsque les titulaires de l’autorité parentale sont victimes d’une dérive sectaire, ce qui entraîne généralement une rupture avec l’environnement d’origine et un rejet du monde extérieur. Faute de pouvoir localiser leurs enfants et petits-enfants, les grands-parents, par exemple, n’ont actuellement pas la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales territorialement compétent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

M. Mézard a bien précisé qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Si nous comprenons le souci qui motive cette disposition, il ne nous semble pas opportun de l’introduire au sein du présent texte.

En outre, je ne suis pas absolument certaine, mon cher collègue, que le dispositif que vous proposez réponde tout à fait à la question posée ; par définition, les familles qui connaissent des dérives sectaires ne se manifestent pas auprès des organismes d’allocations familiales ou de sécurité sociale. Sa mise en œuvre me semble donc, pour l’instant, extrêmement compliquée.

Par ailleurs, vous le savez, nous souhaitons que la présente proposition de loi soit adoptée conforme, afin qu’elle puisse s’appliquer le plus rapidement possible.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Claude Greff, secrétaire d'État

J’entends votre argument, monsieur le sénateur. Il est vrai que des questions se posent en la matière.

Cependant, la transmission que cet amendement tend à instituer est, de fait, réalisée, puisque le rôle de la cellule départementale, tel qu’il a été défini dans le code de l’action sociale et des familles, est justement de recueillir à tout moment, quelle qu’en soit l’origine, les informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, et de veiller au traitement de leur dossier.

Naturellement, dès lors que l’information préoccupante concerne une famille qui n’est pas du ressort de la cellule départementale, le responsable de cette dernière transmet cette information, s’il connaît l’adresse de la famille, à la cellule du département concerné. La précision apportée par l’amendement que vous avez présenté, monsieur le sénateur, n’est donc plus nécessaire.

La présente proposition de loi permet la transmission des informations, même après le départ de la famille. Ainsi, votre amendement me semble satisfait.

Je rejoins donc la position de la commission : monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce débat permet de vérifier le consensus dont fait l’objet la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, un texte porté par tous les professionnels du secteur de la protection de l’enfance et adopté sans la moindre opposition.

Au demeurant, et je le dis sans malice, cela prouve que l’on peut légiférer de manière sérieuse, utile et unanime jusqu’au mois de mars même lorsqu’il y a une élection présidentielle en mai !

Mme la secrétaire d’État acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cependant, je partage un certain nombre des regrets qui ont été exprimés au cours de la discussion générale, en particulier en ce qui concerne le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, dont la création répondait à une exigence portée avec force par le Sénat : permettre la compensation intégrale pour les départements des charges nouvelles liées à l’effort de prévention de la maltraitance imposé par la loi du 5 mars 2007. J’espère que nous trouverons dans les mois à venir les moyens de doter convenablement ce fonds.

À cet égard, je salue l’initiative et l’action de Mme Martinez, qui s’inscrivent dans la continuité de son engagement au service de la réforme depuis 2007.

Cette proposition de loi est nécessaire. Je ne voudrais donc pas que la Haute Assemblée prenne le risque d’en retarder l’adoption en retenant une disposition qui peut certes paraître utile, mais dont l’introduction dans le texte aurait pour effet d’empêcher un vote conforme avec l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, je m’attendais à ce que notre collègue Philippe Bas nous fournisse quelques explications complémentaires. Je constate que cela n’a pas été le cas !

Contrairement à ce qu’affirme Mme la secrétaire d’État, mon amendement n’est pas satisfait. Il y a bien un problème. Ce que nous demandons, c’est une modification de l’alinéa 4 pour étendre le champ de compétence du président du conseil général aux situations où le recueil d’informations préoccupantes intervient plusieurs semaines ou plusieurs mois après que la famille a changé de département. C’est une question importante, et nous n’avons obtenu aucune réponse.

Peut-être aurait-il été intéressant d’inscrire une telle disposition dans un texte de simplification du droit… §Mais trêve de plaisanterie : je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je vais mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi.

Je rappelle que ce vote vaudra pour l’ensemble de la proposition de loi.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Mes chers collègues, je salue la présence dans nos tribunes de Mme Henriette Martinez, venue assister à l’adoption définitive par la Haute Assemblée de la proposition de loi qu’elle a déposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Au cours de sa réunion de ce jour, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation des amendements à l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement soit examiné selon la procédure simplifiée, le mardi 28 février prochain.

Le délai pour revenir, le cas échéant, à la procédure normale pourrait être fixé au vendredi 24 février à dix-sept heures.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 22 février 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-239 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 389, rapport n° 390, avis n° 398).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre du budget nous rejoindra dans quelques instants. J’ai donc l’honneur d’ouvrir la discussion sur ce projet de loi de finances rectificative.

Ce texte témoigne de la grande réactivité dont le Gouvernement fait preuve dans un contexte international encore difficile et incertain. Il aborde plusieurs enjeux qui sont déterminants pour l’avenir de la France comme pour celui de la zone euro.

Je pense à la compétitivité et à la nécessité de poursuivre à ce titre notre programme de réformes.

Je pense au soutien apporté à la Grèce et au Mécanisme européen de stabilité que nous mettons en place pour écarter durablement tout risque pesant sur les dettes souveraines des États membres.

Je pense, enfin, au projet de taxe sur les transactions financières, qui est aujourd’hui un dispositif national, mais qui fera bientôt partie des principes reconnus et défendus par l’ensemble des pays de la zone euro.

Avant de détailler ce projet, je souhaite revenir sur les dernières avancées en matière de soutien apporté à la Grèce. Nous avons négocié pendant près de quatorze heures, entre lundi après-midi et mardi matin, afin d’aboutir à un accord qui permet, me semble-t-il, de répartir équitablement le fardeau entre le public et le privé, entre la solidarité européenne et les efforts proposés par le gouvernement grec.

Ces éléments de solidarité, au même titre que les solutions que nous apportons dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, le MES, sont des preuves tangibles de notre engagement résolu en faveur de l’Europe. D’autres se satisfont d’une abstention qui ne sera et ne pourra jamais être dynamique.

Il faut d'ailleurs une certaine dose d’aveuglement ou de duplicité pour justifier un comportement aussi irresponsable par le manque d’engagement européen en faveur de la croissance. Il faut rétablir la vérité : sans l’aide apportée aujourd’hui par le Fonds européen de stabilité financière et demain par le Mécanisme européen de solidarité, la Grèce va au-devant de grandes difficultés.

Si l’on affirme vouloir aider la Grèce, si l’on compatit bruyamment aux difficultés économiques et sociales qu’elle traverse, il faut aussi s’engager en faveur de la solidarité qui, dans sa traduction administrative et budgétaire, prend la forme du fonds européen, dans un premier temps, et du Mécanisme européen de stabilité, dans un second temps. On ne peut pas tenir un double langage, d’un côté dire : « Aidons les Grecs », et, de l’autre, choisir de les laisser tomber en s’abstenant sur l’essentiel, à savoir sur le vote du Mécanisme européen de stabilité.

Comment peut-on parler du « choix de l’austérité » quand les États membres de la zone euro et le Fonds monétaire international vont mobiliser, comme les ministres des finances de la zone euro l’ont décidé, près de 130 milliards d’euros supplémentaires pour accompagner la Grèce dans son redressement ?

Dois-je aussi rappeler que le Conseil européen du 30 janvier dernier, sous l’impulsion du Président de la République et de la chancelière allemande, était consacré en priorité à la croissance et à l’emploi ? Quand j’entends dire que l’abstention vise à adresser un message en faveur d’un nouveau projet portant sur la croissance, je me dis que c’est soit de la duplicité, soit de l’ignorance, puisque l’élément constitutif de l’accord du 30 janvier dernier est, justement, la solidarité, la discipline budgétaire, mais aussi la croissance.

Tout est lié, il s’agit d’un paquet global ; c’est l’ensemble du dispositif qu’il faut naturellement valider et accompagner. Je regrette donc vraiment l’abstention des socialistes sur le MES à l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Et je ne doute pas, même si je m’efforcerai d’être convaincant, qu’il y aura un parallélisme des formes ici, au Sénat. C’est dommage, car il s'agit d’un texte qui engage la France et l’avenir de l’Europe. Je note, à ce titre, que les autres partis d’opposition européens font, eux, le choix du courage et de la responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, je le dis sans esprit partisan : pas un représentant socialiste dans un pays membre de la zone euro ne rejette le message de la consolidation budgétaire, de la réduction des déficits et des mesures d’économies. Ce n’est pas être de droite ou de gauche que de faire des économies : c’est la lucidité, c’est le courage, c’est le sens de l’État ! §

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Même les socialistes espagnols ont voté la règle d’or, comme la droite qui était dans l’opposition à l’époque. Nous devrions être animés du même esprit. L’approche de la campagne électorale ne doit pas faire perdre à la représentation nationale le sens des responsabilités. Ce vote contribuera à sauver la Grèce, à éviter la contagion, à garantir la solidité et l’unité de la zone euro et à créer les conditions d’un rebond de croissance.

Il en ira de même lors du Conseil européen du 2 mars prochain, au cours duquel la France et l’Allemagne feront des propositions.

Revenons à notre action en faveur de la Grèce, qui remplit désormais toutes les conditions requises pour le lancement du programme de soutien. Le parlement grec a adopté l’accord agréé avec la troïka – Commission européenne, Banque centrale européenne, Fond monétaire international – le 12 février dernier.

Par ailleurs, les réformes permettant la modernisation du marché du travail sont déjà engagées ; d’autres les suivront dans les prochaines semaines. Le Premier ministre grec, M. Papademos, a pris des engagements sur ce point lundi soir. Ces réformes visent à restaurer la soutenabilité des finances publiques grecques et la compétitivité de l’économie grecque, gage d’une croissance soutenable. Le 15 février dernier, les partis de la coalition au pouvoir, le Pasok et la Nouvelle Démocratie, se sont engagés par écrit à soutenir et à mettre en œuvre les réformes requises par le second programme.

En contrepartie de ces efforts significatifs et après plus de treize heures de négociations, nous sommes parvenus à un accord d’envergure sur un plan de sauvetage de la Grèce, dont je rappellerai rapidement les principaux paramètres.

En premier lieu, les États membres de la zone euro et le FMI apporteront 130 milliards d’euros de prêts – et non de subventions – d’ici à 2014, en plus du précédent programme de 110 milliards d’euros. Ces prêts seront rémunérés aux conditions de marché. Les États créanciers ont accepté de réduire les taux d’intérêt servis par la Grèce sur les prêts bilatéraux antérieurs, et ce de manière rétroactive. Le FMI décidera, au cours de la deuxième semaine de mars, du montant définitif de sa participation à ce prêt.

En ce qui concerne la participation du secteur privé, la Grèce lancera dans les prochains jours l’offre d’échange de sa dette souveraine. Cette offre implique une décote de la valeur nominale de la créance, qui représente une annulation de dette de plus de 100 milliards d’euros. Les taux d’intérêt sur la nouvelle dette seront plus faibles que ceux de la dette ancienne : cela correspond à un effort significatif de la part des créanciers privés. Je précise que cet effort est consenti sur la base du volontariat, ce qui permet d’éviter un défaut de la Grèce et, par voie de conséquence, le déclenchement des contrats d’assurance sur les titres souverains, les fameux CDS.

En deuxième lieu, la Banque centrale européenne, la BCE, et les banques centrales nationales ont pris des décisions fortes, dans le plein respect de leur mandat.

La BCE et les banques centrales nationales restitueront les plus-values réalisées sur les titres grecs dans le cadre du programme d’achat sur le marché secondaire ou dans le cadre des opérations de portefeuille. Ces deux contributions s’ajoutent aux interventions conduites par la BCE au profit du refinancement bancaire.

En troisième lieu, la mise en œuvre des engagements pris par la Grèce fera l’objet d’un suivi régulier et renforcé. Certains ont abusivement parlé de tutelle ; il s’agit en réalité du renforcement du dispositif de contrôle et de la fréquence des visites des experts de la troïka, ainsi que du maintien de leur intervention, sous forme de conseils, afin d’accompagner le Gouvernement grec dans la mise en œuvre des réformes qu’il s’est engagé à mener.

Enfin, les autorités grecques modifieront leur Constitution d’ici à 2013, pour faire du paiement des intérêts et du remboursement de la dette souveraine une dépense prioritaire.

Ce plan de sauvetage permettra à la Grèce de restaurer la soutenabilité de ses finances publiques et la compétitivité de son économie.

La prochaine étape est désormais celle du renforcement des pare-feu européens : tel est l’objet de l’article du projet de loi de finances rectificative portant sur le Mécanisme européen de stabilité.

Je voudrais maintenant rappeler brièvement le contexte macroéconomique dans lequel s’inscrit ce collectif budgétaire.

En France, l’activité a rebondi au troisième trimestre 2011, mais son ralentissement s’est poursuivi dans la zone euro, où le taux de croissance s’est établi à seulement 0, 1 %.

Ce ralentissement s’est confirmé au quatrième trimestre, et le PIB de nombreux pays de la zone s’est contracté. En France, en revanche, la croissance a bien résisté : elle s’est établie à 0, 2 %. Sur l’ensemble de l’année 2011, la croissance du PIB est donc de 1, 7 % dans notre pays, chiffre conforme à la prévision du Gouvernement.

Que n’avions-nous entendu à ce propos lors de la discussion du projet de budget pour 2012 ! On nous disait que c’était un objectif inatteignable, compte tenu du contexte mondial, du ralentissement de l’économie américaine… Les mêmes « encouragements » nous avaient été prodigués à propos des perspectives de réduction du déficit public. On nous avait affirmé que nous ne pourrions jamais ramener celui-ci de 7 % à 5, 7 % ; or nous ferons mieux encore !

Cela signifie que, sur les deux points essentiels, sur les deux éléments constitutifs de la matrice de la construction budgétaire, à savoir la perspective de croissance et la réduction du déficit public, nous avons atteint ou dépassé nos objectifs, contre les prévisions des observateurs et à rebours de l’ensemble de la zone euro, puisque la France est le seul pays à avoir enregistré de la croissance au dernier trimestre de 2011. Je veux insister sur ce point, car cela renforce les arguments que nous développons à l’appui de ce collectif budgétaire. (

Reconnaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la stratégie adoptée par le Gouvernement dans cette conjoncture particulièrement difficile est la bonne et qu’elle a porté ses fruits. Elle a respecté un parfait équilibre entre la consolidation des finances publiques et la préservation de notre croissance.

Pour autant, nous tenons compte naturellement de l’environnement, et le Gouvernement fait preuve de la plus grande prudence.

Ainsi, nous avons retenu, pour 2012, une prévision de croissance de 0, 5 %, qui reflète les incertitudes pesant encore sur l’activité mondiale. Je ne doute pas que l’accord intervenu lundi soir contribuera puissamment, dans la durée, à restaurer la confiance des investisseurs en la stabilité de la zone euro.

Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que les résultats du dernier trimestre nous donnent déjà un acquis de croissance, pour cette année 2012, de 0, 3 %.

Certains indicateurs signalent une évolution plus favorable de l’activité en début d’année. Ainsi, les dernières enquêtes de conjoncture ont cessé de manifester une détérioration. En outre, le financement de l’économie demeure globalement satisfaisant, et le Gouvernement veille à ce que la consolidation des fonds propres des banques françaises ne pèse pas sur le marché du crédit.

Nous restons extrêmement vigilants sur le niveau de crédit aux ménages et aux entreprises françaises. À la fin de décembre, l’encours de crédit à l’économie française était en hausse de 5, 3 % sur les douze derniers mois, contre 1, 3 % sur la même période pour l’ensemble de la zone euro.

En ce qui concerne le crédit aux collectivités locales, sujet qui vous préoccupe légitimement, afin d’éviter tout risque de détérioration de l’accès au financement, nous avons décidé de mettre en place une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros à partir des fonds d’épargne, dont 2 milliards d’euros seront disponibles dans les tout prochains jours.

Cette enveloppe s’ajoute aux 5 milliards d’euros que le Gouvernement avait déjà débloqués à la fin de l’année dernière. Elle permet d’organiser la période de transition avant la finalisation de la mise en place de la nouvelle filiale commune de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque postale, issue du plan de restructuration ordonnée de Dexia. La nouvelle structure sera opérationnelle d’ici à la fin du premier semestre 2012.

Nous veillons aussi, naturellement, à ce que le secteur bancaire reste mobilisé pour financer l’ensemble des activités des collectivités locales.

Frédéric Lefebvre et moi-même avons réuni lundi dernier les principales banques françaises, la Banque de France et la Médiation du crédit. À l’issue de nos discussions, les banques se sont engagées à octroyer environ 10 milliards d’euros de crédits nouveaux aux collectivités locales en 2012, hors nouvelle enveloppe sur fonds d’épargne. Au total, entre la constitution de la joint venture de la Caisse des dépôts et de la Banque postale, l’enveloppe de 5 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros seront immédiatement disponibles, et l’engagement pris par le secteur privé d’accorder 10 milliards d’euros de crédits nouveaux, les besoins de financement des collectivités locales, qui sont estimés, pour l’exercice 2012, entre 17 milliards et 20 milliards d’euros, devraient être satisfaits sans difficulté.

Par ailleurs, comme ses partenaires, la France a pris l’engagement, au G20 et devant les instances européennes, de participer à la fois à la consolidation budgétaire et au soutien à l’activité économique. C’est tout le sens des propositions qui seront présentées tout à l’heure avec beaucoup de talent et d’énergie par Valérie Pécresse. À cet instant, je voudrais simplement prendre le contre-pied de quelques idées reçues.

Les cotisations sociales à la charge des employeurs sont de vingt-deux points plus élevées en France qu’en Allemagne. Un rapport publié aujourd’hui par l’INSEE montre que la France détenait un net avantage en matière de coût du travail horaire dans l’industrie en 1996 mais que l’écart avec l’Allemagne s’est entièrement résorbé depuis, les coûts étant équivalents en 2008.

On constate donc indiscutablement une perte de compétitivité, qui s’explique par l’évolution des coûts horaires. L’INSEE ne manque d’ailleurs pas de souligner que la mise en place des 35 heures a lourdement contribué à cette dynamique. §

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

C’est un handicap évident, et cela ne peut plus durer !

Il est impératif d’enrayer cette évolution pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous souhaitons donc supprimer la cotisation « famille » des employeurs pour les salaires allant jusqu’à 2, 1 fois le SMIC, puis la réduire de façon dégressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC.

C’est là une mesure forte, dont les effets bénéfiques sur l’emploi sont avérés : de 200 000 à 400 000 emplois ont été créés ou préservés grâce aux allégements de charges de 1995, de 400 000 à 800 000 l’ont été grâce aux allégements de charges décidés en 2003 !

Les faits sont là, mesdames, messieurs les sénateurs : chaque fois que des allégements de charges ont été mis en œuvre en France, des centaines de milliers d’emplois ont été créés ou sauvegardés ; chaque fois, cela a profité à notre économie dans son ensemble.

Je ne préciserai que deux aspects de cette réforme ambitieuse, qui sera présentée dans le détail par Valérie Pécresse.

Ces allégements de charges concerneront d’abord les bas salaires et les PME. Ils visent les entreprises qui sont le plus exposées à la mondialisation ; 80 % des salariés de l’industrie seront concernés, et 97 % de ceux de l’agriculture.

Pour ce qui est du financement de la mesure, je veux souligner que le relèvement du taux normal de TVA n’aura pas d’incidence sur le pouvoir d’achat des Français.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

En effet, seul le taux normal de TVA est relevé. Or 60 % de la consommation des ménages français est assujettie aux autres taux de la TVA. Par ailleurs, le montant de l’augmentation de TVA est de 25 % inférieur à celui de la réduction des cotisations sociales. Il s’agit donc d’un projet vertueux.

En ce qui concerne maintenant le Mécanisme européen de stabilité, celui-ci sera mis en œuvre à partir du 1er juillet prochain, alors que l’échéance avait initialement été fixée au 1er janvier 2013. Il a été décidé d’inscrire ce dispositif dans la durée. Le montant de sa dotation n’a pas été modifié : il demeure fixé à 80 milliards d’euros, soit une quote-part, pour la France, de 16, 5 milliards d’euros. Cette contribution de 16, 5 milliards d’euros devait être versée en cinq annuités de montant égal. Il a été décidé d’anticiper les versements : dès 2012, la France versera deux annuités au lieu d’une, soit un montant de 6, 5 milliards d’euros. Ce versement, je le rappelle, n’a aucune incidence sur le déficit public.

Davantage de solidarité européenne, cela signifie aussi davantage de discipline. C’est la raison pour laquelle le traité intergouvernemental instaure un ensemble de règles contraignantes, assorties de sanctions financières, qui s’imposeront de manière quasiment automatique. Ces règles préviendront et sanctionneront toute dérive budgétaire et tout déséquilibre macroéconomique.

Avec l’implication des parlements nationaux, la France a œuvré à l’ajout de deux volets complémentaires au traité, portant d’une part sur le renforcement de la gouvernance économique au sein de la zone euro, d’autre part sur la coordination des politiques économiques en vue de promouvoir la croissance.

En conclusion, j’évoquerai les contours de la nouvelle taxe sur les transactions financières.

La France a joué un rôle moteur, au sein du G20, sur cette question. Le Président de la République a lui-même été à l’origine d’une mobilisation générale autour de la mise en œuvre d’une contribution du secteur financier à la résorption de la crise.

Le dispositif que nous vous présentons aujourd’hui comporte deux volets.

Le premier consiste en l’instauration d’une taxe sur les acquisitions d’actions. L’objectif est de faire participer le secteur financier, comme je le disais à l’instant, au redressement des finances publiques.

Le second a trait à la mise en place de deux taxes destinées à modifier les comportements des acteurs de marché, dans la mesure où elles frapperont les activités les plus spéculatives. L’une porte sur les activités dites de « trading haute fréquence », l’autre sur la détention de certains contrats d’échange sur défaut souverain, ou CDS.

Cette dernière taxe permet de cibler spécifiquement les opérations de pure spéculation sur le défaut d’un État et de contraindre les opérateurs de marché à ne plus effectuer de telles opérations. Ce n’est en aucun cas une alternative au projet européen. Nous continuerons d’ailleurs d’apporter notre plein soutien de principe au projet de directive.

Huit autres ministres des finances de pays de la zone euro se sont joints à moi pour adresser une lettre à la présidence danoise de l’Union européenne, afin de l’inviter à accélérer le calendrier de la mise en œuvre du projet de directive. Réunir neuf États membres permet de mettre en place un projet de coopération renforcée.

C’est une avancée politique que nous devons à la détermination du Président de la République et de la Chancelière allemande. En tout état de cause, cela montre que la proposition de taxe inscrite dans ce projet de loi de finances rectificative contribue à accélérer la dynamique européenne. Nous voulons que ce nouveau dispositif entre en vigueur au 1er août 2012.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans un contexte économique difficile, le Gouvernement continue d’agir, de réformer ; il prend des mesures courageuses, pour l’avenir de la France comme pour le soutien à l’Union européenne. Je ne doute pas que la qualité de vos débats permettra d’éclairer l’opinion sur les enjeux et sur les positions des uns et des autres. §

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord rendre hommage à la commission des finances du Sénat, qui a examiné ce projet de collectif budgétaire dans des délais très serrés.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Présenter ce collectif était indispensable. La France, comme la plupart des pays européens, doit aujourd’hui relever deux grands défis : celui de la croissance et celui du désendettement. Au cœur de ces deux défis, il y a une notion essentielle : la compétitivité.

Il n’y aura ni croissance forte et durable, ni amélioration de l’emploi, ni désendettement possible si nous ne prêtons pas une attention toute particulière à la compétitivité de notre économie et de nos entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la compétitivité est donc au cœur de ce collectif. Si nous vous le présentons maintenant plutôt qu’hier ou que demain, c’est parce qu’il y a des décisions incontournables à prendre aujourd’hui même pour l’avenir de notre pays et que la conjoncture économique est indifférente au calendrier électoral ; mais surtout, c’est parce que les Français ne peuvent pas attendre : quand il s’agit de la croissance et de l’emploi, l’attentisme ne peut pas être une politique.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Dans ces conditions, accuser le Gouvernement d’agir trop tôt ou trop tard n’a tout simplement pas de sens : l’important, c’est d’agir !

Cela fait quinze ans que notre pays est pris dans une spirale de déficit de compétitivité et notre responsabilité, aujourd’hui, est de tout mettre en œuvre pour l’en sortir, en poursuivant notre ambitieux programme de réformes. En effet, notre action s’inscrit dans une continuité parfaite depuis cinq ans.

Ce collectif va donc nous permettre de réaliser une nouvelle avancée majeure en matière de compétitivité.

Les chiffres sont parlants : si l’investissement et la consommation des ménages se portent plutôt bien, avec des hausses respectives de 0, 9 % et de 0, 2 % au quatrième trimestre 2011, nos performances commerciales, elles, se dégradent depuis plus de dix ans. Nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l’Allemagne. Notre part dans les exportations de la zone euro est passée de 15, 8 % en 2000 à 12, 9 % aujourd’hui. Parallèlement, nous importons de plus en plus : la part des importations dans la consommation de produits manufacturés des ménages est passée de 28 % à 42 %. Nous avons perdu 500 000 emplois industriels depuis dix ans, et notre déficit extérieur s’aggrave continûment depuis quinze ans.

Nul ne peut le contester, nous avons bel et bien un problème de compétitivité, en grande partie lié à la faiblesse de nos exportations. Devant cette situation, depuis 2007, nous n’avons pas cessé d’agir.

La gauche semble aujourd’hui découvrir ce problème et voudrait s’y attaquer en agissant d’abord sur la compétitivité hors coûts. Cette conversion tardive est louable, mais je rappelle que, depuis 2007, ce gouvernement a agi sur la compétitivité hors coûts au travers de deux paramètres essentiels.

Le premier de ces paramètres est l’innovation. En triplant le crédit d’impôt recherche, en réformant en profondeur le fonctionnement de notre appareil de recherche, en lançant un programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros, nous avons posé les bases d’une amélioration considérable de notre capacité d’innovation qui se diffuse largement dans notre tissu productif, puisque 80 % des bénéficiaires du crédit d’impôt recherche sont des PME.

Le second paramètre est l’investissement. En réformant la taxe professionnelle, nous avons supprimé une taxation pesant exclusivement sur l’investissement de nos entreprises. Cet effort de 5 milliards d’euros annuels constitue, là encore, une avancée majeure, dont 80 % des bénéficiaires sont des PME. Il s’ajoute aux 30 milliards d’euros investis depuis 2007 par l’intermédiaire du FSI, le Fonds stratégique d’investissement, et d’OSEO pour aider nos entreprises à se financer.

Aujourd’hui, avec l’abaissement du coût du travail, nous ouvrons le deuxième acte de cette politique, celui de la compétitivité-prix. En effet, c’est faire preuve de beaucoup d’aveuglement que d’ignorer l’incidence du coût du travail sur notre compétitivité.

Je rappellerai quelques chiffres à cet égard : le coût du travail par unité produite a augmenté entre 2000 et 2009 de 20 % en France, contre 7 % seulement en Allemagne ; pour un même coût du travail, par exemple 4 000 euros bruts, l’entreprise allemande acquitte 695 euros de charges patronales, l’entreprise française 1 217 euros, soit presque le double, le salarié français recevant 2 400 euros nets, son homologue allemand 2 615 euros. Au final, ce sont les salariés français et l’emploi en France qui sont pénalisés.

Nier notre problème de coût du travail, comme le fait aujourd’hui la gauche, n’est tout simplement pas possible. Il y a quinze ans, elle disait d’ailleurs strictement l’inverse : ainsi, à l’époque, M. Jospin écrivait à Edmond Malinvaud que le niveau des prélèvements sur le travail était l’un des problèmes majeurs de l’économie française et il avait fait de la réduction du coût du travail la sixième proposition du programme du parti socialiste en 2002.

Que dire de la proposition de François Hollande d’augmenter les cotisations sociales d’un point au minimum pour financer un retour en arrière sur la réforme des retraites, au risque de détruire des dizaines de milliers d’emplois ? Aucun gouvernement en Europe, de gauche ou de droite, ne s’aventure à soutenir un tel contresens ! Nous proposons de baisser le coût du travail, vous préconisez de l’augmenter : les Français sauront choisir entre ces deux politiques !

Dans cette perspective, le Gouvernement propose de supprimer totalement les cotisations « famille » pour les salaires allant jusqu’à 2, 1 fois le SMIC, puis de les réduire de manière dégressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC. Cette réduction des charges sociales, qui apportera un avantage de compétitivité de 13, 2 milliards d’euros, sera financée d’une part par une augmentation de 1, 6 point de la TVA à taux normal, ce qui représente une somme de 10, 4 milliards d’euros – la hausse de la TVA est donc plus faible que la baisse du coût du travail –, d’autre part, dans un souci permanent d’équité, par une augmentation de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, soit une recette supplémentaire de 2, 6 milliards d’euros, apportée à hauteur de 50 % par les 5 % de ménages les plus riches. C’est là une nouvelle preuve que l’équité fiscale est au cœur de notre action.

Ce basculement de charges sociales vers la fiscalité représentera un gain de compétitivité majeur pour les entreprises, puisque la baisse de la masse salariale pourra aller jusqu’à 5, 4 %. Ses effets seront immédiats. Dans un contexte de croissance ralentie et de concurrence accrue, l’intérêt des entreprises sera, dans la grande majorité des cas, de répercuter immédiatement la baisse des charges sur les prix, afin de gagner des parts de marché. J’ai accompagné le Premier ministre lors de son déplacement dans la Somme, la semaine dernière : les industriels de ce département étaient unanimes pour dire qu’une différence de prix de 1 % à 2 % décidait de l’attribution ou de la perte d’un marché. Une diminution de 5, 4 % de la masse salariale représente donc un gain de compétitivité considérable pour nos entreprises.

Il résultera de l’application de cette mesure que les produits français seront avantagés par rapport aux produits importés, puisque les produits fabriqués en France verront leur prix baisser, sur le marché national et à l’exportation, alors que les produits importés subiront la hausse de la TVA sans bénéficier de la baisse de charges.

J’ajoute que le ciblage que nous avons retenu assure qu’il y aura un lien étroit entre emploi et compétitivité.

Le barème des allégements de charges doit d’abord être simple, pour pouvoir s’appliquer facilement aux PME et aux TPE. C’est pourquoi nous avons prévu une suppression intégrale des charges sociales familiales jusqu’à 2, 1 fois le SMIC et dégressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC. Ce ciblage nous permet de donner aux PME et aux TPE un avantage plus important que celui dont bénéficieront les grands groupes. Je sais que la Haute Assemblée est très attachée à un tel rééquilibrage fiscal entre PME et grands groupes.

Les PME et les TPE bénéficieront en effet de la moitié de la baisse du coût du travail : le gain immédiat sera pour elles de 6, 5 milliards d’euros. L’essentiel des salariés des TPE seront concernés. Or, on le sait, ce sont d’abord elles qui créent l’emploi en France.

Le barème retenu nous permet en outre de cibler la baisse des charges sur les secteurs les plus exposés à la concurrence, au premier chef l’industrie, puisque notre barème permet d’alléger le coût du travail de 3, 3 milliards d’euros dans ce secteur, soit 25 % de l’allégement global. Je m’étonne donc d’entendre dire que l’industrie serait insuffisamment concernée par cette mesure.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

L’industrie bénéficiera de 25 % de l’allégement global, alors qu’elle ne représente que 13 % de la valeur ajoutée française.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il ne faut pas que l’allégement profite au secteur du commerce ! C’est l’industrie qui est exposée !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

L’industrie profitera donc largement de la mesure, bien au-delà de son poids dans l’économie française, sachant que 80 % des salariés de l’industrie perçoivent moins de 2, 4 fois le SMIC.

Notre barème couvre également 97 % des salariés agricoles, mais aussi très largement ceux des transports, de la recherche et développement et des services aux entreprises, qui sont eux aussi soumis à une concurrence internationale accrue.

Le barème que nous avons retenu nous permet donc de viser à la fois la compétitivité et l’emploi. J’indique à Mme la rapporteure générale qu’aucune étude sérieuse n’avait jamais été faite, dans le passé, sur les conséquences de la mise en place d’une baisse des charges sociales ciblée dans l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ah bon ? C’est le Trésor qui va être content ! Il aura travaillé pour rien !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous avons réalisé une telle étude en collaboration avec la direction générale du Trésor et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES : la baisse des charges que nous proposons d’instaurer devrait déboucher sur la création d’environ 100 000 emplois, au bénéfice, en priorité, des classes moyennes.

Toutes les études qui ont été faites sur la TVA sociale, madame Bricq, notamment le rapport Besson, portaient sur une baisse des charges sociales concernant l’ensemble de la grille des salaires, y compris le haut de celle-ci, tandis que la réforme que nous proposons est ciblée, d’où sa forte incidence sur l’emploi. Sachant que les précédents allégements de charges ont permis de créer ou de préserver entre 400 000 et 800 000 emplois, on conviendra que notre estimation selon laquelle environ 100 000 emplois devraient être créés est difficilement contestable. Cette politique a largement prouvé, par le passé, son efficacité. D’ailleurs, M. Manuel Valls, avant qu’il ne devienne porte-parole de François Hollande, la vantait lui-même en affirmant qu’une hausse de 10 milliards d’euros de la TVA permettrait de créer quelque 300 000 emplois. §

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Quand une mesure fait consensus, pourquoi ne pas le dire ? Grâce à ce dispositif, nous allons créer de l’emploi marchand, tandis que la mise en œuvre de votre programme en détruirait.

Enfin, contrairement à ce qu’en dit la gauche, cette réforme n’aura aucune incidence significative sur le pouvoir d’achat. §

Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, vous aimez à dénaturer cette réforme, probablement pour faire oublier que vos propositions aboutiraient à accroître le coût du travail.

La première des caricatures, c’est de faire croire que cette réforme consiste à augmenter les taxes au profit de l’État.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mais non, cette réforme vise avant tout à abaisser le coût du travail : son objet est de développer l’emploi, …

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

La baisse du coût du travail est strictement égale au produit de la hausse de la TVA et des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine – vous les oubliez toujours –, qui sera directement affecté à la branche famille de la sécurité sociale. Il s’agit bien d’un transfert de fiscalité vers la sphère sociale qui n’augmente pas les prélèvements obligatoires. Il n’y aura donc pas de hausse globale des impôts.

La seconde caricature, c’est d’invoquer le spectre d’une inflation galopante. En réalité, la réforme aura une très faible incidence sur les prix et le pouvoir d’achat des ménages.

Tout d’abord, la baisse du coût du travail, qui atteindra 13 milliards d'euros, est supérieure à la hausse de la TVA, qui représentera 10 milliards d'euros.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Ensuite, 60 % de la consommation des Français relève d’un taux de TVA nul ou réduit. C’est notamment le cas des loyers, des produits alimentaires, des médicaments. Ces biens et services bénéficieront dans une large mesure de la baisse du coût du travail et leur prix devrait donc diminuer.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Enfin, pour les 40 % restants, les trois quarts des produits achetés sont fabriqués en France et verront leur prix hors taxe baisser.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Certes, les produits importés, qui représentent 10 % de la consommation des ménages, subiront une hausse de TVA « sèche », sans baisse du coût du travail. Mais l’objectif de la réforme est justement de décourager les délocalisations et d’améliorer la compétitivité des produits français par rapport à ceux qui sont fabriqués chez nos partenaires européens. Néanmoins, nous estimons que le prix des produits importés, qui sont soumis à une pression concurrentielle extrêmement forte et dont les fabricants cherchent à gagner des parts de marché, ne devrait pas augmenter significativement. Les expériences étrangères, en particulier celles du Danemark ou de l’Allemagne, nous confirment qu’une telle réforme a peu d’effet sur les prix et nous incitent à suivre la même voie.

Dans ces conditions, comprenez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’accepte pas l’idée selon laquelle cette réforme grèverait le pouvoir d’achat des Français. Je l’accepte d’autant moins que les sénateurs socialistes soutiennent l’augmentation des cotisations pour la retraite proposée par M. Hollande ! Cette augmentation, dont la finalité est de détricoter la réforme des retraites, représente une perte annuelle de 230 euros pour un couple dont chacun des membres gagne 1 500 euros par mois.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Qui, dans ces conditions, porte atteinte au pouvoir d’achat des ménages ?

Augmenter les cotisations sociales salariales et patronales de 5 milliards d’euros, raboter les allégements de charges pour les bas salaires, remettre en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, revenir sur la réforme de la taxe professionnelle, voilà le projet de l’opposition pour les PME : des charges, des charges, encore des charges, au détriment de leur compétitivité et de l’emploi ! Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, votre déclaration d’amour aux PME est en fait une déclaration d’impôt !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Notre projet est radicalement différent : il est d’alléger les charges pour donner aux entreprises la compétitivité qui leur fait défaut, afin qu’elles puissent produire en France, exporter et créer des emplois.

Cependant, je l’ai dit, en matière de compétitivité, les coûts ne sont pas l’unique déterminant. C’est la raison pour laquelle ce collectif contient également des avancées en termes de compétitivité hors prix, concernant le financement des entreprises et la formation des jeunes.

Dans le prolongement de notre action de financement des PME, nous proposons de créer une banque de l’industrie, filiale d’OSEO, qui sera spécifiquement dédiée au financement des PME et des établissements industriels de taille intermédiaire.

Cette banque de l’industrie sera dotée de 1 milliard d’euros de fonds propres et viendra compléter le socle très puissant des moyens que nous consacrons depuis 2007 au financement de l’industrie, par le biais notamment d’OSEO, du Fonds stratégique d’investissement et des investissements d’avenir.

Nous souhaitons, par ailleurs, accentuer notre effort en matière de formation en alternance : c’est, on le sait, un véritable tremplin vers l’emploi, contrairement aux différentes formules d’emplois jeunes, quel que soit leur nom. Avec le plan de développement de l’apprentissage, nous avons déjà obtenu de très bons résultats : près de 500 000 jeunes sont entrés en alternance en 2011 ; toutefois, il faut aller plus loin. Il est clair que, dans notre pays, les grandes entreprises ne font pas assez d’efforts à cet égard : la plupart d’entre elles comptent moins de 1 % d’apprentis, alors que nous avons fixé un quota de 4 %.

C’est pourquoi, au travers de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, nous faisons deux propositions : d’une part, doubler les pénalités pour les grandes entreprises qui ne respectent pas la règle du jeu ; d’autre part, relever le quota de jeunes en alternance à 5 %. À terme, grâce à la mise en application de ce nouveau quota, les entreprises devraient embaucher 270 000 jeunes de plus qu’aujourd’hui.

Outre les mesures tendant à renforcer la compétitivité, le collectif vise à garantir le respect de notre engagement en matière de déficit pour 2012, en dépit d’une croissance plus faible que prévu. Toutefois, François Baroin l’a dit excellemment, l’INSEE a confirmé que le quatrième trimestre de 2011 avait été meilleur qu’envisagé : la croissance française a été de 0, 2 %, alors que la zone euro et nos principaux partenaires connaissent, quant à eux, une récession. Les PIB de l’Allemagne et du Royaume-Uni ont ainsi reculé de 0, 2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Il ne faut pas grand-chose pour vous satisfaire !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale, nos bons résultats sont, je le crois, de nature à faire taire les Cassandre qui nous annonçaient la récession, en l’imputant à Nicolas Sarkozy. Puisque le spectre de la récession s’éloigne, ces Cassandre ne pourront donc que reconnaître l’efficacité de la stratégie adoptée par le Gouvernement : nous avons su réduire nos déficits publics…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… par des mesures ciblées, sans pour autant peser sur la croissance.

Nous atteignons ainsi un acquis de croissance de 0, 3 %. C’est une bonne nouvelle, et cela prouve que la révision de notre prévision de croissance, passée de 1 % à 0, 5 %, est totalement crédible, tout en restant prudente.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame Borvo Cohen-Seat, nous sommes prudents en permanence. Rappelez-vous ce que disait Lionel Jospin après le 11 septembre 2001 : « on ne change pas un budget dans l’urgence ».

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C’était un contresens absolu ! De ce fait, le budget voté pour 2002 était totalement insincère, son élaboration ayant répondu à des motivations électoralistes.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour notre part, telle n’est pas notre stratégie. Nous sommes sincères et prudents

Applaudissementssur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Au total, cette révision pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d’euros. Mais son incidence sur les recettes sera intégralement compensée, sans qu’il soit besoin de mettre en place un troisième plan de rigueur.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Là aussi, les Cassandre en sont pour leurs frais !

Si nous ne demandons pas le moindre euro supplémentaire aux Français, c’est grâce à la très bonne gestion qui a caractérisé l’exercice 2011 et à la prudence de nos hypothèses pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cela prête à sourire : les déficits se sont creusés !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

J’évoquerai, d’abord, la bonne gestion.

Pour 2011, alors que l’opposition a répété, pendant des mois, que nous ne tiendrions pas nos objectifs, nos résultats seront meilleurs que prévu, de 4 milliards d'euros au minimum. Le déficit public, dont on pensait qu’il s’établirait à 5, 7 %, devrait être inférieur à 5, 5 %. Ce bon résultat aura naturellement des prolongements en 2012, à hauteur de 3, 6 milliards d'euros, et explique en grande partie pourquoi nous pouvons absorber le ralentissement de la conjoncture et de la croissance sans avoir besoin d’un plan d’effort supplémentaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, ces 4 milliards d’euros sont loin d’être le fruit du hasard. Ils témoignent de la sincérité et de la réactivité de la gestion des comptes publics par le Gouvernement, en dépit des incertitudes qui pèsent sur la conjoncture.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En matière de gestion, nous avons fait des choix importants : nous avons réduit de 260 millions d'euros les dépenses de l’État – c’est une première depuis 1945 –, nous avons sécurisé nos recettes fiscales à hauteur de 1, 3 milliard d’euros et nous avons consacré l’ensemble des produits exceptionnels, soit 3, 1 milliards d'euros, à la réduction du déficit. Sur ce dernier point, il s’agit des efforts de valorisation du patrimoine de l’État, notamment de la mise aux enchères des fréquences de téléphonie mobile de quatrième génération pour 800 millions d'euros.

Cette bonne gestion s’accompagne de prudence. L’opposition nous a reproché, pendant des mois, d’en avoir manqué, mais, sur ce point encore, elle est démentie par les faits.

Notre estimation des taux d’intérêt, par exemple, est très prudente, ce qui nous permet de bénéficier de marges de manœuvre supplémentaires. Sur la base des taux de court terme constatés – 0, 17 % à trois mois – et d’un scénario de remontée progressive, l’économie potentielle sur la charge de la dette dépasse largement, en théorie, 1 milliard d’euros. Nous proposons, à ce stade, de ne retenir qu’une partie de cet effet attendu sur la dette à court terme, soit 700 millions d’euros, afin de nous prémunir contre les conséquences d’un éventuel risque inflationniste.

Autre marque de prudence, nous avons pris la décision d’augmenter la réserve de précaution, pour la porter à 6 milliards d'euros.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Là encore, cela nous permet de gérer la moindre croissance sans difficulté. Nous annulons, sur cette réserve, 1, 6 milliard d’euros de crédits, dont 400 millions d’euros sont redéployés pour financer les mesures en faveur de l’emploi annoncées lors du sommet sur la crise du 18 janvier dernier. Il reste donc des marges de manœuvre, à hauteur de 4, 4 milliards d'euros, pour faire face aux aléas de l’exécution du budget de 2012. Je rappelle que nous avions annulé plus de 2 milliards d'euros sur la réserve en 2011.

Ce collectif consolide par ailleurs nos recettes, grâce à deux décisions importantes.

D’abord, nous disposerons dès 2012 des gains liés à la mise en place de la taxe sur les transactions financières, dont François Baroin vous a parlé. Cette année, ladite taxe engendrera 500 millions d’euros de recettes en droits constatés. En année pleine, les recettes estimées sont de 1, 1 milliard d’euros.

Ensuite, nous durcissons encore notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ce qui devrait accroître nos recettes de 300 millions d’euros. Conformément à notre stratégie sans concession à l’égard de la fraude fiscale et sociale, je vous propose, au travers de ce collectif, de décupler le montant des amendes sanctionnant la fraude et l’évasion fiscales, qui n’ont pas été revalorisées depuis des décennies, et de faire de l’évasion fiscale un facteur aggravant dans l’échelle des peines applicables.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, comment sera intégralement compensée l’incidence de la révision de la croissance sur nos recettes. De la même manière que nous avons tenu notre objectif pour 2011, en dépit de deux révisions de la croissance, nous respecterons notre objectif pour 2012, avec une croissance moindre que prévu.

Le candidat François Hollande a dit que si la croissance n’était pas au rendez-vous, il ne tiendrait pas ses engagements de réduction des déficits publics. Les nôtres sont intangibles : quoi qu’il arrive, nous progresserons au rythme prévu sur le chemin du désendettement, pour atteindre l’équilibre en 2016, et non en 2017 – de surcroît seulement si la croissance est au rendez-vous –, comme l’annonce le candidat socialiste. C’est là toute la différence. Nous engageons la parole de la France, dans un esprit de totale responsabilité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous n’engagez rien du tout, vous n’êtes pas crédibles !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif s’inscrit, avec une parfaite cohérence, dans la stratégie globale du Gouvernement. Il repose sur les deux piliers fondamentaux de notre action, qui sont autant d’engagements envers les Français : garantir le retour à l’équilibre budgétaire, en réduisant nos déficits publics, et réamorcer la croissance, en restaurant notre compétitivité.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

La Cour des comptes l’a souligné dans son rapport sur la situation des finances publiques : sur le chemin qui mène à la croissance, le désendettement et la compétitivité sont deux exigences incontournables. C’est aussi la stratégie que préconisent la Commission européenne et le FMI.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette stratégie n’est donc ni de droite ni de gauche, elle est tout simplement d’intérêt général. C’est celle qui a fait ses preuves ailleurs en Europe, celle qui nous permettra de sortir renforcés de la crise, celle qui repose sur le choix de la lucidité et du courage, un choix que je vous propose de faire ensemble en adoptant ce collectif budgétaire.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est inédit : sa discussion au Sénat intervient soixante jours avant l’élection présidentielle, alors même que le Président de la République, qui a voulu ce texte, est désormais candidat à part entière.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est l’abandon d’un principe républicain. Il était en effet entendu, jusqu’à présent, que l’on s’abstenait d’engager des réformes substantielles dans les semaines précédant les consultations électorales nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Lorsque l’on est en campagne électorale, on confronte son programme à celui de ses adversaires.

Or, le 8 février 2012, le conseil des ministres a innové sur le plan institutionnel en décidant de soumettre au vote des assemblées parlementaires une composante d’une plateforme électorale. Le Gouvernement a choisi de soumettre au Parlement une réforme dont plusieurs voix autorisées qui comptent à droite disent depuis plusieurs années qu’elle constitue une réforme de début de mandat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je fais référence ici, vous l’aurez compris, à la hausse généralisée de la TVA, curieusement qualifiée de « TVA sociale », mais aussi de « TVA emploi », de « TVA antidélocalisation », ou encore de « TVA compétitivité » ; bref, c’est un remède miracle ! Ces appellations, consécutives ou cumulatives, n’ont pas eu de succès, au point que désormais le Gouvernement ne qualifie plus sa réforme. C’est déjà ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je conteste donc le principe de ce collectif budgétaire, même si, juridiquement, le Gouvernement a la maîtrise de son ordre du jour réservé. En période pré-électorale, on peut concevoir un collectif budgétaire si les intérêts du pays sont menacés ou si des mesures urgentes sont nécessaires. Or, dans ce collectif, rien n’est urgent ! Dans le cas où le président-candidat serait réélu, les principales mesures qu’il contient n’entreraient pas en vigueur avant le mois d’août s’agissant de la taxe sur les acquisitions d’actions françaises et avant octobre pour ce qui est de la hausse de la TVA. Quant aux annulations de crédits, elles peuvent attendre, puisqu’elles portent sur des crédits qui sont déjà gelés. Il importe simplement que le Gouvernement s’abstienne de les dégeler d’ici là. Quant à la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité, on aura observé que la date retenue par les États pour l’entrée en vigueur de ce dernier est non pas le 1er juillet 2012, mais juillet 2012. Dès lors que la France a manifesté son intention de contribuer dans les délais, rien ne l’oblige à s’exécuter dès aujourd’hui.

Si rien n’est urgent dans ce collectif budgétaire, certaines de ses mesures sont carrément nocives. À partir du moment où le Gouvernement veut traduire les annonces du candidat- président dans une loi de finances rectificative, madame la ministre, il est obligé de réviser sa prévision de croissance pour satisfaire au principe de la sincérité budgétaire. C’est donc par là que je commencerai ma revue du texte.

Un taux de croissance de 0, 5 % reste une hypothèse plausible pour 2012, même si le consensus des conjoncturistes est désormais plus proche de 0 %.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

On a déjà 0, 3 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mais lui avait pris le risque d’annoncer dès le 25 janvier une croissance de 0, 5 %.

N’ayant pas de boule de cristal, je ne m’aventurerai pas plus loin sur le terrain des prévisions de croissance ! En revanche, je dois constater que, comme à son habitude, le Gouvernement court toujours après la conjoncture plutôt que de l’anticiper. En estimant que la révision à la baisse de l’hypothèse de croissance imposait de prendre des mesures supplémentaires à concurrence de 5 milliards d’euros pour respecter l’objectif de déficit de la fin de l’année, le Gouvernement s’est, encore une fois, calé sur l’hypothèse la plus favorable, celle dans laquelle la crise ne réduit pas l’élasticité des recettes par rapport au produit intérieur brut.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Pour financer les 5 milliards d’euros dont il a besoin pour tenir la trajectoire de déficit, le Gouvernement profite, à hauteur de 3 milliards d’euros, des effets de l’exécution de 2011, mais il a aussi recours à la méthode très pratique consistant à transmettre à son successeur une « pilule empoisonnée » : je veux parler des annulations de crédits dans la réserve de précaution qu’il nous est proposé de voter. Depuis le mois de septembre, cette question nous oppose, madame la ministre.

Il faut avoir à l’esprit que, chaque année, la réserve de précaution est utilisée en cours d’exercice pour financer des besoins imprévus. En fin d’année, il reste de 100 millions à 200 millions d’euros de crédits – ce chiffre s’élevait à 114 milliards d’euros en 2010 et à 228 millions d’euros en 2011 –, que le Gouvernement peut choisir d’annuler. Or, dans ce collectif, on nous propose d’annuler dès le mois de février 1, 2 milliard d’euros ! Ce n’est peut-être pas impossible, mais une telle demande est inédite. Pour qu’un tel changement d’échelle soit convaincant, il aurait fallu que le Gouvernement donne des précisions tant sur les ministères qui seront touchés que sur les dépenses ou projets précis qui seront concernés. Mais une fois encore, madame la ministre, lorsqu’il s’agit de dépenses, le Gouvernement préfère rester dans le vague…

Pour en terminer avec l’équilibre de ce collectif, le Gouvernement compense – au moins formellement – les conséquences sur le déficit de la révision à la baisse de la croissance, certes, mais il n’en demeure pas moins que le présent texte traduit, par rapport à la loi de finances initiale, une aggravation du déficit de l’État de 6, 2 milliards d’euros. On peut donc dire que ce collectif a pour objet d’augmenter à la fois le déficit et les impôts sur les ménages.

Les prélèvements obligatoires ont été alourdis de 43 milliards d’euros entre 2010 et 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mon travail est de faire les comptes, monsieur Dallier, et de dresser un constat ! Je ne crois pas que mes chiffres soient contestables.

Cette fois-ci, les hausses d’impôt générales prévues par le collectif budgétaire pèseront sur les ménages, afin de compenser une réduction à due concurrence des cotisations sociales des entreprises : c’est le principe de la TVA dite « sociale ».

Ceux – il y en aura ! – qui, dans l’avenir, s’intéresseront au débat fiscal en France au tournant des années 2010 seront stupéfaits ! Voilà une réforme longuement débattue au sein de la droite, régulièrement écartée par les gouvernements que celle-ci soutient, passionnément défendue par certains, notamment dans cet hémicycle, toujours présentée comme un tournant majeur pour notre système fiscal, voire pour notre modèle économique ; eh bien ce que l’on voudrait nous vendre aujourd’hui comme un premier pas vers une grande réforme, qui aurait pu être présentée et défendue par les mêmes en début de mandat, est mise en œuvre sans enthousiasme par un gouvernement finissant, à peine soutenu par une majorité inquiète, comme on a pu le voir à l’Assemblée nationale ou hier en commission des finances ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est, en fait, le bouquet final d’un quinquennat d’improvisation et de revirements fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mon collègue Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, soulignera ses conséquences sur le financement de la protection sociale.

Je dirai simplement, pour ma part, que la TVA sociale est une mauvaise idée proposée à partir d’un diagnostic erroné, selon lequel le coût salarial serait le facteur essentiel de notre perte de compétitivité. Or, un bon indicateur de la compétitivité de l’économie française nous est fourni par le récent rapport de la Commission européenne sur les déséquilibres macroéconomiques : la France a perdu, en cinq ans, 19, 4 % de parts de marché à l’exportation, soit le pire score de l’Union européenne après la Grèce et Chypre ! Cela ne s’explique pas par un coût du travail qui serait trop élevé, puisque, dans le secteur manufacturier, il est comparable à celui de l’Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cela s’explique par le déficit de compétitivité hors prix de l’économie française. Le diagnostic du Gouvernement étant mauvais, le remède ne sera pas efficace.

Je voudrais m’arrêter un instant sur l’argument principal mis en avant par le Gouvernement : cette mesure favoriserait l’emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il s’agit des fameux 100 000 emplois que l’abaissement des charges sociales permettrait de créer. Comment parviendrait-on à ce résultat ? Nul ne le sait, puisque le Gouvernement n’a pas publié le détail de ses simulations. Ce résultat serait-il susceptible de modifier de manière significative le niveau de l’emploi dans notre pays ? Pas vraiment, si l’on a en tête qu’une appréciation de l’euro de 10 % – qui détruirait 149 000 emplois – en annulerait totalement les effets.

Pour ma part, je me suis livrée à un exercice d’évaluation des effets de la réforme sur l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’en tire la conclusion que la réforme sera globalement sans effet sur le niveau de l’emploi. Elle pourrait même en détruire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Voici encore un paradoxe de ce collectif « de trop » : parmi toutes les façons possibles d’instaurer la TVA sociale, le Gouvernement a choisi – en ne ciblant pas les bas salaires – celle qui est la moins susceptible de créer des emplois… Pour le détail de mes investigations, je vous renvoie à mon rapport écrit. Je défie quiconque de me prouver que mes calculs sont erronés ! Du reste, l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, aboutit aux mêmes chiffres dans une étude récente, à quelques milliers d’emplois près.

Pour changer de sujet, tout en restant dans le même esprit, on peut également dire que, de toutes les manières de taxer les transactions financières, le Gouvernement a retenu celle qui est la plus éloignée des conceptions de ceux qui préconisent cette taxation depuis des années.

Le dispositif du Gouvernement est composé de quatre éléments.

Je commencerai par faire un sort à la « taxe alibi » sur les « CDS nus » sur titres souverains. Taxer un produit financier sur le point d’être interdit – il le sera à compter du 1er novembre 2012 – par l’Union européenne, cela n’a rien d’audacieux ! Il eût mieux valu l’interdire dès 2010, comme l’Allemagne. À l’époque, nous avions demandé à Mme Lagarde pourquoi elle refusait de prendre une telle mesure. Elle nous avait expliqué que ce n’était pas possible, pourtant cela l’était en Allemagne. Il faut savoir ce que l’on veut ! L’Union européenne s’est ralliée à la position allemande, et c’est tant mieux.

Quant à la taxe sur le trading haute fréquence, je relève, comme vous l’avez fait en commission, monsieur le ministre, que le Gouvernement reprend un dispositif que j’avais moi-même proposé en novembre et que le Sénat a voté. Je suis donc bien placée pour vous dire qu’il s’agit d’une taxe non pas sur les transactions financières, mais sur les non-transactions, puisqu’il s’agit de frapper des ordres annulés. Ce que j’ai jugé bon en novembre, je ne vais pas le juger mauvais en février, bien évidemment, même si, de son côté, le Gouvernement a complètement changé d’avis ! Ce sujet est essentiel, tant il s’agit d’une pratique nocive, déstabilisante pour les marchés, mais il est distinct de celui de la taxation des transactions financières. J’attends du prochain gouvernement français, quel qu’il soit, qu’il soutienne la Commission européenne, laquelle va être confrontée aux lobbies dans son effort d’encadrement de cette pratique, puisqu’elle ne veut pas aller jusqu’à l’interdire. À cet égard, je rappelle que nous avons examiné voilà quinze jours, sur l’initiative de la commission des affaires européennes, le projet de nouvelle directive sur les marchés d’instruments financiers.

Je voudrais maintenant souligner un fait cocasse. Dans la rédaction initiale du projet de loi, l’article consacré à la création d’une taxe sur les transactions financières supprimait une taxe existante et portant, précisément, sur des transactions financières, en l’espèce les cessions de parts de sociétés ! La majorité de l’Assemblée nationale n’ayant pas accepté la suppression d’une mesure votée par le Parlement sur l’initiative du Sénat, le Gouvernement a dû composer avec elle, a minima malheureusement.

J’en viens enfin au morceau de choix : la taxe sur les actions françaises.

Le dispositif technique s’inspire de la taxe britannique, le stamp duty ou droit de timbre, sans aller aussi loin qu’elle en matière de périmètre et de taux.

Cela étant, je préfère concentrer mon propos sur la portée politique de la décision du Gouvernement. La place financière de Londres se porte très bien malgré le stamp duty. La France crée son droit de timbre, après avoir supprimé l’impôt de bourse en 2008, …

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Ce n’est pas la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… mesure à laquelle nous nous étions opposés. L’industrie financière se déclare « soulagée ». Quel enseignement tirer de cette attitude, sinon que cette industrie a eu très peur lorsqu’elle a entendu la France annoncer son intention d’anticiper la création de la taxe européenne et qu’elle s’est rassurée lorsqu’elle a découvert le dispositif proposé ! J’ai pu m’en assurer personnellement.

Dès lors, la France rend-elle vraiment service à la cause de la taxe conçue par la Commission européenne, qui elle est une vraie taxe sur les transactions financières ? À mon sens, elle ouvre plutôt une porte de sortie aux gouvernements qui proclament leur soutien à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières tout en ayant peur d’affronter le secteur financier ! Avec la taxe sur les transactions financières « à la française » se fait jour un plus petit commun dénominateur, et l’on risque de voir se multiplier les taxes nationales à assiette étroite, au lieu de voir naître la taxe européenne.

L’objectif de lutte contre la spéculation est loin, on en revient à un impôt de bourse modernisé – c’est-à-dire adapté aux évolutions des plates-formes de négociation en Europe – qui ne frappe pas les transactions les plus spéculatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

L’habillage et la cosmétique sont vraiment des spécialités du Gouvernement. La création de la « banque de l’industrie », improvisée le 29 janvier par le Président de la République, en constitue une autre illustration.

Il y aurait matière à réorganiser les soutiens publics à l’industrie en regroupant au sein d’une même entité les prestations aujourd’hui fournies par différents acteurs, comme le propose François Hollande. Peut-être faudrait-il d’ailleurs envisager une régionalisation de l’action de cette entité, afin qu’elle intervienne au plus près du terrain et des grappes d’entreprises, qui sont nécessaires à la compétitivité de notre tissu industriel.

On peut douter, en revanche, de l’intérêt de se lancer dans un jeu de Meccano consistant à créer une filiale d’OSEO proposant les mêmes services que sa maison mère, sous prétexte de donner un semblant de contenu politique à une opération de recapitalisation qui aurait en tout état de cause dû être menée et qui avait du reste été réclamée en 2010, à hauteur de 1 milliard d’euros, par le président-directeur général d’OSEO. Les membres de la commission des finances du Sénat, qui l’avait auditionné, en sont témoins.

En outre, pour financer l’opération, on puise dans les crédits du programme d’investissements d’avenir, ce qui confirme sa nouvelle vocation de « cagnotte » destinée à financer, en dehors de la norme de dépense, des annonces présidentielles, au détriment de secteurs d’avenir comme le numérique et la croissance verte…

Je pourrais compléter mon propos en citant divers exemples tirés des vingt-huit articles additionnels ajoutés par l’Assemblée nationale.

Prenons, par exemple, l’article 2 bis relatif au rachat de leurs actions par les sociétés non cotées. Il s’agit d’une disposition qui avait été introduite dans la loi de finances avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier budgétaire. Elle nous revient aujourd’hui sous un habillage qui n’est pas plus satisfaisant, nous offrant surtout un nouvel exemple du double langage tenu par le Gouvernement en matière de régulation financière : d’un côté, on nous annonce une volonté sans faille de réguler les marchés et la finance ; de l’autre, on approuve des mesures qui tendent à accorder aux entreprises non cotées certains avantages dont bénéficient les sociétés cotées sans les soumettre aux mêmes exigences, au détriment de la transparence et de l’intégrité des marchés, quoi que l’on en dise !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Tout cela ne doit pas nous faire oublier l’essentiel, à savoir la situation de la zone euro.

Le programme de « prise en pension » à trois ans de la Banque centrale européenne a incontestablement permis de ramener le calme sur les marchés. Cette accalmie est bienvenue, mais rien ne garantit que la tempête ne soufflera pas à nouveau si les dirigeants européens ne se montrent pas à la hauteur des enjeux. Nous en reparlerons mardi prochain, lorsque nous examinerons les deux traités relatifs au Mécanisme européen de stabilité.

Cependant, ce projet de loi de finances rectificative aborde d’ores et déjà la mise en œuvre des décisions prises par les États de la zone euro, en permettant le versement des deux premières tranches de la dotation en capital de la France, qui explique la dégradation du déficit budgétaire constaté dans ce collectif. Il ne constitue que le premier de plusieurs versements, dont le montant total atteindra 16, 3 milliards d’euros.

Il faut toutefois garder à l’esprit que s’ajoutent à ces 16, 3 milliards d’euros de capital « appelé », dont le versement est certain, 126 milliards d’euros de capital « appelable », que la France s’engage, par le traité, à verser en cas de besoin.

Ce capital appelable du MES, dont la commission a débattu hier avec le directeur du Trésor, s’apparente à bien des égards à une garantie de l’État, dont la loi organique relative aux lois de finances prévoit qu’elle ne peut être accordée que par une loi de finances. C’est d’ailleurs au travers d’une loi de finances qu’a été accordée la garantie de l’État aux émissions du Fonds européen de stabilité financière, le FESF.

Par conséquent, si le Parlement décidait de ratifier le traité sur le MES en l’absence d’une « disposition miroir » inscrite dans une loi de finances, il permettrait que le seul fondement juridique interne de l’octroi de garantie soit un projet de loi de ratification, et non une loi de finances. La conformité à la LOLF du projet de loi de ratification serait discutable. J’imagine que le Gouvernement a mesuré la responsabilité qu’il prend à cet égard en élaborant ce projet de loi de finances rectificative…

Le MES constitue un mécanisme permanent de soutien aux États en difficulté en cas de menace pour la stabilité de la zone euro. Il est encore sous-dimensionné et ne peut se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, mais il représente un attribut fort de la solidarité européenne. Malheureusement, il a été instrumentalisé, pour des raisons de politique intérieure, par la Chancelière allemande et le Président de la République, qui ont conçu le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire, le TSCG.

Toutefois, étant d’un naturel optimiste, je veux croire que cette initiative franco-allemande véritablement contre-productive et prise sur une base intergouvernementale en court-circuitant le processus communautaire sera renégociée et connaîtra, en tout état de cause, le même sort que la précédente, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… à savoir le « pacte de compétitivité », devenu ensuite le « pacte euro + », que tout le monde a oublié alors qu’il avait été présenté, au printemps 2011, comme un instrument essentiel de la gouvernance européenne. Il y a fort à parier que ce qui est aujourd’hui présenté par le Gouvernement et la majorité parlementaire comme primordial, au prix d’une instrumentalisation que je viens de dénoncer, le sera beaucoup moins d’ici quelques mois. Nous reviendrons sur ces sujets mardi prochain, lorsque nous examinerons les deux projets de loi de ratification des traités relatifs au MES.

Je conclurai en réitérant les raisons principales qui ont conduit la commission des finances à déposer une motion tendant à opposer la question préalable à ce projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il n’y a pas lieu de délibérer d’un tel texte en pleine campagne présidentielle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… dès lors que, sur le plan des principes, il ne contient aucune disposition urgente et que, sur le fond, nous sommes opposés à l’essentiel de ses dispositions.

Mes chers collègues, pourquoi légiférer aujourd’hui sur des dispositions qui vont à l’encontre des propositions que nous entendons mettre en œuvre demain ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

C’est l’aveu final : nous devons attendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de deux articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012 : l’article 1er, relatif aux dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises, qui prévoit la création de la TVA dite « sociale » et tous les ajustements qui lui sont liés ; l’article 8, relatif à la contribution supplémentaire à l’apprentissage, dont le barème serait augmenté pour les entreprises de plus de 250 salariés ne respectant pas un quota de jeunes en formation par alternance, lui-même en augmentation.

Avant de vous livrer les principales observations de notre commission sur le contenu de ces articles, je voudrais insister sur la méthode employée par le Gouvernement.

En ce 22 février, à deux mois exactement d’une échéance politique majeure pour notre pays, le Gouvernement nous demande de voter en urgence une réforme de grande ampleur, qu’il qualifie de déterminante pour l’avenir de notre économie et la compétitivité de nos entreprises, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… visant à la fois la structure de nos prélèvements obligatoires et le mode de financement de notre système de protection sociale. Est-ce bien le moment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La vie ne s’arrête pas parce qu’il y a des élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

De deux choses l’une : soit il fallait entreprendre cette réforme plus tôt, et je vous renvoie alors aux rapports Besson et Lagarde de la fin de 2007, qui n’étaient clairement pas favorables à la mise en place d’une telle mesure, soit il faut en faire l’un des éléments phares et prioritaires du programme présidentiel et prévoir sa mise en place après les échéances électorales du printemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je note d’ailleurs que, à l’Assemblée nationale, tant Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, que Gilles Carrez, rapporteur général du budget, ont vigoureusement soutenu à la tribune qu’il s’agissait là, à leurs yeux, d’une réforme de début de législature. Devant notre commission, hier, Jean Arthuis n’a pas dit autre chose.

Deux autres points, sur le plan de la méthode, me paraissent contestables.

Le premier a trait à l’urgence dans laquelle nous débattons.

Le projet de collectif a été adopté en conseil des ministres voilà tout juste deux semaines. La commission des finances de l’Assemblée nationale l’a examiné le jour même : c’est une performance à mettre au crédit de ses membres et de son rapporteur général, mais cela laisse planer un doute sur la profondeur du travail effectué. Enfin, après que l’Assemblée nationale eut voté le texte hier après-midi, la commission des finances du Sénat, dès hier soir, puis celle des affaires sociales, ce matin, ont examiné celui-ci à leur tour, avant d’entamer la discussion en séance publique cet après-midi… La suite du calendrier est, elle aussi, déjà arrêtée. Au total, le Parlement aura donc adopté, en trois semaines à peine, un texte dont les conséquences sont très loin d’être négligeables pour l’ensemble de nos concitoyens. Quel parlementaire, quelle que soit son appartenance politique, peut décemment accepter un tel passage en force, qui plus est sur des sujets aussi importants ? Ce sont les fondements mêmes de notre démocratie que l’on remet ainsi en question : les parlements n’ont-ils pas été créés, précisément, pour examiner et voter en toute indépendance et sérénité les lois budgétaires des États ?

Le second motif d’interrogation tient aux dates d’entrée en vigueur des réformes que l’on nous demande d’adopter.

Il est prévu que la TVA « sociale » s’applique à compter du 1er octobre prochain. Comment, dès lors, justifier l’urgence d’un vote avant les élections, sauf bien sûr à suivre le promoteur de cette mesure, qui attend de sa simple annonce un rebond de la consommation tout en se disant persuadé, dans le même temps, qu’aucune hausse des prix n’interviendra après l’augmentation de la TVA !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Il en va de même pour la mesure relative à l’apprentissage. L’article 8 prévoit de relever à 5 % le quota obligatoire de jeunes en alternance dans l’effectif de l’entreprise à compter de l’exercice 2015, c’est-à-dire que ce nouveau quota sera pris en compte pour le calcul de la taxe qui sera payée en 2016 !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Quelle peut-être, là encore, l’urgence de la réforme ?

Ces deux points pourraient, à eux seuls, justifier le rejet du collectif et le vote d’une motion tendant à opposer la question préalable, mais je ne m’en tiendrai pas à ces seuls arguments : je vais maintenant évoquer la teneur des deux articles dont s’est saisie la commission des affaires sociales.

La TVA « sociale », tout d’abord, est une mesure à plusieurs facettes.

Son premier volet consiste en une baisse des cotisations sociales patronales affectées à la branche famille, qui s’élèvent actuellement à 5, 4 % de la totalité des salaires versés par les entreprises. Le dispositif proposé tend à les supprimer complètement jusqu’à 2, 1 fois le SMIC, puis à prévoir leur diminution progressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC. Ce faisant, la mesure étend le dispositif d’allégement général, dit « Fillon », sur les bas salaires. Elle vise en particulier l’emploi industriel. Au total, la baisse de cotisations sociales envisagée atteindrait 13, 2 milliards d’euros.

Pour compenser cette perte de recettes pour la branche famille, deux ressources sont mobilisées : la TVA et la CSG.

Le taux normal de la TVA serait ainsi relevé de 1, 6 point, passant de 19, 6 % à 21, 2 %, ce qui rapporterait 10, 6 milliards d’euros. Le taux de la CSG sur les revenus du capital serait relevé de deux points, passant de 8, 2 % à 10, 2 %, pour un produit attendu de 2, 6 milliards d’euros.

Cette mesure consistant à mettre en place une TVA curieusement dite « sociale » ne nous paraît pas acceptable. En effet, malgré tous vos démentis, madame, monsieur les ministres, il est clair que la hausse de la TVA aura un effet inflationniste, au moins partiellement – tel a toujours été le cas, en France comme dans les autres pays –, et donc une incidence sur la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur la croissance. N’est-ce pas le contraire de l’effet recherché ?

Par ailleurs, comme nous l’avons toujours dit, la TVA est un impôt injuste, parce qu’il touche particulièrement les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui consacrent à la consommation la totalité de leur revenu. Tous ceux qui ont aujourd’hui des fins de mois difficiles auront, dès la rentrée, des fins de mois impossibles !

De plus, l’effet attendu de la mesure sur le plan de la compétitivité semble devoir être relativisé. Les experts que nous avons interrogés nous ont expliqué que cet effet ne se ferait sentir que pendant un temps limité, car nos partenaires européens s’adapteront rapidement au nouveau contexte. De son côté, Jean Arthuis a assimilé la mesure à une dévaluation. Or chacun sait que les dévaluations ne produisent qu’un effet de court terme…

Notre problème de compétitivité est en fait d’une tout autre nature : il résulte d’un retard en matière de création, de recherche, d’innovation. C’est d’une vraie politique industrielle que notre pays a besoin !

Monsieur le ministre, vous avez mentionné une enquête de l’INSEE dont au moins deux grands quotidiens nationaux font largement état dans leur édition d’aujourd’hui. Je me suis procuré le texte complet de cette étude sur le site internet de l’INSEE. Je vais vous en livrer un extrait qui montrera que beaucoup de vérités apparemment bien établies méritent en fait d’être discutées…

À la page 60 de ce document, il est écrit que « dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43, 14 euros contre 33, 38 euros. L’écart se montait à 49 % en 1996 et a donc diminué depuis. Néanmoins, il reste fort important, alors même que le secteur automobile a contribué dans une large mesure à la dégradation du solde commercial de la France. »

Plus loin, on lit que le coût salarial unitaire, le CSU –notion permettant de prendre en compte, outre le coût horaire, la productivité –, a baissé de 0, 5 % par an en moyenne dans l’industrie française depuis 1996 !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Par souci de vérité, il faut ajouter que, parallèlement, en Allemagne, le CSU a baissé de 0, 7 % par an en moyenne, tandis que, au contraire, il a augmenté au Danemark, au Royaume-Uni et en Italie.

Mais il y a plus piquant encore : à propos du CSU, l’INSEE observe que « l’essentiel de la baisse s’est produite entre 1996 et 2000, c’est-à-dire au moment de la mise en place des 35 heures pour les entreprises volontaires

« Ah ! » sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

, période où a eu lieu la majeure partie de la baisse du temps de travail ». Mes chers collègues, voilà qui relativise certains jugements catégoriques et hâtifs quelquefois portés dans cet hémicycle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

C’est pour cela qu’ils n’ont pas supprimé les 35 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Enfin, que dire de l’objectif affiché par le Gouvernement, qui prévoit la création de 100 000 emplois à la suite de la mise en place de cette mesure ? Même dans les rapports présentés en 2007 par Éric Besson et Christine Lagarde, il n’était pas question de plus de 30 000 à 40 000 emplois créés, et ce dans un délai de plusieurs années !

Mes chers collègues, quel que soit l’angle sous lequel on examine la réforme proposée – dont certains aspects, je ne le conteste pas, sont a priori séduisants –, on est conduit à douter fortement de son efficacité. Il nous paraît donc impossible de l’adopter aujourd’hui en l’état et d’imposer à nos concitoyens une hausse aveugle de la TVA.

J’ajoute qu’aucune garantie réelle n’est apportée quant à une compensation à l’euro près de la perte de recettes que subira la branche famille de la sécurité sociale. Certes, la remise au Parlement d’un rapport faisant le bilan des comptes est prévue, mais notre commission a déjà connu de telles situations dans le passé : on en revient toujours à ce constat que la sécurité sociale est une variable d’ajustement commode pour le budget de l’État… Étant donné la situation déjà dégradée des comptes de la branche famille, nous ne pouvons cautionner une telle légèreté !

J’en viens à l’article 8, qui porte sur la réforme de la contribution supplémentaire à l’apprentissage. S’il est d’une moindre portée que l’article 1er, il n’est pas moins surprenant. En effet, son dispositif n’entrera pleinement en vigueur qu’en 2016 seulement… Une fois de plus, il s’agit donc surtout d’une mesure d’affichage !

Qui pourrait s’opposer au développement de l’apprentissage dans notre pays ? Personne, bien sûr ! Je le rappelle, nous avons déjà réformé ce mécanisme de soutien à l’apprentissage en juillet dernier, en décidant de le rendre progressif afin de récompenser les entreprises qui augmentent le nombre de jeunes en alternance qu’elles accueillent ou qui vont au-delà de l’obligation légale en la matière, actuellement fixée à 4 % de l’effectif salarié.

Aujourd’hui, il est proposé de relever ce quota à 5 % à compter de 2015. Le dispositif prévoit également une modulation du taux de la contribution supplémentaire à l’apprentissage en fonction de l’écart constaté entre l’effectif des jeunes en alternance présents dans l’entreprise et le seuil fixé par la loi. N’aurait-il pas été plus pertinent, avant de modifier les dispositions de la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, d’attendre que celle-ci ait été complètement mise en application et qu’une évaluation sérieuse de ses effets ait pu être menée ?

Toutes ces considérations militent en faveur du rejet de l’article 8 de ce projet de loi de finances rectificative.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a décidé de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable qui a été adoptée hier soir par la commission des finances.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la branche famille, je ferai un constat sans appel : une fois encore, la branche famille sert de variable d’ajustement de nos finances publiques.

Sous prétexte de diminuer le coût du travail et de restaurer la compétitivité de l’économie française, on prive notre protection sociale de ses recettes traditionnelles : les cotisations patronales.

Or la branche famille, autrefois excédentaire, est entrée, depuis 2008, dans un cycle déficitaire d’une ampleur sans précédent. Cette situation résulte pour partie, outre d’un déséquilibre dans la répartition des richesses qui est loin d’être anecdotique, de la crise économique, qui a fait perdre à la branche famille près de 2, 7 milliards d’euros de recettes, mais elle s’explique surtout par les conséquences de plusieurs mesures négatives votées ces dernières années, dont la plus significative sur le plan financier et la plus symbolique sur le plan politique est la prise en charge par la branche famille de prestations jusqu’alors servies par la branche vieillesse : je veux parler de la majoration de pension pour les assurés ayant élevé au moins trois enfants et de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Pour la seule année 2011, ces deux prestations ont coûté 8, 8 milliards d’euros à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF. Il est donc clair que le déficit de la branche famille résulte d’abord d’un choix de politique économique opéré à son détriment pour réduire le déficit du système de retraite.

Mais il y a plus grave encore : la CNAF a connu une fragilisation sans précédent de ses recettes lors de l’élaboration de la loi de finances pour 2011.

En effet, vous vous en souvenez certainement, lors du débat sur le financement de la dette sociale, il a été décidé de doubler le montant de la dette mise à la charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, en lui transférant 130 milliards d’euros supplémentaires ! Pour assurer le financement de cette dette, le Gouvernement n’a pas trouvé mieux qu’affecter à la CADES 0, 28 point de CSG dont bénéficiait précédemment la branche famille.

À l’époque, notre commission avait unanimement dénoncé cette décision, la qualifiant de « marché de dupes ». Même si je suis personnellement défavorable à la CSG, le fait est qu’il s’agit d’une ressource pérenne et dynamique. En guise de compensation, la branche famille s’est vu attribuer trois recettes aléatoires : la taxe spéciale sur les contrats d’assurance maladie dits solidaires et responsables, dont le produit annuel représente un peu plus de 1 milliard d’euros ; la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance, qui doit rapporter 835 millions d’euros en 2011 et en 2012 ; la CSG prélevée « au fil de l’eau » sur les contrats multisupports d’assurance-vie, dont le produit, nous disait-on, s’élèverait à 1, 6 milliard d’euros en 2011.

Certes, en 2011 et en 2012, ces trois recettes nouvelles compenseront les 3, 5 milliards d’euros de CSG perdus. Mais, dès 2013, le compte n’y sera plus : en effet, la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance, qui est une mesure temporaire, ne rapportera plus rien, tandis que le rendement de l’imposition des contrats multisupports d’assurance-vie commencera à décroître, avant de s’annuler à l’horizon 2020. Ce ne sont donc plus 3, 5 milliards d’euros, mais seulement 2, 3 milliards d’euros, que la branche famille percevra. Elle subira ainsi un manque à gagner de 1, 2 milliard d’euros.

Je reconnais qu’il avait également été prévu d’allouer à la branche famille, à compter de 2013, le produit de la contribution assise sur les primes d’assurance obligatoire en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur, évalué à 1 milliard d’euros par an. Mais, dans le même temps, la loi de finances pour 2012 a instauré une clé d’affectation des droits de consommation sur les tabacs qui sera moins favorable à la CNAF dès 2013. Ces nouvelles règles d’attribution se traduiront pour cette dernière par une perte de recettes de 400 millions d’euros. Le Gouvernement a donc repris d’une main ce qu’il donnait de l’autre !

En définitive, ce petit montage financier ne rapportera à la branche famille que 600 millions d’euros, soit la moitié de la compensation intégrale annoncée. Et il y aurait beaucoup à dire sur la complexité du système mis en place…

Il résulte de tout cela que le déficit prévisionnel de la branche famille pour 2012 s’élève à 2 milliards d’euros, ce qui est tout à fait considérable. Ce résultat s’inscrit d’ailleurs dans une continuité parfaite mais déplorable avec ceux des années précédentes : le déficit de la branche famille s’est établi à 2, 6 milliards d’euros en 2011, à 2, 7 milliards d’euros en 2010 et à 1, 8 milliard d’euros en 2009.

Dans ce contexte de dégradation continue, je maintiens que la priorité aurait dû être de rétablir l’équilibre de la branche famille, surtout dans la période de crise que nous connaissons, où il est plus que jamais nécessaire de soutenir les plus démunis.

Aujourd’hui, le Gouvernement décide une nouvelle fois de ponctionner les recettes de la branche famille en ne simplifiant pas –c’est le moins que l’on puisse dire – la tuyauterie financière !

Bien sûr, il affirme que la suppression des cotisations patronales affectées à la branche famille sera entièrement compensée par l’affectation à celle-ci des nouvelles recettes de TVA et de CSG. À l’entendre, il s’agirait donc d’un simple transfert financier. Cependant, quelle garantie nous donnez-vous, madame, monsieur les ministres, que la perte de recettes subie par la branche famille sera effectivement et intégralement compensée ? Que se passera-t-il si les recettes de TVA attendues ne sont pas au rendez-vous, du fait d’une réduction de la consommation ?

Le projet de loi de finances rectificative prévoit seulement le dépôt d’un rapport analysant a posteriori les conséquences de cette opération pour l’équilibre de la branche. Est-ce bien sérieux, quand les enjeux sont aussi lourds ?

Le procédé retenu ne peut que nous faire douter de la neutralité du transfert… Il aurait fallu, au minimum, introduire une clause garantissant que la réduction des cotisations sociales serait compensée à l’euro près pour la branche famille.

Cette fragilisation sans précédent de la structure financière de cette branche compromet à coup sûr son retour à l’équilibre à court et à moyen terme. En définitive, c’est l’ensemble de la politique familiale qui est peu à peu détricotée. Je rappellerai, à cet instant, le gel de la revalorisation des prestations familiales décidé à la fin de l’année dernière, mesure que nous avions très vivement dénoncée et à laquelle notre commission s’était opposée. Elle ne constituait en réalité qu’une première étape…

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la branche famille, je vous demande de rejeter ce projet de loi de finances rectificative en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des finances.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

M. Charles Guené remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’ai de nombreux points de désaccord avec l’analyse présentée par Mme la rapporteure générale

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, vous n’allez tout de même pas déposer une motion tendant à opposer la question préalable à mon intervention ! Je vous en prie, écoutez-la ! §

Cela dit, je souscris au propos de Mme Bricq sur un point : le présent projet de loi de finances rectificative est bien inédit, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… ce dont, pour ma part, je me réjouis, pour deux raisons en particulier.

Premièrement, il est assez remarquable qu’un gouvernement sortant se livre à un exercice de transparence en matière de finances publiques deux mois avant l’élection présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ne vous sentez pas visés, chers collègues de la majorité sénatoriale, je ne cite personne… Mais vous pourrez le vérifier dans la chronique législative parlementaire : cela est inédit, je le répète !

Qu’observe-t-on ? Dans cette période de croissance incertaine, nous arrivons à tenir le cap, à rester sur le chemin de la convergence.

Deuxièmement, ce n’est pas parce que nous sommes entrés dans un cycle électoral que nous devons nous priver d’idées nouvelles et nous en tenir à quelques discours, engagements, paroles plus ou moins bien pesés, ou encore à quelques compromis entre formations politiques.

On ne peut que se réjouir, à la fin du mandat présidentiel, que le débat soit nourri par l’examen d’une mesure importante, intéressante, structurelle, à savoir l’instauration de la TVA sociale. Si l’on croit en la démocratie, on ne peut que se féliciter de l’inscription à l’ordre du jour de la Haute Assemblée d’un tel texte.

Mme Bricq, citant mon ancien collègue rapporteur général de l'Assemblée nationale Gilles Carrez, indique à juste titre qu’il s’agit plutôt d’une réforme de début de législature. En effet, le chemin que nous empruntons comporte trois étapes : l’engagement qu’il vous est proposé de prendre, mes chers collègues, et de figer dans la loi, tout d’abord, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … la consultation du corps électoral, ensuite, et enfin la mise en œuvre de la mesure, si elle est adoptée, au 1er octobre prochain !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Réfléchissons-y, mes chers collègues : comment réussir une réforme de début de législature sans la préparer correctement en fin de législature précédente ?

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les nouveaux pouvoirs élus doivent-ils fatalement, avant de pouvoir avancer la moindre idée, passer des semaines, voire des mois, à admirer les dorures de leurs bureaux, à organiser leur administration, à rédiger des décrets d’attribution, à rechercher les compromis nécessaires pour arriver à gouverner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les formations qui soutiennent l’actuel gouvernement n’ont-elles pas le droit d’essayer une autre méthode ? En quoi cela vous choque-t-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pourquoi voulez-vous vous évader aussi vite du débat en votant une motion tendant à opposer la question préalable ? Que redoutez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pourquoi nous proposez-vous cette échappatoire ? Qu’est-ce qui vous gêne tant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les Français vont être consultés, ce sera plus clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Madame Borvo Cohen-Seat, vous le savez bien, pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à consacrer des journées, des nuits à un examen minutieux de chaque article du présent projet de loi de finances rectificative. Quelle disposition de ce texte est à ce point gênante à vos yeux que vous vouliez interrompre un débat à peine commencé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, qui peut dire que tout aurait été fait en matière de lutte pour la compétitivité et contre le chômage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Tout le monde sait que vous n’avez pas tout fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

François Mitterrand est le seul à avoir dit que tout avait été essayé…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Qui peut soutenir qu’une mesure comme la TVA sociale ne doit pas être débattue, voire essayée ?

Selon l’analyse chiffrée intéressante, fouillée, un peu tendancieuse toutefois de Mme Bricq §– mais je ne saurais le lui reprocher –, …

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Il ne manquerait plus que cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… au pire, cette mesure ne créera pas d’emplois. Mais au mieux, elle peut en créer !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ne faut-il pas prendre ce risque, au moment où, selon l’INSEE, le taux de l’inflation est inférieur aux prévisions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’INSEE dit que le coût du travail est le même en France qu’en Allemagne !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… où l’on observe que le coin social est beaucoup plus important en France qu’en Allemagne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si vous ne m’interrompez pas, je m’efforcerai d’être plus pédagogique.

En France et en Allemagne, les charges salariales sont d’un ordre de grandeur voisin, même si elles sont désormais supérieures dans notre pays, alors qu’elles étaient moins élevées auparavant. En revanche, l’écart entre le coût d’un salarié pour l’entreprise, toutes charges incluses, et la rémunération dont bénéficie celui-ci est bien différent d’un pays à l’autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet écart, déterminant pour la politique de l’emploi, pour la politique salariale de l’entreprise, est beaucoup trop important en France. Nous pouvons le réduire grâce à l’expérience qui nous est proposée, tendant à déplacer le financement du régime des allocations familiales, à concurrence de quelque 13 milliards d’euros, des cotisations patronales vers la TVA –dans une mesure très modérée, voire trop modérée – et la CSG pesant sur les revenus du patrimoine. Cette dernière mesure représente au demeurant un effort important pour l’épargne et pour les classes moyennes ou moyennes supérieures de notre pays.

Mes chers collègues, pour ma part, je soutiens cette expérimentation. Je forme le vœu que le débat soit fructueux et ne s’arrête pas à la suite du vote d’une motion.

Par ailleurs, j’avoue que certaines considérations relatives à d’autres dispositions du présent projet de loi de finances rectificative m’ont surpris.

Hier, lors de la réunion de la commission des finances, j’ai cru comprendre que la souscription française de 6, 5 milliards d’euros au capital du Mécanisme européen de solidarité aurait eu vocation à être compensée par un meilleur pilotage de la dépense, afin de ne pas pénaliser davantage nos finances publiques.

On nous a également dit que l’effort de 1, 2 milliard d’euros portant sur la réserve de précaution était trop difficile. J’avoue être en désaccord avec cette vision des choses. Je pense que Mme le ministre apportera des précisions sur ce point. La réserve de précaution s’établissant à 4, 5 milliards d’euros, on doit pouvoir, en début d’année, annuler 1, 2 milliard d’euros de crédits, et prendre les mesures de rigueur de gestion nécessaires pour s’assurer qu’à la fin de l’exercice on ait bien accompli le chemin prévu et respecté l’objectif fixé en matière de déficit.

J’avoue une fois encore ma surprise devant ce que j’estime être un manque de cohérence des arguments qui nous sont opposés. D’un côté, on va presque jusqu’à prêcher pour plus de rigueur en matière de gestion des deniers publics. De l’autre, on soutient que la concrétisation de nos engagements européens – avec l’anticipation du pare-feu que constituera le Mécanisme européen de stabilité – et la constitutionnalisation des principes de gouvernance budgétaire, en d’autres termes la règle d’or, qui consolide la crédibilité de l’édifice européen aux yeux des investisseurs et du reste du monde, sont contestables. Sur ce point encore, on s’évade par l’abstention.

Nous aimerions comprendre la cohérence des arguments qui nous sont opposés. Pour l’heure, nous avons beaucoup de peine à nous y retrouver.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

À titre très exceptionnel, je pourrais même me sentir en sympathie avec une déclaration récente de M. Daniel Cohn-Bendit, qui évoquait une hypocrisie de la gauche française et voyait dans l’accord sur le MES l’une des rares concessions positives arrachées à l’Allemagne !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je ne suis pas un admirateur du personnage, mais j’ai trouvé que, comme d’habitude, sa façon de présenter les choses avait le mérite de clarifier certains éléments du débat. Des explications et des réponses sur ce point doivent être apportées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pourquoi se réfugier dans l’abstention sur un sujet aussi crucial que la pérennité de la zone euro ?

Ce sujet figure bien dans le présent collectif budgétaire, puisque la principale proposition qu’il comporte est d’engager 6, 5 milliards d’euros pour anticiper la mise en place du Mécanisme européen de stabilité.

La cohérence ne me semble pas davantage prévaloir sur deux autres sujets.

Je pensais que la majorité sénatoriale applaudirait la mise en place d’une taxation des transactions financières, compte tenu des débats antérieurs et de la difficulté que j’ai pu autrefois éprouver à m’opposer à une vision que j’estimais quelque peu angélique en la matière.

Je me remémorais – ce souvenir est encore plus récent – le débat de l’automne sur le trading haute fréquence. Mme Bricq avait déposé un amendement auquel M. Lellouche, au nom du Gouvernement, s’était opposé. Or voici que le Gouvernement propose aujourd'hui le même amendement, et que notre excellente rapporteure générale fait la fine bouche… §C’est en tout cas le sentiment que j’ai eu !

En somme, comme l’écrit un quotidien, nous nous retrouvons un peu à front renversé sur ce sujet. Cela peut parfois arriver dans les débats parlementaires…

S'agissant du financement de l’économie, et en particulier de l’industrie, j’avoue, en ce qui me concerne – mais je ne suis qu’un observateur extérieur –, ne pas bien comprendre quelles sont les différences essentielles entre la proposition qui nous est faite de capitaliser OSEO-Industrie à hauteur de 500 millions d'euros et ce qui figure dans le programme du candidat soutenu par l’essentiel de la majorité sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En effet, il s’agit là aussi de créer une nouvelle banque publique destinée à faire fructifier les initiatives des entreprises, en particulier des PME.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous avez largement dépassé votre temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

À la vérité, qu’est-ce qui sépare ces deux propositions ? Pourquoi rejeter, pour des raisons de forme, le dispositif présenté dans ce collectif budgétaire, alors qu’il vise manifestement le même objectif d’intérêt général que la proposition du candidat socialiste ?

Mes chers collègues, faut-il s’attrister que, sur certains points d’ordre plutôt technique, les grandes familles politiques de notre pays puissent se retrouver ? Cela me semble être plutôt une bonne chose que, dans des domaines de cette nature, nous puissions évoquer sans faire la fine bouche des solutions qui ne sont finalement pas si différentes l’une de l’autre.

En conclusion, mon sentiment est que la motion qui va nous être présentée constitue une fuite devant le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes amis et moi-même regrettons très profondément cette initiative. S'agissant de l’abstention annoncée de la semaine prochaine, nous considérons qu’il serait encore plus regrettable que vous mainteniez cette attitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, il s’agirait là aussi, de votre part, d’une fuite devant les responsabilités qui sont les nôtres. Une grande formation politique de gouvernement, ou du moins qui aspire à gouverner, doit à notre sens faire passer l’intérêt général, l’intérêt national avant les questions électoralistes et les intérêts de parti !

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous faites passer l’intérêt des banques avant celui des peuples !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire à mon tour combien je me réjouis que le débat sur le financement de la protection sociale, et plus précisément sur l’incidence de celui-ci sur le coût du travail et la compétitivité de la production nationale, vienne enfin devant le Parlement.

Certes, les conditions du débat sont inouïes, puisque le projet de loi de finances rectificative qui lui sert de support nous est soumis précipitamment, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… pour être voté à la veille de l’élection présidentielle, alors même que les dispositions qu’il contient, notamment celles qui sont relatives à la TVA, ne prendront effet qu’à l’automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cependant, Philippe Marini vient de m’éclairer et a apaisé ma perplexité.

C’est un débat que j’appelle de mes vœux depuis 1993, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… année de la publication de mon premier rapport sur les délocalisations d’activités et d’emplois. Ce débat a été monstrueusement faussé au soir du premier tour des élections législatives de juin 2007, sans cesse ajourné alors que nous ne manquions jamais, à l’occasion des débats d’orientation sur les prélèvements obligatoires ou de la discussion des projets de loi de finances, de tenter de l’engager.

Je doute que le moment soit optimal, mais je veux mettre à profit cette circonstance pour rappeler mes convictions et combattre les poncifs et les fausses vérités que j’ai encore entendus il y a quelques instants et qui inspirent les tenants de l’immobilisme et de la fatalité face aux enjeux de la mondialisation.

L’atonie de la croissance, la montée du chômage, la désindustrialisation, le déficit record de notre commerce extérieur – 70 milliards d'euros en 2011 – sont autant de signaux alarmants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les candidats à l’élection présidentielle conviennent de privilégier désormais la production, de substituer une politique de l’offre à une politique de la demande. Saluons cette soudaine lucidité et demandons-nous grâce à quelles mesures nous allons enfin pouvoir inverser la tendance, interrompre la chronique du déclin par des actes conséquents. Dans le catalogue consensuel – je ne saurais reprendre à mon compte les appels illusoires au protectionnisme –, il y a bien sûr la recherche, la formation professionnelle, l’innovation, les hautes technologies et tout le florilège des incantations anesthésiantes bien connues relatives à la défense des consommateurs.

La consommation est le moteur de la croissance, nous dit-on. Cela est vrai mais, à l’heure de la mondialisation, la consommation peut être le moteur de la création d’emplois ailleurs que sur notre territoire national, en Asie notamment. Qu’il me soit permis, à cet égard, de dénoncer la connivence entre les acteurs économiques avides de profits immédiats et les consommateurs, la sphère publique étant complice de ce complot, si j’ose dire, au détriment des producteurs et des salariés du secteur concurrentiel.

La mondialisation a changé la donne et fait la part belle aux distributeurs comme aux financiers, qui peuvent rechercher l’approvisionnement hors de notre territoire. Ce complot implicite conduit inexorablement vers la paralysie, d’où la prometteuse idée de rétablir notre potentiel de production, à condition de redonner à l’économie française sa pleine compétitivité.

En effet, force est de constater que nos lois et règlements font peser sur les entreprises et les conventions relatives au travail des rigidités excessivement pénalisantes qui ne seront levées que par de courageuses réformes structurelles, lesquelles se font attendre. Je garde cependant l’espoir de les voir aboutir prochainement.

Subsistent les incohérences de notre système de prélèvements obligatoires. Si nous convenons, mes chers collègues, que notre salut dépend de notre capacité à produire au moins l’équivalent de ce que nous consommons, nous devons alors nous interroger sur la pertinence du financement actuel de notre protection sociale.

Est-il logique de prélever des cotisations assises sur les salaires pour assurer le paiement des pensions de retraite ? Oui, car les pensions sont des salaires différés. Le lien est également établi pour l’indemnisation du chômage ou des accidents du travail. En revanche, la politique familiale et la politique de santé concernent tous les citoyens, et pas seulement les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il est donc abusif de faire peser sur les salaires et les revenus des travailleurs indépendants, c’est-à-dire sur la production, le coût du financement des branches famille et santé de la sécurité sociale. Par conséquent, il est urgent de transférer vers d’autres assiettes le poids de ces charges qui contrarient la progression vers notre objectif proclamé de combattre le chômage.

J’entends immédiatement, naturellement, des voix s’élever pour souligner que les écarts en matière de salaires sont tels, entre la France et l’Asie, que toute réforme est vaine et qu’il n’y a donc pas de motif pour agir. Autre argument pour ne rien faire : les salaires pèsent peu dans les dépenses d’exploitation des entreprises. Cela est vrai, mais soutenir cet argument c’est oublier que les achats et autres consommations intermédiaires des entreprises contiennent le montant des frais de personnel supportés par les fournisseurs, en amont. C’est dire si le poids des salaires et des charges sociales est prédominant. Toute baisse significative des charges sociales a pour conséquence d’alléger le prix de revient, et par là même le prix hors taxes.

À ceux qui doutent, je veux faire observer que nos pratiques s’apparentent à des droits de douane qu’acquittent seuls ceux qui produisent et emploient encore en France, tandis qu’en sont exonérés tous ceux qui vont produire ailleurs puis importent cette production pour répondre à l’attente des consommateurs français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y a urgence à mettre un terme à ce masochisme autodestructeur !

Ce postulat étant admis, comment assurer l’équilibre des branches famille et santé de la sécurité sociale ? En sollicitant les entreprises ? Ce serait tout à fait politiquement correct, mais ne courrait-on pas alors le risque de les voir déserter notre territoire ? Au surplus, mes chers collègues, y a-t-il tant d’impôts, de taxes et de cotisations sociales obligatoires supportés par les entreprises que l’on ne retrouve pas dans les prix des produits, acquittés par les consommateurs ? C’est donc une voie sans issue.

Dès lors, l’impôt ne peut être prélevé que sur le patrimoine de nos compatriotes, sur leur revenu ou sur la consommation. À mon avis, tout supplément d’impôt sur le patrimoine ou le revenu doit être affecté à la réduction de nos déficits publics et de notre endettement.

Dans ces conditions, reconnaissons, si vous le voulez bien, que seule la TVA nous offre des marges de manœuvre. Malheureusement, la hausse de la TVA déclenche instantanément des oppositions passionnées. Je voudrais tenter de mettre de la raison dans notre débat, en répondant à deux questions : le relèvement de la TVA conduit-elle automatiquement à la hausse des prix, au détriment des consommateurs ? La TVA est-elle si injuste ?

Concernant la première question, il doit être rappelé que la hausse de la TVA a pour objet de compenser la baisse des charges sociales pesant sur la production en France. Mécaniquement, les prix hors taxes des biens et services issus du travail accompli sur notre territoire doivent baisser à des niveaux tels que le supplément de TVA n’aboutira pas demain à un prix TVA comprise supérieur à ce qu’il est aujourd'hui. À mes yeux, il n’existe donc pas de risque d’inflation.

Du reste, si certains chefs d’entreprise étaient tentés de conserver pour eux ce supplément de marge en augmentant leurs prix, je ne doute pas que le Gouvernement mobiliserait les 4 000 agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, pour leur faire passer le bon message.

Pour ce qui concerne les exportations, nous bénéficierons bien sûr d’un gain de compétitivité, puisque les produits exportés sont exonérés de TVA.

S’agissant des produits importés, leurs prix devraient bien sûr augmenter. Toutefois, mes chers collègues, je vous rends attentifs au fait que les entreprises qui font les marges les plus substantielles sont celles qui importent. Gageons que les distributeurs n’auront pas l’outrecuidance de répercuter l’intégralité du supplément de TVA sur les prix demandés aux consommateurs.

Au total, il me paraît urgent de réconcilier le consommateur et le producteur. Le vrai pouvoir d’achat, ne l’oublions jamais, est la contrepartie du travail accompli et de la création de richesses.

Deuxième question : la TVA est-elle à ce point injuste ? Certes, ceux qui disposent de faibles ressources les dépensent pour subvenir à leurs besoins essentiels. La taxe est donc payée sur l’intégralité de leurs revenus, alors que les revenus des contribuables aisés ne sont que partiellement affectés à la consommation. Ces derniers restent toutefois soumis à l’impôt progressif sur leurs revenus.

Troisième question : y a-t-il pire injustice que d’être privé d’emploi ? De ce point de vue, les charges sociales actuellement recouvrées me semblent véritablement injustes en ce qu’elles privent d’emploi nombre de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Enfin, la réforme proposée a été mise en application avec succès dans d’autres pays. Dois-je rappeler que, en 1987, les Danois ont institué une TVA au taux unique de 25 % et supprimé au même moment, dans un consensus général, les cotisations sociales ? Je rêve qu’un tel dialogue social puisse voir le jour dans notre pays !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les Danois ont réussi cette réforme ! Quant aux Allemands, on l’a rappelé, ils ont augmenté de 3 points leur taux de TVA en 2007, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… une TVA partiellement sociale puisqu’une fraction a été consacrée à la réduction des déficits publics.

Autre question : aurons-nous un jour un taux de TVA sans chiffres après la virgule ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je crois que nous y gagnerions en visibilité. En effet, comment expliquer que l’on augmente un taux de 19, 6 % de 1, 6 point pour arriver à 21, 2 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Enfin, madame la ministre, pourquoi si peu et pourquoi si tard ?

En dépit de ma perplexité, je voterai ce premier pas, précipité et tardif, au service de l’allégement du coût du travail et de la compétitivité. Cet allégement, j’en ai la conviction, est l’un des leviers – même s’il est trop modeste – de la croissance et de la confiance. C’est l’une des conditions – ce n’est pas la seule – pour produire en France et assainir nos finances publiques.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi de finances « rectificative ». Est-ce le qualificatif qui convient vraiment ? Pour le dictionnaire, « rectifier » signifie rendre droit.

Certes, nous n’attendons pas de vous, madame la ministre, un tel aveu de l’inadéquation du projet de loi de finances, voté voilà quelques semaines, avec les attentes réelles du pays.

Certes, ce projet de loi de finances rectificative est basé sur des hypothèses de croissance revues à la baisse pour 2012, mais il a surtout et fondamentalement une vocation électoraliste, avec des mesures dites « phares » dans ses articles 1er et 2 telles que la « TVA sociale » ou l’introduction d’une « taxe sur les transactions financières », cette dernière disposition, on l’a rappelé, qui a été adoptée par la majorité sénatoriale dans le projet de loi de finances pour 2012 et dont le Gouvernement rejetait le principe…

Mon propos se concentrera sur le projet de TVA dite « sociale », annoncé par le Président de la République dans ses vœux aux Français, et dont les modalités furent par lui communiquées ce 29 janvier, modalités parmi lesquelles une mise en application en octobre 2012, ce qui est aussi révélateur de vos intentions réelles.

Pourquoi faire cette proposition si tard, à contretemps ? M. Marini nous a dit qu’il ne fallait pas se priver d’idées nouvelles, mais il s’agit tout de même de vielles lunes ! §

Le principe de la TVA sociale est simple : augmenter le taux de la TVA pour compenser une baisse des charges sociales sur les salaires visant à réduire le coût du travail. De fait, votre projet, ce sont 13, 2 milliards d’euros de suppression de cotisations sociales patronales compensés par une hausse de 1, 6 point du taux de TVA et de 2 points de la CSG.

Vous annoncez péremptoirement, mais sans véritable justification, la création de 100 000 emplois par le biais de cette mesure. Vous savez pourtant que cette prévision est très contestable. Dans son rapport, Nicole Bricq conclut, quant à elle, à une évolution de l’emploi de moins 20 000 à plus 30 000.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avec la TVA sociale, l’objectif est aussi d’aboutir à ce que, par la consommation intérieure, les produits français soient favorisés par rapport aux produits importés.

Vous faites le choix de ne baisser que les charges patronales. Vous faites le choix de faire supporter le coût de la mesure par l’ensemble des citoyens, dont les plus modestes d’entre eux. Vous faites le choix de prendre le risque, très fort, d’un effet inflationniste, avec une augmentation des prix à la consommation.

L’exemple allemand est l’illustration de ce risque, cet exemple auquel vous vous accrochez ces derniers mois comme au seul remède efficace à la crise, alors que le relèvement en 2007 du taux de TVA en Allemagne avait pour premier objectif avoué de contribuer à la restauration de l’équilibre des finances publiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… et pour second objectif d’abaisser les cotisations chômage payées par les employeurs et les salariés. Lorsque, comme vous le faites souvent, vous citez en exemple le Chancelier Schröder, vous omettez de rappeler qu’il était opposé à la TVA sociale !

J’ajouterai que, selon l’économiste Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, la modeste baisse des charges qui a accompagné la hausse de TVA « n’est pour rien dans la bonne santé actuelle de l’industrie allemande ».

Nombre de spécialistes partagent cet avis et soulignent le dilemme entre les deux principaux effets – l’un sur l’emploi, l’autre sur la compétitivité – qu’auraient des baisses de cotisations uniformes qui toucheraient essentiellement les emplois qualifiés : effets, certes, sur la compétitivité mais très faibles sur l’emploi et presque nuls sur les salaires inférieurs à 1, 6 SMIC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est justement souligné que les effets positifs attendus ne peuvent être immédiats et qu’en outre, à long terme, l’effet de la TVA sociale sera nul. On ne peut donc attendre des effets positifs – limités – qu’à moyen terme, avec des effets négatifs immédiats sur le pouvoir d’achat.

La consommation est un moteur traditionnel de la croissance française. Le coût du travail, rappelons-le, n’est pas le principal et seul facteur de compétitivité. Recherche et innovation sont fondamentales pour engendrer une croissance et une compétitivité durables.

Nous n’oublions pas certaines de vos initiatives précédentes destinées officiellement à développer l’emploi, comme la baisse de la TVA dans la restauration ou la suppression de la taxe professionnelle, censée éviter les délocalisations.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous qui avons majoritairement voté le plan de relance au début de la crise, nous savons exprimer des convictions fortes, comme nous venons le faire sur le nucléaire ; en votant très majoritairement la motion tendant à opposer la question préalable, c’est notre opposition à ce projet de loi de finances rectificative qui ne rectifie en rien une politique économique, financière et fiscale aux effets négatifs que nous manifesterons.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Cette boutade, nous avons l’impression que le Président de la République actuel l’a érigée en devise personnelle.

Cela fait maintenant cinq ans – longues années ! – que le pouvoir en place mène une politique économique désastreuse pour la France, les Françaises et les Français, cinq ans que nous nous engageons sur un chemin où la rigueur et l’injustice forment le seul modèle que nos dirigeants soient capables de nous proposer. Et, manifestement, ils récidivent !

Plus c’est gros, mieux ça passe… Alors, allons raconter aux Français qu’en augmentant la TVA on n’augmente pas les impôts, que ça n’augmentera pas les prix et que c’est bon pour eux !

Forcément, là, ça ne passe plus ! L’arbre ne cache plus la forêt : le désastre est trop important, trop visible.

Madame la ministre, en lançant des réformes comme des bouées à la mer, vous espérez certainement faire oublier le bilan catastrophique du Gouvernement : un chômage record, une dette qui a explosé – pas seulement à cause de la crise, vous le savez bien –, un triple A, dont vous aviez fait l’élément central de votre politique, perdu, symbole de votre échec. Il faut donc au Président de la République bien du culot pour venir se présenter aujourd'hui en sauveur face à la crise. Les idées, évidemment, il fallait les proposer avant la veille de l’élection !

Vous prétendez améliorer l’emploi avec une réforme de l’apprentissage, mais quelles mesures avez-vous mises en œuvre pour atteindre ce « plein emploi » promis par Nicolas Sarkozy en 2007 ?

« Ensemble, tout devient possible »… C’est bien ce qui m’inquiète !

Je constate qu’approcher la barre de 10 % de taux de chômage, ça, oui, c’est possible ! Nous y sommes presque, malheureusement. Cela représente plus d’un million de personnes supplémentaires à Pôle emploi, institution qui fonctionne d’ailleurs très mal.

Au lieu de stigmatiser les chômeurs, le Gouvernement ferait mieux de s’en occuper davantage. Ce dont nous avons besoin, ce sont de mesures contre le chômage. Or vous nous proposez des mesures contre les chômeurs !

Les heures supplémentaires ont-elles permis de diminuer le chômage ? Non, bien au contraire ! On a constaté l’inefficacité de cette mesure absurde et dispendieuse.

La droite a donc tout à la fois créé du chômage de masse et précarisé le travail. Vous voulez que les choses s’améliorent pour l’emploi en France ? Je vais vous proposer une chose simple : arrêtez, ne touchez plus à rien ! Par pitié, cessez le carnage ! §

« Arrêter, alors que l’élection présidentielle aura lieu dans deux mois ? Vous n’y pensez pas », me direz-vous. L’élection approche, et il faut donc séduire le camp adverse, reprendre des formules fortes, derrière lesquelles cacher un contenu creux. La TTF en est l’exemple parfait.

Vous ne trompez évidemment personne avec cette « pseudo-mesure ». Même le Royaume-Uni applique un taux cinq fois plus élevé que celui que vous nous proposez. Autant dire qu’il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan des transactions financières !

Alors que le système britannique – qui n’est d’ailleurs pas mon modèle – prévoit également une exit tax de 1, 5 % pour les actions négociées à l’étranger, le Gouvernement opte pour un système déclaratif qui restera en pratique lettre morte puisque les opérateurs étrangers ne pourront pas être sanctionnés.

Par ailleurs, je me permets de faire observer – mais nous ne sommes plus à un paradoxe près – qu’il est assez contradictoire d’afficher l’intention de taxer les transactions financières et, dans le même temps, de supprimer, dans votre texte initial, la taxe sur la cession d’actions et de parts sociales, dont la création n’avait donné lieu à aucune contestation.

Le comble, c’est que, lorsque nous avions, nous, proposé la taxation des transactions financières, vous trouviez cela complètement absurde. Vous nous imploriez, il y a quelques mois, de retirer un amendement visant à taxer les transactions financières. Je cite M. Lellouche, présent ce jour-là au banc du Gouvernement : « […], de grâce, évitons un geste isolé qui serait contre-productif à la fois pour notre place financière et pour ce combat que nous menons avec conviction ! »

Bien évidemment, le Gouvernement n’a pas changé d’avis, pas plus d’ailleurs, je le suppose, que l’opposition sénatoriale : il ne s’agit que d’artifices et de poudre de perlimpinpin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

La proposition d’une TVA dite « sociale » ne nous rassure guère sur ce point.

Chers collègues de l’UMP, vous pouvez sans doute reprendre à votre compte cette analyse : « Une augmentation généralisée de la TVA ? En aucun cas ! Pour une raison assez simple... C’est que ça pèserait sur le pouvoir d’achat des Français, sur la consommation des Français, et que ça serait injuste... Et j’ai le devoir de veiller à la justice. Et donc ça serait facile, mais injuste. » Ces propos ont été tenus par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, celui-là même qui défend aujourd’hui corps et âme cette mesure. « Facile, mais injuste » : il faut croire que vous avez choisi la facilité plutôt que la justice !

La TVA représente en effet l’impôt le plus injuste, pénalisant les ménages les plus modestes. Elle représente 14 % du revenu des ménages les plus pauvres, contre seulement 5 % du revenu des plus riches.

Déjà, le passage du taux réduit de la TVA de 5, 5 % à 7 % a pénalisé les ménages et le développement durable, en s’attaquant à l’eau, aux transports en commun, à la rénovation des logements... Désormais, c’est l’ensemble du budget des consommateurs qui sera touché, et ce en pleine période de crise.

Cela va de soi : une hausse de la TVA augmentera fatalement les prix. Dire le contraire serait mentir aux Français. Vous le savez très bien, tous les exemples le prouvent.

En Allemagne, ce pays que vous aimez tant citer, la Bundesbank a étudié les conséquences de la hausse de 3 points de TVA en Allemagne, en 2007. Cette hausse a entraîné une augmentation des prix de 2, 6 %. Sachant que, depuis un an, les prix ont déjà augmenté de 2, 3 %, a-t-on vraiment besoin de cela ?

Pourquoi M. le président-candidat, si attaché aux référendums dernièrement, ne soumet-il pas l’idée de cette TVA au vote des Français ? On en reparlera le 22 avril 2012, car ce sera, je crois, le seul référendum qui vaille... En tout cas, ce serait un pari risqué, puisque la hausse de la TVA de 19, 6 % à 21, 2 % pour financer une baisse des charges patronales sur les salaires n’est considérée comme une « bonne décision » que par 28 % de l’ensemble des Français, selon un sondage. Le caractère injuste de la TVA fait, je crois, l’unanimité.

Cette mesure est également foncièrement inutile et même dangereuse ; dangereuse, parce qu’elle représente une course à l’échalote pour le dumping social. En effet, même si le mécanisme fonctionnait – je ne pense pas que ce soit le cas – et que la baisse des charges patronales permettait de restaurer la compétitivité des entreprises – j’attends de voir ces fameux 100 000 emplois –, ces dernières seraient-elles capables de faire face aux prix de la Chine, de l’Inde ou d’autres pays en grand développement ? Après avoir cité Chirac et Sarkozy, je renvoie maintenant aux propos de Villepin, qui estimait que le rapport était de 1 à 30.

Notre adversaire est en fait notre allié : on voudrait rivaliser avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie... En fin de compte, c’est une Europe ultralibérale du « tous contre tous » que nous propose le Gouvernement. Offrir les salaires les plus misérables pour vendre un petit peu : c’est ça le raisonnement économique du Gouvernement ? Va-t-il falloir, petit à petit, revenir sur tous les acquis sociaux pour être compétitif face à la Pologne ou à la Roumanie ? C’est un jeu dangereux auquel les écologistes ne souhaitent pas prendre part. Nous, nous voulons une Europe solidaire, cohérente, qui s’ajuste par le haut et non par le bas.

Les sacrifices des Françaises et des Français ne peuvent être gaspillés dans des combats perdus d’avance. Cet effort permettra-t-il de financer les écoles, la santé ou le développement durable ? Bien sûr que non ! C’est simplement un cadeau de plus aux entreprises. Pour quel résultat ? Dans le meilleur des cas, cette mesure bénéficierait seulement à 25 % à l’industrie, secteur économique pourtant le plus directement exposé à la concurrence internationale.

C’est un projet sans vision stratégique de long terme que vous nous présentez. Au lieu d’investir dans les filières d’avenir, comme les énergies renouvelables, l’isolation des bâtiments, les transports en commun ou d’organiser la reconversion, vous préférez vous entêter à investir, à fonds perdu, dans des filières du passé, probablement vouées, malheureusement, à disparaître.

Le développement durable, avec le formidable vivier d’emplois qu’il recèle pour notre économie, ne semble pas vous intéresser. Vous préférez vous appuyer sur un modèle de développement obsolète. Les pansements que vous proposez n’y feront rien, car le mal est structurel et non conjoncturel, contrairement à ce que vous essayez de faire croire à qui veut bien l’entendre. La crise, c’est la politique de dérégulation mise en œuvre par votre famille politique qui l’a créée et qui l’amplifie.

Ce dernier « coup de communication » sonne heureusement le glas de votre échec, l’échec d’un président-candidat impuissant qui détourne honteusement les moyens du Parlement pour faire campagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

S’il veut présenter un nouveau projet économique pour la France, qu’il le fasse pendant ses meetings et non par le biais d’un projet de loi de finances rectificative inopportun à deux mois de l’élection présidentielle.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, les écologistes estiment que ce débat n’a pas lieu d’être au sein de la chambre haute et voteront unanimement la motion tendant à opposer la question préalable. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce premier projet de loi de finances rectificative pour 2012 était attendu... En effet, au mois de décembre dernier, la majorité gouvernementale avait accepté de voter un budget dont on savait que les fondements étaient biaisés du fait d’une hypothèse de croissance irréaliste. Il fallait donc corriger la copie au plus vite !

Les petits ajustements du texte n’aboutissent cependant en aucune façon à masquer la triste réalité d’un énorme déficit budgétaire en 2012, qui reste « scotché » à plus de 78 milliards d’euros. Malgré les rafistolages, la politique désastreuse des recettes conduite ces dernières années laisse, hélas ! des traces comptables indélébiles.

Ce qui caractérise avant tout le projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd’hui soumis, ce qui constitue sa disposition emblématique, c’est la dimension totalement improvisée, voire bricolée, qui a été introduite avec ce dispositif de TVA dite « sociale », sans oublier la mini-taxe sur les activités financières, inspirée du stamp duty anglais.

On ne peut que regretter ce travail d’improvisation conduit dans une réelle panique de fin de mandat, d’autant que le dispositif à 13 milliards d’euros rajoutera encore à l’injustice, tout en se révélant économiquement inefficace, voire contre-productif. Je vais m’attacher à en apporter la démonstration.

On le sait, c’est le constat alarmant d’un déficit commercial en 2011 supérieur à 70 milliards d’euros qui a semé la panique à l’Élysée au mois de décembre dernier. Il est vrai que la politique conduite ces dernières années à l’égard des PME s’est révélée catastrophique dans ses résultats à l’export.

Avec sa mesure de TVA dite « sociale », le Gouvernement, pris soudain d’un remord tardif, essaie maladroitement de masquer ses carences passées.

À partir des comparaisons internationales, on est en droit d’émettre aujourd’hui un jugement très sévère sur la politique conduite en France, tant elle s’est révélée inadaptée, néfaste même pour le développement des PME, la compétitivité internationale, voire l’industrie dans son ensemble. Pourtant très coûteuse pour les finances publiques – je pense aux « niches » –, cette politique a été d’une efficacité réduite tant en matière de formation, d’innovation que d’investissements industriels. C’est ce que la Cour des comptes a récemment souligné dans son rapport 2011. Elle a même souligné que les financements sur garanties publiques ont pu conduire à l’effet pervers d’accompagner en fait des stratégies de délocalisation des entreprises.

Je tiens ici à faire observer que l’effort d’investissement et la création de richesses n’ont pas été ces dernières années plus élevés en Allemagne qu’en France. Ils ont simplement été concentrés sur des secteurs exportateurs à la profitabilité restaurée. C’est de cette différence de politique économique que viennent la forte érosion industrielle constatée dans notre pays et le fossé qui s’est creusé avec l’Allemagne.

La politique publique inéquitable de la France à l’égard de ses PME s’est plus particulièrement ressentie dans le domaine de la fiscalité, où l’on peut véritablement parler d’un déni de justice à l’égard des PME, notamment pour l’impôt sur les sociétés. Il existe en effet dans notre pays un réel problème concernant l’impôt sur les sociétés, qui souffre d’un mitage excessif et croissant de son assiette. Ainsi, alors que le taux nominal de 33, 3 % s’applique aux petites entreprises, il tombe à 20 % pour les entreprises de 50 à 249 salariés, à 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés et seulement à 8 % pour les sociétés du CAC 40.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a d’ailleurs chiffré le coût des niches fiscales favorables aux grandes entreprises à environ 100 milliards d’euros. Ce constat nous avait conduits, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, à déposer au printemps dernier une proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l’impôt sur les sociétés et à favoriser l’investissement. Elle n’a pas eu l’heur de plaire au Gouvernement.

Avec sa TVA dite « sociale », le Gouvernement a donc fait le choix d’alléger la charge des entreprises en reportant le coût sur la fiscalité des ménages. Le souci, c’est que les injustices fiscales n’ont fait que croître et se multiplier depuis dix ans. La TVA sociale ne va-t-elle pas rajouter à l’injustice ? On a aujourd’hui toutes les raisons de le penser. En effet, solliciter l’impôt proportionnel – la TVA – ou bien l’impôt progressif – l’impôt sur le revenu –, ce n’est pas du tout la même chose.

Nous le savons, en France, la part de l’impôt progressif a très fortement régressé depuis dix ans au profit de l’impôt proportionnel. La fiscalité des ménages est de plus en plus injuste et de moins en moins progressive. Nul ne peut ignorer que les impôts ont ces dernières années été massivement baissés pour les plus riches. Sur la période 2002-2012, on estime le montant total de cette baisse à 30 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros par an ! Les chiffres présentés dans le portrait social de la France de l’INSEE au mois de décembre dernier confirment pleinement cette analyse.

C’est dans ce contexte dégradé et fortement inégalitaire que le Gouvernement fait aujourd’hui ce choix improvisé d’accroître la TVA, s’inspirant en la matière de cette idéologie libérale qui préconise aujourd’hui, dans de nombreux pays européens, de pressurer les consommateurs et de servir les copieux repas de niches fiscales des plus riches dans les « assiettes fiscales larges » des plus pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Madame la ministre, pourquoi ne pas admettre que votre mesure est fondamentalement injuste et pénalisera en priorité les personnes modestes ? Tout le monde le dit aujourd'hui ! Vous savez comme moi qu’un nombre croissant de Français vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Ces derniers sacrifient une part de plus en plus importante de leur budget pour couvrir les dépenses élémentaires ; une hausse de la TVA de 19, 6 % à 21, 2 % augmentera de manière significative le coût de leurs dépenses courantes.

Cette situation est d’autant moins acceptable dans une période où le surendettement repart à la hausse – la Banque de France indique que le nombre de dossiers déposés en 2011 a progressé de près de 7 % –, où les écarts de richesses et de patrimoine s’accroissent et où le prix du carburant grimpe un peu plus chaque jour. Que dire encore des personnes retraitées qui, avec cette mesure, devront payer une seconde fois des cotisations qu’elles ont déjà acquittées tout au long de leur vie active ?

Impôt inéquitable par excellence, la TVA pèse trois fois plus sur les ménages modestes que sur les ménages qui ont des revenus élevés et qui en épargnent une partie importante. Les dernières études mettent en évidence qu’au bas de l’échelle on contribue pour 18 % de ses revenus aux impôts indirects, alors que les mieux pourvus plafonnent seulement à 7 %.

Je tiens enfin à appeler l’attention sur le fait que cette mesure apparaît comme une mauvaise décision économique, avec des effets pervers qui peuvent être redoutables. Beaucoup comme moi considèrent que le moment choisi pour instaurer cette TVA sociale génère un risque additionnel pour la reprise, car la consommation des ménages sera freinée. Le récent baromètre OpinionWay indique que les dirigeants d’entreprise eux-mêmes redoutent les impacts négatifs de la TVA sociale sur la consommation des ménages.

Pour leur part, les économistes de la Bundesbank estiment que la hausse de la TVA en Allemagne a bien eu un effet inflationniste, mais se disent incapables d’attester d’un impact positif sur la création d’emploi et la compétitivité. D’où viennent alors vos projections de 100 000 créations d’emploi ? L’étude de l’OFCE, à laquelle a fait référence à bon escient Mme la rapporteure générale dans son intervention, indique que, si cette mesure peut créer 40 000 emplois, elle peut aussi en détruire 15 000. À notre sens, le chiffre de 100 000 emplois que vous avancez ne repose sur aucune simulation réaliste.

Le rapport de l’Assemblée nationale révèle en outre les limites économiques du dispositif : un quart seulement des 13, 2 milliards d’euros de hausses d’impôt prévues ira à l’industrie et aux secteurs exposés à la concurrence. Il ne s’agit donc pas d’une TVA « anti-délocalisation » comme on veut bien la présenter.

La hausse de la TVA s’appliquera tout autant aux produits fabriqués à l’étranger qu’aux produits nationaux. En quoi dissuadera-t-elle les Français de ne pas consommer des produits d’importation ? Lorsqu’on voit ce qui s’est passé avec la baisse de la TVA sur la restauration, on peut craindre que l’impact positif sur l’économie que le Gouvernement espère obtenir de cette hausse ne soit pas au rendez-vous.

Madame la ministre, votre choix d’instaurer une TVA dite « sociale » est profondément injuste à l’égard des plus modestes et dangereux du point de vue économique. Nous ne pouvons en aucun cas cautionner cette mesure.

Nous avons le sentiment que, à la toute fin du quinquennat, le Gouvernement se rend compte des carences de la politique qu’il a menée à l’égard des entreprises. L’explosion du déficit du commerce extérieur le conduit à se raccrocher aux branches, en trouvant in extremis une mesure donnant l’impression de se soucier des PME et de la compétitivité. Il est clair qu’il s’agit d’une opération électoraliste qui participe de la stratégie de communication du candidat Sarkozy. Dès lors, nous ne pouvons que nous opposer à l’adoption par le Sénat de ce projet de loi de finances rectificative. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici face à ce que nous n’aurions jamais dû examiner en cette fin de session ordinaire : un collectif budgétaire.

Comme nous n’avons aucunement l’intention de remuer le couteau dans la plaie, nous n’allons pas vous rappeler, madame la ministre, quelles furent vos paroles, l’automne dernier, sur le sujet. Mais toujours est-il que le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 avait été l’occasion, pour nous comme pour d’autres, de mettre en avant le caractère discutable des prévisions de croissance, comme des recettes et des dépenses fiscales, et de nous interroger sur l’absolue sincérité des chiffres qui nous étaient alors présentés. L’avenir n’aura pas tardé à nous donner raison.

Le projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans un contexte macroéconomique marqué par un ralentissement de l’activité, la prévision de croissance - parlerons-nous bientôt de croissance négative ? – ayant été ramenée à 0, 5 % du PIB en volume. Cette situation entraîne évidemment une dégradation des comptes publics et, probablement, de la situation de l’emploi, mais sans que la moindre prévision soit associée à ce phénomène.

De ce point de vue, ce collectif ponctue donc de la pire des manières un quinquennat qui, commencé – il faut le reconnaître – sous les auspices du volontarisme et des réformes, se termine dans la stagnation de l’activité, l’explosion du chômage et de la dette publique et l’accroissement des inquiétudes de nombre de nos concitoyens quant à l’avenir.

Gardons-nous cependant de laisser penser que la politique menée depuis cinq ans est un échec spectaculaire, se traduisant par une défaite sur le front de la croissance, de l’emploi, de l’activité industrielle et économique, du commerce extérieur et même de l’inflation, qui s’est raffermie depuis plusieurs trimestres. En effet, ce bilan, vécu par la grande majorité des Français comme une pénitence à laquelle ils espèrent pouvoir prochainement mettre fin, a une face plus brillante : les grandes entreprises de notre pays, les grandes fortunes et les gros patrimoines ont pleinement tiré parti de la politique menée depuis 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Entre la quasi-disparition de la taxe professionnelle, l’instauration du bouclier fiscal, l’allégement des droits de succession et de transmission, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’élargissement du crédit d’impôt recherche, la baisse de la TVA dans la restauration, et j’en passe, les temps n’ont pas été durs pour tout le monde. Les revenus du capital, du patrimoine, de la spéculation financière et boursière ont connu quelques beaux jours qui montrent, au moins du point de vue de leurs détenteurs, que la feuille de route a été respectée et les promesses tenues. Vous le voyez, la situation n’est donc pas si sombre…

Songez-y un instant, mes chers collègues : comme nous le rappelions précédemment, à force d’alléger les impôts et les cotisations dus par les entreprises et les ménages les plus aisés, ce sont 178 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales qui ont été abandonnés, soit beaucoup plus que la somme des déficits de la sécurité sociale et du budget de l’État !

On peut légitimement s’interroger sur les effets de telles mesures sur la situation économique du pays, sur l’emploi et sur l’activité en général. Prenons la proposition qui nous est faite de mettre en œuvre une hausse de la TVA pour compenser une réduction des cotisations sociales normalement dues par les entreprises.

Outre que, une fois encore, on déplace la perception de la ressource sociale du lieu de production de la richesse vers la caisse des supermarchés, que constate-t-on ? Vos chiffres, madame la ministre, montrent un glissement de 13 milliards d’euros des cotisations vers l’impôt indirect. On escompte la création de 100 000 emplois, soit un emploi pour 130 000 euros par an ! On pourrait sans doute rêver d’un meilleur effet levier…

Imaginons d’ailleurs que vous caressiez l’idée de porter la TVA au taux le plus élevé, soit 25 %, qui est le plafond européen autorisé. Nous déplacerions de 30 milliards à 31 milliards d’euros de cotisations vers la fiscalité pour, au mieux, la création de moins de 250 000 emplois, sans même prendre en compte le fait que la hausse des prix à la consommation porterait sans doute un mauvais coup à la situation économique de notre pays.

Ainsi, l’explosion du taux normal de TVA créerait moins de 400 000 emplois. Eu égard à la densité et à l’importance du nombre des demandeurs d’emploi en France, s’il fallait prouver que la TVA sociale n’est pas la solution, nous en aurions ici la démonstration éclatante !

Mais est-ce bien là votre préoccupation principale ? Vous voulez au fond poursuivre le processus, entrepris de longue date, qui vise à dédouaner les entreprises de toute contribution directe au financement de l’action publique et dont il serait presque lassant de rappeler la longue liste de mesures.

Plus concrètement, le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté a une particularité étrange : il préempte, de manière évidente, la législature à venir, c’est-à-dire celle qui commencera une fois passé le cycle électoral auquel les Français sont appelés à participer ce printemps. Cette « préemption » vient évidemment du fait que la hausse de la TVA ne sera mise en œuvre qu’à compter du 1er octobre prochain ; que la taxation, somme toute modique, des transactions financières, qu’il était impossible de mettre en place – nous disiez-vous voilà deux mois ici même – dans un seul pays comme le nôtre, le sera le 1er août prochain ; et que le Mécanisme européen de stabilité, dont nous débattrons la semaine prochaine, ne le sera qu’encore plus tard, en juin 2013, une fois les instruments de ratification déposés.

Nous pourrions considérer ce travail parlementaire comme un pari sur l’avenir politique immédiat de l’actuel Président de la République et de son gouvernement, comme de sa majorité au Palais-Bourbon. Je comprends fort bien que vous escomptiez que le sort des urnes ne vous soit pas défavorable, mais il semblerait tout de même que la configuration politique du pays pourrait connaître quelques évolutions en mai et juin prochains. Il appartiendra au peuple français de trancher.

Débattre d’un collectif budgétaire dont les principales mesures engagent, de fait, la politique qui sera menée dans le pays à compter de juin 2012, une fois l’Assemblée nationale constituée, est tout de même un exercice audacieux.

Que les choses soient claires : notre groupe, si tant est que la situation politique évolue dans le sens de plus en plus attendu par la majorité des Français, ne saurait faire autre chose que combattre dès aujourd’hui ce qui est proposé et agir pour que demain, et au plus tôt, d’autres choix puissent être opérés. Il est notamment hors de question que nous nous estimions engagés le moins du monde à mettre en œuvre un Mécanisme européen de stabilité dont il semble bien qu’il vise à imposer la seule loi de la finance et des marchés face à la volonté populaire, telle qu’elle est exprimée par le suffrage des habitants des pays européens.

Aujourd’hui, le prélude au futur Mécanisme européen de stabilité ne sert qu’à mettre en œuvre un énième plan d’austérité en Grèce, alors même que la situation de ce pays ne s’en est trouvée aucunement améliorée. Les plans précédents, au nombre de neuf, me semble-t-il, étaient déjà décrits à l’époque comme ceux de la dernière chance.

Dans cette affaire, on notera au passage que le peuple grec n’a pas eu son mot à dire. M. Papandréou avait bien songé à solliciter l’avis de son peuple par voie de référendum, mais il y renonça en quarante-huit heures sur l’injonction des dirigeants européens. Point de concertation, point de référendum, point de démocratie : le peuple paye !

Mais il manifeste, il se fait entendre, il n’accepte ni l’austérité aggravée ni l’humiliation par la négation de sa souveraineté. Au-delà de cette enceinte, je veux, au nom du groupe communiste, républicain et citoyen, adresser à nos amis grecs l’expression de notre solidarité euro-citoyenne.

Lors de la discussion du premier projet de loi portant sur la situation grecque, notre groupe avait déjà manifesté sa préoccupation devant le mode de résolution des problèmes choisi par l’Europe. Le 6 mai 2010, notre éminent collègue Bernard Vera précisait : « Ce n’est pas dans le dumping fiscal et social, ni dans la réduction de la dépense publique, ni dans le financement exclusif des dettes des États par les marchés que nous rendrons à l’Europe corps et sens pour nos compatriotes. Le mythe de la stabilité économique de l’Union vient de partir en fumée. Telle est la grande leçon de cette crise, qui est loin d’être dénouée par ce projet de loi.

« Ce texte, replié sur la préservation de la rentabilité des marchés, assorti des mesures d’austérité les plus dures que le peuple grec ait eu à subir depuis la Seconde Guerre mondiale, contribuera à plonger la Grèce dans une récession très grave et dommageable pour toute l’Europe. »

En tenant ces propos voilà presque deux ans, notre collègue a malheureusement été très clairvoyant.

Quant à mon ami Michel Billout, il indiquait, lors du même débat, en défendant déjà à l’époque une motion tendant à opposer la question préalable : « À une situation financière temporairement délicate, on notera qu’on répond par des mesures structurelles tellement destructrices qu’elles vont impacter négativement et durablement l’économie grecque.

« C’est un peu comme si l’Europe avait réussi à imposer à la Grèce ce que les mouvements sociaux ont jusqu’ici réussi à mettre en échec en France, en Allemagne et dans l’ensemble des pays les plus développés de l’Union, où le monde du travail dispose encore de garanties collectives et de sécurités dont sont privés les jeunes diplômés grecs payés sous contrat précaire 400 euros par mois !

« Quand on est de gauche, attaché à des valeurs de progrès, soucieux de la défense des intérêts du plus grand nombre, on ne peut qu’être révulsé par la hausse vertigineuse de la fiscalité indirecte et les coupes draconiennes dans les dépenses publiques que comporte le plan dicté par le FMI, la BCE et par la Chancelière allemande, avec l’assentiment de la France ! »

Outre qu’effectivement, comme nous l’avions pressenti, la situation de la Grèce s’est sensiblement dégradée – la dette publique a augmenté de 25 % en deux ans –, les propos tenus à l’époque par mes collègues pourraient être repris aujourd'hui, sans en modifier la moindre virgule.

Vous comprendrez donc que, entre une TVA dite « sociale » inacceptable et un accroissement de la dette publique française pour venir au secours de spéculateurs financiers faisant payer le prix fort au peuple grec, nous ne puissions trouver la moindre qualité à ce projet de loi de finances rectificative que nous rejetons sans la moindre hésitation. Nous voterons donc bien évidemment la motion tendant à opposer la question préalable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le premier, et probablement pas le dernier, projet de loi de finances rectificative pour 2012. Celui-ci revêt une importance particulière.

Tout d’abord, le présent texte ajuste les prévisions économiques et notamment l’hypothèse de taux de croissance. Qui pourrait reprocher au Gouvernement de faire cet effort de vérité ?

Ensuite, il concrétise les annonces du Président de la République à la suite du sommet social du 18 janvier, qui ont pour vocation de relancer la compétitivité de nos entreprises, notamment dans les secteurs industriel et agricole confrontés à une rude concurrence. Il s’agit par conséquent de soutenir la croissance, qui, comme le dirait M. de La Palisse, est le moyen le plus efficace de produire des recettes et, partant, de diminuer, si nous en avons la volonté, nos déficits. Qui pourrait ne pas soutenir cette ambition ?

Enfin, et c’est l’essentiel, il met en œuvre l’engagement européen de la France de soutenir financièrement le futur Mécanisme européen de stabilité. S’y opposer serait remettre en cause, de manière totalement irresponsable, notre engagement européen, dans un contexte de crise majeure de la zone euro.

Aujourd’hui, nombreux ont été les orateurs qui l’ont rappelé, nous sommes très exactement à deux mois du premier tour de l’élection présidentielle. Un collectif de cette importance si près de cette échéance est indéniablement une preuve de courage et de détermination que le groupe de l’UMP tient à saluer.

Le Président de la République et le Gouvernement, avec un grand sens des responsabilités, continuent de travailler et de servir le pays, alors que d’autres essayent de passer sous le radar, refusant même d’assumer leur engagement européen, préférant, telles des autruches, mettre leur tête dans le sable en attendant que l’orage passe. On aurait envie de dire à Jacques Delors : « Réveille-toi, ils sont devenus flous ! »

Sourires sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Voilà ce que nos débats vont démontrer de manière éclatante aux Français. La majorité sénatoriale, sur laquelle plane l’ombre tutélaire du candidat furtif, François Hollande, va se réfugier aux abris alors que la France et l’Europe ont besoin de décisions.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Pour la Haute Assemblée, quel recul ! Pourtant, cette majorité sénatoriale, dressant un tableau toujours plus noir de la réalité, ne cesse de répéter que le bilan du quinquennat est catastrophique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. … que le chômage et les déficits ont augmenté.

Eh oui ! sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, faut-il vous rappeler que la vérité des chiffres n’est pas absolue et qu’elle doit toujours être contextualisée, relativisée et soumise à la comparaison ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Votre critique des résultats du Gouvernement fait fi du contexte, celui d’une crise d’une violence inouïe, qui a mis à genoux plusieurs pays européens : la Grèce, l’Espagne, le Portugal, gérés alors par des gouvernements socialistes. Mais, en France, par pure posture électoraliste, la gauche fait comme si cette crise n’existait pas.

Vous vous gardez bien de faire quelque comparaison que ce soit. Surtout, vous omettez de rappeler que, grâce à l’action du Président de la République et du Gouvernement, la France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses voisins européens. Oui, le chef de l’État et le Gouvernement ont su protéger la France et les Français.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous poussez des cris d’orfraie parce que nous augmentons la TVA de 1, 6 point, mais vous ne dites rien du niveau de nos retraites, niveau qui a été préservé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Demandez donc aux femmes si leurs retraites ont été préservées !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… alors même que vous n’avez pas voté la dernière réforme en la matière.

Vous ne dites rien non plus du fait que, depuis 2002, nous avons augmenté le minimum vieillesse de 25 %.

Pour l’essentiel, les choix effectués ont été pertinents. Mais vous vous gardez bien de parler des chiffres qui le démontrent. Ainsi, nous n’entendons jamais l’actuelle majorité sénatoriale insister sur le fait que l’État a su, durant ce quinquennat, maîtriser ses dépenses. Pourtant, en 2011, et pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État, hors dette et pensions, ont baissé de 260 millions d’euros. Et, triple A ou pas, la charge de la dette peut être cette année révisée à la baisse de 700 millions d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

La dette a augmenté de 500 milliards d’euros en cinq ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

De tout cela, vous ne parlez pas, alors que, de la perte du triple A, vous nous avez rebattu les oreilles.

Madame la rapporteure générale, les résultats de l’année 2011 n’ont pas été ceux que vous prédisiez. Jusqu’au dernier projet de loi de finances rectificative de l’année passée, vous avez préféré jouer les Cassandre, annonçant toujours moins de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mais les faits vous ont donné tort. L’objectif de réduction du déficit à 5, 7 % du PIB sera largement atteint, avec un résultat qui sera probablement en deçà de 5, 5%, de 5, 4 %, voire de 5, 3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Certes, dans votre rapport, vous évoquez ces chiffres, mais sans vous y appesantir ni vous en féliciter outre mesure, encore moins en expliquant que la politique du Gouvernement y est sans doute pour quelque chose. Vous devez donc estimer que c’est le fruit du simple hasard…

En outre, dans la présentation que vous avez faite hier en commission des finances, vous avez balayé d’un revers de la main les effets de ces bons résultats, établissant, pour 2012, des prévisions plus noires que noires, additionnant, de manière purement hypothétique, les conséquences budgétaires d’aléas forcément à la baisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vos scénarios reposent notamment sur une croissance nulle en 2012, sans considération pour l’hypothèse retenue non seulement par le Gouvernement, mais aussi par votre propre candidat, François Hollande : celle d’une croissance s’élevant à 0, 5 %.

On ne pourra pas dire que vos prévisions de croissance nous font voir la vie en rose ! Où sont donc la sincérité et l’objectivité de vos démarches, si elles ne reposent même pas sur l’hypothèse retenue par votre candidat ?

Pour sa part, et c’est tout à son honneur, le Gouvernement fait preuve de sincérité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… même à deux mois de l’élection présidentielle, en révisant sa prévision de croissance pour 2012 de 1 % à 0, 5 % du PIB.

Cette hypothèse est réaliste, surtout si nous prenons en compte l’acquis de croissance de 2011, estimé à 0, 3 %. En effet, selon l’INSEE, la croissance s’est établie l’an dernier à 1, 7 %, soit à un meilleur niveau qu’en 2010 – elle avait alors été de 1, 4 % –, rejoignant ainsi quasiment la prévision du Gouvernement, qui tablait sur 1, 75 %.

Encore une fois, la sincérité des prévisions et des chiffres du Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… a contredit non seulement les prédictions de la gauche, mais aussi celles des analystes, qui, rappelons-le, ne commettent pas là leur première erreur.

Au dernier trimestre, la croissance a été positive, s’élevant à 0, 2 %, alors que les économistes avaient unanimement tablé sur une sombre perspective : une baisse de 0, 2 %.

On constate en outre que, en Allemagne, la croissance a diminué de 0, 2 % au quatrième trimestre. Or personne n’évoque non plus cette baisse.

Ces bons résultats devraient être salués par tous les candidats à l’élection présidentielle : ce sont ceux de la France ! Mais il semble que, pour certains, l’intérêt supérieur du pays passe après la posture politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

De même, dans le présent collectif budgétaire, le déficit est réduit de 300 millions d’euros, si l’on ne tient pas compte de la dotation de 6, 5 milliards d’euros au futur Mécanisme européen de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Par ailleurs, certaines mesures de ce projet de loi de finances rectificative vont impacter positivement les finances publiques.

Ainsi, la mise en œuvre au 1er août prochain de la taxe sur les transactions financières pourrait rapporter 500 millions d’euros dès cette année et plus de 1 milliard d’euros en année pleine. L’intensification de la lutte contre la fraude fiscale rapportera 300 millions d’euros de plus en 2012 et les annulations de crédits budgétaires feront économiser 1, 2 milliard d’euros.

Nous avons le courage de jouer carte sur table ! Nous avons le courage d’assumer nos choix !

L’ensemble de ces mesures permettra de garantir le respect de l’objectif de 4, 5 % de déficit public pour 2012, en dépit du ralentissement annoncé de la croissance ; croissance que le présent texte a précisément pour objet principal de relancer, en renforçant la compétitivité des entreprises. En effet, quoi que l’on en dise, la France souffre indéniablement d’un déficit de compétitivité.

Des mesures très importantes ont été prises durant ce quinquennat : le crédit d’impôt recherche, la réforme de l’université et son rapprochement du monde de l’entreprise, le développement de l’apprentissage et des formations en alternance, que le texte d’aujourd’hui renforce d'ailleurs encore davantage.

Néanmoins, s’il ne constitue pas le seul élément de compétitivité, le coût du travail demeure un handicap bien français.

En 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentaient, en France, près de 23 % du PIB, contre 20 % en moyenne pour les autres pays de l’Union européenne.

Il suffit de questionner les patrons des PME pour se persuader de la lourdeur des charges pesant encore sur les entreprises. Leur diminution ne peut donc aller que dans la bonne direction ; nul ne peut prétendre le contraire.

En conséquence, il est proposé de diminuer les cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille pour les entreprises du secteur privé. Ainsi, ces cotisations seront totalement supprimées pour les salaires inférieurs à 2, 1 SMIC bruts mensuels ; leur taux sera progressif pour les salaires compris entre 2, 1 et 2, 4 SMIC, et sera identique au taux actuel pour les salaires supérieurs. Une telle mesure représente 5, 4 points de baisse de charges sociales et un allégement global du coût du travail de 13, 2 milliards d’euros. Pour un salaire de 2 300 euros nets, la baisse de charges pour l’entreprise sera donc de 158 euros par mois.

Cette disposition vise donc les salaires moyens. Elle est ainsi complémentaire des allégements généraux de cotisations, dits « allégements Fillon », lesquels concernent les bas salaires, à savoir ceux s’établissant entre 1 et 1, 6 SMIC. Elle permet également de concentrer les effets sur 80 % des emplois industriels et sur 97 % des emplois salariés agricoles, c’est-à-dire sur les emplois les plus exposés à la concurrence internationale.

Les 13, 2 milliards d’euros de baisse des charges sociales sur le travail seront compensés par 10, 6 milliards d’euros de recettes, provenant d’une augmentation de 1, 6 point du taux de TVA, et par 2, 6 milliards d’euros résultant d’une hausse de 2 points, à 15, 5 %, des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

La critique de cette réforme par la gauche, si elle est certes légitime, est pour le moins surprenante par ses angles d’attaque. En effet, le nouveau taux normal de TVA sera ni plus ni moins égal à la moyenne européenne, et la hausse des prélèvements sociaux pèsera sur les revenus du capital, la moitié de cet effort ne concernant que les 5 % des ménages les plus aisés.

Par ailleurs, la réforme est neutre s’agissant des taux de prélèvements obligatoires et équilibrée pour les finances publiques.

Les produits fabriqués en France bénéficieront ainsi de la diminution des charges, ce qui permettra la baisse de leurs prix hors taxe à l’exportation, quand les produits importés seront davantage taxés via l’augmentation de la TVA.

Comme de nombreux orateurs l’ont rappelé, cette initiative de la France n’est pas isolée : le Danemark et l’Allemagne, qui ont un taux de chômage largement inférieur au nôtre, ont déjà mis en place l’équivalent de la « TVA sociale ». En 1987, le Danemark, moyennant la quasi-suppression des charges sociales qui pesaient sur les entreprises, a relevé la TVA de 3 points, de 22 % à 25 % ; en 2007, la TVA allemande a augmenté de 3 points, dont 1 point spécifiquement consacré à la TVA et 2 points à l’augmentation des recettes de l’État.

J’ajoute que la quatrième recommandation sur le programme de stabilité de la France, adoptée en juin dernier par la Commission européenne et en juillet par le Conseil, préconisait un « déplacement de la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation », c’est-à-dire l’institution d’une taxe carbone et d’une TVA sociale. Bruxelles avait alors mis en exergue le fait que la taxation du travail de la France était l’une des plus fortes de l’Union européenne.

De même, la déclaration finale du Conseil européen informel du 30 janvier dernier a insisté sur la nécessité d’agir sur le coût du travail. Mais peut-être nos collègues de l’opposition présidentielle et de la majorité sénatoriale veulent-ils encore une fois passer outre ces recommandations, de la même façon qu’ils comptent imposer à nos partenaires de renégocier les derniers traités européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Tout cela est très facile à dire, mais ce n’est ni réaliste ni très sérieux. Je leur rappelle que l’augmentation de la TVA ne concernera ni les biens de première nécessité, comme l’alimentation ou les médicaments, ni les produits taxés au taux réduit de 7 %. Ces biens pourront donc voir leur prix baisser, puisque la TVA restera la même, tandis que les coûts de production diminueront du fait de la baisse de charges.

Au total, c’est l’équivalent de 60 % du panier de consommation des Français qui ne sera pas concerné par l’augmentation du taux de TVA. Pour les 40 % restants, contrairement à ce que vous avez l’air de supposer, les prix n’augmenteront pas forcément mécaniquement.

Il est regrettable que, en adoptant la motion tendant à opposer une question préalable présentée par la nouvelle majorité, le Sénat ne discute pas d’un projet de loi aussi important pour la crédibilité de la France. Il est regrettable que des sujets aussi cruciaux que la compétitivité de nos entreprises ou la taxation de la finance ne trouvent pas grâce à vos yeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Là encore, il s’agit manifestement d’une posture.

La taxation des transactions financières a pourtant été l’un de vos chevaux de bataille, comme elle l’a été pour le Président de la République.

Lorsqu’il a lieu sur votre initiative, le débat vous semble intéressant. Mais quand c’est le Gouvernement qui ouvre la discussion, circulez, il n’y a plus rien à voir !

L’argument selon lequel la proposition de taxation est trop éloignée de celle de la Commission européenne est vraiment fallacieux. Sur ce sujet, il importe de prendre l’initiative, en parallèle des négociations qui continuent sur le plan européen, pour espérer un effet d’entraînement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Rejeter ce texte, c’est également renoncer à des mesures de lutte contre la fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ne nous reprochez donc pas de n’avoir rien entrepris en ce domaine ! Bien au contraire, le Gouvernement n’a eu de cesse de vous proposer de voter des mesures en ce sens, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… dans les lois de finances rectificatives de décembre 2008, d’avril 2009, de décembre 2009 et de juillet 2011, comme dans le présent texte.

La majorité de gauche devra aussi nous expliquer pourquoi elle renonce à une mesure de développement de l’alternance susceptible de conduire, à terme, à l’embauche de 270 000 jeunes. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cette abstention, certains d’entre vous l’ont qualifiée de « dynamique »… Une telle formule est pour le moins osée !

Par un calcul électoraliste, espérant peut-être faire oublier à vos alliés du Front de gauche la bourde de l’interview au Guardian, où vous nous expliquez qu’il n'y a pas plus aujourd'hui de communistes en France, vous n’osez pas approuver la création du MES, véritable pare-feu face à la crise, et proposez de vous abstenir sur le projet de loi de ratification du traité.

Ne nous parlez donc plus de la souffrance du peuple grec ! Vous n’êtes pas au rendez-vous de l’histoire. Gageons que les électeurs sauront vous juger sur vos prises de position.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « enfin ! », suis-je heureux de dire à propos de ce projet de loi de finances rectificative, car il met enfin en œuvre la « TVA sociale », il baisse enfin les charges patronales des entreprises, il instaure enfin une taxe sur les transactions financières. Mais pourquoi si tard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Tous ces sujets, le groupe de l’Union centriste et républicaine, sous l’impulsion persévérante et clairvoyante de Jean Arthuis, et le président de la commission des finances, Philippe Marini, les défendent inlassablement depuis de nombreuses années.

Ce dernier projet de loi de finances rectificative de la législature vient clore une série de mesures visant à restaurer la compétitivité de nos entreprises, l’attractivité de la France et la croissance de notre économie : la réforme de la taxe professionnelle, dont l’évaluation reste certes encore à parfaire, le crédit d’impôt recherche, dont le succès est certain, et les investissements d’avenir, qui sont vitaux.

La première priorité réside dans l’amélioration du climat pour les entreprises, maltraitées par une fiscalité discriminatoire entre les entreprises du CAC 40, d’une part, et les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, d’autre part. On peut néanmoins penser que la hausse de 1, 6 point du taux normal de TVA et la baisse corollaire des charges patronales rendront toutes les entreprises industrielles plus performantes dans la compétition internationale.

Les chiffres du commerce extérieur sont catastrophiques, plusieurs orateurs l’ont répété : un déficit commercial de 70 milliards d’euros, une perte de 19, 4 % de parts de marché entre 2006 et 2010, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… conséquence, notamment, de l’écart entre 4 500 petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire en France contre 10 000 en Allemagne. Or ce sont ces entreprises qui font la force de l’exportation et de l’innovation d’un pays. Plus inquiétant, les entreprises exportatrices sont 364 000 en Allemagne, contre seulement 92 000 en France, l’Italie elle-même nous dépasse très largement.

Le tissu de nos petites et moyennes entreprises et de nos entreprises de taille intermédiaire est trop faible, mais paradoxalement la France possède par ailleurs des champions industriels internationaux du CAC 40 dans les domaines de l’énergie, de l’aéronautique, des transports, du bâtiment, de la santé, du luxe, de l’agroalimentaire. Onze entreprises françaises figurent parmi les cent premières mondiales, ce qui place notre pays au premier rang européen.

Quelles solutions pour dynamiser les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire ? Déjà, ce projet de loi de finances rectificative crée une « banque de l’industrie », outil de financement et de garantie. Ferez-vous, monsieur le ministre, un effort en faveur des technologies de la « croissance verte » ? Dans un autre domaine, peut-on envisager une mise en place d’opérateurs boursiers qui leur seraient dédiés ?

La réindustrialisation est à l’ordre du jour. Les pôles de compétitivité, fleurons régionaux alliant universités, écoles d’ingénieurs et entreprises ont la capacité de se développer à l’international. Comment la décupler ? Dans quelle mesure les régions peuvent-elles s’engager dans le renouveau industriel de leur territoire ?

Ce projet de loi de finances rectificative se fait également justicier, en luttant contre la fraude et l’évasion fiscales par des sanctions accrues visant la dissimulation de comptes bancaires et de contrats d’assurance vie détenus à l’étranger. Plus redoutable, l’article 7 renforce les sanctions pénales en cas de fraude fiscale, pour la première fois depuis 1977, et aggrave ce délit lorsque des paradis fiscaux ou des États non coopératifs sont en cause.

Une autre disposition d’équité financière est consacrée par l’article 2 : la très désirée taxe sur les transactions financières. Avec cette mesure nationale, la France joue le rôle de fer de lance pour inciter la présidence danoise de l’Union européenne à accélérer l’adoption du projet de taxe européenne, encore en négociation ; elle a reçu le soutien de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, de l’Espagne, de la Finlande, de la Grèce, de l’Italie et du Portugal.

Cette taxe serait enfin une juste contribution du secteur financier au coût de la crise financière supporté par les États, et donc par les contribuables. Elle répondrait en partie au souhait de Vaclav Havel, pour qui « le marché ne peut exister qu’à condition qu’il repose sur une morale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Notre commission des finances va plus loin dans la taxation de la spéculation, en adoptant les propositions de Mme le rapporteur général, soit ! Moraliser les marchés est une démarche « transpartisane ».

Objet de nombreuses critiques et comparaisons, cette taxe sur les transactions financières aura au moins le mérite d’exister et de rapporter 1, 1 milliard d’euros en année pleine. Elle a surtout le mérite d’enclencher une dynamique, qui ne fait en rien obstacle à la future taxe européenne sur les transactions financières.

Notre pays s’engage très fortement en faveur de la stabilité financière des pays de la zone euro et de la solidarité européenne, d’une part, en relevant le plafond des prêts accordés au FMI à 31, 41 milliards d’euros et, d’autre part, en prévoyant l’information du Parlement sur la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité, organisation internationale pérenne avec des fonds propres de 80 milliards d’euros. La France, qui donne l’exemple, abonde ce fonds de 6, 5 milliards d’euros, en avançant déjà le versement de la deuxième tranche. Nous en reparlerons la semaine prochaine, lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité instaurant le Mécanisme européen de stabilité.

La compétitivité, outil de croissance et objet de ce projet de loi de finances rectificative, n’est pas seulement comptable, elle est aussi, selon la définition donnée par l’Union européenne, « la capacité d’une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale dans un environnement de qualité ».

La clé, c’est l’innovation ! Or la France demeure timide en la matière. Le contraste est frappant avec les États-Unis, qui ont été pionniers en recherche et développement, en particulier dans les domaines de l’électronique et des biotechnologies. L’une des causes de notre situation réside dans notre effort très insuffisant en matière de recherche et développement, secteurs public et privé confondus.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Il se monte seulement à 2, 10 % du PIB pour la France. Notre pays se classe loin derrière l’Allemagne, qui dépose trois fois plus de brevets que lui, et derrière la Corée du Sud, les États-Unis, le Japon, la Suède et beaucoup trop d’autres.

J’ajoute que le professeur de génétique Marc Fellous nous alerte, en dressant les conséquences désastreuses pour la recherche en biotechnologies végétales du nouveau moratoire sur la variété OGM de maïs Monsanto 810.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Certes, ne jouons pas les apprentis sorciers, mais ne laissons pas non plus le principe de précaution voisiner avec l’obscurantisme et un recul économique ! Ainsi, conséquence inquiétante pour l’Europe, nous assistons à la délocalisation ou à la création d’activités nouvelles de recherche et développement à l’étranger : le « numéro un » mondial de la chimie, l’allemand BASF délocalise toutes ses activités de biotechnologies végétales aux États-Unis.

Les investissements d’avenir sont bien sûr, aussi et surtout, l’investissement dans la formation, l’apprentissage, la formation en alternance pour les jeunes. Il convient, bien évidemment, de valoriser ces filières. Il est temps de remettre à l’honneur l’« intelligence de la main », comme l’avait fait le Président Giscard d’Estaing en son temps.

La France n’est pas un pays d’industriels, mais d’ingénieurs. Le Président Pompidou affirmait que les Français n’aimaient pas l’industrie. Il forçait peut-être un peu le trait, mais les familles préfèrent encore trop souvent que leurs enfants travaillent dans l’administration plutôt que dans l’industrie : 300 000 à 500 000 emplois ne sont pas pourvus, c’est incompréhensible, donc inacceptable ! L’exemple allemand est, dans ce domaine, très pertinent : il est indispensable de mettre en adéquation la formation et les besoins de l’économie. Sachons donner aux jeunes l’envie de rejoindre l’industrie, comme Pierre Gattaz le fait si bien dans son livre Le printemps des magiciens – La révolution industrielle, c’est maintenant !

Les comparaisons avec l’Allemagne, notre principal partenaire, sont multiples et rarement à notre avantage. Pourtant, le modèle allemand n’est pas entièrement transposable et, si la comparaison est utile, elle doit rester prudente. Je proposerai donc deux autres exemples : l’Italie et la vigueur de ses districts industriels et technologiques, leur travail « en meute » ; la Suède, bien sûr, jadis État providence comparable au nôtre, qui a su révolutionner son système et choisir la solidarité plutôt que l’assistanat.

Le monde a changé et, hélas ! il nous fait peur. Les Français sont très inquiets face à la mondialisation. Or tel n’est pas le cas des ressortissants des pays émergents, des Nord-Américains et de nombreux Européens, pour qui elle représente une chance. Comme eux, soyons créatifs. Inventons ! Osons saisir les opportunités !

Les Français ne sont certes pas prêts à intégrer la philosophie schumpétérienne de « destruction créatrice » comme les Suédois, qui sont conscients que des pans entiers de leur industrie seront un jour sinistrés et qui inventent déjà les filières d’avenir. Ils s’y préparent et y préparent leurs enfants, par l’éducation et la formation. Tel est le véritable investissement d’avenir : l’investissement dans l’humain.

Je souscris aux propos de Jean-Paul Delevoye, qui en appelle à une « véritable révolution mentale et comportementale » des citoyens et des responsables politiques pour conduire le changement. En effet, comme l’a dit si justement Winston Churchill : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne à la gorge » !

Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des raisons qui nous incitent à ne pas poursuivre le débat sur ce projet de loi est un sujet peu évoqué ce soir, celui de l’apprentissage, qui me tient particulièrement à cœur, car il concerne aussi les régions. L’exercice de cette compétence, qui leur a été transférée, semble d’ailleurs être actuellement remis en cause par le Gouvernement.

Je parlerai donc de la modification des taux de la contribution supplémentaire à l’apprentissage et du quota d’alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés, prévue par l’article 8 du projet de loi de finances rectificative.

La réglementation de la formation en alternance a, très récemment encore, fait l’objet d’un certain nombre de modifications. Le 1er mars 2011, le Président de la République avait annoncé la fixation d’un objectif de 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015 et, à terme, de 1 million d’apprentis, avec une réforme du financement de l’alternance.

La première étape de la mise en œuvre de ce programme a été franchie avec l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011. Celle-ci procède à une refonte du dispositif d’incitation à l’embauche des apprentis en combinant le relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises à la contribution supplémentaire à l’apprentissage à une modulation du taux de cette contribution, dit « malus », et à la création d’un « bonus » consistant dans le versement, par l’État, d’une prime aux entreprises qui respectent les quotas.

Cette réforme avait pour unique but d’afficher « du chiffre », en faisant baisser les statistiques du chômage par le développement de l’apprentissage saisonnier, de l’apprentissage en intérim et de l’apprentissage à partir de quatorze ans. Ainsi, j’ai constaté que le décret du 15 février 2012 relatif aux dispositifs d’alternance personnalisés durant les deux derniers niveaux de l’enseignement au collège ouvre la possibilité de stages dans des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage. Veut-on vraiment valoriser l’apprentissage, lorsque l’on organise une orientation précoce des élèves en échec ?

Mes chers collègues, il s’agit d’une véritable déréglementation de l’apprentissage, que je déplore d’autant plus que je soutiens très activement, comme beaucoup d’entre vous, cette filière.

Entre 2007 et 2011, les statistiques montrent une évolution extrêmement faible du nombre de contrats d’apprentissage, qui sont passés de 416 000 en 2007 à 434 000 en 2011. Il faut par ailleurs constater une baisse des contrats de professionnalisation, qui s’élevaient à 202 000 en 2007, mais à 194 000 en 2011.

Le renforcement des obligations des entreprises concernant l’alternance n’a donc pas démontré son efficacité.

Monsieur le ministre, madame la ministre, avec l’article 8, vous voulez modifier les obligations des entreprises seulement six mois après la réforme de la contribution supplémentaire à l’apprentissage.

Vous portez les effectifs en alternance des entreprises de plus de 250 salariés de 4 % à 5 %, mesure qui s’appliquera à la contribution supplémentaire à l’apprentissage due à compter de 2016 au titre des rémunérations versées en 2015 – nous sommes donc loin aujourd'hui de son application –, avec un doublement de la contribution supplémentaire des pénalités.

Vous procédez en outre à une augmentation annuelle et progressive du barème des taux de contribution en cas de non-respect du quota à partir de la contribution due à compter de 2013 au titre des rémunérations versées en 2012, jusqu’en 2016.

De fait, votre politique repose uniquement sur l’aspect « répressif » et le renforcement du « malus », et non sur l’incitation intelligente à le faire.

L’objectif est d’encourager les entreprises à embaucher davantage de salariés en alternance, qu’ils soient en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation. Cependant, selon les propres chiffres du Gouvernement, les entreprises de 250 salariés et plus ne comptent actuellement que 1, 6 % d’apprentis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Dans ces conditions, comment voulez-vous passer de 4 % à 5 % ? Il y a un gouffre entre la situation réellement vécue dans les entreprises et ce que nous propose le Gouvernement.

À l’évidence, le renforcement des obligations des entreprises concernant l’alternance n’a pas démontré son efficacité.

Lors de l’examen de la mission « Travail et emploi » de la loi de finances pour 2012, au mois de décembre dernier, j’avais rappelé que l’objectif de 600 000 apprentis en 2015 impliquerait une augmentation de 50 % des effectifs actuels en seulement quatre ans, alors que le nombre d’apprentis n’a progressé que de 8 % entre 2005 et 2010.

La création à compter de 2006 de la surtaxation des entreprises ne respectant pas le quota d’alternants dans leurs effectifs n’a que peu influé sur l’évolution du nombre d’apprentis. Au contraire, c’est la logique de cofinancement de l’État avec des régions fortement impliquées qui a permis l’augmentation du nombre d’apprentis dans notre pays. Or vous ne prenez pas en compte cette réalité ; l’emploi dans les régions, dans le contexte actuel, commanderait que l’État s’implique davantage sur des objectifs réalistes et atteignables, au travers de la nouvelle génération des contrats d’objectifs et de moyens pour la période 2011-2015.

Il serait préférable que le Gouvernement se penche sur les insuffisances du contrat de professionnalisation, la faiblesse des incitations financières et la carence de pilotage du dispositif qui ont été dénoncées par la Cour des comptes. Il conviendrait également de s’attacher aux moyens à mettre en œuvre pour limiter le phénomène de rupture des contrats en alternance par les jeunes eux-mêmes, qui est, vous le savez, en augmentation. Au lieu de cela, vous préférez un dispositif de malus dont les effets sur l’augmentation des ressources destinées au développement de l’apprentissage et l’incitation à l’embauche par les entreprises ne sont pas évalués.

Quand on considère la réalité des efforts budgétaires de l’État prévus pour 2012 en faveur du développement de l’alternance, on ne peut être que déçu, car les moyens ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés.

L’objectif de 500 000 apprentis n’a pas été atteint, et la progression de leur nombre semble plafonner depuis 2008. Il aurait mieux valu appuyer cette nouvelle modification par l’évaluation des effets de la précédente réforme. Cette évaluation est, il est vrai, rendue particulièrement difficile par un dispositif trop complexe, à multiples tranches d’imposition et à taux glissant, qui aurait dû être simplifié.

Pourquoi décider maintenant d’une modification, alors qu’aucune des nouvelles dispositions n’entrera en vigueur en 2012 ? Le relèvement du barème ne sera applicable qu’en 2013, l’augmentation des quotas de 4 % à 5 % en 2016.

Il n’y a en fait aucune justification à légiférer, si peu de temps après la précédente réforme, dans ce véhicule législatif. Votre mesure n’a donc qu’un effet d’annonce.

Vous ne traitez pas le vrai problème : l’évaluation de la précédente réforme n’a pas été faite et celle que vous proposez maintenant est aléatoire. Était-il bien utile de l’inclure dans ce texte, sinon pour essayer de le densifier à travers des mesures concernant l’apprentissage que chacun souhaite voir mis en place, mais qui n’auront pas d’effet dans les deux ou trois années à venir ? C’est la raison pour laquelle nous ne débattrons pas de ce projet avec vous ce soir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’informe le Sénat que la commission des finances a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 actuellement en cours d’examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.