Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période pré-électorale mouvementée, il est agréable de constater qu’il reste des sujets dépassant les clivages partisans et sur lesquels un consensus peut se dégager au sein de notre Haute Assemblée. Tel est pour nous le cas avec cette proposition de loi dont l’adoption doit permettre de mener à leur terme l’ensemble des enquêtes sociales diligentées en vue de protéger des enfants en danger.
Ce texte consensuel, de nature technique, est rendu nécessaire par une lacune de la loi du 5 mars 2007, qui n’a pas prévu de coordination interdépartementale. Cette loi a cependant permis de franchir une étape essentielle dans la construction d’un dispositif de protection efficace de l’enfance, fondé sur l’intérêt de l’enfant : le développement de la prévention, un meilleur dépistage des enfants en danger et l’amélioration de l’intervention auprès des enfants et de leurs familles ont été mis en avant lors de la discussion de ce premier texte.
De même, le principe de la primauté de la protection administrative sur la protection judiciaire a été consacré. De fait, le rôle central dans le dispositif de protection de l’enfance a été dévolu au président du conseil général, à l’instar du « directeur de la protection de la jeunesse » que connaissent nos amis québécois. Ce président centralise dorénavant l’ensemble des informations préoccupantes transmises par tous les intervenants du secteur.
Pour l’aider dans le recueil et le traitement de ces informations, il peut s’appuyer sur la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, qui les conserve et les analyse, et sur l’observatoire départemental de la protection de l’enfance, auquel participent tous les acteurs de cette politique.
Cinq années ont passé depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2007, qui a rendu plus efficace et cohérent le système de protection. Malheureusement – nous le savons, nous qui gérons ces collectivités locales –, certains ménages ont cerné les limites d’un dispositif départemental. Deux tragiques faits divers récents nous en ont apporté une preuve aussi cruelle qu’évidente : des familles suivies par la protection de l’enfance ont pu passer entre les mailles des filets tendus aux frontières des départements et se sont purement et simplement soustraites aux enquêtes sociales.
De telles situations sont rares – on parle, en tout et pour tout, d’une centaine de familles –, mais elles font courir un risque d’une grande gravité aux enfants, dès lors que les parents souhaitent sciemment échapper aux services sociaux en se réfugiant de l’autre côté de la frontière administrative dressée par la loi du 5 mars 2007.
Mes chers collègues, je ne peux que me féliciter, au nom de mon groupe, de la solution retenue par l’auteur de cette proposition de loi qui facilite la transmission d’informations entre départements, lorsque la nouvelle adresse du ménage est connue, mais aussi lorsqu’elle ne l’est pas. Le président du conseil général du département de départ pourra alors saisir les services qui versent les prestations sociales aux fins d’obtenir la nouvelle adresse qu’il communiquera au département d’accueil. Cet outil efficace et rapide permettra de faire face aux cas les plus difficiles.
Madame la secrétaire d’État, il aura fallu attendre près de cinq ans pour corriger les imperfections de la loi du 5 mars 2007 et un an et demi pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de la Haute Assemblée après son vote par nos collègues députés.
Permettez-nous de rester dubitatifs quant aux réelles intentions du Gouvernement en matière de protection de l’enfance. À ce jour, nous n’osons plus espérer la publication du décret d’application de la loi de 2007 définissant et sécurisant la transmission des informations, tant nous l’avons attendu !
Nous nous interrogeons également sur cette étrange logique qui pousse, d’un côté, à développer la protection de l’enfance et, de l’autre, à battre en brèche tous les principes protecteurs prévus par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
Je pense aussi à l’attitude du Gouvernement face aux conseils généraux : une fois encore, vous opérez un transfert de charges et de compétences sans contrepartie financière.