Intervention de François Baroin

Réunion du 22 février 2012 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

François Baroin, ministre :

Même les socialistes espagnols ont voté la règle d’or, comme la droite qui était dans l’opposition à l’époque. Nous devrions être animés du même esprit. L’approche de la campagne électorale ne doit pas faire perdre à la représentation nationale le sens des responsabilités. Ce vote contribuera à sauver la Grèce, à éviter la contagion, à garantir la solidité et l’unité de la zone euro et à créer les conditions d’un rebond de croissance.

Il en ira de même lors du Conseil européen du 2 mars prochain, au cours duquel la France et l’Allemagne feront des propositions.

Revenons à notre action en faveur de la Grèce, qui remplit désormais toutes les conditions requises pour le lancement du programme de soutien. Le parlement grec a adopté l’accord agréé avec la troïka – Commission européenne, Banque centrale européenne, Fond monétaire international – le 12 février dernier.

Par ailleurs, les réformes permettant la modernisation du marché du travail sont déjà engagées ; d’autres les suivront dans les prochaines semaines. Le Premier ministre grec, M. Papademos, a pris des engagements sur ce point lundi soir. Ces réformes visent à restaurer la soutenabilité des finances publiques grecques et la compétitivité de l’économie grecque, gage d’une croissance soutenable. Le 15 février dernier, les partis de la coalition au pouvoir, le Pasok et la Nouvelle Démocratie, se sont engagés par écrit à soutenir et à mettre en œuvre les réformes requises par le second programme.

En contrepartie de ces efforts significatifs et après plus de treize heures de négociations, nous sommes parvenus à un accord d’envergure sur un plan de sauvetage de la Grèce, dont je rappellerai rapidement les principaux paramètres.

En premier lieu, les États membres de la zone euro et le FMI apporteront 130 milliards d’euros de prêts – et non de subventions – d’ici à 2014, en plus du précédent programme de 110 milliards d’euros. Ces prêts seront rémunérés aux conditions de marché. Les États créanciers ont accepté de réduire les taux d’intérêt servis par la Grèce sur les prêts bilatéraux antérieurs, et ce de manière rétroactive. Le FMI décidera, au cours de la deuxième semaine de mars, du montant définitif de sa participation à ce prêt.

En ce qui concerne la participation du secteur privé, la Grèce lancera dans les prochains jours l’offre d’échange de sa dette souveraine. Cette offre implique une décote de la valeur nominale de la créance, qui représente une annulation de dette de plus de 100 milliards d’euros. Les taux d’intérêt sur la nouvelle dette seront plus faibles que ceux de la dette ancienne : cela correspond à un effort significatif de la part des créanciers privés. Je précise que cet effort est consenti sur la base du volontariat, ce qui permet d’éviter un défaut de la Grèce et, par voie de conséquence, le déclenchement des contrats d’assurance sur les titres souverains, les fameux CDS.

En deuxième lieu, la Banque centrale européenne, la BCE, et les banques centrales nationales ont pris des décisions fortes, dans le plein respect de leur mandat.

La BCE et les banques centrales nationales restitueront les plus-values réalisées sur les titres grecs dans le cadre du programme d’achat sur le marché secondaire ou dans le cadre des opérations de portefeuille. Ces deux contributions s’ajoutent aux interventions conduites par la BCE au profit du refinancement bancaire.

En troisième lieu, la mise en œuvre des engagements pris par la Grèce fera l’objet d’un suivi régulier et renforcé. Certains ont abusivement parlé de tutelle ; il s’agit en réalité du renforcement du dispositif de contrôle et de la fréquence des visites des experts de la troïka, ainsi que du maintien de leur intervention, sous forme de conseils, afin d’accompagner le Gouvernement grec dans la mise en œuvre des réformes qu’il s’est engagé à mener.

Enfin, les autorités grecques modifieront leur Constitution d’ici à 2013, pour faire du paiement des intérêts et du remboursement de la dette souveraine une dépense prioritaire.

Ce plan de sauvetage permettra à la Grèce de restaurer la soutenabilité de ses finances publiques et la compétitivité de son économie.

La prochaine étape est désormais celle du renforcement des pare-feu européens : tel est l’objet de l’article du projet de loi de finances rectificative portant sur le Mécanisme européen de stabilité.

Je voudrais maintenant rappeler brièvement le contexte macroéconomique dans lequel s’inscrit ce collectif budgétaire.

En France, l’activité a rebondi au troisième trimestre 2011, mais son ralentissement s’est poursuivi dans la zone euro, où le taux de croissance s’est établi à seulement 0, 1 %.

Ce ralentissement s’est confirmé au quatrième trimestre, et le PIB de nombreux pays de la zone s’est contracté. En France, en revanche, la croissance a bien résisté : elle s’est établie à 0, 2 %. Sur l’ensemble de l’année 2011, la croissance du PIB est donc de 1, 7 % dans notre pays, chiffre conforme à la prévision du Gouvernement.

Que n’avions-nous entendu à ce propos lors de la discussion du projet de budget pour 2012 ! On nous disait que c’était un objectif inatteignable, compte tenu du contexte mondial, du ralentissement de l’économie américaine… Les mêmes « encouragements » nous avaient été prodigués à propos des perspectives de réduction du déficit public. On nous avait affirmé que nous ne pourrions jamais ramener celui-ci de 7 % à 5, 7 % ; or nous ferons mieux encore !

Cela signifie que, sur les deux points essentiels, sur les deux éléments constitutifs de la matrice de la construction budgétaire, à savoir la perspective de croissance et la réduction du déficit public, nous avons atteint ou dépassé nos objectifs, contre les prévisions des observateurs et à rebours de l’ensemble de la zone euro, puisque la France est le seul pays à avoir enregistré de la croissance au dernier trimestre de 2011. Je veux insister sur ce point, car cela renforce les arguments que nous développons à l’appui de ce collectif budgétaire. (

Reconnaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la stratégie adoptée par le Gouvernement dans cette conjoncture particulièrement difficile est la bonne et qu’elle a porté ses fruits. Elle a respecté un parfait équilibre entre la consolidation des finances publiques et la préservation de notre croissance.

Pour autant, nous tenons compte naturellement de l’environnement, et le Gouvernement fait preuve de la plus grande prudence.

Ainsi, nous avons retenu, pour 2012, une prévision de croissance de 0, 5 %, qui reflète les incertitudes pesant encore sur l’activité mondiale. Je ne doute pas que l’accord intervenu lundi soir contribuera puissamment, dans la durée, à restaurer la confiance des investisseurs en la stabilité de la zone euro.

Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que les résultats du dernier trimestre nous donnent déjà un acquis de croissance, pour cette année 2012, de 0, 3 %.

Certains indicateurs signalent une évolution plus favorable de l’activité en début d’année. Ainsi, les dernières enquêtes de conjoncture ont cessé de manifester une détérioration. En outre, le financement de l’économie demeure globalement satisfaisant, et le Gouvernement veille à ce que la consolidation des fonds propres des banques françaises ne pèse pas sur le marché du crédit.

Nous restons extrêmement vigilants sur le niveau de crédit aux ménages et aux entreprises françaises. À la fin de décembre, l’encours de crédit à l’économie française était en hausse de 5, 3 % sur les douze derniers mois, contre 1, 3 % sur la même période pour l’ensemble de la zone euro.

En ce qui concerne le crédit aux collectivités locales, sujet qui vous préoccupe légitimement, afin d’éviter tout risque de détérioration de l’accès au financement, nous avons décidé de mettre en place une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros à partir des fonds d’épargne, dont 2 milliards d’euros seront disponibles dans les tout prochains jours.

Cette enveloppe s’ajoute aux 5 milliards d’euros que le Gouvernement avait déjà débloqués à la fin de l’année dernière. Elle permet d’organiser la période de transition avant la finalisation de la mise en place de la nouvelle filiale commune de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque postale, issue du plan de restructuration ordonnée de Dexia. La nouvelle structure sera opérationnelle d’ici à la fin du premier semestre 2012.

Nous veillons aussi, naturellement, à ce que le secteur bancaire reste mobilisé pour financer l’ensemble des activités des collectivités locales.

Frédéric Lefebvre et moi-même avons réuni lundi dernier les principales banques françaises, la Banque de France et la Médiation du crédit. À l’issue de nos discussions, les banques se sont engagées à octroyer environ 10 milliards d’euros de crédits nouveaux aux collectivités locales en 2012, hors nouvelle enveloppe sur fonds d’épargne. Au total, entre la constitution de la joint venture de la Caisse des dépôts et de la Banque postale, l’enveloppe de 5 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros seront immédiatement disponibles, et l’engagement pris par le secteur privé d’accorder 10 milliards d’euros de crédits nouveaux, les besoins de financement des collectivités locales, qui sont estimés, pour l’exercice 2012, entre 17 milliards et 20 milliards d’euros, devraient être satisfaits sans difficulté.

Par ailleurs, comme ses partenaires, la France a pris l’engagement, au G20 et devant les instances européennes, de participer à la fois à la consolidation budgétaire et au soutien à l’activité économique. C’est tout le sens des propositions qui seront présentées tout à l’heure avec beaucoup de talent et d’énergie par Valérie Pécresse. À cet instant, je voudrais simplement prendre le contre-pied de quelques idées reçues.

Les cotisations sociales à la charge des employeurs sont de vingt-deux points plus élevées en France qu’en Allemagne. Un rapport publié aujourd’hui par l’INSEE montre que la France détenait un net avantage en matière de coût du travail horaire dans l’industrie en 1996 mais que l’écart avec l’Allemagne s’est entièrement résorbé depuis, les coûts étant équivalents en 2008.

On constate donc indiscutablement une perte de compétitivité, qui s’explique par l’évolution des coûts horaires. L’INSEE ne manque d’ailleurs pas de souligner que la mise en place des 35 heures a lourdement contribué à cette dynamique. §

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