Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 22 février 2012 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Valérie Pécresse, ministre :

Dans ces conditions, accuser le Gouvernement d’agir trop tôt ou trop tard n’a tout simplement pas de sens : l’important, c’est d’agir !

Cela fait quinze ans que notre pays est pris dans une spirale de déficit de compétitivité et notre responsabilité, aujourd’hui, est de tout mettre en œuvre pour l’en sortir, en poursuivant notre ambitieux programme de réformes. En effet, notre action s’inscrit dans une continuité parfaite depuis cinq ans.

Ce collectif va donc nous permettre de réaliser une nouvelle avancée majeure en matière de compétitivité.

Les chiffres sont parlants : si l’investissement et la consommation des ménages se portent plutôt bien, avec des hausses respectives de 0, 9 % et de 0, 2 % au quatrième trimestre 2011, nos performances commerciales, elles, se dégradent depuis plus de dix ans. Nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l’Allemagne. Notre part dans les exportations de la zone euro est passée de 15, 8 % en 2000 à 12, 9 % aujourd’hui. Parallèlement, nous importons de plus en plus : la part des importations dans la consommation de produits manufacturés des ménages est passée de 28 % à 42 %. Nous avons perdu 500 000 emplois industriels depuis dix ans, et notre déficit extérieur s’aggrave continûment depuis quinze ans.

Nul ne peut le contester, nous avons bel et bien un problème de compétitivité, en grande partie lié à la faiblesse de nos exportations. Devant cette situation, depuis 2007, nous n’avons pas cessé d’agir.

La gauche semble aujourd’hui découvrir ce problème et voudrait s’y attaquer en agissant d’abord sur la compétitivité hors coûts. Cette conversion tardive est louable, mais je rappelle que, depuis 2007, ce gouvernement a agi sur la compétitivité hors coûts au travers de deux paramètres essentiels.

Le premier de ces paramètres est l’innovation. En triplant le crédit d’impôt recherche, en réformant en profondeur le fonctionnement de notre appareil de recherche, en lançant un programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros, nous avons posé les bases d’une amélioration considérable de notre capacité d’innovation qui se diffuse largement dans notre tissu productif, puisque 80 % des bénéficiaires du crédit d’impôt recherche sont des PME.

Le second paramètre est l’investissement. En réformant la taxe professionnelle, nous avons supprimé une taxation pesant exclusivement sur l’investissement de nos entreprises. Cet effort de 5 milliards d’euros annuels constitue, là encore, une avancée majeure, dont 80 % des bénéficiaires sont des PME. Il s’ajoute aux 30 milliards d’euros investis depuis 2007 par l’intermédiaire du FSI, le Fonds stratégique d’investissement, et d’OSEO pour aider nos entreprises à se financer.

Aujourd’hui, avec l’abaissement du coût du travail, nous ouvrons le deuxième acte de cette politique, celui de la compétitivité-prix. En effet, c’est faire preuve de beaucoup d’aveuglement que d’ignorer l’incidence du coût du travail sur notre compétitivité.

Je rappellerai quelques chiffres à cet égard : le coût du travail par unité produite a augmenté entre 2000 et 2009 de 20 % en France, contre 7 % seulement en Allemagne ; pour un même coût du travail, par exemple 4 000 euros bruts, l’entreprise allemande acquitte 695 euros de charges patronales, l’entreprise française 1 217 euros, soit presque le double, le salarié français recevant 2 400 euros nets, son homologue allemand 2 615 euros. Au final, ce sont les salariés français et l’emploi en France qui sont pénalisés.

Nier notre problème de coût du travail, comme le fait aujourd’hui la gauche, n’est tout simplement pas possible. Il y a quinze ans, elle disait d’ailleurs strictement l’inverse : ainsi, à l’époque, M. Jospin écrivait à Edmond Malinvaud que le niveau des prélèvements sur le travail était l’un des problèmes majeurs de l’économie française et il avait fait de la réduction du coût du travail la sixième proposition du programme du parti socialiste en 2002.

Que dire de la proposition de François Hollande d’augmenter les cotisations sociales d’un point au minimum pour financer un retour en arrière sur la réforme des retraites, au risque de détruire des dizaines de milliers d’emplois ? Aucun gouvernement en Europe, de gauche ou de droite, ne s’aventure à soutenir un tel contresens ! Nous proposons de baisser le coût du travail, vous préconisez de l’augmenter : les Français sauront choisir entre ces deux politiques !

Dans cette perspective, le Gouvernement propose de supprimer totalement les cotisations « famille » pour les salaires allant jusqu’à 2, 1 fois le SMIC, puis de les réduire de manière dégressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC. Cette réduction des charges sociales, qui apportera un avantage de compétitivité de 13, 2 milliards d’euros, sera financée d’une part par une augmentation de 1, 6 point de la TVA à taux normal, ce qui représente une somme de 10, 4 milliards d’euros – la hausse de la TVA est donc plus faible que la baisse du coût du travail –, d’autre part, dans un souci permanent d’équité, par une augmentation de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, soit une recette supplémentaire de 2, 6 milliards d’euros, apportée à hauteur de 50 % par les 5 % de ménages les plus riches. C’est là une nouvelle preuve que l’équité fiscale est au cœur de notre action.

Ce basculement de charges sociales vers la fiscalité représentera un gain de compétitivité majeur pour les entreprises, puisque la baisse de la masse salariale pourra aller jusqu’à 5, 4 %. Ses effets seront immédiats. Dans un contexte de croissance ralentie et de concurrence accrue, l’intérêt des entreprises sera, dans la grande majorité des cas, de répercuter immédiatement la baisse des charges sur les prix, afin de gagner des parts de marché. J’ai accompagné le Premier ministre lors de son déplacement dans la Somme, la semaine dernière : les industriels de ce département étaient unanimes pour dire qu’une différence de prix de 1 % à 2 % décidait de l’attribution ou de la perte d’un marché. Une diminution de 5, 4 % de la masse salariale représente donc un gain de compétitivité considérable pour nos entreprises.

Il résultera de l’application de cette mesure que les produits français seront avantagés par rapport aux produits importés, puisque les produits fabriqués en France verront leur prix baisser, sur le marché national et à l’exportation, alors que les produits importés subiront la hausse de la TVA sans bénéficier de la baisse de charges.

J’ajoute que le ciblage que nous avons retenu assure qu’il y aura un lien étroit entre emploi et compétitivité.

Le barème des allégements de charges doit d’abord être simple, pour pouvoir s’appliquer facilement aux PME et aux TPE. C’est pourquoi nous avons prévu une suppression intégrale des charges sociales familiales jusqu’à 2, 1 fois le SMIC et dégressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC. Ce ciblage nous permet de donner aux PME et aux TPE un avantage plus important que celui dont bénéficieront les grands groupes. Je sais que la Haute Assemblée est très attachée à un tel rééquilibrage fiscal entre PME et grands groupes.

Les PME et les TPE bénéficieront en effet de la moitié de la baisse du coût du travail : le gain immédiat sera pour elles de 6, 5 milliards d’euros. L’essentiel des salariés des TPE seront concernés. Or, on le sait, ce sont d’abord elles qui créent l’emploi en France.

Le barème retenu nous permet en outre de cibler la baisse des charges sur les secteurs les plus exposés à la concurrence, au premier chef l’industrie, puisque notre barème permet d’alléger le coût du travail de 3, 3 milliards d’euros dans ce secteur, soit 25 % de l’allégement global. Je m’étonne donc d’entendre dire que l’industrie serait insuffisamment concernée par cette mesure.

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