Quelle peut-être, là encore, l’urgence de la réforme ?
Ces deux points pourraient, à eux seuls, justifier le rejet du collectif et le vote d’une motion tendant à opposer la question préalable, mais je ne m’en tiendrai pas à ces seuls arguments : je vais maintenant évoquer la teneur des deux articles dont s’est saisie la commission des affaires sociales.
La TVA « sociale », tout d’abord, est une mesure à plusieurs facettes.
Son premier volet consiste en une baisse des cotisations sociales patronales affectées à la branche famille, qui s’élèvent actuellement à 5, 4 % de la totalité des salaires versés par les entreprises. Le dispositif proposé tend à les supprimer complètement jusqu’à 2, 1 fois le SMIC, puis à prévoir leur diminution progressive jusqu’à 2, 4 fois le SMIC. Ce faisant, la mesure étend le dispositif d’allégement général, dit « Fillon », sur les bas salaires. Elle vise en particulier l’emploi industriel. Au total, la baisse de cotisations sociales envisagée atteindrait 13, 2 milliards d’euros.
Pour compenser cette perte de recettes pour la branche famille, deux ressources sont mobilisées : la TVA et la CSG.
Le taux normal de la TVA serait ainsi relevé de 1, 6 point, passant de 19, 6 % à 21, 2 %, ce qui rapporterait 10, 6 milliards d’euros. Le taux de la CSG sur les revenus du capital serait relevé de deux points, passant de 8, 2 % à 10, 2 %, pour un produit attendu de 2, 6 milliards d’euros.
Cette mesure consistant à mettre en place une TVA curieusement dite « sociale » ne nous paraît pas acceptable. En effet, malgré tous vos démentis, madame, monsieur les ministres, il est clair que la hausse de la TVA aura un effet inflationniste, au moins partiellement – tel a toujours été le cas, en France comme dans les autres pays –, et donc une incidence sur la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur la croissance. N’est-ce pas le contraire de l’effet recherché ?
Par ailleurs, comme nous l’avons toujours dit, la TVA est un impôt injuste, parce qu’il touche particulièrement les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui consacrent à la consommation la totalité de leur revenu. Tous ceux qui ont aujourd’hui des fins de mois difficiles auront, dès la rentrée, des fins de mois impossibles !
De plus, l’effet attendu de la mesure sur le plan de la compétitivité semble devoir être relativisé. Les experts que nous avons interrogés nous ont expliqué que cet effet ne se ferait sentir que pendant un temps limité, car nos partenaires européens s’adapteront rapidement au nouveau contexte. De son côté, Jean Arthuis a assimilé la mesure à une dévaluation. Or chacun sait que les dévaluations ne produisent qu’un effet de court terme…
Notre problème de compétitivité est en fait d’une tout autre nature : il résulte d’un retard en matière de création, de recherche, d’innovation. C’est d’une vraie politique industrielle que notre pays a besoin !
Monsieur le ministre, vous avez mentionné une enquête de l’INSEE dont au moins deux grands quotidiens nationaux font largement état dans leur édition d’aujourd’hui. Je me suis procuré le texte complet de cette étude sur le site internet de l’INSEE. Je vais vous en livrer un extrait qui montrera que beaucoup de vérités apparemment bien établies méritent en fait d’être discutées…
À la page 60 de ce document, il est écrit que « dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43, 14 euros contre 33, 38 euros. L’écart se montait à 49 % en 1996 et a donc diminué depuis. Néanmoins, il reste fort important, alors même que le secteur automobile a contribué dans une large mesure à la dégradation du solde commercial de la France. »
Plus loin, on lit que le coût salarial unitaire, le CSU –notion permettant de prendre en compte, outre le coût horaire, la productivité –, a baissé de 0, 5 % par an en moyenne dans l’industrie française depuis 1996 !