Madame la ministre, pourquoi ne pas admettre que votre mesure est fondamentalement injuste et pénalisera en priorité les personnes modestes ? Tout le monde le dit aujourd'hui ! Vous savez comme moi qu’un nombre croissant de Français vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Ces derniers sacrifient une part de plus en plus importante de leur budget pour couvrir les dépenses élémentaires ; une hausse de la TVA de 19, 6 % à 21, 2 % augmentera de manière significative le coût de leurs dépenses courantes.
Cette situation est d’autant moins acceptable dans une période où le surendettement repart à la hausse – la Banque de France indique que le nombre de dossiers déposés en 2011 a progressé de près de 7 % –, où les écarts de richesses et de patrimoine s’accroissent et où le prix du carburant grimpe un peu plus chaque jour. Que dire encore des personnes retraitées qui, avec cette mesure, devront payer une seconde fois des cotisations qu’elles ont déjà acquittées tout au long de leur vie active ?
Impôt inéquitable par excellence, la TVA pèse trois fois plus sur les ménages modestes que sur les ménages qui ont des revenus élevés et qui en épargnent une partie importante. Les dernières études mettent en évidence qu’au bas de l’échelle on contribue pour 18 % de ses revenus aux impôts indirects, alors que les mieux pourvus plafonnent seulement à 7 %.
Je tiens enfin à appeler l’attention sur le fait que cette mesure apparaît comme une mauvaise décision économique, avec des effets pervers qui peuvent être redoutables. Beaucoup comme moi considèrent que le moment choisi pour instaurer cette TVA sociale génère un risque additionnel pour la reprise, car la consommation des ménages sera freinée. Le récent baromètre OpinionWay indique que les dirigeants d’entreprise eux-mêmes redoutent les impacts négatifs de la TVA sociale sur la consommation des ménages.
Pour leur part, les économistes de la Bundesbank estiment que la hausse de la TVA en Allemagne a bien eu un effet inflationniste, mais se disent incapables d’attester d’un impact positif sur la création d’emploi et la compétitivité. D’où viennent alors vos projections de 100 000 créations d’emploi ? L’étude de l’OFCE, à laquelle a fait référence à bon escient Mme la rapporteure générale dans son intervention, indique que, si cette mesure peut créer 40 000 emplois, elle peut aussi en détruire 15 000. À notre sens, le chiffre de 100 000 emplois que vous avancez ne repose sur aucune simulation réaliste.
Le rapport de l’Assemblée nationale révèle en outre les limites économiques du dispositif : un quart seulement des 13, 2 milliards d’euros de hausses d’impôt prévues ira à l’industrie et aux secteurs exposés à la concurrence. Il ne s’agit donc pas d’une TVA « anti-délocalisation » comme on veut bien la présenter.
La hausse de la TVA s’appliquera tout autant aux produits fabriqués à l’étranger qu’aux produits nationaux. En quoi dissuadera-t-elle les Français de ne pas consommer des produits d’importation ? Lorsqu’on voit ce qui s’est passé avec la baisse de la TVA sur la restauration, on peut craindre que l’impact positif sur l’économie que le Gouvernement espère obtenir de cette hausse ne soit pas au rendez-vous.
Madame la ministre, votre choix d’instaurer une TVA dite « sociale » est profondément injuste à l’égard des plus modestes et dangereux du point de vue économique. Nous ne pouvons en aucun cas cautionner cette mesure.
Nous avons le sentiment que, à la toute fin du quinquennat, le Gouvernement se rend compte des carences de la politique qu’il a menée à l’égard des entreprises. L’explosion du déficit du commerce extérieur le conduit à se raccrocher aux branches, en trouvant in extremis une mesure donnant l’impression de se soucier des PME et de la compétitivité. Il est clair qu’il s’agit d’une opération électoraliste qui participe de la stratégie de communication du candidat Sarkozy. Dès lors, nous ne pouvons que nous opposer à l’adoption par le Sénat de ce projet de loi de finances rectificative. §