Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans mon intervention lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, j’avais souligné que celui-ci constituait en réalité un deuxième plan d’austérité, lequel en appellerait un troisième. Nous y voilà !
La proposition formulée dans ce projet de loi de finances rectificative de faire supporter par les consommateurs une part du financement de la protection sociale constitue une nouvelle mesure de rigueur tout aussi injuste que les précédentes. Elle vient s’ajouter à la liste des réductions de prestations sociales. Je pense notamment au gel des allocations familiales, à l’insuffisance de l’ONDAM, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, à l’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires et à l’ajout d’un quatrième jour pour les salariés, ou bien encore à d’autres mesures, tel l’élargissement de l’assiette de la CSG – la contribution sociale généralisée – ou l’augmentation du prix des mutuelles. Ce sont une nouvelle fois les travailleurs qui sont sommés de mettre la main à la poche.
Vous qui êtes toujours très prompts, madame la ministre, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, à dénoncer l’assistanat, pouvez-vous nous dire qui sont les premiers assistés ? Les assurés sociaux qui, d’année en année, de plan de rigueur en plan de rigueur, voient leurs prestations diminuer ? Les salariés dont le pouvoir d’achat diminue ? Ou bien les actionnaires, les riches, les puissants, c'est-à-dire celles et ceux qui profitent de vos politiques ?
Ainsi, pour la seule année 2011, les entreprises, en particulier les plus grandes d’entre elles, ont bénéficié, sans contrepartie en matière d’emploi, de 175 milliards d’euros d’exonérations fiscales, auxquelles il convient d’ajouter plus de 20 milliards d’euros d’exonérations sociales. Ces sommes colossales nuisent à la protection sociale et la plongent structurellement dans une situation déficitaire. Cela justifie que vous preniez, année après année, des mesures toujours plus injustes, toujours plus antisociales.
La hausse de la TVA, parallèlement à une nouvelle réduction des cotisations patronales, viserait selon vous à réduire le coût du travail. Je reviendrai sur cet argument, mais je tiens tout d’abord à dire que cette hausse est tout sauf sociale. Nous le savons, elle sera supportée plus lourdement par les familles modestes, qui, du fait de leurs faibles ressources, ne peuvent épargner, et dont l’immense majorité des revenus est orientée vers la consommation.
Cette mesure va également entraîner une hausse des prix. Il n’y a que les ministres pour croire qu’elle ne sera pas au moins partiellement répercutée sur les prix, entraînant de facto une diminution du pouvoir d’achat des plus modestes. En réalité, cette mesure portera un coup supplémentaire à la croissance de notre pays. Et les Français paieront deux fois : en tant que consommateurs et en tant que salariés, victimes de la récession !
Par ailleurs, cette hausse de la TVA ne constitue pas, comme vous l’affirmez aujourd’hui, une mesure anti-délocalisation. À en croire le Président de la République, le coût du travail serait, en raison du niveau des cotisations sociales, trop important en France, notamment par comparaison avec l’Allemagne. Pourtant, selon les données rendues publiques par le Bureau of Labor Statistics américain, en 2000, une heure de travail allemande valait 25, 4 dollars, soit 19 % de plus qu’en France. En 2010, cet écart s’était réduit à 8 %, mais toujours en faveur de la France.
Une étude récente de l’INSEE, à laquelle il a été fait référence cet après-midi, montre quant à elle que le coût unitaire du travail dans l’industrie manufacturière est identique en France et en Allemagne. La comparaison avec l’Allemagne ne va décidément pas dans le sens de votre démonstration.
De plus, les entreprises françaises délocalisent pour s’installer non pas Outre-Rhin, mais dans des pays qui ne respectent pas les règles environnementales et qui sous-paient les salariés. La course au plus bas coût du travail avec ces pays est perdue d’avance. Ce n’est pas sur cette voie qu’il faut s’engager. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faille rien faire.
Une chose est certaine : votre politique, madame la ministre, satisfait le MEDEF, qui appelait cette mesure de ses vœux. Après la suppression de la taxe professionnelle, qui a coûté 8 milliards d’euros, vous organisez une nouvelle fois un transfert de financement de la sécurité sociale des entreprises vers les ménages, renforçant simultanément la fiscalisation de notre protection sociale et son étatisation. Ce faisant, vous franchissez une nouvelle étape vers la fin de la gestion paritaire de la sécurité sociale.
Pour notre part, nous avons d’autres solutions, plus conformes à l’esprit des rédacteurs du programme du Conseil national de la Résistance, plus conformes surtout aux besoins de notre pays.
Alors que vous voulez limiter les prélèvements sociaux, notamment les cotisations patronales, sur la base du dogme libéral, nous considérons que le relèvement de la part des salaires dans la valeur ajoutée permettrait un financement dynamique de la sécurité sociale. Or cette part, vous le savez, s’est affaissée de dix points au cours des trente dernières années.
D’ailleurs, à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, nous avons fait ici la démonstration qu’il était possible, en rompant avec cette logique strictement financière, de conforter le financement de la protection sociale, de recouvrer l’équilibre et d’investir plus encore dans la santé et le développement social.