La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Watrin.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans mon intervention lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, j’avais souligné que celui-ci constituait en réalité un deuxième plan d’austérité, lequel en appellerait un troisième. Nous y voilà !
La proposition formulée dans ce projet de loi de finances rectificative de faire supporter par les consommateurs une part du financement de la protection sociale constitue une nouvelle mesure de rigueur tout aussi injuste que les précédentes. Elle vient s’ajouter à la liste des réductions de prestations sociales. Je pense notamment au gel des allocations familiales, à l’insuffisance de l’ONDAM, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, à l’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires et à l’ajout d’un quatrième jour pour les salariés, ou bien encore à d’autres mesures, tel l’élargissement de l’assiette de la CSG – la contribution sociale généralisée – ou l’augmentation du prix des mutuelles. Ce sont une nouvelle fois les travailleurs qui sont sommés de mettre la main à la poche.
Vous qui êtes toujours très prompts, madame la ministre, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, à dénoncer l’assistanat, pouvez-vous nous dire qui sont les premiers assistés ? Les assurés sociaux qui, d’année en année, de plan de rigueur en plan de rigueur, voient leurs prestations diminuer ? Les salariés dont le pouvoir d’achat diminue ? Ou bien les actionnaires, les riches, les puissants, c'est-à-dire celles et ceux qui profitent de vos politiques ?
Ainsi, pour la seule année 2011, les entreprises, en particulier les plus grandes d’entre elles, ont bénéficié, sans contrepartie en matière d’emploi, de 175 milliards d’euros d’exonérations fiscales, auxquelles il convient d’ajouter plus de 20 milliards d’euros d’exonérations sociales. Ces sommes colossales nuisent à la protection sociale et la plongent structurellement dans une situation déficitaire. Cela justifie que vous preniez, année après année, des mesures toujours plus injustes, toujours plus antisociales.
La hausse de la TVA, parallèlement à une nouvelle réduction des cotisations patronales, viserait selon vous à réduire le coût du travail. Je reviendrai sur cet argument, mais je tiens tout d’abord à dire que cette hausse est tout sauf sociale. Nous le savons, elle sera supportée plus lourdement par les familles modestes, qui, du fait de leurs faibles ressources, ne peuvent épargner, et dont l’immense majorité des revenus est orientée vers la consommation.
Cette mesure va également entraîner une hausse des prix. Il n’y a que les ministres pour croire qu’elle ne sera pas au moins partiellement répercutée sur les prix, entraînant de facto une diminution du pouvoir d’achat des plus modestes. En réalité, cette mesure portera un coup supplémentaire à la croissance de notre pays. Et les Français paieront deux fois : en tant que consommateurs et en tant que salariés, victimes de la récession !
Par ailleurs, cette hausse de la TVA ne constitue pas, comme vous l’affirmez aujourd’hui, une mesure anti-délocalisation. À en croire le Président de la République, le coût du travail serait, en raison du niveau des cotisations sociales, trop important en France, notamment par comparaison avec l’Allemagne. Pourtant, selon les données rendues publiques par le Bureau of Labor Statistics américain, en 2000, une heure de travail allemande valait 25, 4 dollars, soit 19 % de plus qu’en France. En 2010, cet écart s’était réduit à 8 %, mais toujours en faveur de la France.
Une étude récente de l’INSEE, à laquelle il a été fait référence cet après-midi, montre quant à elle que le coût unitaire du travail dans l’industrie manufacturière est identique en France et en Allemagne. La comparaison avec l’Allemagne ne va décidément pas dans le sens de votre démonstration.
De plus, les entreprises françaises délocalisent pour s’installer non pas Outre-Rhin, mais dans des pays qui ne respectent pas les règles environnementales et qui sous-paient les salariés. La course au plus bas coût du travail avec ces pays est perdue d’avance. Ce n’est pas sur cette voie qu’il faut s’engager. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faille rien faire.
Une chose est certaine : votre politique, madame la ministre, satisfait le MEDEF, qui appelait cette mesure de ses vœux. Après la suppression de la taxe professionnelle, qui a coûté 8 milliards d’euros, vous organisez une nouvelle fois un transfert de financement de la sécurité sociale des entreprises vers les ménages, renforçant simultanément la fiscalisation de notre protection sociale et son étatisation. Ce faisant, vous franchissez une nouvelle étape vers la fin de la gestion paritaire de la sécurité sociale.
Pour notre part, nous avons d’autres solutions, plus conformes à l’esprit des rédacteurs du programme du Conseil national de la Résistance, plus conformes surtout aux besoins de notre pays.
Alors que vous voulez limiter les prélèvements sociaux, notamment les cotisations patronales, sur la base du dogme libéral, nous considérons que le relèvement de la part des salaires dans la valeur ajoutée permettrait un financement dynamique de la sécurité sociale. Or cette part, vous le savez, s’est affaissée de dix points au cours des trente dernières années.
D’ailleurs, à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, nous avons fait ici la démonstration qu’il était possible, en rompant avec cette logique strictement financière, de conforter le financement de la protection sociale, de recouvrer l’équilibre et d’investir plus encore dans la santé et le développement social.
Ce cercle vertueux que nous appelons de nos vœux, c’est celui de l’emploi et des salaires. Cela exige de rompre avec les logiques libérales et financières, qui conduisent à l’accumulation des richesses par une poignée de privilégiés qui favorise les pratiques spéculatives.
Cela exige de mettre un terme à la financiarisation de notre économie, qui détourne les richesses produites par les entreprises et favorise les délocalisations.
Cela exige, comme nous l’avons récemment proposé, d’interdire les licenciements boursiers dans les entreprises qui distribuent des dividendes et que tout soit mis en œuvre pour faire passer l’emploi avant l’intérêt des actionnaires.
Je n’oublie pas que, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, la nouvelle majorité sénatoriale avait voté une réduction de plus de 30 % des déficits sociaux. Ces mesures structurelles, fondées sur la définition d’une nouvelle assiette de cotisations sociales faisant porter les efforts sur le capital autant que sur le travail, vous n’en avez pas voulu ! Vous préférez que paient les salariés et les consommateurs. Cela est d’autant plus injuste que ce projet de loi ne nous offre aucune certitude formelle que le surplus de recettes de TVA ira bien dans les caisses de la sécurité sociale.
Enfin, cette mesure ne permettra pas le retour à l’équilibre des comptes sociaux, qui continuent à être victimes d’un sous-financement que vous organisez volontairement.
En résumé, le courage n’est pas de s’attaquer au monde du travail comme le fait le Président de la République. Le courage consistera à imposer, demain, une réorientation des richesses produites vers l’investissement, vers une politique cohérente et globale de réindustrialisation et un plus juste partage des richesses. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je traiterai du Mécanisme européen de stabilité, le MES, qui va de pair avec le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dit « TSCG ».
Ce sont 6, 5 milliards d’euros de crédits de paiement et 16, 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement qui sont inscrits dans le projet de loi de finances rectificative. Le déficit s’en trouve ainsi aggravé, passant de 78, 7 milliards d’euros en loi de finances initiale à 84, 9 milliards d’euros en loi de finances rectificative. Bien sûr, au sens « maastrichtien » du terme, rien ne bouge. Mais, pour le contribuable, où est la différence ?
Qu’arrivera-t-il au moment où les pertes apparaîtront ? Elles seront couvertes par le capital appelé, puis par un montant approprié du capital appelable, soit un total pour la France, je le rappelle, de 142 milliards d’euros. Or, comme Mme la rapporteure générale l’a fait observer tout à l'heure, on ne sait pas dans quelles conditions ces sommes faramineuses ont été consenties. Nous n’avons à ce jour vu aucun texte sur ce point.
Le Mécanisme européen de stabilité sera-t-il plus efficace que le Fonds européen de stabilité financière, qui l’a précédé ? Est-il sûr que le MES parviendra si facilement à lever 500 milliards d’euros de fonds ? Son attractivité dépendra des agences de notation…
Je ne sais pas qui souscrira aux obligations émises par ce MES, dont le but est de tenir la tête hors de l’eau de pays comme la Grèce. Je ne crois pas que les marchés financiers se bousculeront pour souscrire aux émissions d’un organisme dont le rôle est de prêter à des États menacés de faire défaut. Mais admettons qu’il puisse en effet disposer de ces sommes considérables. Même avec 500 milliards d’euros, le MES n’est pas un pare-feu suffisamment puissant.
Il n’est pas à l’échelle des enjeux. Sans avoir à donner les chiffres de l’endettement des pays sous tension, il me semble que cette constatation est évidente.
La zone euro ne peut résorber ses handicaps structurels, qui viennent de l’hétérogénéité principalement économique des nations qui la composent. Penser l’inverse, c’est partager la même erreur que tous ceux qui ont soutenu le traité de Maastricht, comme l’a d’ailleurs fait le Président de la République, que j’entendais tout à l'heure s’exprimer à la télévision.
Le ministre des affaires étrangères britannique, M. William Hague, comparait il y a peu la zone euro à un édifice en feu sans issue de secours. Le MES, madame la ministre, n’est pas la grande échelle qui lui serait nécessaire, pour employer le langage des pompiers. §
Vous arguerez que le capital autorisé du MES a été fixé à 700 milliards d’euros. Mais il faudrait d’abord les verser. Qui a autorisé cet engagement ? Pour être complet, il faut ajouter que la nouvelle souscription de la France au capital du FMI s’élève à 31 milliards d’euros. Il faut bien contourner la répugnance de ce dernier à s’engager à plus de 10 % dans le plan d’aide à la Grèce. Je rappelle d’ailleurs que, initialement, sa participation au plan d’aide devait s’élever au tiers de celui-ci. Il serait peut-être temps de faire retentir la sonnette d’alarme…
… à Washington, dont le FMI constitue, d’une certaine manière, l’œil sur les affaires de l’Europe.
La solidarité est un beau mot. Mais il ne faudrait tout de même pas faire appel au contribuable au-delà de toute mesure, pour renflouer un édifice qui prend l’eau de toutes parts !
La meilleure garantie de la survie de la monnaie unique réside bien évidemment dans l’effroi qu’inspire son possible éclatement. Comme l’évoque l’éditorialiste du Financial Times, Martin Wolf, la zone euro ressemble à « un mariage raté qui ne subsiste qu’en raison du coût affolant qu’entraînerait un partage des actifs et des dettes ».
Le MES, en cas de crise grave ne serait qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Sa mise en œuvre est liée, dans les considérants des deux traités, à l’acceptation du traité dit « TSCG », qui impose une austérité à perpétuité.
La prétendue règle d’or, en fait règle d’airain, implique une économie de 4 points de PIB. À cela vous ajoutez un effort pour faire passer l’endettement de 90 % à 60 % du PIB, soit 30 points à récupérer en vingt ans. Cela représente 1, 5 point de PIB par an à trouver, soit 120 milliards d’euros.
C’est un véritable exercice de mortification à perpétuité qui nous est offert.
Le TSCG est un piège mortel, dont le MES est l’appât.
Certains vont arguer que la conditionnalité n’est pas rigide puisqu’elle ne figure que dans les considérants des traités. Pas d’hypocrisie, et trêve de balivernes ! Il est évident que cette conditionnalité est une exigence sine qua non de l’Allemagne. Il faut avoir signé le TSCG pour bénéficier du MES.
Dernière question : comment va s’exercer le contrôle du Parlement sur les fonds alloués au MES, qui risquent de se trouver appelés avant même que le Parlement ait eu à se prononcer sur des engagements toujours croissants ? À ma connaissance, les mesures envisagées, nous l’avons entendu de la bouche du directeur général du Trésor, relèvent de l’information et non du contrôle du Parlement sur des fonds potentiellement colossaux.
Le MES est un mécanisme opaque qui ne permet pas le contrôle des fonds publics par le Parlement. Il conduit avec le TSCG à une Europe post-démocratique. Seule une crise majeure pourrait conduire, s’il en est encore temps, à adosser le MES aux ressources de la Banque centrale européenne et à organiser en Europe la croissance plutôt que la récession.
C’est possible, si la BCE reçoit mission de ramener le cours de l’euro au moins à sa parité de lancement, pour faire souffler sur notre continent une brise de croissance.
C’est possible à travers un plan européen d’équipement et de transition énergétique financé par des eurobonds.
Ce serait possible, enfin, si les pays dont la compétitivité le permet acceptaient une certaine relance salariale.
Alors, l’Europe repartirait. Avec le retour de la croissance, on pourrait commencer à résorber la dette !
Malheureusement, le MES est trop faiblard. Nous en reparlerons la semaine prochaine, dans le débat prévu pour autoriser la ratification de ce traité. En tout état de cause, le MES ne constitue pas un argument pour voter le projet de loi de finances rectificative. Il est vrai que ce n’est pas le seul. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise est un révélateur. Elle montre les faiblesses de notre pays comme elle met en exergue ses atouts. Elle suscite des craintes de voir la France dégradée comme l’espoir de la voir réformée.
Mais la crise nous révèle aussi l’état d’esprit des Français, que nous rencontrons dans nos territoires. Quelle que soit leur sensibilité politique ou leur situation sociale, ils savent bien que nous devons continuer à réformer la France. Ils sont prêts à faire des efforts supplémentaires, si nous sommes à la fois courageux et justes.
Être courageux, c’est adopter un langage de vérité.
Être juste, c’est engager des réformes tout en protégeant les plus fragiles.
Le courage consiste tout d’abord à donner les moyens à nos entreprises et aux salariés d’être plus compétitifs.
Madame la ministre, vous nous proposez le choix d’une vision responsable, qui favorise l’emploi et la croissance à long terme. Une vision qui libère des marges de manœuvre pour les entreprises et leur donne les moyens de se développer. C’est le dispositif de la TVA anti-délocalisation.
Dans un monde où les échanges sont globalisés, nos entreprises subissent non seulement la concurrence des pays émergents, mais également, et surtout, celle des autres pays européens. Dans ce cadre, il n’est ni raisonnable ni souhaitable de continuer à faire peser le coût des prestations sociales sur l’emploi. Nous devons au contraire aider les entreprises à gagner en compétitivité, à conquérir de nouveaux marchés, notamment à l’export, et à augmenter leur chiffre d’affaires.
Madame la rapporteure générale, selon vous, ce dispositif ne créera pas d’emplois. Je voudrais m’inscrire en faux contre cette affirmation. Comme vous le savez, le dispositif d’exonération des charges patronales pour les cotisations familiales sera très largement ciblé sur les bas salaires, complétant ainsi le dispositif Fillon. Il sera donc très favorable aux créations d’emplois, comme le démontrent les différentes études déjà évoquées par les précédents orateurs.
Le deuxième volet, vous avez longuement expliqué, repose sur l’augmentation du taux de TVA. On peut estimer que, dans la situation de quasi-déflation dans laquelle nous vivons aujourd'hui, Jean Arthuis l’a évoqué, la hausse de la TVA ne se traduira pas par une hausse des prix. Elle ne devrait donc pas avoir d’effet de ralentissement de la croissance, c'est-à-dire pas ou très peu d’impact négatif sur l’emploi. La TVA anti-délocalisation pourra ainsi pleinement produire ses effets en matière de créations d’emplois.
Mais cette mesure doit être juste. C’est pourquoi la hausse de la TVA ne s’applique pas aux produits qui ont un taux de TVA réduit, notamment les produits alimentaires et l’énergie.
Le courage, c’est ensuite oser prendre les devants et adopter – enfin ! – une taxe sur les transactions financières, la TTF. Vous le savez, elle a été imaginée par l’économiste américain James Tobin, il y a de longues années de cela.
Pendant très longtemps, cette taxe sur les transactions financières est restée au stade de la simple idée. Elle va enfin devenir une réalité.
Nous connaissons tous les tergiversations de certains de nos partenaires européens sur ce dossier. Nous connaissons aussi les protestations virulentes du monde de la finance. Malgré les obstacles sur le chemin de la TTF, le Président de la République et vous-même, madame la ministre, avez tenu votre promesse. Je tiens à saluer votre courage politique et cette initiative volontariste.
Chacun le sait, cette taxe sur les transactions financières est une nécessité budgétaire, morale et politique. Il semble juste que le secteur financier, en grande partie à l’origine de la crise financière de 2008 du fait de la multiplication et de la sophistication des opérations financières, apporte une contribution équitable au rétablissement de l’équilibre budgétaire. En outre, il est actuellement moins taxé que les autres secteurs de l’économie, qui sont tous mis à contribution. Pourquoi le secteur financier devrait-il y échapper ?
Enfin, le taux très raisonnable de cette taxe, fixé à 0, 1 % – pour l’instant ! –, permet de ne pas trop pénaliser notre « industrie financière ». Son montage, particulièrement bien travaillé, évitera des délocalisations rapides. Mais compte tenu de son taux, je plaide pour que la taxe s’applique à toutes les transactions financières, sans exception.
D’aucuns diraient que le dispositif prévu pour cette taxe est insuffisant et que son assiette, notamment, est trop étroite. Mais je voudrais affirmer qu’il ne s’agit que d’une première étape. Avec la révision des directives MIF et EMIR, des transactions pourraient être mieux connues parce qu’elles seront déclarées ou enregistrées. Une assiette plus large s’appuyant sur des marchés mieux connus pourrait être alors envisagée par la suite.
Cette TTF est surtout un signal fort, alors que la directive européenne sur ce sujet sera discutée à la Commission au mois d’avril et au Parlement européen en juin.
Enfin, cette taxe doit également permettre de resserrer les liens du pacte social que la finance tend à délier. S’il est nécessaire que les recettes de cette taxe abondent le budget de l’État, il est aussi souhaitable qu’elles soient utilisées dans le sens de son idée initiale, c'est-à-dire pour financer des grands objectifs comme l’aide au développement et la lutte contre le changement climatique.
En conclusion, ces deux mesures majeures, la TVA anti-délocalisation et la TTF, marquent la volonté du Gouvernement de poursuivre son action réformatrice.
Ces réformes sont à la fois courageuses et justes. Ce sont des réformes dont la France a besoin. Elles sont une réponse à la crise et ne peuvent donc pas attendre. La motion tendant à opposer la question préalable qui sera présentée par la majorité sénatoriale nous propose, elle, de remettre leur examen à plus tard.
Mes chers collègues, cette question préalable, si elle était adoptée, s’apparenterait à un abandon de poste. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un collectif budgétaire qui engage une modification profonde du financement de notre système de protection sociale, et ce à deux mois jour pour jour de la fin d’une législature calamiteuse pour la gestion des finances publiques.
Je dis « calamiteuse » à l’intention de ceux qui, comme Philippe Dallier tout à l’heure, s’émerveillent des 260 millions d’euros d’économies budgétaires réalisées sur un quinquennat en oubliant que ce sont 500 milliards d’euros de dette qui ont été accumulés sur la même période.
Ces 500 milliards d’euros de dette supplémentaire sont, certes, dus à la crise, mais ils sont aussi pour une large part dus aux cadeaux fiscaux de ce gouvernement aux plus fortunés des Français.
L’urgence invoquée par ailleurs par le Gouvernement ne saurait faire illusion, puisque les mesures proposées ne seront mises en œuvre, pour l’essentiel, qu’au 1er octobre.
Mais commençons par le commencement. Ce collectif vise en premier lieu à tirer les conséquences de la révision à la baisse des hypothèses de croissance. Ce sera donc 0, 5 %, au lieu de 1 %, voire 1, 7 % auparavant. De même, la progression prévue de la masse salariale est non plus de 3 %, mais de 2, 5 %. L’inflation prévisionnelle est maintenue à 1, 7 %, mais nous savons qu’elle sera supérieure, en raison de la hausse de la TVA ; j’y reviendrai.
À l’évidence, ces nouvelles perspectives ne seront pas sans conséquences sur le montant des cotisations sociales et de la CSG, ainsi que sur l’évolution d’un certain nombre de prestations indexées sur les prix.
Or le texte que vous nous soumettez, en ne réajustant que les comptes de l’État, fait l’impasse sur la dégradation de ceux de la protection sociale. Où est donc votre projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative ? En vérité, madame la ministre, vous laissez filer le déficit à hauteur de 1, 8 milliard d’euros, comme vous nous l’avez confirmé lors de votre audition devant la commission des finances.
Au-delà de cette absence d’ajustement, la réflexion sur le financement de la branche famille par des cotisations employeurs est, certes, parfaitement légitime. Elle n’est d’ailleurs pas nouvelle, puisque la création de la CSG avait à l’origine permis d’alléger les cotisations famille patronales.
Mais, avec ce texte, vous prétendez viser deux objectifs : l’amélioration de la compétitivité de l’industrie française et la création d’emplois, que vous chiffrez à 100 000 à court terme, grâce à une substitution de TVA aux cotisations patronales.
Ce faisant, vous commettez une erreur d’analyse, et vous prenez un pari particulièrement risqué.
C’est en effet une erreur d’analyse, ou plutôt devrais-je dire un « virage à 180 degrés » par rapport à vos propres analyses d’hier. Jean Germain, qui interviendra également pour le groupe socialiste, y reviendra.
Curieuse période, où l’hérésie d’hier est devenue vérité d’évangile par la grâce de l’arbitraire présidentiel.
N’en déplaise au Gouvernement, qui est obligé de se contredire, il y a bien erreur d’analyse, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, le problème français de compétitivité n’est pas celui du coût du travail. Dans l’industrie manufacturière – cela a été dit, mais je tiens à le répéter –, le coût horaire du travail est quasiment identique en France et en Allemagne. En outre, les Français travaillent en moyenne plus longtemps que les Allemands et leur productivité est plus élevée.
Ce dont souffre l’industrie française, ce n’est pas d’un coût du travail plus élevé ; c’est d’un manque de compétitivité hors prix, en raison principalement d’un positionnement de gamme de production défavorable, de la faiblesse de notre tissu de PME exportatrices et d’un retard indéniable en matière d’innovation et de recherche.
Ce n’est pas l’étude de l’INSEE publiée ce matin qui me contredira. Comme l’a rappelé Yves Daudigny, cette étude indique que le coût du travail est de 29 % plus élevé en Allemagne qu’en France dans l’industrie automobile et que le commerce extérieur est pourtant largement excédentaire dans ce secteur en Allemagne, alors qu’il est très gravement déficitaire en France. Prétendre, comme l’a fait tout à l’heure M. Baroin, que cette étude conforte la TVA sociale, c’est faire preuve d’un « culot d’acier », une expression qui ne lui est sans doute pas étrangère…
Dans ces conditions, recourir à la TVA sociale revient à sacrifier la consommation pour des gains de compétitivité illusoires.
Deuxièmement, c’est également une erreur de croire que la TVA est le bon levier pour améliorer nos échanges extérieurs. Matraquer la consommation pour renchérir les importations, qui en représentent seulement 20 %, n’a jamais restauré la compétitivité d’un pays. L’idée selon laquelle ce seraient les importations qui paieraient la protection sociale est fausse. Très franchement, si la TVA pouvait être utilisée comme un droit de douane, cela se saurait ! D’ailleurs, M. Marini a dû s’en apercevoir, puisqu’il évoquait dans son intervention la nécessaire diminution du coin social, c’est-à-dire la différence entre le coût salarial et l’ensemble des cotisations sociales salariales et patronales. Mais c’est une tout autre problématique. Il est vrai que la diminution du coin social via une baisse des cotisations patronales peut favoriser le salaire net, mais à la condition que les employeurs l’acceptent. Et, dans ce cas, pourquoi ponctionner l’augmentation des salaires nets par une majoration de la TVA ?
Troisièmement, vous vous trompez de cible. Sur les 13 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales, un peu plus de 3 milliards d’euros seulement iront à l’industrie. Les principaux bénéficiaires de cette mesure seront les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme les services, y compris les services financiers, le bâtiment et la grande distribution, dont les activités ne sont pas délocalisables et peu concurrencées.
Cette stratégie est particulièrement risquée, notamment en matière d’inflation. Selon le Gouvernement, la hausse de la TVA n’entraînera aucune augmentation des prix, en raison de la pression de la concurrence.
Mais, à supposer que l’inflation n’augmente pas, qui donc paiera cette augmentation de TVA, sinon les entreprises en diminuant d’autant leurs prix hors taxes ? On peine alors à comprendre sur quel raisonnement économique repose une mesure consistant à baisser les charges sociales des entreprises de 13 milliards d’euros pour ensuite leur faire payer pratiquement à due concurrence l’augmentation de TVA. À trop vouloir montrer que cette réforme ne pèsera pas sur le pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement s’enferme dans une logique absurde.
En réalité, nous le savons bien, la majoration du taux normal de TVA se traduira inéluctablement par un regain d’inflation, certes difficile à chiffrer, mais d’autant plus important que les entreprises voudront reconstituer leurs marges bénéficiaires. Or, dans l’industrie manufacturière, ces marges se sont dégradées de l’ordre de dix points au cours de la dernière décennie. Il y a donc fort à parier que beaucoup de ces entreprises industrielles profiteront de cet allégement pour les restaurer. C’est dire la fragilité du raisonnement conduisant à diminuer le coût du travail pour améliorer notre compétitivité industrielle.
Quant aux autres entreprises, celles qui sont à l’abri de la concurrence mondiale, elles bénéficieront d’un effet d’aubaine que rien ne saurait justifier dans la période économique actuelle. Et les ménages subiront inéluctablement une nouvelle baisse du pouvoir d’achat.
Ajoutons enfin que ce choix de la TVA induira une nouvelle injustice fiscale. C’est décidément la marque de fabrique de ce quinquennat, notamment pour les ménages les plus modestes, sur lesquels la TVA pèse trois fois plus que sur les ménages à revenus élevés.
Mes chers collègues, avec ce collectif, nous assistons à une fuite en avant du Gouvernement, fondée sur une stratégie économique erronée, à une nouvelle injustice fiscale et à une sorte de prise en otage du Parlement à quelques semaines d’une élection majeure qui va donner la parole au peuple. En réalité, ce projet de loi de finances rectificative, qui témoigne d’une fébrilité certaine, vise à priver le peuple français de son droit à choisir entre deux projets politiques à la veille d’une élection présidentielle.
Autant de raisons pour que le groupe socialiste refuse cette aventure funeste et s’exprime en faveur de la motion de procédure adoptée hier en commission des finances. §
Applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, Jacques Mézard et Jean-Pierre Chevènement ont exprimé la position de notre groupe sur la fameuse « TVA sociale », une position que je partage d’ailleurs totalement, et sur le peu d’effet qu’une telle mesure aura tant sur l’emploi que sur la compétitivité de nos entreprises.
Selon nous, c’est bien l’innovation qui doit constituer la priorité. Dans le même temps, il est urgent de prendre des décisions fortes pour favoriser significativement la compétitivité hors prix de nos produits comme de nos entreprises.
Aussi, mes chers collègues, si l’article 1er de ce collectif budgétaire est emblématique et attire la lumière médiatique en ces temps électoraux, je souhaite pour ma part m’attarder sur l’article 2, qui instaure une taxe sur les transactions financières. C’est un sujet que je connais bien, puisque j’avais été, avec le soutien de mes collègues du RDSE, le premier à déposer et à défendre ici même une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières.
Nouveaux sourires.
Cette proposition de loi avait été examinée en séance publique le 23 juin 2010 et rejetée par la majorité sénatoriale de l’époque ; il convient tout de même de le rappeler. Encore une fois, nous avions sans doute raison trop tôt !
À l’époque, malgré les déclarations du Président de la République, qui voulait « moraliser le capitalisme », la commission et le Gouvernement nous avaient reproché l’irréalisme de notre proposition, qui aurait été « dommageable pour la place de Paris ». C’était là le principal argument de la majorité de l’époque, qui était d’ailleurs quelque peu embarrassée.
Force est donc de constater que, depuis l’examen de la proposition de loi du RDSE, l’idée a fait du chemin. À Bruxelles, la Commission travaille sur une version européenne de cette taxe. Il est d’ailleurs certain qu’une telle taxe ne sera pleinement efficace que lorsqu’elle sera adoptée par un maximum d’États, en Europe bien sûr, mais aussi dans le reste du monde. Cependant, ni les membres de l’Union européenne ni même ceux de la zone euro ne sont pour l’instant parvenus à un accord sur cette question. Mais il faut bien commencer un jour et donner l’impulsion ! C’était d’ailleurs le sens de notre proposition de loi.
Prenant acte des tergiversations européennes, la nouvelle majorité sénatoriale a adopté, d’ailleurs avec le soutien de certains sénateurs de l’opposition, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 et du dernier collectif budgétaire pour 2011, un article instaurant une taxe sur les transactions financières. La Haute Assemblée avait en effet considéré, comme l’avaient fait les membres du RDSE avec leur texte de 2010, que la France devait « montrer l’exemple ».
Le Gouvernement avait alors une nouvelle fois rejeté catégoriquement cette mesure, arguant qu’« il serait contreproductif pour la France de mettre en place une telle taxe de manière isolée », selon les termes du représentant du Gouvernement en séance, le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, lors de la discussion des six amendements visant à instaurer une taxe sur les transactions financières dans le dernier projet de loi de finances. M. le secrétaire d’État poursuivait ainsi : « Faire cavalier seul serait donc peu réaliste et irait à l’encontre de la démarche engagée sur la scène internationale comme à l’échelon européen, au moment même où celle-ci commence à produire des résultats tangibles. »
Et pourtant... Le Gouvernement introduit aujourd'hui, dans ce premier collectif budgétaire pour 2012 et dernier collectif budgétaire de la législature, une taxe sur les transactions financières !
Mes chers collègues, comment faire confiance à un gouvernement qui change si souvent d’avis…
… à un gouvernement qui combat – avant de les reprendre ensuite à son compte ! – les propositions de l’opposition visant à renforcer la justice et l’équité et à limiter les pratiques spéculatives déstabilisant les marchés et plongeant nos économies dans des crises dont elles ont bien du mal à se remettre ?
Il en va ainsi de la taxe sur le « trading haute fréquence », proposée par Mme la rapporteure générale à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, et rejetée à l’époque, c’est-à-dire voilà deux mois à peine, par le Gouvernement.
C’est pourquoi on peut douter de la volonté soudaine du Gouvernement de s’engager sur cette voie. Ainsi, il nous propose aujourd’hui de taxer notamment les « CDS nus sur dette souveraine », alors que ces derniers, qui sont déjà interdits en Allemagne, le seront prochainement dans l’ensemble de l’Union européenne.
En outre, la rapporteure générale l’a démontré, cette taxe sur les transactions financières repose principalement sur une version amoindrie du droit de timbre britannique. On ne peut donc que s’interroger sur l’utilité de cette taxe sur les transactions financières a minima telle que la propose aujourd’hui le Gouvernement.
Mes chers collègues, peu convaincu par l’efficacité des mesures inscrites à l’article 1er sur l’emploi et la compétitivité des entreprises, redoutant des effets pervers sur le pouvoir d’achat des Français et quelque peu déçu de cette version très light de la taxe sur les transactions financières, j’apporterai mon soutien, avec mes collègues radicaux de gauche du RDSE, à la motion tendant à opposer la question préalable qui sera présentée avec force et talent par notre excellente rapporteure générale. §
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rythme des projets de lois de finances a été accéléré par la crise, et la situation budgétaire de la France nous impose la plus grande précision dans les arbitrages rectificatifs.
L’enjeu de cette discussion est simple. Si la France ne trouve pas rapidement le moyen de redresser le déficit de sa balance commerciale, il ne sera bientôt plus nécessaire de voter des projets de lois de finances, pour la simple et bonne raison qu’il n’y aura plus de finances du tout.
Dans ce contexte, ce projet de loi de finances rectificative prévoit de mettre en place ce qu’il est convenu d’appeler une « TVA sociale ». Le souci de précision devrait pourtant nous inviter à nommer ce dispositif « fiscalité anti délocalisations ».
En effet, le projet défendu par le Président de la République donne une impulsion majeure en faveur de la compétitivité française, ce qui rend la mesure incontournable sauf à faire preuve d’inconscience et d’irresponsabilité.
J’insiste bien, mes chers collègues : si toutes les entreprises françaises ferment ou partent s’installer à l’étranger, il sera vain de parler d’emploi, de modèle social ou tout simplement d’État. Eh oui, il ne sert à rien d’avoir un système fiscal juste s’il n’y a plus personne à imposer.
Permettez-moi, chers collègues, de rappeler ici quelques chiffres que vous connaissez.
Pour un même coût du travail de 4 000 euros, une entreprise française paye 1 738 euros de charges contre 841 euros en Allemagne. Le résultat est un salaire net pour les Français de 1 403 euros contre 2 324 euros pour les Allemands, soit près de 1 000 euros de plus par mois !
Cet écart pénalise nos entreprises, qui doivent faire la même course avec un boulet accroché à la cheville. Dans les courses hippiques, cela s’appelle un handicap ! Mais il pénalise aussi les salariés français, dont la part de salaire qui finance la protection sociale est beaucoup trop lourde.
Nous avons donc le choix entre deux solutions : baisser le coût du travail ou regarder les entreprises françaises faire faillite ou plier bagages.
En diminuant les charges qui pèsent sur le travail, on redonne de l’air à nos industries, on protège les emplois et on facilite les embauches.
Par ailleurs, le dispositif permet de répondre à l’urgent rééquilibrage qu’exige le financement de notre protection sociale. La situation actuelle est intenable : le poids du financement de la protection sociale de tous les Français repose de manière disproportionnée sur les salariés. Nous devons faire porter une partie de cette charge sur les produits importés, soumis à la TVA, qui ne sont pas touchés par la baisse des charges, laquelle ne concerne que les entreprises françaises.
Ce texte devrait théoriquement faire l’unanimité dans la Haute Assemblée tant le constat est évident et tant le projet défendu par le chef de l’État est, en réalité, une réponse pleine de bon sens et de pragmatisme à une situation très claire.
Cette solution permettra simultanément d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de rééquilibrer le financement de notre protection sociale sans alourdir d’un euro le budget de l’État.
Nous voyons pourtant autour de nous des exemples parlants du succès de la compensation des charges pesant sur le travail par l’augmentation de la TVA.
Ces exemples ont été cités tout l’après-midi : l’Allemagne, bien sûr, mais aussi le Danemark, qui a supprimé les cotisations sociales des employeurs au titre de l’assurance chômage en finançant cette mesure par une hausse de la TVA de 3 points, de 22 % à 25%, ce qui correspond au double de la hausse proposée dans ce texte ! Grâce à cette mesure, le taux de chômage est passé de 12 % à 5 % en un peu plus de dix ans !
Nous avons aujourd’hui l’occasion de nous inspirer des bonnes pratiques et d’éclaircir l’horizon de l’emploi et de la création de richesses, si essentiels à la prospérité de notre pays. Aussi, il est de notre devoir de parlementaire de dépasser les postures partisanes et d’avancer sans atermoiements sur le chemin des réformes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne n’est dupe. Ce projet de loi de finances rectificative n’a pour seul objet que de dissimuler le bilan catastrophique de la mandature du candidat Sarkozy.
C’est un fiasco, car qui se porte mieux depuis cinq ans, mis à part les possédants et les dirigeants ? Où se trouve donc la France du plein-emploi et du pouvoir d’achat quand plus de 4, 5 millions de personnes cherchent du travail et que la précarité explose ?
Où est la France des propriétaires quand notre pays compte 3, 6 millions de personnes non logées ou très mal logées ? Où est la justice fiscale quand les 7 % des Français les plus riches ont perçu 60 % des sommes versées au titre du bouclier fiscal…
… et que la réforme de l’ISF coûtera 2 milliards d’euros par an aux finances publiques ?
Cette politique a enrichi les plus riches, au détriment de ceux qui se lèvent tôt pour aller travailler ou pour chercher du travail.
J’évoquerai plus particulièrement l’article 1er, qui vise à instaurer la TVA sociale. Le but affiché est d’augmenter le taux de TVA pour financer la protection sociale et de diminuer les cotisations sociales payées par les entreprises.
Ainsi, les cotisations alimentant la branche famille, qui représentent 5, 4 % du salaire, sont supprimées jusqu’à 2, 1 SMIC puis, de façon dégressive, jusqu’à 2, 4 SMIC pour atteindre 5, 4 % en taux constant.
Sur la forme, comment ne pas déplorer la précipitation avec laquelle le Gouvernement procède ? Cette disposition va bouleverser l’architecture du financement de notre protection sociale. À ce titre, l’absence de concertation préalable avec les partenaires sociaux n’est pas acceptable, notamment parce que des questions essentielles restent posées. Je pense, en particulier, à l’interprétation qui peut être faite de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel, sauf exception, toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État pendant toute la durée de son application.
Or, comme le souligne justement Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, la thèse la plus probable est que le dispositif prévu au IV de l’article 1er risque d’être assimilé à un nouveau mode de calcul de l’assiette des cotisations patronales famille. Il serait donc de droit commun. Dans ce cas, le mécanisme de compensation ne jouerait pas et les 13, 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires escomptés ne seraient pas pérennes. Je rappelle que la branche famille, cela a été souligné par Mme Pasquet, rapporteur pour avis pour la branche famille, enregistre un déficit de 2, 6 milliards d’euros et que la structuration de ses recettes a été fragilisée par le transfert vers la CADES de 0, 28 point de CSG qui lui était précédemment attribué.
Par ailleurs, si le MEDEF voit dans cette TVA modifiée « un avantage social », nous y voyons l’augmentation des injustices car la TVA pèse d’autant plus que les revenus des ménages sont faibles. Elle représente 14 % du revenu des 10 % des ménages les plus pauvres, contre 5 % de celui des ménages les plus riches. Une fois encore, la droite entend faire endosser les efforts par les plus fragiles.
Or les deux plans de rigueur ont déjà pénalisé les Français qui ont dû faire face aux hausses des tarifs des mutuelles et du gaz, respectivement de 5 % et de 4, 4 %, ainsi qu’à l’augmentation du taux réduit de TVA, passé de 5, 5 % à 7 %, qui a un effet sur les prix de l’eau, des transports en commun, du logement social, des livres et des fournitures scolaires.
Mécaniquement, cette nouvelle hausse va avoir une incidence sur la consommation des ménages, notamment sur celle des plus modestes ; je pense aux bas salaires.
À défaut d’une hausse des rémunérations qui viendrait compenser l’augmentation de TVA, les salariés verront leur pouvoir d’achat de nouveau amputé. À l’inverse, dès lors que la TVA autorise la déduction intégrale des dépenses d’investissement, une bonne part des revenus du capital en sera exemptée.
En fait, comme en Grande-Bretagne en 2011, tout laisse à penser que cette hausse de TVA s’accompagnera d’une augmentation des prix. Le risque est grand de voir les entreprises, bien souvent en situation financière fragile, augmenter leur taux de marge plutôt que de répercuter cette baisse de cotisation sur les prix de vente. Le précédent du secteur de la restauration est dans toutes les mémoires.
Gageons que pour les grandes entreprises cette logique conduira à la hausse des prix des produits français et annulera le prétendu gain de compétitivité. En effet, certains se plaisent à travestir la réalité en appelant cette disposition « TVA compétitivité », mais qui peut raisonnablement penser que, dans une économie mondialisée, une baisse des prix à l’exportation de 3 %, voire de 4 % sera suffisante pour redresser le déficit de notre balance commerciale ?
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais vous parler du problème de la compétitivité des entreprises, en particulier de la nécessité absolue d’alléger suffisamment les charges sur salaires pour faciliter nos exportations et favoriser l’emploi.
Cette question est traitée dans le projet de loi de finances rectificative, mais insuffisamment selon moi. Mon idée est qu’il faudrait réduire les charges sur salaires de façon beaucoup plus importante.
Qu’il me soit permis d’avancer une proposition complémentaire pour augmenter cet allégement de charges sur les salaires. Ces charges se composent à la fois des cotisations relatives aux salariés – chômage, retraite –, de celles relatives au financement de la sécurité sociale, de l’assurance maladie, de la famille, du logement, du transport, qui n’ont rien à voir avec les salariés, et de la CSG.
Je vous propose de reporter toutes les charges relatives à la sécurité sociale et à la CSG sur les frais généraux des entreprises ; seules les charges relatives aux salariés – chômage, retraite et accidents du travail – devraient rester sur les salaires. Grâce à cette opération, les charges sur salaires diminueront de moitié, ce qui n’est pas négligeable.
Certes, cela ne changera pas les dépenses totales des entreprises, mais les charges seront réparties différemment, car il faut favoriser les entreprises de main-d’œuvre. Les coûts de production directs seront ainsi moins élevés, et cela ne coûtera rien ni à l’État ni au contribuable.
À cette fin, je propose de créer un coefficient d’activité unique qui favorisera les entreprises de main-d’œuvre et qui sera valable pour toutes les activités marchandes.
Ce coefficient sera associé au chiffre d’affaires de chaque entreprise, diminué de la masse salariale. Il sera déterminé et payé chaque année en fin d’exercice. Pendant un an, les entreprises verront effectivement les charges sur salaires diminuées de moitié, ce qui favorisera leur activité et leurs exportations.
Les entreprises paieront leurs charges en fin d’exercice pour couvrir les dépenses de sécurité sociale avec la CSG. Le coefficient à l’échelle nationale sera calculé à partir des résultats des années n-2 avec les chiffres d’affaires de toutes les entreprises marchandes nationales, diminués des masses salariales réduites pour payer les dépenses de sécurité sociale nécessaires.
J’espère que vous avez tous compris.
On voit aisément que, plus la masse salariale sera grande pour un chiffre d’affaires donné, moins l’entreprise paiera. Ce sont ainsi les entreprises de main-d’œuvre qui seront favorisées.
En revanche, les entreprises qui réaliseront un chiffre d’affaires important avec peu de personnel paieront plus. Ce sera le cas des entreprises de service, des importateurs et des entreprises qui délocalisent.
On rétablit ainsi un véritable droit de douane pour tous les importateurs et on favorise l’emploi en France de toutes les entreprises.
Cette proposition présente en outre un autre avantage important, celui de s’adapter aux besoins budgétaires. L’équilibre des dépenses actuelles permet de régler 217 milliards d’euros avec un coefficient de 6, 6. En augmentant ce coefficient de 0, 6 point, on obtient un total de 237 milliards d’euros, c’est-à-dire 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires, soit le déficit actuel de la sécurité sociale.
Contrairement au système actuel, celui-ci permettrait de financer l’ensemble des dépenses de sécurité sociale, y compris le déficit actuel, ce qui est considérable.
Permettez-moi de résumer les avantages de ma proposition.
Premièrement, elle permettrait de réduire les charges sur salaires de 55 %, ce qui améliorerait les coûts de production et la compétitivité de nos entreprises.
Deuxièmement, elle pénaliserait les entreprises qui importent ou délocalisent de façon importante et favoriserait les entreprises qui emploient de la main-d’œuvre en France. C’est une véritable taxe douanière.
Troisièmement, elle permettrait d’équilibrer les dépenses de la sécurité sociale, notamment de la branche maladie et de la formation, ce qui n’est pas négligeable.
Quatrièmement, elle favoriserait l’augmentation des salaires et les embauches ; les charges sur salaires étant moins élevées, il y aurait plus d’embauche, et les augmentations de salaire se traduiraient par une hausse du pouvoir d’achat.
Enfin, je ne peux pas laisser dire que nous manquons d’esprit d’innovation et de recherche en France. En effet, nous avons des entreprises qui exportent des avions, ...
… marché considérable, et des logiciels. Elles ne sont pas nombreuses, mais on les a, et elles exportent malgré des coûts de production trop élevés et, il faut le dire, un euro encore trop haut qui défavorise les activités en zone dollar.
Voilà, brièvement résumés, les termes de ma proposition.
Je sais, mes chers collègues, que, si vous votez la question préalable je ne pourrai pas déposer d’amendement. Au demeurant, cette proposition me paraît suffisamment importante pour que je la présente sous la forme d’une proposition de loi à la reprise des activités du Sénat, au mois de juillet prochain. Elle pourra rendre aux entreprises leur compétitivité, améliorer considérablement l’emploi en France et favoriser la croissance, ce qui est quand même le but recherché par tous. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, halte à la stigmatisation des « outre-mer » et aux préjugés cartiéristes sur les outre-mer ! Que l’on cesse de clamer que les outre-mer coûtent cher à la France et qu’il faut réduire systématiquement ce coût.
Hier, c’était la Cour des comptes qui, dans son rapport public annuel, proposait purement et simplement de supprimer les dépenses fiscales jugées trop coûteuses et inefficaces.
Aujourd’hui, dans ce projet de loi de finances rectificative est inscrite une annulation de 25 millions d’euros des crédits de la mission « Outre-mer », qui vient s’ajouter aux coupes successives que connait ce ministère depuis 2002, dernier exercice budgétaire du gouvernement Jospin.
Triste réalité budgétaire puisque, depuis cette date jusqu’en 2012, dernier exercice budgétaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les crédits du budget de l’outre-mer ont diminué de 219 millions d’euros alors que, dans le même temps, l’inflation cumulée entre ces deux périodes a été de 19, 1%. En valeur nominale, les dépenses de l’État outre-mer ont donc diminué entre ces deux exercices budgétaires de 425 millions d’euros, soit 39, 4% ! Entre 2007 et 2012, la baisse en valeur nominale du budget de l’outre-mer est de 7, 7 %. Sur cette même période, la baisse de l’effort total de l’État envers les outre-mer est de 3 %.
Triste réalité budgétaire, mais aussi confirmation de la double peine que subissent les outre-mer et que nous ne cessons de dénoncer : les outre-mer sont sanctionnés une fois au même titre que la France entière et une autre fois au titre des mesures de soutien spécifiques que l’État a pourtant lui-même privilégiées par rapport aux dotations budgétaires pour leur développement.
En effet, la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales ne pèse pas de manière identique sur l’ensemble des territoires français. Ce qu’il faut réellement appréhender quand on parle de coup de rabot sur les niches fiscales outre-mer, c’est surtout la diminution nette de l’effort consenti par l’État et non pas uniquement le gain pour les contribuables.
C’est ainsi qu’en 2012 la diminution nette de 382 millions d’euros de la dépense fiscale outre-mer n’a pas été compensée – loin de là ! – par l’augmentation des crédits de la mission outre-mer. Aussi, arrêtons à juste titre d’assimiler outre-mer et niches fiscales !
Au total, les « niches fiscales outre-mer » trop souvent décriées représentaient un montant de 1, 239 milliard d’euros en 2010, 1, 388 milliard d’euros en 2011 et seulement 875 millions d'euros en 2012. Ce montant a donc été fortement réduit depuis 2007.
Pour ma part, j’estime que cette forme de défiscalisation, assortie d’un contrôle étroit, est nécessaire pour nos outre-mer en l’absence d’autres solutions. Elles permettent le financement d’investissements que ni l’État ni les banques ne sont en mesure d’assurer, le premier par souci budgétaire, les secondes par frilosité.
Existe-t-il de nouvelles solutions alternatives dans ce projet de loi de finances rectificative pour relancer l’économie ultra-marine ?
La TVA sociale, élément phare de cette loi, existe déjà outre-mer et a fait la preuve de son inefficacité. Les outre-mer l’ont en effet déjà expérimentée, puisque la loi Perben du 25 juillet 1994 l’avait instaurée pour exonérer de 100 % les cotisations patronales sur la partie des salaires n’excédant pas le Smic, dans des secteurs d’activité exposés à la concurrence.
À l’époque, cette exonération a été financée par un relèvement de deux points de la TVA en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion, passée de 7, 5 % à 9, 5 %. Or cette mesure n’a pas créé d’emploi, ni amélioré la compétitivité des entreprises, ni soutenu l’activité ou encore favorisé l’exportation.
En revanche, cette mesure a eu des conséquences immédiates : la flambée des prix, l’augmentation du coût de la vie et la diminution du pouvoir d’achat. Les résultats ont été plus que nuancés si on se réfère aux études de l’INSEE et de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, à la Réunion : la situation économique et sociale actuelle est la preuve de l’absence d’efficacité de cette mesure pour la compétitivité de nos entreprises.
La « banque de l’industrie », autre dispositif que vous souhaitez mettre en place dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, est certainement une bonne initiative puisqu’elle est destinée aux petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, qui, trop souvent, peinent à trouver les financements nécessaires. Mais sera-t-elle implantée dans les outre-mer, dont les entreprises connaissent avec une plus grande acuité ces problèmes ?
Depuis longtemps déjà, nous réclamons, pour son savoir-faire, l’implantation d’OSEO en outre-mer et la distribution de tous ses outils de financement à la place de l’Agence française de développement, l’AFD, peu familiarisée avec le métier de banquier. Celle-ci doit demeurer dans son champ de compétences qu’elle maîtrise très bien : le financement de la coopération et des collectivités.
En implantant effectivement des antennes régionales de cette banque de l’industrie outre-mer, voilà, monsieur le ministre, une occasion de montrer que les outre-mer font partie intégrante de la France et qu’ils ont le droit de disposer des mêmes outils pour leur développement. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 21 septembre 2007, en visite en Corse, François Fillon déclarait : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier ; je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique ; je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Cela ne peut pas durer. » Nous entendons encore les soupirs de MM. Raffarin et Villepin à la suite de cette déclaration.
On aurait donc pu s’attendre à des propositions visant à corriger cette situation détestable le plus rapidement possible.
Or que s’est-il passé ? Le même Premier ministre, à la demande du Président de la République, a fait voter par sa majorité un paquet fiscal de 13, 7 milliards d’euros, aggravant le déficit de notre pays.
Il aurait été possible de proposer des mesures sur un cycle économique. Ce n’est pas ce qui a été fait. C’est ce que nous ferons si nous sommes en mesure de pouvoir faire ces propositions car, contrairement à ce qu’ont dit certains orateurs, nous ne proposerons pas la TVA sociale, mais nous avons des propositions alternatives.
J’en viens à ce qui est présenté comme l’un des points essentiels de ce projet de loi de finances rectificative : le renforcement de la compétitivité par la TVA sociale.
Jean-Pierre Caffet a très bien expliqué ce qu’il fallait faire, ce que nous ferions et pourquoi nous ne sommes pas d’accord avec ce qui est proposé.
La majorité et le Gouvernement fondent leur analyse sur des idées reçues, des idées fausses, qui viennent d’ailleurs d’être démontées par le rapport de l’INSEE, abondamment cité, qu’il s’agisse du coût unitaire salarial trop élevé, des conséquences des 35 heures ou du taux de cotisation des employeurs comme déterminant important du coût du travail.
Nous avons donc un certain nombre de propositions à faire sur ces sujets, mais j’évoquerai pour l’heure cette TVA sociale, qui nous est présentée parée de toutes les vertus. Elle serait nouvelle, inédite et manifesterait un certain courage.
Ce courage politique, notion qui a d'ailleurs été relayée par de nombreux orateurs, serait celui, presque physique ou viril, d’oser affronter les foules même hostiles. C’est une conception, permettez-moi de vous le dire, un peu ancienne, qui va à l’encontre d’une conception plus collective du courage. Si le courage est une vertu, il ne tient lieu d’aucune des autres vertus que le politique doit avoir, qu’il s’agisse de la justice ou de la générosité. Quelqu’un peut être courageux au service d’une cause mauvaise, et j’en appelle à Aristote pour dire qu’on ne peut assimiler le courage à la pureté morale du héros.
La TVA sociale serait également inédite, personne n’y aurait pensé avant !
Pourtant, en février 2011, voilà tout juste un an, Jean-François Copé proposait un relèvement de la TVA, donc le retour à la TVA sociale, en disant : « Un point de TVA cela se voit à peine. Il faut y réfléchir. Il y aura certes une augmentation, mais tout le monde sera gagnant au final. »
Christine Lagarde le tacle le même jour sur RTL : « Une augmentation de la TVA, dit-elle, entraînerait une augmentation immédiate du volume des prix alors qu’on n’aurait pas immédiatement une diminution des charges sociales. »
Xavier Bertrand dégaine le surlendemain : « En 2007, dit-il, j’ai bien vu que cette idée ne passait pas auprès des Français. Avec la TVA sociale, les Français ont compris que les prix allaient aussitôt augmenter mais que, pour la baisse des charges sociales, ils devraient attendre. »
Vous-même, monsieur Baroin, dans Le Figaro Économie du 18 janvier 2011, réagissant à la relance de cette proposition par M. Copé, vous expliquiez que, pour avoir un effet significatif sur la compétitivité, la baisse des cotisations patronales et sa compensation par une hausse de la TVA devaient être massives, de l’ordre de cinq points. Vous ajoutiez que cette mesure aurait un effet catastrophique sur la croissance, tout simplement parce que la consommation des ménages en constituait le principal moteur.
Mais il y a mieux ! Dans un excellent rapport publié au cours de la session parlementaire 2004-2005, notre collègue président de la commission des finances, qui était alors rapporteur général du budget, a relaté l’audition, intervenue en mai 2004, du ministre de l’économie et des finances de l’époque, Nicolas Sarkozy.
Sous la plume de M. Marini, on peut lire : « [Le ministre] a relevé que les études économiques dont il disposait montraient que l’impact le plus récessif d’une hausse de la fiscalité des ménages provenait de la TVA, dont une hausse d’un point pouvait donner lieu à 0, 9 point de croissance en moins, alors que l’impact d’une hausse de la CSG » – que nous appliquerons si nous arrivons au pouvoir – « et des charges patronales, étaient respectivement de 0, 5 et 0, 4 point sur la croissance. Il a ajouté que l’accroissement du taux normal de TVA serait problématique pour la compétitivité française […] Il a enfin rappelé que l’État ne contrôlait pas le niveau des prix et qu’il était donc à craindre qu’une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne fût intégrée dans la marge, et donc intégralement répercutée sur le prix de vente ».
Par quel mystère une mesure jugée inefficace avec tant de véhémence par les meilleurs d’entre vous devient-elle efficace quand elle est reprise, en fin de course, par le Président de la République, devenu candidat à sa réélection ?
Nos compatriotes ne comprennent plus et ne se laissent pas abuser : il faudrait baisser la TVA dans la restauration pour créer des emplois, mais l’augmenter dans les autres secteurs, toujours pour créer des emplois…
Si encore cette TVA ne visait que les secteurs soumis à la concurrence internationale, la mesure pourrait se comprendre. Mais ce n’est pas le cas, elle va au-delà !
Comme le dit la sagesse fiscale : ce n’est pas parce que l’on met un impôt sur les vaches, que ce sont les vaches qui paient l’impôt. En l’espèce, ce sont les consommateurs qui paieront !
Dans cette « pochette-surprise » qui nous est distribuée actuellement, la TVA sociale me fait un peu penser à la jouvence de l’Abbé Soury, qui serait censée guérir tous les maux de la République française !
Au milieu de ces gesticulations quotidiennes, de ces revirements, de ces mauvais choix, le chômage, la dette et le déficit extérieur ont explosé. Nous avons perdu le triple A, trésor national un jour, pacotille le lendemain !
Vous n’avez pas su récompenser le travail ni les travailleurs. Vous faites payer aux plus modestes le coût d’une politique de cadeaux fiscaux aux plus fortunés.
Alors, à deux mois d’une élection présidentielle, vous vous livrez à une fuite en avant, dans une accumulation de mesures, le plus souvent inefficaces ou cosmétiques. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur la TVA sociale.
Nicolas Sarkozy souhaite abaisser le poids des charges pesant sur les entreprises et promouvoir des accords compétitivité-emploi dans ces dernières, afin d’adapter le temps de travail et les salaires.
Concrètement, 13, 2 milliards d’euros de charges dédiées à la branche famille seront supprimées et compensées par une hausse de 1, 6 point du taux normal de TVA et une hausse de 2 points de la CSG sur les revenus du capital.
Dès lors, qui va y gagner et qui va y perdre ? La question mérite d’être posée, car cette mesure va faire des gagnants et des perdants.
Les perdants seront les salariés. Sur le plan fiscal, la TVA sociale signifie l’augmentation immédiate de l’impôt sur la consommation. Si les prix augmentent, les ménages devraient en effet perdre en pouvoir d’achat. Alors que M. Sarkozy voulait être le président du pouvoir d’achat, celui-ci n’a pas cessé de baisser ces cinq dernières années. Et aujourd’hui, c’est de nouveau au pouvoir d’achat qu’il décide de faire mal !
Tous les Français vont être concernés, mais surtout les classes moyennes et populaires, lesquelles consomment plus qu’elles n’épargnent.
Les allocataires seront également perdants, puisque le montant des prestations d’allocations familiales ne sera plus indexé sur le niveau de l’inflation.
Les gagnants seront les employeurs. La baisse des charges patronales va immédiatement abaisser le coût du travail et permettre aux entreprises de baisser leurs prix hors taxes sans grever leurs marges.
Nous savons très bien que, lorsque les charges baissent, les prix, eux, ne baissent quasiment pas. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé lorsque le taux de TVA a été réduit de 19, 6 % à 5, 5 % pour l’hôtellerie-restauration.
Ainsi, la TVA sociale consiste à faire endosser aux ménages la responsabilité de la crise, en laissant principalement aux plus défavorisés d’entre eux le soin de rembourser, en partie, la facture de dette.
Vous commettez en cela une grave erreur économique car, avec ce texte, vous amputez la consommation, l’un des principaux moteurs de la croissance. C’est consternant !
Et tout cela se passe, bien sûr, sans que vous ayez pris le soin de rencontrer les différents partenaires concernés.
De plus, cette mesure est discriminante. En effet, en raison des barèmes imposés par le Gouvernement, l’industrie, pourtant censée profiter en priorité de la TVA sociale, ne devrait gagner que 3, 3 milliards d’euros, quand, dans le même temps, les services empocheront 8, 3 milliards d’euros. Il n’y aura donc pas un intérêt commun à toutes les entreprises.
Comble de l’injustice, la banque et la finance devraient même pouvoir tirer leur épingle du jeu, puisqu’elles gagneront jusqu’à 700 millions d’euros, soit plus que l’agroalimentaire, l’automobile ou l’industrie des biens de consommation !
Lorsque le 29 janvier dernier, à la télévision, M. Sarkozy a annoncé sa décision d’instaurer une TVA sociale, il l’a présentée comme une nécessité pour la France. Et quelle nécessité : puisque l’Allemagne l’a adoptée, nous devons l’adopter !
En effet, certains veulent imiter l’Allemagne, la copier, ou même l’épouser ! Il ne se passe pas un jour sans qu’un responsable de la majorité vante les réussites de nos voisins d’outre-Rhin. Quelle erreur !
Regardons d’un peu plus près ce modèle. L’Allemagne compte 6, 5 millions de travailleurs pauvres, soit 20 % de la population active. Entre 2000 et 2009, le taux de pauvreté a augmenté de 50 %. Depuis dix ans, le pouvoir d’achat en Allemagne est en forte baisse, de 4, 7 % selon une étude. Les salariés de l’est du pays gagnent 17 % de moins que leurs collègues de l’ouest. Le nombre d’emplois très mal payés a fortement augmenté ces dernières années. La flexibilité et la productivité ont été assurées par le recours au travail précaire : il y a les « mini-jobs », dont le salaire ne peut pas dépasser 400 euros par mois, et ce sans limitation dans le temps ; il y a ensuite les « midi-job », dont le salaire doit être compris entre 400 euros et 800 euros mensuels ; enfin, les « ein-euro-jobs », destinés aux chômeurs de longue durée. Ces derniers sont des emplois à durée déterminée, indemnisés entre 1 euro et 2, 5 euros de l’heure.
Sous prétexte de favoriser la compétitivité des entreprises et de réduire le chômage, le gouvernement allemand n’a pas hésité à paupériser la population active en pratiquant la compression salariale et en favorisant le développement du travail précaire.
Telle est la triste réalité de l’Allemagne : travailleurs pauvres, précarité, inégalités, déclin démographique ! Ce modèle est dangereux pour la société française et les Français n’en veulent pas ! Seuls Nicolas Sarkozy et le patronat souhaitent l’importer. Pourtant, d’autres solutions existent pour permettre le redressement indispensable de nos finances publiques et le soutien de la croissance.
Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez, dans ces conditions, que nous votions la question préalable. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne souhaite pas m’étendre sur l’économie générale de ce texte ni même sur la TVA sociale ; mes collègues s’en sont chargés, démontrant que ces mesures sont injustes et inefficaces sur le plan macroéconomique.
Pour ma part, je serais tenté de dire que le seul test d’opportunité valable de cette mesure eût été un référendum ! Cette procédure est encensée par le candidat Sarkozy, mais, hélas, le président se garde bien d’y recourir ! Et pour cause : derrière la notion de compétitivité, c’est bien du troisième plan de rigueur qu’il s’agit. Osons simplement le dire !
Si, pour la France hexagonale, le Gouvernement fait semblant de masquer la rigueur par la suppression des cotisations patronales, pour les outre-mer, cette rigueur constitue bel et bien le fil rouge du collectif budgétaire.
En effet, le projet prévoit l’annulation de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit d’une tendance de fond, qui se poursuit depuis l’instauration du comité interministériel de l’outre-mer.
Entre 2010 et 2012, le budget de la mission « Outre-mer » a diminué de 49 millions d’euros pour les autorisations d’engagement et de 57 millions d’euros pour les crédits de paiement.
Dans la loi de finances pour 2012, le programme « Emploi outre-mer » se retrouve amputé de 48 millions d’euros en autorisations d’engagement par rapport à 2011. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit une baisse supplémentaire de 25 millions d’euros, portant la diminution des engagements de l’État à 73 millions d’euros en quatorze mois. Les crédits de paiement diminuent de manière similaire.
Au regard des fonctions de ce programme, ces diminutions sont aberrantes : la situation de l’emploi est partout sinistrée, les chiffres du chômage étant plus de deux fois supérieurs à ceux, déjà mauvais, de la métropole.
Le taux de chômage est de 20, 8 % en Martinique, 21 % en Guyane, 22, 6 % en Guadeloupe, 27 % à Mayotte et 28, 9 % à la Réunion, qui, depuis trois jours, se mobilise contre la vie chère.
Croyez-le, ce que le Gouvernement offre d’une main aux entreprises hexagonales au travers de l’article 1er de ce texte, il le soustrait aussitôt de l’autre main des programmes d’aide à la création d’emplois !
À l’heure du bilan de l’action gouvernementale, on constate un échec total en matière de formation et d’emploi, en outre-mer comme en métropole.
Il y a dans ce collectif un vrai plan de rigueur outre-mer qui ne dit pas son nom, dont les effets se traduisent aussi au-delà des crédits de la mission « Outre-mer ».
Ainsi prévoit-il l’annulation de crédits sur des postes que l’outre-mer partage avec l’ensemble du territoire, lesquels sont nécessaires au développement de certaines filières économiques.
Comment parler de soutien au développement endogène, de renforcement de la compétitivité pour des activités économiques comme celles, par exemple, du secteur primaire ?
Entre 2002 et 2010, la production de bovins en Guyane a baissé de 20 % et celle de porcins a chuté de 65 %.
Le cas de la riziculture est encore plus révélateur de l’échec d’un développement endogène : il y avait une production de 9 000 tonnes de riz en 2009, contre 1 900 tonnes au début des années 2000. Aujourd’hui, il n’y a plus de riz en Guyane ! La filière rizicole a disparu !
Et que dire de la pêche, premier poste d’exportation de la Guyane en dehors du domaine spatial : pour 4 200 tonnes de crevettes en 1998, un peu moins de 1 000 tonnes sont débarquées aujourd’hui !
Or, loin de soutenir ces filières, ce projet de loi de finances rectificative prévoit une baisse de 56 millions d’euros des crédits de paiement pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Que l’on ose donc nous dire que cette amputation de crédits va favoriser la compétitivité de la production agricole ou la création d’emplois en Guyane !
Dès lors, je m’interroge sur la cohérence de l’action gouvernementale.
Soit la politique du Gouvernement est totalement incohérente, tant l’inadaptation est flagrante entre les constats faits et les réponses apportées, tant la valse est rapide entre les choix affichant un apparent soutien à nos économies et les coupes sévères et très réelles inscrites en lois de finances.
Soit elle est parfaitement cohérente, témoignant de la volonté constante et implacable de maintenir ces territoires dans le « mal-développement » et la dépendance, au mépris de l’équité républicaine, comme si, en définitive, ceux-ci étaient la sempiternelle variable d’ajustement des contraintes budgétaires de l’État.
Arrêtez donc de lancer régulièrement sur les marchés des catalogues de mesures spéciales pour les outre-mer ! Ce sont autant de publicités mensongères puisque leur obsolescence est parfois plus rapide que la parution de leurs décrets d’application ! Arrêtez de mentir aux Français, à tous les Français : dites simplement la vérité ! §
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier tous les orateurs qui se sont exprimés, et vous en particulier, monsieur le président de la commission des finances, car vous avez parfaitement remis en perspective ce projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Le présent collectif poursuit l’action que le Gouvernement mène depuis cinq ans avec courage, …
… lucidité et réactivité, malgré la crise sans précédent à laquelle nous faisons face. Cette action, vous la connaissez. Elle a deux objectifs : le retour de la croissance et le retour à l’équilibre des finances publiques.
Chacune des interventions à la tribune a révélé que, de toute évidence, ces deux objectifs et le chemin pour les atteindre ne font pas l’unanimité. D’un côté, le Gouvernement et sa majorité souhaitent tout mettre en œuvre, sans attendre, pour relever le défi de la compétitivité, en prenant une mesure courageuse propre à nous sortir de la spirale de la perte de compétitivité. De l’autre, la majorité sénatoriale refuse de voir la réalité : voter aujourd’hui une baisse des charges, c’est permettre aux entreprises et à leurs salariés de regagner, dès demain, des parts de marché et globalement de soutenir la croissance française.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, rester campés sur votre position revient à aller contre l’intérêt de la France et des Français, à aller contre la Cour des comptes, qui, dans son rapport sur la trajectoire des finances publiques, juge que les trois conditions de réduction du déficit sont la crédibilité et l’ampleur des mesures de redressement, ainsi que l’amélioration de la compétitivité. Ces trois orientations, ce sont celles que le Gouvernement respecte depuis cinq ans et qui sont au cœur de ce collectif.
La trajectoire de réduction des déficits publics est intangible. Madame la rapporteure générale, vous devriez le noter, nous la suivons scrupuleusement sans pour autant que cela pèse sur la croissance. Je l’ai dit, les chiffres du quatrième trimestre 2011 le prouvent, la France est l’un des seuls pays européens à connaître une croissance positive, alors que l’Allemagne ou le Royaume-Uni voient leur PIB reculer. En outre, comme vous l’avez rappelé, monsieur Dallier, nos résultats de finances publiques en 2011 sont meilleurs que prévu. Monsieur Bocquet, vous ne pouvez pas le contester, la stratégie du Gouvernement est efficace et crédible : elle permet de réduire les déficits sans heurter la croissance.
Par prudence et parce que ces objectifs sont intangibles, nous révisons notre prévision de croissance à 0, 5 % en volume. Madame la rapporteure générale, vous la trouvez encore trop optimiste ; c’est pourtant la même prévision que celle du candidat socialiste.
Le Gouvernement accompagne cette nouvelle prévision d’un effort supplémentaire de 1, 2 milliard d’euros, auquel s’ajoutent 400 millions d’euros de redéploiement en faveur de l’emploi. Ces annulations, prises sur une réserve de précaution volontairement augmentée, permettent d’absorber le ralentissement de la croissance sans demander le moindre euro supplémentaire aux Français. Elles induisent, en revanche, et nous l’assumons, de véritables économies.
Par ailleurs, nous consolidons nos recettes grâce à deux décisions importantes : la mise en place de la taxe sur les transactions financières et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes est intégralement compensé. De la même manière que nous avons tenu notre objectif en 2011, nous le tiendrons en 2012.
Notre second objectif dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est de soutenir la croissance en restaurant la compétitivité.
Contrairement à ce que prétend M. Mézard, nous nous employons à cette tâche depuis cinq ans, en agissant sur la compétitivité à long terme que portent le crédit impôt recherche, la réforme des universités, les investissements d’avenir ou encore le plan de développement de l’apprentissage. Ce dernier, malgré ce que pense M. Patriat, a rencontré un grand succès en 2011, puisque près de 500 000 jeunes sont entrés en alternance. Grâce à son renforcement, 270 000 jeunes supplémentaires seront embauchés. Aujourd’hui, nous continuons à agir sur la compétitivité avec la réforme du financement de la protection sociale.
Protéger la compétitivité des entreprises qui produisent en France est une urgence absolue. M. Placé nous recommande pourtant d’attendre car, selon lui, on ne peut pas conduire des réformes à la veille d’une élection. Mais croyez-vous que les salariés dont l’emploi est menacé par la délocalisation ou la fermeture de leur usine puissent attendre ?
MM. de Montesquiou et Charon l’ont parfaitement souligné, notre déficit de compétitivité n’est pas inéluctable. Les Allemands aussi ont les Chinois pour concurrents. Pour autant, grâce à une politique s’appuyant notamment sur la baisse des charges, ils ont réussi à faire progresser leurs parts de marché.
Le constat est éloquent, nous avons le taux de charges patronales le plus élevé : trois fois plus important qu’au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, deux fois plus qu’en l’Allemagne, plus élevé de 25 % qu’en Suède, en Italie ou en Espagne.
Vous l’avez rappelé, monsieur Dassault, même si la solution que vous préconisez est un peu différente de la nôtre, cette réforme du financement de la protection sociale est attendue : par les salariés de tous les secteurs, dans l’industrie, notamment l’automobile, dans l’agriculture ; par les entreprises, pour améliorer leur compétitivité, se développer, exporter et embaucher.
En ce qui concerne le ciblage, notre choix est le bon. Je voudrais insister sur ce point et prendre le temps de quelques explications.
La baisse du coût du travail que nous vous présentons sera majoritairement concentrée sur les salaires compris entre 1, 4 SMIC et 2, 1 SMIC. Nous nous attaquons ainsi à la tranche de rémunération aujourd’hui très lourdement taxée, car sont pénalisées les entreprises qui recrutent et emploient notamment des ouvriers qualifiés et des agents de maîtrise.
En ciblant les salaires moyens, compris entre 1, 4 SMIC et 2, 4 SMIC, soit entre 1 500 et 2 600 euros nets par mois, nous faisons, comme l’a justement dit Mme Keller, un choix de nature à assurer le meilleur équilibre entre emploi et compétitivité.
C’est un choix favorable à l’ensemble des secteurs exposés à la concurrence internationale. Je pense d’abord à l’industrie, puisque notre barème représente 25 % de l’allégement global. Je rappelle que, par comparaison, l’industrie ne représente que 14 % de la valeur ajoutée française. L’industrie aura donc un avantage deux fois plus important que son poids dans la valeur ajoutée. Elle bénéficiera largement de la mesure, puisque 80 % des salariés de ce secteur perçoivent moins de 2, 4 SMIC.
Au-delà de l’industrie, notre barème couvre aussi très largement les secteurs de l’agriculture et des transports, également soumis à la concurrence internationale, ceux de la recherche et développement et des services aux entreprises.
Je le dis à MM. Patient et Antoinette, les entreprises d’outre-mer tireront aussi profit de la baisse des charges.
En outre, madame la rapporteure générale – je m’adresse aussi à tous ceux qui s’interrogent à cet égard –, notre ciblage assure un effet emploi important : loin d’aboutir à une destruction d’emplois, il permettra d’en créer de 75 000 à 120 000.
Tous les économistes le reconnaissent, baisser le coût du travail a un impact positif sur l’emploi. Ainsi, d’après une étude récente de la DARES et de la direction générale du Trésor, les allégements généraux sur les bas salaires ont permis de créer ou de sauvegarder entre 400 000 et 800 000 emplois. Je peux également citer le rapport Besson de 2007 sur la TVA sociale, selon lequel une baisse uniforme de cotisations, ce qui n’est pas le cas dans notre système, répartie sur l’ensemble des salaires, y compris les plus hauts, créerait de 30 000 à 70 000 emplois. Puisqu’il semble nécessaire d’insister sur le chiffrage, je rappelle aussi que, dans un article des Échos paru en octobre dernier, Manuel Valls espérait, avec un transfert de 10 milliards d'euros de charges sociales vers la TVA, créer rien de moins que 300 000 emplois.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, il faut le dire et le répéter : tous les économistes, quelle que soit leur tendance politique, sont d’accord sur ce point. D’ailleurs, madame la rapporteure générale, je suis heureuse de vous entendre reconnaître, enfin, les bienfaits économiques des allégements sur les bas salaires ; mais alors pourquoi proposer, comme François Hollande, d’augmenter les cotisations patronales vieillesse, ce qui détruira inéluctablement des dizaines de milliers d’emplois ?
Vous ne pouvez pas considérer, comme l’a très bien rappelé M. Arthuis, qu’une telle réforme est une hausse d’impôt. La baisse des charges patronales compensée par une hausse de la TVA et de la CSG est bien un transfert de fiscalité vers la sphère sociale, qui n’augmente pas les prélèvements obligatoires. Il n’y a pas de hausse d’impôt.
De plus, vous le savez, les effets seront dissymétriques et favorables à la croissance. D’un côté, je le dis à MM. Marc et Caffet, la hausse de la TVA ne concernera que 40 % des produits consommés par les ménages. De l’autre, l’ensemble des produits fabriqués en France verront leurs coûts de production baisser. Dans le contexte concurrentiel que nous connaissons, les entreprises auront toutes les raisons de répercuter cette baisse sur leurs prix hors taxes. Dans l’ensemble, vous l’avez noté, monsieur le président de la commission des finances, monsieur Dallier, les prix devraient très peu augmenter, voire pas du tout, comme cela a été constaté en Allemagne. Les ménages les plus modestes n’en souffriront pas. Mais certains, à l’instar de M. Germain, refusent de l’entendre.
La majorité sénatoriale ne voit pas que, précisément, grâce aux diminutions de charges, les entreprises vont pouvoir se développer, gagner de nouvelles parts de marché, investir, employer, redistribuer à terme les fruits de leur croissance, être plus solides. Ce sont d’abord les chômeurs, ensuite les salariés, qui, à terme, bénéficieront de la réforme, globalement favorable donc à la croissance et à l’emploi. Oui, monsieur Watrin, oui, madame Schillinger, nous poursuivons notre politique sociale en faveur des plus fragiles.
D’autres pays l’ont montré, le bénéfice de ces réformes est tel qu’on a vu des partis politiques d’opposition et de majorité se rassembler autour d’elles.
Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous nous affirmez que la branche famille de la sécurité sociale sera la variable d’ajustement de la réforme. Je veux vous rassurer et vous répondre sans détour : nous prenons toutes les assurances pour préserver son financement.
Notre réforme modifie, certes, la nature d’une partie des ressources de cette branche, mais pas son niveau. Je le dis plus particulièrement à Mme Pasquet, rapporteur pour avis, il ne s’agit pas d’une mesure antidéficit.
L’équilibre est assuré entre, d’une part, les allégements de charges effectués et, d’autre part, les transferts de ressources affectées. Notre réforme est équilibrée. Un rapport, prévu par la loi, vérifiera, en 2013 et en 2014, que la Caisse nationale des allocations familiales n’a pas perdu un euro en recettes au passage.
J’y insiste, nous nous inscrivons dans le cadre juridique existant, organique et législatif, qui impose une compensation à la fois juste, sincère et pérenne à la sécurité sociale de cette baisse des cotisations. Monsieur Daudigny, madame Demontès, la compensation est donc de droit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la recherche de l’équilibre des finances publiques et les mesures de compétitivité que prône le Gouvernement sont non seulement déterminantes pour notre croissance, pour l’emploi, mais aussi, à terme, parce que c’est la croissance qui le permet, pour le financement et la sauvegarde de notre modèle social. Comme M. Chevènement l’a souligné, me semble-t-il, si nous voulons nous désendetter, il nous faut d’abord trouver les moyens de restaurer la croissance. §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup a été dit et Valérie Pécresse a parfaitement exposé la position du Gouvernement en réponse aux interventions des uns et des autres. Je tiens néanmoins à saluer la qualité et la portée d’un certain nombre d’analyses et revenir sur plusieurs points qui, à mon sens, doivent être corrigés dans le cadre de cette discussion générale. Nous le savons, nous ne pourrons débattre de chacun des articles du texte, et c’est vraiment regrettable. Nous devons donc profiter de ce dernier round d’explications pour rappeler les positions de chacun.
Monsieur le président Marini, vous vous êtes étonné à juste titre, comme nous avons eu l’occasion de le faire tout au long de la journée, de la décision du groupe socialiste de s’abstenir sur le texte qui engage la France et l’avenir de l'Europe.
Mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, je dois vous avouer que je partage cet étonnement. Je l’ai dit et redit, j’ai du mal à vous comprendre, à vous entendre, à imaginer le bénéfice que vous pourriez tirer d’une décision illisible et incompréhensible.
J’étais présent cet après-midi à l’Assemblée nationale lorsque M. Ayrault, le président du groupe socialiste, exposait la position de son groupe sur le mécanisme européen de stabilité, le MES. Selon lui, l’abstention était un message adressé à celles et ceux qui préféreraient soutenir la croissance en Europe plutôt que de « valoriser » les politiques de consolidation budgétaire et d’économies.
Mais tout est dans les textes, tout a été discuté, négocié, la solidarité comme la consolidation budgétaire et la croissance. D’ailleurs, le texte que vous refusez d’évoquer aujourd'hui, le projet du Gouvernement de transformation du financement de la protection sociale, qui s’appuie, pour partie, sur une fiscalité à assiette large, au travers de la hausse de la TVA et de la CSG sur le patrimoine, est un élément constitutif de l'engagement français pris au niveau européen, de la contribution de notre pays pour soutenir la croissance.
Nous sommes, nous, pleinement cohérents. Si vous souhaitez l’être, la seule logique est de faire comme les autres partis socialistes ou mouvements de gauche, qui, en responsabilité, ont accompagné une telle politique sans se poser cette question du mécanisme européen de stabilité.
Vous ne pouvez pas, d’un côté, afficher votre volonté d’aider la Grèce et, de l’autre, ne pas voter le MES. Ce sont deux messages incompatibles, qui se télescopent. Une fois encore, je ne vois tout simplement pas le bénéfice électoral que vous pouvez tirer d’une telle absence de position.
S’agissant de la compétitivité, un certain nombre d’intervenants se sont inspirés du rapport de l’INSEE. Aux amateurs de bons auteurs et aux excellents spécialistes de l’INSEE que compte cette assemblée, je voudrais quand même rappeler précisément les termes de ce rapport.
Oui, le Gouvernement évoque la part de responsabilité des 35 heures dans la dégradation du rapport entre la compétitivité et le coût du travail. Que dit l’INSEE ? « En France, le coût horaire a crû en euros courants à un rythme annuel de 3, 4 % entre 1996 et 2008. Le rythme de croissance s’est accéléré entre 2000 et 2004, possiblement en raison de la généralisation des 35 heures : 5, 1 % d’augmentation entre 2000 et 2004, contre 1, 7 % entre 1996 et 2000. »
MM. Daudigny et Caffet ont probablement lu dans le rapport de l’INSEE ce qui les arrangeait… C’est de bonne guerre ! Mais ce qui est indiscutable, c’est que la compétitivité-coût de notre industrie s’est considérablement dégradée au cours des quinze dernières années, et personne ne saurait sérieusement le contester !
C’est la raison pour laquelle nous avons calibré le dispositif que nous vous proposons de manière à privilégier le secteur industriel.
Cela étant dit, la compétitivité hors-coût a naturellement son importance, et nous ne l’avons jamais négligée. Nous partageons à cet égard les diagnostics de MM. de Montesquiou et Charon, qui ont très bien expliqué comment nos parts de marché ont évolué au cours des dernières années.
La réalité, madame le rapporteur général, c’est que vous ignorez délibérément tout ce que le Gouvernement a fait en faveur du soutien à la recherche et à l’innovation : le triplement du crédit d’impôt recherche, qui constitue probablement aujourd’hui l’un de nos meilleurs instruments fiscaux à l’exportation ; la réforme des universités, chère à Valérie Pécresse ; la réforme de la taxe professionnelle, qui a eu des effets visibles sur l’investissement. Faute de pouvoir être exhaustif, je mentionnerai encore l’installation du Fonds stratégique d’investissement, le développement d’OSEO et l’ensemble des mesures qui ont permis – les chiffres sont là – de sauver des emplois dans un contexte mondial de ralentissement économique très marqué.
Je remercie le président Philippe Marini et M. Jean Arthuis de leurs interventions. Nous pourrions d’ailleurs leur envoyer quelques droits d’auteurs puisque l’un et l’autre, dans l’exercice de leurs responsabilités respectives passées, ont été, ici même, d’ardents défenseurs de ce qui va maintenant être mis en place. J’ai encore à l’oreille les conversations que nous avions l’an dernier, lorsque j’étais ministre du budget, autour de cette problématique. J’imagine aisément la satisfaction qu’ils doivent éprouver à la présentation de ce texte qui comporte une transformation en profondeur du financement de notre protection sociale, transformation pour laquelle ils ont plaidé à de nombreuses reprises.
Nous ne pouvons pas être dans l’immobilisme, comme le préconisent certains au parti socialiste. À cet égard je tiens à saluer l’énergie de Philippe Dallier, qui a su rappeler avec le talent qu’on lui connaît que nous ne saurions, nous, à la différence des socialistes, constater que la France se laisse distancer dans la mondialisation et ne rien faire pour défendre notre industrie.
Je le redis : la mesure que nous proposons n’aura pas d’impact inflationniste. Les chiffres sont à votre disposition.
Mme Keller, M. Arthuis et M. Dassault ont parfaitement exposé les raisons qui nous confortent dans l’idée que les prix à la consommation ne seront pas affectés par cette hausse du taux normal de TVA. Valérie Pécresse et moi-même ayant déjà insisté sur ce point, je n’y reviens pas.
Et il est inutile, monsieur Daudigny, de nous rappeler l’impact des hausses de TVA précédentes, ni même celle à laquelle l’Allemagne a procédé en 2007 : le schéma que nous vous proposons est inédit. Cette hausse de TVA sera plus que compensée par les diminutions de charges. Ce n’était pas le cas des précédentes hausses de TVA en France ; ce n’était pas le cas de la hausse allemande, qui n’était compensée qu’à hauteur de 1 point par des baisses de cotisations sociales.
Il y aura, de surcroît, une réduction des prix hors taxes. Comme nous sommes dans une période de ralentissement économique, avec une évolution du coût de la vie qui sera inférieure en 2012 à ce qu’elle était en 2011, les entreprises seront en effet contraintes, afin de préserver leurs parts de marché, de ne pas surenchérir les prix de leurs produits. C’est pourquoi nous pouvons avancer des statistiques sur les différents produits à la consommation impactés par tel ou tel niveau de TVA.
Ainsi, nous avons pour nous la situation économique qui justifie pleinement notre conviction selon laquelle cette mesure n’aura pas d’effet inflationniste.
Vous prétendez que le Pacte pour l’euro plus est oublié : rien n’est moins vrai ! Le Conseil européen des 1er et 2 mars fera le point sur la contribution du Pacte aux politiques de croissance. C’est un instrument qui demeure utile pour accélérer la coordination en Europe.
Les États membres, dont la France, rendront compte de la mise en œuvre de leurs engagements au titre du Pacte dans leur programme national de réforme et dans le Pacte de stabilité. Comme l’an dernier, ces documents vous seront remis à la mi-avril, avant la transmission à la Commission européenne au titre du semestre européen.
Ce sont des rendez-vous importants et, en même temps, là aussi, des avancées significatives.
Indépendamment du calendrier électoral, le Conseil pourra faire le point sur la mise en œuvre de ces engagements au cours du mois de juin, comme sur l’ensemble des politiques coordonnées dans le contexte européen.
Sur le mécanisme européen de stabilité, vous le savez, madame le rapporteur général, je conteste l’ensemble de votre argumentation. En cet instant, je me conterai de vous indiquer que le mécanisme européen de stabilité financière ne s’apparente pas au FESF.
Ce dernier est un véhicule ad hoc de droit luxembourgeois, avec un capital faible, dont les emprunts bénéficient de la garantie des États qui en détiennent le capital. Le mécanisme, lui, est une organisation de droit public international, dotée de fonds propres, à hauteur de 80 milliards d’euros de capital libéré et de 620 milliards d’euros de capital libérable, et disposant, en cas d’urgence, d’une capacité de décision à la majorité qualifiée.
D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour lesquelles les chefs d’État et de gouvernement ont souhaité anticiper ce dispositif. En effet, il est plus solide, mieux structuré sur le plan juridique, plus stable dans son évolution et naturellement plus efficace au regard de son objectif, qui est de servir de pare-feu et de préserver de la contagion des pays actuellement soumis à quelques tensions du fait de leur dette, de leur situation économique et de leur taux de chômage ; je pense à l’Italie et à l’Espagne. Un engagement d’apporter du capital appelable, madame le rapporteur général, n’est pas juridiquement assimilable à une garantie.
À votre interrogation quant au respect de la Constitution, dont je ne conteste pas la sincérité, nous apportons toutes les réponses. Je tiens à votre disposition les autres éléments juridiques constitutifs de ce mécanisme.
Dans le cas du FESF, il s’agit d’une garantie apportée à l’emprunt, ce qui revient à se substituer automatiquement au débiteur en cas de défaut de ce dernier.
Dans le cas du mécanisme européen de stabilité financière, il s’agit d’un engagement d’apporter des capitaux propres à hauteur de la quote-part souscrite au capital appelable. C’est un peu technique, mais vous êtes une spécialiste et vous savez ce que je veux dire.
L’engagement dans le cadre du mécanisme est, en outre, dépourvu de la même automaticité qu’un appel en garantie. Le capital appelable est un engagement de la France à verser tout ou partie de ce montant dans des circonstances précisément définies et selon une procédure arrêtée dans le traité.
C’est le choix qui a déjà été fait pour les banques multilatérales de développement, dans le cadre du collectif de fin 2010, sans que, sur les mêmes fondements, il y ait des interrogations susceptibles d’être soumises au Conseil constitutionnel.
J’ajoute que le Conseil d’État a validé l’inscription en loi de finances de dispositions autorisant un capital appelable, en la fondant sur deux points qui devraient vous tenir à cœur, monsieur Chevènement : l’information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, d’une part ; l’approbation des conventions financières par le Parlement, d’autre part.
Je souligne, monsieur Chevènement, que le nouvel article 10 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale la semaine dernière prévoit une information renforcée des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport trimestriel sur les opérations financières et le résultat des opérations du mécanisme européen de stabilité, ainsi qu’une information pour chaque décision importante du Conseil des gouverneurs. J’ai d’ailleurs pris l’engagement à l’Assemblée nationale de revenir devant elle en tant que de besoin. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement en toutes circonstances au regard de notre loi fondamentale. Du reste, c’est un plaisir !
S’agissant du décaissement et des différentes étapes, c’est évidemment une obligation supplémentaire. Il y aura toutes les garanties pour que la représentation nationale soit associée au processus d’accompagnement de l’utilisation de cet outil en vue de tenir les engagements pris.
Madame le rapporteur général, vous avez invoqué l’absence d’urgence concernant cette dotation du MES. Qu’il me soit permis de vous rappeler que les États membres de la zone euro se sont engagés à ce que le mécanisme européen de stabilité entre en vigueur au plus tard en juillet 2012. Le traité entrera en vigueur dès que des États membres représentant 90 % du capital autorisé l’auront ratifié, ce qui peut très bien être fait dès mai ou juin 2012.
Dans le même temps, et de manière paradoxale, vous regrettez le sous-financement du pare-feu. Si nous avons en quelque sorte profité du collectif budgétaire, c’est aussi en intégrant le calendrier électoral qui va rythmer les trois prochains mois en France, puisque nos travaux se termineront à l’issue de l’examen du premier texte et ne reprendront qu’au début de la nouvelle législature. Il était donc normal, pour respecter la parole de la France, qu’il y ait cette proposition et ce décaissement.
Dans nos discussions, il était initialement prévu un décaissement de cinq tranches, à raison d’une par an. Il a été décidé d’en faire deux dès cette année, pour bien montrer quelle était la vigueur de l’engagement pris. Et nous sommes, je dois le dire, plutôt fiers que la France soit le premier pays à procéder à la ratification parlementaire du Mécanisme européen.
Sur le sous-financement du pare-feu, d’une certaine manière, nos positions ne sont pas très éloignées : c’est la position que la France défend. Nous souhaitons un cumul de ce qui reste du Fonds européen de stabilité financière et de la dotation pour le Mécanisme européen de stabilité.
Je rappelle aussi que ces discussions sur l’augmentation et la mise en œuvre du pare-feu se déroulent de manière parallèle, selon un calendrier synchrone avec l’augmentation des moyens affectés au Fonds monétaire international. C’est la prochaine étape. Nous en discuterons probablement ce week-end à Mexico dans le cadre du G20 finances. Cela fera partie des discussions qui se dérouleront d’ici à la fin du mois de mars à un niveau plus élevé.
Pour ce qui est de la taxe sur les transactions financières, beaucoup ont rappelé qu’ils l’avaient toujours appelée de leurs vœux et affirmé qu’ils l’auraient voulue plus large, mais tout en regrettant que nous soyons les premiers à la mettre en œuvre et en considérant que le calendrier était un peu précipité, que finalement ça n’avait guère de sens parce qu’il faudrait le faire au niveau européen… Je ne suis pas certain que Descartes retrouve ses enfants dans cette affaire !
En tout cas, ce dont je suis sûr, c’est que notre politique est cohérente avec ce que nous avons toujours dit au sein du G20 et plaidé devant la Commission européenne. Bien sûr, nous souhaitons que ce dispositif se retrouve au niveau des directives européennes, mais le texte qui vous est présenté n’est pas incompatible avec la poursuite des discussions à l’échelle européenne. Nous allons poursuivre notre démarche avec l’Allemagne et d’autres partenaires, dans le cadre d’une coopération renforcée, pour avoir une taxe sur les transactions financières dont la voilure puisse être la plus large possible et le calendrier le plus rapproché. Ainsi, cette taxe européenne prendra la place de ce dispositif.
Il reste que nous ne souhaitions pas attendre un ou deux ans, le temps de la formulation de la directive, et que nous voulions mettre en œuvre ce dispositif comme l’avait proposé le Président de la République.
Nous nous sommes en partie inspirés de la stamp duty britannique, notamment de son système de recouvrement. C’est, en tout cas, surtout cela qui a nourri ma réflexion. Toutefois, notre dispositif n’en reprend pas toutes les exemptions : ainsi, les activités pour compte propre des banques ne sont pas exonérées.
Nous avons également pris comme source d’inspiration un excellent amendement, signé Nicole Bricq, sur le trading à haute fréquence, que j’avais lu avec beaucoup d’intérêt et qui n’avait pas pu trouver sa place dans les textes précédents. Madame le rapporteur général, je me permettrai donc de vous envoyer à vous aussi quelques droits d’auteurs si, d’aventure, ce dispositif est voté ! Toutefois, votre proposition laissait à l’écart certains acteurs non bancaires du trading à haute fréquence, ce qui n’est pas le cas de notre projet.
Nous nous sommes, enfin, inspirés de l’impôt de bourse, mais pas pour le restaurer puisque, en réalité, il en est très éloigné. Nous avons surtout évité d’en reproduire les dysfonctionnements. L’impôt de bourse était plafonné ; la TTF ne le sera pas. L’impôt de bourse était facilement contournable ; ce n’est pas le cas de la TTF, qui frappe les transactions réalisées sur les actions d’entreprises françaises dont le siège est en France, quelle que soit leur localisation.
Enfin, s’agissant de la taxation des CDS à nu, la taxe anticipe effectivement le projet européen qui vise à dissuader ces comportements spéculatifs. On peut le déplorer, le regretter ou considérer que, dans son application, cela ne servira qu’un ou deux mois. On peut aussi se féliciter de la constance de l’objectif du Gouvernement en la matière, à savoir demander au secteur financier d’apporter sa juste contribution à la résorption de la crise qui nous frappe ! §
Je suis saisi, par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, d'une motion n° 5.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant qu’il est malvenu de préempter les résultats des élections à venir en soumettant à l’approbation du Parlement, dans les dernières semaines de la législature, des réformes qui engagent un bouleversement de l’architecture des prélèvements obligatoires et du financement de la protection sociale ;
Considérant que l’évolution de la conjoncture ne nécessite pas un ajustement sans délai des grandes lignes de l’équilibre budgétaire et que l’entrée en vigueur différée des principales mesures envisagées leur dénie tout caractère d’urgence ;
Considérant que les ultimes et substantiels revirements opérés par le projet de loi en matière de prélèvements obligatoires parachèvent un quinquennat d’improvisation fiscale permanente et d’insécurité juridique et économique nuisible à la croissance ;
Considérant que la mise en œuvre d’une TVA dite « sociale » dégradera le pouvoir d’achat des ménages sans améliorer la compétitivité et l’emploi ;
Considérant que la taxe sur les transactions financières élaborée par le Gouvernement relève d’une conception minimaliste et risque, en devenant le plus petit commun dénominateur des États membres, de porter préjudice à des propositions plus ambitieuses formulées par ailleurs ;
Considérant que l’annulation de plus d’un milliard d’euros de crédits du budget général fait peser une lourde hypothèque sur la fin de gestion et n’est pas suffisamment documentée pour permettre au Parlement de moduler, en toute connaissance de cause, une autorisation budgétaire donnée il y a deux mois à peine ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture (n° 389, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Le texte de la motion tendant à opposer la question préalable a été distribué à l’ensemble de nos collègues et il est parfaitement clair. De plus, je m’en suis déjà largement expliquée lors de la discussion générale. Je ne crois donc pas, à cette heure, devoir la défendre de nouveau.
Cela étant, je tiens à remercier M. le ministre de l’économie de sa réponse conséquente, même si elle n’était pas convaincante. En tout cas, elle a bien montré qu’il n’est guère possible d’aller plus loin dans l’échange d’arguments.
La parole est à M. Francis Delattre, contre la motion. Sans doute sera-t-il moins laconique...
Il a des convictions, lui ! Quand on s’abstient, c’est que l’on n’en a pas beaucoup !
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous combattons cette motion tendant à opposer la question préalable, c’est parce qu’elle vise, après tant d’heures de débat, à faire en sorte que nous n’ayons pas à nous prononcer sur chacune des mesures contenues dans ce collectif budgétaire.
On m’avait dit, lors de mon arrivée à la Haute Assemblée, que celle-ci serait désormais le laboratoire des idées du parti socialiste, de son projet, dont nous aurions la chance d’avoir la primeur. Après avoir écouté l’ensemble des orateurs, je suis pour le moins frustré !
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez fait acte de courage en présentant, dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, non pas deux, mais six mesures importantes. Il est d’ailleurs curieux que les médias ne parlent que de celles qui instaurent, d’une part, la TVA sociale, laquelle vise à améliorer la compétitivité de nos entreprises, et, d’autre part, la taxation de certaines transactions financières.
Pourquoi ne parle-t-on pas aussi de la remise à plat des comptes de l’année 2012, qui permet d’intégrer, s’agissant des ressources, un taux de croissance ramené à 0, 5 % ? Un tel exercice de transparence n’est pourtant pas commun à la fin d’une mandature !
Hormis l’orateur du groupe CRC, personne n’a parlé non plus du Mécanisme européen de stabilité financière, lequel constitue pourtant, comme l’a rappelé le président Marini, la mesure la plus « impactante » de ce projet de loi de finances rectificative puisqu’elle se traduit par l’inscription dans nos comptes d’une somme de 6, 5 milliards d’euros. Il s’agit de notre contribution à la constitution d’un fonds d’intervention européen, véritable pare-feu financier européen, doté de 80 milliards d’euros, mobilisable rapidement et destiné à soutenir les États touchés par la spéculation sur les dettes souveraines. Ce n’est tout de même pas neutre ! Une telle mesure ne mérite-t-elle d’être débattue au moins autant que la TVA sociale ?
Il faut aussi mentionner la hausse de 2 % de la CSG sur les revenus patrimoniaux, qui a pour but de rééquilibrer progressivement les fiscalités salariales et patrimoniales, une mesure qui a fait l’objet de longs débats au sein du Sénat, et dont Mme la rapporteure générale a oublié de signaler l’intérêt.
Enfin, ce texte prévoit la mise en place d’un schéma de financement de la Banque de l’industrie et l’apport de 500 millions d’euros supplémentaires à OSEO. Cette mesure, là encore, est loin d’être secondaire à un moment où tout le monde s’accorde à dire qu’il faut soutenir nos PME et PMI.
Je vais m’efforcer de reprendre, le plus honnêtement possible, les arguments de différents orateurs.
Mme Bricq nous a tout d’abord expliqué qu’il n’était pas opportun, à deux mois de la prochaine échéance électorale, de débattre de sujets aussi importants.
Il convient tout de même de rappeler que, tant le Président de la République que l’Assemblée nationale sont élus pour cinq ans. La France ne va donc pas cesser d’être gouvernée de janvier à juin, en pleine crise économique, tandis que l’Europe attendrait, pour sauver sa monnaie, que survienne l’heureux avènement… §
Cette posture est purement politicienne, et ce pour trois raisons.
Des élections se déroulent dans les dix-sept pays de la zone euro. Qu’adviendrait-il si, lors de chaque période électorale, l’Europe devait attendre les résultats pendant six mois avant d’agir ?
En fait, vous préemptez la future victoire, chers collègues de gauche !
Nous devrions donc attendre l’inéluctable application de votre programme, dont nous avons pourtant bien du mal, au terme de ce débat, à percevoir les contours...
Ainsi aurions-nous aimé connaître les propositions de Mme Bricq sur la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, un sujet qui lui est cher et dont il a été longuement question au cours du débat. À moins qu’elle ne se soit aperçue, en étudiant le problème d’un peu plus près, que cette mesure causerait de nombreux dégâts collatéraux, dont seraient victimes, par exemple, les retraités.
Depuis des semaines et des mois, vous réclamez que l’Europe mette rapidement en place des pare-feu afin de lutter contre une spéculation tenace et vous proclamez la nécessité de sauver la Grèce du chaos. Or ce sont deux points essentiels de ce projet de loi de finances rectificative ! Ils sont tout aussi importants que les ajustements inhérents à une prévision de croissance ramenée à 0, 5 % et l’instauration de la « TVA de compétitivité », car je crois que c’est ainsi qu’il convient de la désigner.
Mais vous nous avez dit ensuite, madame la rapporteure générale, que toutes ces mesures pouvaient attendre. Nous n’en disconvenons pas : d’ailleurs, la taxation des transactions financières s’appliquera seulement au mois d’août et la TVA sociale n’entrera en vigueur qu’en octobre.
À mes yeux, c’est le mérite du chef de l’État d’avoir mis ces sujets sur la table au moment de la campagne présidentielle.
N’est-il pas du devoir du Sénat et de l’Assemblée nationale de s’intéresser à ces questions en cette période où il s’agit d’éclairer nos concitoyens ?
Le Président de la République a donc eu le mérite d’engager ce débat. Or, visiblement, vous ne souhaitez pas vraiment débattre.
À vous entendre, madame la rapporteure générale, ces mesures non seulement ne seraient pas urgentes, mais elles seraient également improvisées, raison pour laquelle il conviendrait d’attendre quelques mois avant de les examiner.
Compte tenu des difficultés que vous rencontrez pour vous mettre d’accord avec votre propre camp sur un sujet tel que le mécanisme de stabilité financière, on peut se demander à quelle date vous serez opérationnels et pourrez décider d’un véritable plan de redressement destiné à résoudre les problèmes qui nous préoccupent…
Face à nos propositions, qui sont fortes, ce n’est pas avec quelques sortilèges de communication que vous pourrez vous en sortir durant cette campagne présidentielle. Il ne vous suffira pas de dire qu’il faut « changer la vie », comme hier, ou « changer de destin », comme aujourd’hui... Les Français ont de la mémoire !
La TVA sociale serait, nous dites-vous, une absurdité sociale et économique.
Est-il absurde de financer les branches famille et maladie par des recettes provenant de la TVA plutôt que par les cotisations salariales ? S’agit-il vraiment, comme vous le prétendez, d’une atteinte au contrat social instauré par le programme du Conseil national de la Résistance ? Il me semble que la remise en cause du quotient familial est une atteinte bien plus rude à ce contrat !
Ce n’est pas chambouler l’ensemble de notre système de protection sociale que de le financer en utilisant les recettes issues de la TVA ! Comme vous l’avez d’ailleurs rappelé à juste titre, madame Bricq, il ne s’agit pas d’une mesure inédite : une dizaine de milliards d’euros provenant de la TVA servent d’ores et déjà à financer des projets purement sociaux.
Vous avez asséné – et avec quelle assurance ! – que l’annonce de la création de 100 000 emplois était une fiction. Selon les études dont vous disposez, qui semblent pour le moins hétéroclites, mieux vaudrait prévoir la suppression de 40 000 emplois et la création de 10 000 emplois tout au plus. Je vous trouve bien sûre de vous ! En réalité, il est très difficile d’avancer des chiffres en matière de création d’emplois.
Je rappelle que le Gouvernement cible les emplois les plus « délocalisables », ceux qui relèvent de l’industrie et de sa logistique.
Selon les rapports et les économistes, les chiffres sont souvent contradictoires. Ceux de Mme la ministre du budget valent bien les vôtres, madame la rapporteure générale, et nous pouvons en accepter l’augure !
Vous avez tenté de nous expliquer que l’augmentation du coût du travail pourrait avoir un effet bénéfique sur l’emploi. Cette démonstration a contrario est un peu compliquée !
En réalité, tout ce qui peut favoriser l’emploi doit être essayé. Nous sommes en effet aux prises, depuis des années, avec un chômage structurel lourd, et il ne faut pas oublier que, avec cette réforme, le but est non pas d’obtenir directement la création d’emplois, mais de redonner de la compétitivité aux entreprises. Une entreprise plus compétitive, qui exporte davantage, fera plus de bénéfices ; elle pourra donc embaucher, ou préserver ses emplois, et participer à la résorption de notre déficit commercial.
Contrairement à ce que certains orateurs nous ont expliqué, bien des marchés – et donc les emplois qui vont avec ! – se gagnent dans une fourchette de 1 %.
Vous avez ajouté, à raison, que le coût du travail n’était pas le seul critère permettant de mesurer la compétitivité de nos entreprises. Nous en sommes d’accord ! Il reste que, dans une économie ouverte, le coût du travail n’est pas un élément complètement neutre. Dans le contexte économique européen, nous ne devons pas traiter cette question en considérant la seule situation de notre principal concurrent et partenaire, l’Allemagne. Il faut comparer le niveau français et celui de la moyenne de la zone euro, car ce sont aujourd’hui l’Espagne et l’Italie qui nous prennent des parts de marché. Dans ces deux pays, qui se situent peu ou prou dans la moyenne européenne, le coût horaire de la main-d’œuvre se situe entre 25 et 28 euros, tandis qu’en France, il varie de 32 à 33 euros.
Il est vrai que, dans le domaine industriel, les coûts du travail, en France et en Allemagne, sont assez voisins. Il n’est cependant pas inutile de rappeler que, en 1996, la compétitivité de notre pays était supérieure à celle de l’Allemagne. Notre déclin industriel est parfaitement concomitant avec la mise en place des 35 heures dans les entreprises à forte croissance.
En 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentaient près de 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne pour les pays de l’Union européenne. Cela mérite réflexion !
Plutôt que de stigmatiser le coût du travail, vous recommandez, madame Bricq, d’agir sur le triptyque « magique » : éducation, formation, innovation. Certes, mais plutôt que de s’en remettre à des slogans quelque peu usés...
... et à un triptyque qui s’apparente à l’enfoncement de portes ouvertes, le parti socialiste devrait revoir le contenu des réformes du quinquennat.
Jamais l’innovation n’a été autant soutenue en France, grâce au crédit d’impôt recherche, aux pôles de compétitivité, au grand emprunt destiné à soutenir les investissements d’avenir, au soutien budgétaire sans précédent de l’enseignement supérieur et à son rapprochement d’avec le monde de l’entreprise, sans parler du développement prioritaire des formations en alternance et de l’apprentissage. Voilà tout de même des réalités concrètes et reconnues !
Quid aussi de l’article 8 de ce collectif budgétaire, qui vise justement à développer encore davantage les formations en alternance, par le biais d’un renforcement du dispositif d’incitation à l’égard des entreprises, et qui devrait conduire, à terme, à l’embauche de plus de 250 000 jeunes supplémentaires en alternance ?
À nos collègues qui ont parlé avec beaucoup d’emphase des inégalités dans notre pays, je réponds que la principale inégalité réside peut-être dans le fait de ne pas pouvoir accéder à une formation permettant d’obtenir un emploi durable.
Enfin, je veux dire un mot de la taxation des transactions financières. Le Parti socialiste, qui estimait voilà trois mois qu’il était urgentissime de l’instaurer, considère aujourd’hui qu’il est trop tard…
Oui, monsieur Delattre, il est trop tard : votre temps de parole est écoulé !
Tout le monde sait que le Président de la République a défendu cette taxation dans toutes les enceintes internationales : le G8, le G7 et le G20.
Aujourd’hui, on la critique en montrant ce qui se fait à la City. Mais la City est à Londres, pas à Paris ! Si l’on veut expérimenter cette taxation tout en assurant l’attractivité de la place de Paris, il n’est peut-être pas inutile d’alourdir tout de suite le taux.
Mme Bricq a aussi exprimé la crainte que la mise en place de cette taxation ne puisse nuire aux débats européens.
Voilà bien des questions dont il aurait fallu débattre. Mais on veut empêcher la discussion de se poursuivre !
Ces débats, paraît-il, accoucheront prochainement d’un dispositif susceptible de rapporter environ 54 milliards d’euros aux pays de la zone euro. Mais cette perspective n’est pas du tout incompatible avec le fait d’adopter aujourd’hui le dispositif proposé, d’autant que nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il sera expérimental !
À titre personnel, j’oserai dire qu’une taxe européenne pourrait apporter, enfin, une véritable ressource propre à un malheureux budget européen qui en est pratiquement dépourvu. Le Parlement européen aurait alors toute sa justification dans le vote de ce budget !
De surcroît, ce budget européen pourrait être sollicité davantage pour financer, comme nous le souhaitons tous, des actions dirigées vers l’innovation et la croissance.
Madame Bricq, il serait utile que vous renonciez à déployer un tel écran de fumée. Car je ne crois pas que la mise en place de cette taxation signifie autre chose que la volonté d’expérimenter un dispositif permettant de ménager la possibilité de solutions positives ultérieures !
En réalité, le plus intrigant dans la discussion de cette motion destinée à empêcher l’examen et le vote du projet de loi de finances rectificative est le mauvais sort que le parti socialiste – parti européen, paraît-il – réserve au Mécanisme européen de stabilité, ainsi que la manière dont notre contribution à la stabilisation de la zone euro est présentée par Mme Bricq : comme une ineptie juridique !
La France doit contribuer à ce mécanisme à hauteur de 16, 3 milliards d’euros en cinq ans.
Toutefois, afin de s’assurer que le MES disposerait des ressources lui donnant un effet de levier suffisant, la contribution française au titre de l’année 2012 a été portée à 6, 5 milliards d’euros.
Marques d’impatience croissante sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Ce dispositif amorce une véritable protection des États de la zone euro contre la spéculation, ainsi qu’une véritable assistance financière entre ces États.
Ne pas le voter est un reniement par rapport aux prises de position réitérées de nombreux dirigeants socialistes, à commencer par celle de Mme Élisabeth Guigou, hier encore, dans Le Monde !
M. Francis Delattre. Au même moment, à propos de ce mécanisme, M. Mélenchon parle de capitulation…
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
M. Francis Delattre. … tandis que M. Cohn-Bendit dénonce l’hypocrisie sans nom que constitue le fait de s’abstenir sur une telle avancée !
Protestations sur les mêmes travées.
Mon cher collègue, si vous ne concluez pas, je vais être obligé de vous interrompre.
M. Francis Delattre. On comprend la méfiance des Français à l’idée qu’une telle coalition puisse être en charge des affaires du pays… Les Français ne se laisseront pas prendre aux douceurs – des poisons, en vérité ! – d’une union de façade, dont le ciment n’est qu’un anti-sarkozysme assez basique !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer Mme la présidente de la commission des affaires sociales… J’ai omis de la mentionner tout à l'heure parce que je ne la voyais pas, toute discrète qu’elle était à l’extrême gauche de cet hémicycle !
Je ne m’exprimerai pas très longtemps, Francis Delattre ayant excellemment présenté notre position. Au demeurant, Mme Bricq a elle-même été particulièrement brève.
Je regrette que le Sénat n’engage pas un débat de fond sur ces mesures. Aujourd’hui, en effet, je crois que la question de la compétitivité mériterait un débat projet contre projet, en tout cas action contre projet.
J’observe que l’objectif d’une baisse du coût du travail ne fait pas consensus à gauche puisqu’un certain nombre de ténors de la gauche ont pris position en faveur d’une baisse du coût du travail compensée par une TVA sociale.
J’aurais aimé que ce débat ait lieu et je regrette que la majorité sénatoriale veuille l’éviter. Mais peut-être y a-t-il en son sein un petit malaise sur cette question…
J’aurais aimé que nous puissions débattre du fond de cette belle réforme, mise en œuvre au Danemark et en Allemagne, et de toutes les questions dont Francis Delattre a parlé : la compétitivité de notre économie et la baisse du coût du travail, mais aussi la Banque de l’industrie, l’apprentissage, nos engagements européens et la taxe sur les transactions financières, cette taxe que vous vouliez tant instaurer à l’automne dernier, madame Bricq…
Vous avez choisi de présenter une motion tendant à opposer la question préalable. Je regrette cette stratégie d’évitement du débat. Mais le Parlement est souverain et le Gouvernement se pliera à la décision de votre assemblée.
Le débat sur le projet de loi de finances rectificative s’est concentré sur une seule mesure, introduite de façon tout à fait improvisée : la TVA sociale. Ceux qui ont participé à ce débat ont bien fait de se déplacer, car ils ont entendu monts et merveilles à son sujet ! En effet, nos collègues de l’opposition sénatoriale se sont évertués à dire tout le bien qu’ils en pensent. Pourtant, pendant des années, le Gouvernement n’a cessé de répéter qu’une telle mesure serait prématurée, inefficace, voire nocive !
Monsieur le président de la commission des finances, ce qui est marquant, c’est qu’au cours des cinq dernières années nous avons entendu dans cet hémicycle cinq discours différents. Je vais vous rappeler les trois principaux d’entre eux.
D’abord, on nous a dit : il faut baisser les impôts. De fait, ce principe a connu quelques traductions au début du quinquennat.
Ensuite, on a dit : il ne faut pas augmenter les prélèvements obligatoires. On a vu ce qu’il est advenu de ce principe… Au cours de la période récente, comme il a été rappelé, les prélèvements obligatoires ont été sensiblement augmentés !
Le troisième discours, monsieur le président de la commission des finances, madame la ministre, consiste à dire : il faut augmenter les impôts !
Augmenter les impôts, c’est bien ce qu’on est en train de faire puisque, après avoir augmenté le taux réduit de la TVA, on en augmente aujourd’hui le taux normal !
Ce qui nous distingue profondément, c’est que vous suivez la logique libérale à l’œuvre partout en Europe. Elle consiste à privilégier les assiettes larges en agissant sur la TVA, à pressurer les consommateurs et à s’appuyer sur les catégories modestes pour se procurer des recettes fiscales. Au même moment, en revanche, on facilite la vie des plus aisés et on réduit l’impôt progressif !
Alors que vous préférez augmenter un impôt proportionnel qui pèse sur toutes les catégories sociales, notamment sur les plus modestes, nous n’avons eu de cesse d’affirmer que, lorsqu’il faut trouver des recettes fiscales, c’est sur l’impôt progressif qu’il faut agir, de manière que ceux qui peuvent payer plus soient sollicités davantage !
Cette ligne de clivage majeure entre nous se manifeste une nouvelle fois dans le débat d’aujourd’hui.
Le présent projet de loi de finances rectificative apporte une nouvelle illustration tout à fait claire de notre opposition idéologique en matière de fiscalité.
Il comporte une mesure d’affichage faisant partie de la plate-forme politique que le candidat Sarkozy a commencé de présenter au pays. Il s’agit d’introduire dès aujourd’hui une mesure à vocation clientéliste, destinée à prouver que ce candidat s’occupe des entreprises, des industries, des PME, etc. Or on sait parfaitement que la politique conduite depuis cinq ans dans ce domaine a été un fiasco ! Mes collègues l’ont démontré de différentes façons cet après-midi.
Et ce constat vaut aussi en matière de compétitivité, de déficit extérieur, de coût du travail, entre autres.
Madame la ministre, vous avez répété, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, qu’il y avait en France une seule politique possible. Nous ne sommes absolument pas d’accord ! Nous estimons qu’il y a plusieurs politiques possibles et nous voulons, nous, privilégier celle qui vise à une plus grande justice fiscale.
Ce n’est pas ce choix que reflètent le projet de loi de finances rectificative et, en particulier, la décision d’instaurer la TVA sociale. Aussi considérons-nous que la motion présentée par la rapporteure générale mérite d’être votée par le plus grand nombre d’entre nous.
Il n’est pas acceptable que les plus modestes soient sollicités à chaque instant, et c’est bien ce à quoi aboutira cette TVA sociale !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en quelques mots, je souhaite une fois encore expliquer le point de vue des membres du groupe CRC.
Bien entendu, nous ne pouvons que nous féliciter de la prise de position de la majorité de la commission des finances qui l’a conduite à déposer cette judicieuse motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Ce collectif, malgré un louable désir de vérité sur les prix, marqué par la révision à la baisse de la prévision de croissance, est surtout un scandaleux plan de rigueur, fait de suppressions de crédits à peine votés par le Parlement et de nouvelles lignes de crédits exclusivement adossés à la hausse continue de la dette publique. Et ce pour quoi faire ?
Revenons quelques instants sur la question de la TVA dite « sociale ».
Madame la ministre, vous aurez beau, selon un sempiternel refrain, nous présenter la baisse des cotisations sociales des entreprises comme un allégement du coût du travail, il convient, à notre sens, de redonner aux choses leur juste nom. En réalité, alléger le coût du travail revient de facto à priver les salariés de notre pays d’une partie de leur revenu !
Qu’on le veuille ou non, dès lors que vous diminuez le salaire « socialisé » que constituent les cotisations sociales, abusivement qualifiées de « salariales » ou « patronales », au lieu d’« alléger le coût du travail », pour reprendre votre formulation, vous privez bel et bien les salariés d’une partie de leur rémunération, celle qui, jusqu’à nouvel ordre, permet de payer des retraites, de solder des jours de congé maladie, de financer un congé de formation, de verser des allocations familiales ou des aides au logement. De fait, au lieu d’alléger le coût du travail, madame la ministre, vous ne faites qu’accroître l’exploitation des salariés de ce pays !
Et, pour faire bonne mesure, la TVA va « prendre l’ascenseur » ! Ainsi, dès lors que l’on déplace le financement de la sécurité sociale de l’usine ou du bureau vers la pompe à essence ou la caisse du supermarché, c’est le salarié qui, une fois privé de son salaire « socialisé », paiera la facture lors du moindre de ses achats. Avec votre hausse de la TVA, un plein d’essence, c’est de fait du pouvoir d’achat en moins !
Permettez-moi, à cet instant, de citer un certain Maurice Lauré, dont je vous rappelle pour mémoire qu’il fut le père fondateur de la TVA : « Le recours à une TVA sociale destinée à gommer les coûts salariaux […] serait une mesure aussi dangereuse que vaine. »
Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, figure également en bonne place dans ce collectif budgétaire l’ouverture d’une ligne de crédits de plus de 16 milliards d’euros, apport de notre pays au capital d’une nouvelle société de droit luxembourgeois, dont la nature doit encore être précisée.
Je vous fais remarquer au passage que la question de la ratification du traité sur le MES a d’ores et déjà suscité suffisamment de tensions pour provoquer l’organisation d’élections législatives anticipées dans l’un des pays de l’Euroland : la Slovaquie.
En vérité, on propose aux parlementaires français non pas de développer la solidarité entre les pays de la zone euro – on aurait pu s’en préoccuper un peu plus tôt, par exemple dès le début de l’incendie de la crise des dettes souveraines –, mais bel et bien de créer les conditions d’une mise sous tutelle de tous les budgets et de toutes les politiques publiques de l’ensemble des pays de la zone euro, le seul impératif étant le maintien de la parité de la monnaie unique.
Cette austérité sans rivages, imposée par des technocrates et des financiers à tous les peuples des pays de la zone euro, quel qu’ait pu être leur choix politique, nous n’en voulons ni maintenant ni demain !
Mes chers collègues, que se passera-t-il demain si, comme on le pressent, le peuple grec renvoie à leurs chères études ceux-là mêmes des dirigeants politiques discrédités qui viennent de signer avec les autres argentiers de la zone euro la mise sous tutelle de leur pays ?
Que se passera-t-il si les Grecs, ayant compris que la règle d’or était surtout une férule, disent tout simplement non à l’avenir de sacrifices qu’on leur promet pour vingt ou trente ans ?
Comme il nous semble bien plus important de soutenir les peuples plutôt que les banquiers, nous ne pouvons que voter la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, il va être procédé à un scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 107 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances rectificative est rejeté.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Philippe Marini, Mme Nicole Bricq, MM. Yves Daudigny, Richard Yung, Mme Marie-France Beaufils, MM. Philippe Dallier et Aymeri de Montesquiou ;
Suppléants : MM. Michel Berson, François Marc, Marc Massion, François Fortassin, Philippe Dominati, Roger Karoutchi et Francis Delattre.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui jeudi 23 février 2012 à quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 23 février 2012, à zéro heure vingt-cinq.