Intervention de Jean-Pierre Caffet

Réunion du 22 février 2012 à 21h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre CaffetJean-Pierre Caffet :

Ce dont souffre l’industrie française, ce n’est pas d’un coût du travail plus élevé ; c’est d’un manque de compétitivité hors prix, en raison principalement d’un positionnement de gamme de production défavorable, de la faiblesse de notre tissu de PME exportatrices et d’un retard indéniable en matière d’innovation et de recherche.

Ce n’est pas l’étude de l’INSEE publiée ce matin qui me contredira. Comme l’a rappelé Yves Daudigny, cette étude indique que le coût du travail est de 29 % plus élevé en Allemagne qu’en France dans l’industrie automobile et que le commerce extérieur est pourtant largement excédentaire dans ce secteur en Allemagne, alors qu’il est très gravement déficitaire en France. Prétendre, comme l’a fait tout à l’heure M. Baroin, que cette étude conforte la TVA sociale, c’est faire preuve d’un « culot d’acier », une expression qui ne lui est sans doute pas étrangère…

Dans ces conditions, recourir à la TVA sociale revient à sacrifier la consommation pour des gains de compétitivité illusoires.

Deuxièmement, c’est également une erreur de croire que la TVA est le bon levier pour améliorer nos échanges extérieurs. Matraquer la consommation pour renchérir les importations, qui en représentent seulement 20 %, n’a jamais restauré la compétitivité d’un pays. L’idée selon laquelle ce seraient les importations qui paieraient la protection sociale est fausse. Très franchement, si la TVA pouvait être utilisée comme un droit de douane, cela se saurait ! D’ailleurs, M. Marini a dû s’en apercevoir, puisqu’il évoquait dans son intervention la nécessaire diminution du coin social, c’est-à-dire la différence entre le coût salarial et l’ensemble des cotisations sociales salariales et patronales. Mais c’est une tout autre problématique. Il est vrai que la diminution du coin social via une baisse des cotisations patronales peut favoriser le salaire net, mais à la condition que les employeurs l’acceptent. Et, dans ce cas, pourquoi ponctionner l’augmentation des salaires nets par une majoration de la TVA ?

Troisièmement, vous vous trompez de cible. Sur les 13 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales, un peu plus de 3 milliards d’euros seulement iront à l’industrie. Les principaux bénéficiaires de cette mesure seront les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme les services, y compris les services financiers, le bâtiment et la grande distribution, dont les activités ne sont pas délocalisables et peu concurrencées.

Cette stratégie est particulièrement risquée, notamment en matière d’inflation. Selon le Gouvernement, la hausse de la TVA n’entraînera aucune augmentation des prix, en raison de la pression de la concurrence.

Mais, à supposer que l’inflation n’augmente pas, qui donc paiera cette augmentation de TVA, sinon les entreprises en diminuant d’autant leurs prix hors taxes ? On peine alors à comprendre sur quel raisonnement économique repose une mesure consistant à baisser les charges sociales des entreprises de 13 milliards d’euros pour ensuite leur faire payer pratiquement à due concurrence l’augmentation de TVA. À trop vouloir montrer que cette réforme ne pèsera pas sur le pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement s’enferme dans une logique absurde.

En réalité, nous le savons bien, la majoration du taux normal de TVA se traduira inéluctablement par un regain d’inflation, certes difficile à chiffrer, mais d’autant plus important que les entreprises voudront reconstituer leurs marges bénéficiaires. Or, dans l’industrie manufacturière, ces marges se sont dégradées de l’ordre de dix points au cours de la dernière décennie. Il y a donc fort à parier que beaucoup de ces entreprises industrielles profiteront de cet allégement pour les restaurer. C’est dire la fragilité du raisonnement conduisant à diminuer le coût du travail pour améliorer notre compétitivité industrielle.

Quant aux autres entreprises, celles qui sont à l’abri de la concurrence mondiale, elles bénéficieront d’un effet d’aubaine que rien ne saurait justifier dans la période économique actuelle. Et les ménages subiront inéluctablement une nouvelle baisse du pouvoir d’achat.

Ajoutons enfin que ce choix de la TVA induira une nouvelle injustice fiscale. C’est décidément la marque de fabrique de ce quinquennat, notamment pour les ménages les plus modestes, sur lesquels la TVA pèse trois fois plus que sur les ménages à revenus élevés.

Mes chers collègues, avec ce collectif, nous assistons à une fuite en avant du Gouvernement, fondée sur une stratégie économique erronée, à une nouvelle injustice fiscale et à une sorte de prise en otage du Parlement à quelques semaines d’une élection majeure qui va donner la parole au peuple. En réalité, ce projet de loi de finances rectificative, qui témoigne d’une fébrilité certaine, vise à priver le peuple français de son droit à choisir entre deux projets politiques à la veille d’une élection présidentielle.

Autant de raisons pour que le groupe socialiste refuse cette aventure funeste et s’exprime en faveur de la motion de procédure adoptée hier en commission des finances. §

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