Intervention de Georges Patient

Réunion du 22 février 2012 à 21h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, halte à la stigmatisation des « outre-mer » et aux préjugés cartiéristes sur les outre-mer ! Que l’on cesse de clamer que les outre-mer coûtent cher à la France et qu’il faut réduire systématiquement ce coût.

Hier, c’était la Cour des comptes qui, dans son rapport public annuel, proposait purement et simplement de supprimer les dépenses fiscales jugées trop coûteuses et inefficaces.

Aujourd’hui, dans ce projet de loi de finances rectificative est inscrite une annulation de 25 millions d’euros des crédits de la mission « Outre-mer », qui vient s’ajouter aux coupes successives que connait ce ministère depuis 2002, dernier exercice budgétaire du gouvernement Jospin.

Triste réalité budgétaire puisque, depuis cette date jusqu’en 2012, dernier exercice budgétaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les crédits du budget de l’outre-mer ont diminué de 219 millions d’euros alors que, dans le même temps, l’inflation cumulée entre ces deux périodes a été de 19, 1%. En valeur nominale, les dépenses de l’État outre-mer ont donc diminué entre ces deux exercices budgétaires de 425 millions d’euros, soit 39, 4% ! Entre 2007 et 2012, la baisse en valeur nominale du budget de l’outre-mer est de 7, 7 %. Sur cette même période, la baisse de l’effort total de l’État envers les outre-mer est de 3 %.

Triste réalité budgétaire, mais aussi confirmation de la double peine que subissent les outre-mer et que nous ne cessons de dénoncer : les outre-mer sont sanctionnés une fois au même titre que la France entière et une autre fois au titre des mesures de soutien spécifiques que l’État a pourtant lui-même privilégiées par rapport aux dotations budgétaires pour leur développement.

En effet, la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales ne pèse pas de manière identique sur l’ensemble des territoires français. Ce qu’il faut réellement appréhender quand on parle de coup de rabot sur les niches fiscales outre-mer, c’est surtout la diminution nette de l’effort consenti par l’État et non pas uniquement le gain pour les contribuables.

C’est ainsi qu’en 2012 la diminution nette de 382 millions d’euros de la dépense fiscale outre-mer n’a pas été compensée – loin de là ! – par l’augmentation des crédits de la mission outre-mer. Aussi, arrêtons à juste titre d’assimiler outre-mer et niches fiscales !

Au total, les « niches fiscales outre-mer » trop souvent décriées représentaient un montant de 1, 239 milliard d’euros en 2010, 1, 388 milliard d’euros en 2011 et seulement 875 millions d'euros en 2012. Ce montant a donc été fortement réduit depuis 2007.

Pour ma part, j’estime que cette forme de défiscalisation, assortie d’un contrôle étroit, est nécessaire pour nos outre-mer en l’absence d’autres solutions. Elles permettent le financement d’investissements que ni l’État ni les banques ne sont en mesure d’assurer, le premier par souci budgétaire, les secondes par frilosité.

Existe-t-il de nouvelles solutions alternatives dans ce projet de loi de finances rectificative pour relancer l’économie ultra-marine ?

La TVA sociale, élément phare de cette loi, existe déjà outre-mer et a fait la preuve de son inefficacité. Les outre-mer l’ont en effet déjà expérimentée, puisque la loi Perben du 25 juillet 1994 l’avait instaurée pour exonérer de 100 % les cotisations patronales sur la partie des salaires n’excédant pas le Smic, dans des secteurs d’activité exposés à la concurrence.

À l’époque, cette exonération a été financée par un relèvement de deux points de la TVA en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion, passée de 7, 5 % à 9, 5 %. Or cette mesure n’a pas créé d’emploi, ni amélioré la compétitivité des entreprises, ni soutenu l’activité ou encore favorisé l’exportation.

En revanche, cette mesure a eu des conséquences immédiates : la flambée des prix, l’augmentation du coût de la vie et la diminution du pouvoir d’achat. Les résultats ont été plus que nuancés si on se réfère aux études de l’INSEE et de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, à la Réunion : la situation économique et sociale actuelle est la preuve de l’absence d’efficacité de cette mesure pour la compétitivité de nos entreprises.

La « banque de l’industrie », autre dispositif que vous souhaitez mettre en place dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, est certainement une bonne initiative puisqu’elle est destinée aux petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, qui, trop souvent, peinent à trouver les financements nécessaires. Mais sera-t-elle implantée dans les outre-mer, dont les entreprises connaissent avec une plus grande acuité ces problèmes ?

Depuis longtemps déjà, nous réclamons, pour son savoir-faire, l’implantation d’OSEO en outre-mer et la distribution de tous ses outils de financement à la place de l’Agence française de développement, l’AFD, peu familiarisée avec le métier de banquier. Celle-ci doit demeurer dans son champ de compétences qu’elle maîtrise très bien : le financement de la coopération et des collectivités.

En implantant effectivement des antennes régionales de cette banque de l’industrie outre-mer, voilà, monsieur le ministre, une occasion de montrer que les outre-mer font partie intégrante de la France et qu’ils ont le droit de disposer des mêmes outils pour leur développement. §

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