Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 22 février 2012 à 21h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi

Valérie Pécresse, ministre :

… lucidité et réactivité, malgré la crise sans précédent à laquelle nous faisons face. Cette action, vous la connaissez. Elle a deux objectifs : le retour de la croissance et le retour à l’équilibre des finances publiques.

Chacune des interventions à la tribune a révélé que, de toute évidence, ces deux objectifs et le chemin pour les atteindre ne font pas l’unanimité. D’un côté, le Gouvernement et sa majorité souhaitent tout mettre en œuvre, sans attendre, pour relever le défi de la compétitivité, en prenant une mesure courageuse propre à nous sortir de la spirale de la perte de compétitivité. De l’autre, la majorité sénatoriale refuse de voir la réalité : voter aujourd’hui une baisse des charges, c’est permettre aux entreprises et à leurs salariés de regagner, dès demain, des parts de marché et globalement de soutenir la croissance française.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, rester campés sur votre position revient à aller contre l’intérêt de la France et des Français, à aller contre la Cour des comptes, qui, dans son rapport sur la trajectoire des finances publiques, juge que les trois conditions de réduction du déficit sont la crédibilité et l’ampleur des mesures de redressement, ainsi que l’amélioration de la compétitivité. Ces trois orientations, ce sont celles que le Gouvernement respecte depuis cinq ans et qui sont au cœur de ce collectif.

La trajectoire de réduction des déficits publics est intangible. Madame la rapporteure générale, vous devriez le noter, nous la suivons scrupuleusement sans pour autant que cela pèse sur la croissance. Je l’ai dit, les chiffres du quatrième trimestre 2011 le prouvent, la France est l’un des seuls pays européens à connaître une croissance positive, alors que l’Allemagne ou le Royaume-Uni voient leur PIB reculer. En outre, comme vous l’avez rappelé, monsieur Dallier, nos résultats de finances publiques en 2011 sont meilleurs que prévu. Monsieur Bocquet, vous ne pouvez pas le contester, la stratégie du Gouvernement est efficace et crédible : elle permet de réduire les déficits sans heurter la croissance.

Par prudence et parce que ces objectifs sont intangibles, nous révisons notre prévision de croissance à 0, 5 % en volume. Madame la rapporteure générale, vous la trouvez encore trop optimiste ; c’est pourtant la même prévision que celle du candidat socialiste.

Le Gouvernement accompagne cette nouvelle prévision d’un effort supplémentaire de 1, 2 milliard d’euros, auquel s’ajoutent 400 millions d’euros de redéploiement en faveur de l’emploi. Ces annulations, prises sur une réserve de précaution volontairement augmentée, permettent d’absorber le ralentissement de la croissance sans demander le moindre euro supplémentaire aux Français. Elles induisent, en revanche, et nous l’assumons, de véritables économies.

Par ailleurs, nous consolidons nos recettes grâce à deux décisions importantes : la mise en place de la taxe sur les transactions financières et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes est intégralement compensé. De la même manière que nous avons tenu notre objectif en 2011, nous le tiendrons en 2012.

Notre second objectif dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est de soutenir la croissance en restaurant la compétitivité.

Contrairement à ce que prétend M. Mézard, nous nous employons à cette tâche depuis cinq ans, en agissant sur la compétitivité à long terme que portent le crédit impôt recherche, la réforme des universités, les investissements d’avenir ou encore le plan de développement de l’apprentissage. Ce dernier, malgré ce que pense M. Patriat, a rencontré un grand succès en 2011, puisque près de 500 000 jeunes sont entrés en alternance. Grâce à son renforcement, 270 000 jeunes supplémentaires seront embauchés. Aujourd’hui, nous continuons à agir sur la compétitivité avec la réforme du financement de la protection sociale.

Protéger la compétitivité des entreprises qui produisent en France est une urgence absolue. M. Placé nous recommande pourtant d’attendre car, selon lui, on ne peut pas conduire des réformes à la veille d’une élection. Mais croyez-vous que les salariés dont l’emploi est menacé par la délocalisation ou la fermeture de leur usine puissent attendre ?

MM. de Montesquiou et Charon l’ont parfaitement souligné, notre déficit de compétitivité n’est pas inéluctable. Les Allemands aussi ont les Chinois pour concurrents. Pour autant, grâce à une politique s’appuyant notamment sur la baisse des charges, ils ont réussi à faire progresser leurs parts de marché.

Le constat est éloquent, nous avons le taux de charges patronales le plus élevé : trois fois plus important qu’au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, deux fois plus qu’en l’Allemagne, plus élevé de 25 % qu’en Suède, en Italie ou en Espagne.

Vous l’avez rappelé, monsieur Dassault, même si la solution que vous préconisez est un peu différente de la nôtre, cette réforme du financement de la protection sociale est attendue : par les salariés de tous les secteurs, dans l’industrie, notamment l’automobile, dans l’agriculture ; par les entreprises, pour améliorer leur compétitivité, se développer, exporter et embaucher.

En ce qui concerne le ciblage, notre choix est le bon. Je voudrais insister sur ce point et prendre le temps de quelques explications.

La baisse du coût du travail que nous vous présentons sera majoritairement concentrée sur les salaires compris entre 1, 4 SMIC et 2, 1 SMIC. Nous nous attaquons ainsi à la tranche de rémunération aujourd’hui très lourdement taxée, car sont pénalisées les entreprises qui recrutent et emploient notamment des ouvriers qualifiés et des agents de maîtrise.

En ciblant les salaires moyens, compris entre 1, 4 SMIC et 2, 4 SMIC, soit entre 1 500 et 2 600 euros nets par mois, nous faisons, comme l’a justement dit Mme Keller, un choix de nature à assurer le meilleur équilibre entre emploi et compétitivité.

C’est un choix favorable à l’ensemble des secteurs exposés à la concurrence internationale. Je pense d’abord à l’industrie, puisque notre barème représente 25 % de l’allégement global. Je rappelle que, par comparaison, l’industrie ne représente que 14 % de la valeur ajoutée française. L’industrie aura donc un avantage deux fois plus important que son poids dans la valeur ajoutée. Elle bénéficiera largement de la mesure, puisque 80 % des salariés de ce secteur perçoivent moins de 2, 4 SMIC.

Au-delà de l’industrie, notre barème couvre aussi très largement les secteurs de l’agriculture et des transports, également soumis à la concurrence internationale, ceux de la recherche et développement et des services aux entreprises.

Je le dis à MM. Patient et Antoinette, les entreprises d’outre-mer tireront aussi profit de la baisse des charges.

En outre, madame la rapporteure générale – je m’adresse aussi à tous ceux qui s’interrogent à cet égard –, notre ciblage assure un effet emploi important : loin d’aboutir à une destruction d’emplois, il permettra d’en créer de 75 000 à 120 000.

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