Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 1er février 2012 à 14h30
Exécution des peines — Article 1er

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, président de la commission des lois :

Je désire insister sur un point en particulier.

Le projet de loi est mû par la volonté d’augmenter considérablement les capacités d’accueil des prisons. Sur ce sujet, je me réfère toujours aux visites de prisons que j’effectue et aux conversations que j’ai avec les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire. C’est ainsi que, hier, on m’a signalé un cas récent de « sortie sèche ». Cette personne, qui avait purgé six ans de détention sur les dix ans auxquels elle était condamnée, s’est donc retrouvée sur le trottoir, avec un milieu familial détruit, un environnement social inexistant et une insertion professionnelle impossible. Voilà la réalité !

Conformément aux intuitions très fortes contenues dans la loi pénitentiaire, je dis que la question est non pas de savoir si quelqu'un qui a été condamné à dix ans doit purger l’intégralité de sa peine, comme le pensent certains de nos compatriotes, mais de se pencher sur ce qui se passe pendant ces dix années. Pendant la durée d’enfermement, quelle qu’elle soit, tout doit être fait pour qu’il n’y ait plus de sorties sèches, pour que cet être humain puisse se réinsérer dans la société et pour l’aider à trouver un milieu professionnel qui lui convienne. Dans ce cas, la période de détention peut permettre à la personne de s’amender, de ne pas récidiver et de se réinsérer dans notre société.

Il nous semblait que la loi pénitentiaire n’avait pas pour objet d’aboutir à toujours plus de détentions. La détention est certes nécessaire – nous nous écartons en cela de Michel Foucault, qui était pourtant un très grand penseur –, mais son objectif est de favoriser, dès le premier jour, la réinsertion de ceux qu’elle touche.

Il existe donc un désaccord entre la majorité des membres composant la commission des lois et votre texte, monsieur le garde des sceaux. En effet, le problème n’est pas, à notre sens, de créer toujours plus de places, construites sous le régime de partenariats public-privé, ou PPP, qui vont léguer à nos enfants et petits-enfants une dette archi-durable, qu’ils devront payer, tout comme ils devront payer, de façon inéluctable, les politiques mises en place aujourd'hui. Cela ne peut être notre conception : nous souhaitons au contraire faire en sorte que la période de détention favorise la réinsertion.

J’ai été quelque peu étonné par les propos de M. le Président de la République, qui a reçu hier un certain nombre de nos collègues. Comme vous n’étiez pas convié à cette réception, monsieur le garde des sceaux, je vais donc vous apprendre ce que dit la presse, à moins que vous ne l’ayez déjà lue.

M. Sarkozy a déclaré : « Tout va se jouer sur l’attitude de la majorité. » Si je comprends bien, votre responsabilité est grande, mes chers collègues.

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