Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec plaisir que je suis spécialement revenu cet après-midi de Strasbourg pour l'examen des textes inscrits à l'ordre du jour du Sénat. J'étais en effet depuis dimanche soir au Conseil de l'Europe, où je retourne tout à l'heure pour présider la commission des migrations et participer aux travaux sur l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que sur la lutte contre la violence faite aux femmes, travaux qui ont tous trait à la défense des droits de l'homme, sujet qui me passionne. C'est dire, madame la secrétaire d'État, l'importance que j'attache aux fonctions qui vous ont été confiées.
Comme vous venez de le rappeler, madame la secrétaire d'État, la traite des êtres humains fait aujourd'hui un nombre croissant de victimes à travers le monde, y compris dans l'Union européenne.
Partant de ce constat, l'Organisation des Nations Unies a élaboré, dès novembre 2000, un protocole additionnel à sa convention contre la criminalité transnationale organisée « visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ». Notre pays a ratifié ce texte, dit « protocole de Palerme », en 2002.
Pour sa part, le Conseil de l'Europe a également jugé nécessaire, face à la montée de cette forme de crime organisé, d'élaborer un texte sur le même point mais comportant des exigences supérieures aux normes édictées dans le protocole de Palerme, particulièrement en matière de protection des victimes.
C'est dans ces circonstances qu'a été établie, en 2005, la présente convention, aujourd'hui signée par vingt-neuf États membres, dont la France, mais ratifiée jusqu'à présent par seulement sept d'entre eux, alors que son entrée en vigueur en requiert dix, dont huit d'États membres du Conseil de l'Europe. Il serait donc particulièrement opportun que ce soit la ratification française qui soit la huitième parmi les membres du Conseil.
Cette convention est un traité global, axé sur la protection des victimes de la traite et la sauvegarde de leurs droits. Elle comporte également des actions de prévention de la traite, ainsi que de poursuite des trafiquants.
Ce texte s'applique à toutes les formes de traite, nationale ou transnationale, liée ou non au crime organisé, quelles qu'en soient les victimes et les formes d'exploitation.
Il comporte une définition large de la traite, qui couvre l'ensemble des opérations « de recrutement, de transport, de transfert, d'hébergement ou d'accueil de personnes, par la menace, ou le recours à la force, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, pour obtenir le consentement d'une personne aux fins d'exploitation ».
Cette exploitation peut prendre la forme « de prostitution ou toute autre forme d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes ».
L'éventuel consentement d'une victime à l'exploitation ainsi définie n'est pas pris en compte lorsque l'un quelconque des moyens énoncés a été utilisé. Cette disposition est particulièrement importante, car on sait comment les trafiquants utilisent la menace pour obtenir l'expression d'un tel pseudo-consentement.
Par ailleurs, le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil d'un enfant aux fins d'exploitation sont considérés comme une forme de traite, toute personne âgée de moins de dix-huit ans étant, bien évidemment, considérée comme un enfant.
Mme la secrétaire d'État nous ayant présenté le détail du dispositif mis en place par la Convention, je me concentrerai sur l'ampleur et la gravité d'un phénomène qui ne cesse de croître, y compris sur le continent européen.
Les chiffres avancés, s'agissant des victimes sur ce seul continent, varient de 100 000 à 500 000 personnes, hommes, femmes et enfants, et sans doute la réalité est-elle même plus importante.
Plusieurs facteurs contribuent à ce développement, tels que les restructurations économiques et politiques consécutives à la chute de l'Union soviétique et aux crises balkaniques, la mondialisation des échanges, qui touche aussi le crime organisé, ainsi que les nouvelles méthodes utilisées par les réseaux criminels. Ceux-ci ont compris le parti à tirer, d'une part, de l'ouverture des frontières, et, d'autre part, des nouvelles technologies de la communication.
Aux trafics d'armes et de drogues, s'est ainsi ajouté le trafic d'êtres humains, qui - il faut le dire - est au moins aussi rémunérateur et, jusqu'à présent, moins risqué pour ses auteurs
Les femmes et les enfants en sont, certes, les premières victimes, mais elles sont loin d'en être les seules. Les hommes sont également touchés, notamment par le travail forcé.
Notre pays dispose, depuis 1958, d'un organisme spécialisé au sein du ministère de l'intérieur, l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains, auquel je tiens à rendre hommage pour la qualité de son travail.
Mais ce phénomène est d'ampleur transnationale et doit donc être combattu par la coopération policière, appuyée par l'importante banque de données que constitue l'Office européen de police.
Cette convention renforce ces moyens de lutte, et c'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, de l'adopter.