Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 1er février 2012 à 14h30
Exécution des peines — Article 2

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, président de la commission des lois :

Je m’appuie sur l’expérience et la sagacité de Philippe Séguin, qui, dans son dernier rapport pour la Cour des comptes, qualifiait les PPP de « crédit revolving »de l’État et des collectivités locales.

Mes chers collègues, à en croire les propos tenus par les membres du Gouvernement à notre tribune, les PPP devaient rester exceptionnels. Cette procédure peut effectivement s’avérer utile lorsque les réalisations sont complexes ou les délais très courts. Depuis lors, M. Novelli ou Mme Lagarde se sont employés à généraliser cette procédure, qui est aujourd'hui fréquemment utilisée par l’État et par des collectivités locales de toutes sensibilités.

Comme nous sommes indépendants, nous avons le droit et le devoir de dire ce que nous pensons : je tiens donc à souligner à quel point cette orientation est néfaste, et ce pour deux raisons.

Premièrement, elle nous conduit à perdre la notion de maîtrise d’œuvre publique et les compétences en matière de construction d’établissements publics qui existaient notamment au ministère de la justice, pour les centres pénitentiaires, au ministère de l’éducation nationale, pour les rectorats, au ministère des finances ou bien encore au ministère de l’intérieur.

Deuxièmement, je signale que, en vertu de la loi, avant de faire le choix d’un PPP pour construire une prison, un bâtiment universitaire, un palais de justice ou une salle des fêtes, une étude doit être menée pour justifier le bien-fondé de ce choix au regard d’un marché classique. Je tiens à affirmer avec force que toutes les études faites à ce sujet, qui permettent simplement à certains cabinets de prospérer, n’ont aucun sens. Mes chers collègues, je vais m’attacher à vous le démontrer.

Comment comparer en effet ce que donnerait la réalisation d’un équipement avec un marché classique si on ne sait pas qui est candidat, aucun appel d’offres n’ayant été passé ? On doit donc confronter des offres virtuelles à un PPP potentiel, pour lequel on ne sait pas non plus qui sera candidat, et à quelles conditions. De surcroît, dans le dispositif dit compétitif, on peut changer au fur et à mesure de l’exécution du marché les conditions de l’appel d’offres.

Pour résumer, il faut comparer deux dispositifs sur lesquels on ne sait absolument rien, en s’appuyant sur des études pléthoriques. En faisant preuve d’un minimum de vigilance intellectuelle, on voit bien que ces documents n’ont aucune valeur.

Enfin, chacun sait bien que les collectivités publiques et l’État peuvent, même dans la situation actuelle, obtenir des crédits à un coût inférieur que les entreprises. Si l’on fait un calcul économique sur vingt, trente ou quarante ans, il est tout à fait évident que le PPP coûtera, au final, beaucoup plus cher qu’un marché classique ou qu’un financement par l’emprunt.

Je tenais à dire ici, pour que mon propos figure au compte rendu de nos débats, que le PPP est une solution de facilité, qui nous conduit à prendre une responsabilité historique par rapport aux générations futures. Telle est ma profonde conviction !

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