Jusqu’à maintenant, personne n’a pu m’expliquer comment envisager une politique de réinsertion en établissement pénitentiaire pour les condamnés à des peines d’emprisonnement de moins de trois mois, mais peut-être certains de nos collègues sont-ils en mesure de le faire ?
Les victimes, dont la situation nous interpelle tous, sont tout aussi chagrines de voir les condamnés ne pas exécuter leur peine que de les voir revenir inchangés d’un bref passage en prison, voire plus ancrés dans la délinquance, comme nous pouvons de plus en plus le constater. En effet, sans programme efficace de réinsertion, domaine dans lequel beaucoup reste à faire – mais rien de sérieux n’est envisageable dans le cadre de l’exécution d’une peine de deux mois d’emprisonnement –, la prison tend plutôt à offrir de nouvelles occasions de retomber dans la délinquance.
Les effets de l’emprisonnement sont assez néfastes pour l’avenir, dans la mesure où l’incarcération totale coupe tout contact avec la société, la famille, le travail ; en effet, même si beaucoup de délinquants sont au chômage, un certain nombre d’entre eux ont malgré tout un travail au moment de leur condamnation. On laisse donc peu de chances à celui qui a purgé une peine de trois mois de retrouver une vie permettant de sortir de la délinquance.
J’ajoute que les mesures alternatives à l’emprisonnement sont une modalité d’application de la peine et certains semblent oublier qu’elles peuvent être diverses. Pardonnez-moi d’insister sur ce point, mais vous avez l’air de considérer que les mesures alternatives équivalent à un sursis
Le régime de semi-liberté, par exemple, reste contraignant : le condamné peut exercer une activité – il n’est pas inintéressant de pouvoir travailler –, mais il passe la nuit en détention.
Le placement sous surveillance électronique n’est pas non plus une partie de plaisir. Être sous surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre représente une contrainte assez forte !
Si j’en crois le projet de loi initial, le Gouvernement estime que les personnes condamnées à de courtes peines doivent être enfermées, puisqu’il veut créer des établissements pour courtes peines. Nous, nous demandons plus d’établissements réservés à la semi-liberté : notre choix est donc bien différent.
Si l’on veut aller dans le sens de ce que préconise la loi pénitentiaire, c’est-à-dire l’aménagement des peines inférieures à deux ans d’emprisonnement – donc, a fortiori, les peines inférieures à trois mois –, il faut s’en donner les moyens ; tous les acteurs, y compris les juges – en tout cas, leurs organisations représentatives – y sont favorables.
Je maintiens donc ma position, et j’espère que la majorité me suivra. J’ajoute que, puisque le projet de loi reviendra devant l’Assemblée nationale, le débat aura lieu. Il est d’ailleurs bon qu’il se poursuive, car cette proposition n’est pas sortie de notre cerveau fébrile : elle est proposée par de très nombreux acteurs, compte tenu de ce qu’est la réalité. Ne raisonnons pas sur une fiction : raisonnons sur la réalité des courtes peines, sur la réalité des prisons, sur la réalité de la délinquance, sur la réalité sociale des personnes emprisonnées.