Je tiens à réagir aux propos qui ont été tenus.
En effet, nous devons nous garder de tomber dans la caricature si nous voulons progresser. Sur ces questions difficiles, il est indispensable que chacun puisse s’exprimer tranquillement et sincèrement.
Cela dit, jamais le Gouvernement, pas plus que l’ancienne majorité sénatoriale, n’a proposé ni défendu l’idée selon laquelle il fallait laisser les personnes en prison pendant toute la durée de leur peine, qu’il fallait que tous les condamnés fassent de la prison. Beaucoup d’autres modes d’exécution de la peine sont possibles, à l’instar de la liberté sous condition ou du placement sous bracelet électronique ; mais c’est le juge qui décide.
C’est probablement à cela que M. le président de la commission des lois faisait allusion dans son intervention liminaire, lorsqu’il soulignait que le garde des sceaux avait tendance à prendre des circulaires destinées à vider les prisons.
La formule était sans doute quelque peu excessive, mais il est vrai que nous nous efforçons, d’ores et déjà, de gérer les sorties de prison. Il existe ainsi des conférences régionales d’aménagement des peines, semestrielles, et des commissions d’exécution des peines, qui se réunissent dans le ressort des tribunaux. J’ai eu l’occasion de rencontrer les magistrats qui siègent au sein de la commission d’exécution des peines du tribunal de grande instance d’Évry, dont le travail est particulièrement difficile, compte tenu de la présence dans ce ressort de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, et je puis vous dire qu’ils font preuve d’une conscience professionnelle exceptionnelle. Le Gouvernement fait donc en sorte d’organiser l’aménagement de la peine.
Par ailleurs, la circulaire du 12 mai 2011 vise à permettre aux détenus ne bénéficiant pas d’aménagement de peine, mais présentant des garanties suffisantes de représentation, d’être reçus lors de rendez-vous pénitentiaires destinés à préparer l’incarcération.
Je suis tout à fait d’accord pour que les situations individuelles fassent l’objet d’un examen concerté et pour que l’on organise les sorties de prison, mais votre texte prévoit tout autre chose. L’article 4 B prévoit en effet que la direction de l’établissement doit libérer le détenu au bout de deux mois mais que, en l’absence de décision d’aménagement de peine ou de mise en œuvre du placement sous surveillance électronique prise dans ce délai, c’est le détenu le plus proche de la fin de peine dans l’établissement qui doit sortir.
L’automaticité de cette disposition, qui ne prévoit pas l’intervention du magistrat, la rend inacceptable.
Je suis tout prêt à discuter avec vous du renforcement du rôle des commissions d’exécution des peines, mais je n’accepte pas le caractère automatique de ce dispositif purement administratif, qui évacue le magistrat.
Selon Mme la rapporteur, cet article ne pose aucun problème : la décision du juge est respectée et il y aura des places vides supplémentaires pour accueillir les entrants. Ce faisant, elle reconnaît qu’il faut construire de nouvelles places !
Telle est la principale faiblesse de son argumentation : il n’est pas très raisonnable de considérer que des places vides permettront d’accueillir de futurs détenus, alors que nous manquons d’ores et déjà de places de prison. Si nous n’en construisons pas de nouvelles, il n’y en aura jamais de libres !
Au demeurant, tant le caractère automatique du dispositif que le fait de confier son organisation à la direction de l’établissement me paraissent contraires au principe de l’individualisation des peines. Et que devient le juge de l’application des peines, dont l’intervention constituait un vrai progrès ? Il me semble incompréhensible de vouloir l’évacuer ! J’espère donc que cette position sera revue.
Ce système avait été envisagé et débattu à l’Assemblée nationale, mais la proposition n’avait pas abouti. Quant à Mme Lebranchu, elle y avait également renoncé lorsqu’elle était garde des sceaux.
J’insiste donc auprès de la Haute Assemblée pour qu’elle vote l’amendement de suppression du Gouvernement.