Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 1er février 2012 à 14h30
Exécution des peines — Article 4 D

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur :

En réalité, les peines planchers, dont l’instauration était une mesure d’affichage, ont des effets négatifs sur le quantum des peines.

En 2010, sur 16 003 condamnations éligibles à une peine plancher, 41, 4 % ont effectivement donné lieu au prononcé d’une telle peine. La part des peines minimales prononcées avec un emprisonnement entièrement ferme s’élève à 36, 9 %.

Il est vrai que les conséquences des peines planchers sur l’augmentation du nombre de personnes détenues demeurent encore mal évaluées. Mais leur effet sur la prévention de la récidive apparaît encore plus incertain... Or l’objet du mécanisme était justement de prévenir la récidive !

En outre, les peines planchers peuvent avoir un effet retard sur les incarcérations. En effet, comme l’a indiqué Mme Martine Lebrun, présidente de l’association nationale des juges de l’application des peines, l’ANJAP, au cours de nos échanges, les magistrats, souvent réticents à prononcer des peines minimales dont la sévérité ne leur paraît pas adaptée, sont conduits à les assortir d’un sursis avec mise à l’épreuve pour des durées souvent longues.

Or le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la mise en application de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs souligne que « des manquements mineurs peuvent conduire à révoquer un sursis et donc à incarcérer la personne pour une période relativement longue, alors même qu’elle pouvait être sur la voie de sa réinsertion ». Et le rapport conclut : « sur le plan de la pédagogie de la peine, la sanction serait difficilement compréhensible ».

J’ajoute que la loi du 10 août 2007 a eu pour effet de limiter la liberté d’appréciation du magistrat et sa capacité à individualiser la peine, puisqu’il est tenu de motiver sa décision lorsqu’il prononce une peine inférieure au seuil prévu par la loi.

Si donc l’intérêt des peines planchers n’a pas pu être démontré, leurs inconvénients, déjà dénoncés lors de l’examen de la loi du 10 août 2007, sont à mes yeux patents. Nous étions tout à fait opposés à l’instauration de ce dispositif, dont il faut bien dire qu’il poursuivait, je le répète, un objectif d’affichage. En effet, vous n’avez pas instauré des peines planchers à l’américaine, même si vous avez prétendu le faire !

Bref, les peines planchers nous semblent avoir surtout des inconvénients. Nous étions opposés à leur création ; aujourd’hui, nous en proposons la suppression.

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