Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente du groupe de travail, mes chers collègues, quel était l’objectif de Durban et pourquoi cette conférence était-elle importante dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
En décembre dernier, comme chaque année, les 183 pays membres de l’Organisation des Nations Unies se sont réunis pour discuter des problèmes liés au changement climatique, mais, cette année, ils devaient résoudre un problème particulier : le protocole de Kyoto cessant de produire ses effets à la fin de 2012, rien n’était prévu pour lutter contre le réchauffement après cette date.
Ce protocole historique a été mis en place en 1997, lorsqu’il n’a plus fait de doute que l’activité humaine réchauffait la planète et que ce réchauffement aurait des conséquences catastrophiques.
En signant ce traité, trente-sept pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % par rapport à leur niveau de 1990 à la fin de 2012.
Comme c’est en faisant tourner nos usines, rouler nos voitures et chauffer nos maisons que nous produisons des gaz à effet de serre, nous avons dû consentir d’importants efforts pour atteindre cet objectif.
La poursuite de ces efforts demeurera nécessaire après 2012, mais, à Durban, seuls quelques pays – ceux de l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande et l’Australie – ont accepté, en signant Kyoto II, de se fixer de nouveaux objectifs pour les prochaines années.
Deux grands pays émetteurs de gaz à effet de serre, le Japon et la Russie, ont en revanche annoncé leur sortie de l’accord en 2013.
Quant aux États-Unis, premiers émetteurs de CO2 de la planète jusqu’en 2008, ils ont toujours refusé de signer le protocole de Kyoto, rejetant toute contrainte qui pourrait freiner leur croissance ; ils n’ont pas changé de position à Durban.
Le coup de théâtre est venu du Canada, qui, signataire du protocole de Kyoto, n’a pas signé Kyoto II. Pis encore, deux jours après la fin de la conférence, ce pays annonçait sa sortie du protocole, sans même attendre la fin de l’année !
Pour autant, la conférence de Durban est-elle un fiasco complet ?
Heureusement, il y a aussi des raisons d’espérer ! À Durban, pour la première fois, la totalité ou presque des pays de la planète, y compris le Canada et les États-Unis, se sont engagés à signer un nouvel accord qui prendra le relais du protocole de Kyoto en 2020, soit dans huit ans. À cette date, on nous le promet, le monde entier se pliera donc aux contraintes du nouveau traité. C’est un vrai progrès.
Seuls quelques pays développés sont aujourd’hui tenus de réduire, en vertu du protocole de Kyoto, leurs émissions de gaz à effet de serre. En 1997, on considérait en effet que ces pays avaient une dette historique envers les autres, leur richesse actuelle, fruit de leur croissance passée, s’étant accumulée alors que les émissions de gaz à effet de serre ne constituaient pas encore une préoccupation.
Force est de constater que, depuis lors, le paysage économique a bien changé. Certains pays alors considérés « en développement », la Chine en tête, se sont en effet développés d’une manière phénoménale, devenant des géants industriels.
En 2008, la Chine est ainsi devenue le premier émetteur de gaz à effet de serre, devant les États-Unis ! Aujourd’hui, les pays en voie de développement sont responsables de plus de la moitié des émissions mondiales. Leur implication est donc indispensable pour freiner le réchauffement climatique.
Avant Durban, ces pays avaient toujours refusé de prendre des engagements dans ce domaine, au prétexte que ceux-ci freineraient leur développement et les empêcheraient d’atteindre le niveau de vie des occidentaux.
À Durban, la Chine, consciente de ses nouvelles responsabilités, et sans doute inquiète aussi des conséquences catastrophiques du réchauffement climatique, a changé d’avis. Elle a signé l’accord proposé par l’Europe et entraîné dans son sillage l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, et même les États-Unis.
Pour autant, que va-t-on faire pour le climat d’ici à 2020 ?
D’ici à 2020, les pays signataires auront eu le temps d’oublier leurs promesses, mais, même s’ils les tiennent, nous avons devant nous huit années « sacrifiées » durant lesquelles aucun traité international ne s’appliquera !
Certes, de tels engagements volontaires, fixés par les pays eux-mêmes en dehors de tout contrôle international et en l’absence de pénalités en cas de non-respect, ne sont que des promesses en l’air, mais, dans le monde de la diplomatie comme ailleurs, il importe de tenir ses promesses.
Il est vrai que les Américains n’ont pas pris trop de risques : ils se sont engagés à réduire d’ici à 2020 leurs émissions annuelles de gaz à effet de serre de 17 % par rapport à 2005, année pendant laquelle leurs émissions ont justement atteint des records mondiaux. Ils proposent ainsi d’en revenir à peu près au niveau de 1990 : on est loin de la diminution de 5 % prévue par le protocole de Kyoto et de celle de 20 % que l’Europe espère atteindre en 2020 !
Toujours parmi les États qui n’ont pas signé le protocole de Kyoto, les pays émergents sont, eux, plus ambitieux.
La Chine s’est engagée à faire baisser de 42 % son intensité carbone d’ici à 2020, ce qui signifie que dans huit ans, pour produire une même quantité de biens, ses usines consommeront 42 % d’hydrocarbures en moins, et non pas que les émissions totales de ce pays chuteront. Un doublement de la production des industries chinoises est en effet prévu d’ici à 2020. Toutefois, l’effort est bien réel. Il repose surtout sur le développement des énergies renouvelables, domaine dans lequel la Chine, qui va produire 45 % de son énergie à partir de sources renouvelables, via la construction de barrages hydroélectriques et la production de biocarburants, et le Brésil vont devenir leaders mondiaux.
Que fera quant à elle l’Europe d’ici à 2020 ?
Au-delà du respect de ses propres engagements relatifs à la réduction des émissions de CO2, l’Europe peut contribuer à faciliter la mise en œuvre des mécanismes prévus dans le traité pour favoriser le développement d’énergies vertes partout dans le monde. Elle accomplira ce faisant un beau geste de solidarité planétaire.
Pour atteindre leurs objectifs, les pays signataires ont en effet deux possibilités : d’une part, transformer leurs industries de sorte qu’elles émettent moins de gaz à effet de serre, ce qu’ils devront faire en toute hypothèse ; d’autre part, investir à l’étranger dans des projets d’énergie renouvelable.
Par ce second biais, les pays européens favorisent le développement des énergies vertes dans des pays qui, seuls, n’auraient pas les moyens de le faire et qui, sans cette aide, devraient développer leur industrie en utilisant des hydrocarbures, donc en augmentant leurs émissions de gaz à effet de serre.
A-t-on encore une chance de limiter le réchauffement à 2 degrés, comme ne cessent de le préconiser, avec raison, les scientifiques ?
Au vu des décisions prises lors de la conférence de Durban, où notre délégation, comme cela a été souligné, a fait preuve d’une forte implication et d’une grande efficacité, certains scientifiques, parmi lesquels Jean Jouzel, répondent que c’est impossible.
Ce seuil de 2 degrés au-delà des températures préindustrielles du début du XIXe siècle a pourtant été défini comme la limite à ne pas dépasser pour que les conséquences du réchauffement climatiques restent « raisonnables ».
Bien sûr, ces 2 petits degrés auront déjà à eux seuls pour conséquence une augmentation du niveau des mers et l’accroissement du nombre des tempêtes, des sécheresses et des inondations, mais les changements induits devraient être suffisamment modérés pour que nous ayons la capacité de nous y adapter à moindre frais. Au-delà, l’impact du réchauffement sera plus important, et sans doute beaucoup plus catastrophique.
Trois rapports établis par des climatologues, des économistes et des énergéticiens ont abouti à la même conclusion. Pour rester dans la limite du réchauffement de 2 degrés, il faudrait que les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent leur valeur maximale en 2020, décroissent ensuite très vite, puis atteignent, en 2050, un niveau trois fois plus faible qu’à l’heure actuelle. Or, à Durban, il a été décidé de ne rien faire jusqu’en 2020 !
L’objectif de la limitation du réchauffement à 2 degrés étant donc impossible à atteindre, jusqu’où le thermomètre montera-t-il donc ? Selon les experts, le pic des émissions n’aura pas lieu avant 2035. Compte tenu de l’évolution actuelle, le réchauffement pourrait alors atteindre, hélas ! 3, 5 degrés.
Face à ce constat, il nous faut réformer en urgence notre modèle économique pour préserver – impérieuse nécessité ! – les ressources de la planète. Pour ce faire, nous devons éviter tout gaspillage inutile, ce qui suppose d’adopter un mode de vie plus sobre, mais pas moins heureux.
Le partage équitable des richesses entre tous les habitants de la planète est une mutation qui implique de prendre en compte les données du monde actuel, tout en recherchant des solutions réalistes au problème de l’énergie.
L’avenir de l’humanité impose de s’engager dans une telle démarche avec beaucoup de volontarisme. Gandhi disait, et ce sera ma conclusion, que la terre dispose de suffisamment de ressources pour satisfaire les besoins de chacun, mais pas l’avidité de tous.