Séance en hémicycle du 17 janvier 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En application de l’article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, M. le président du Sénat a reçu ce jour de M. le président de l’Assemblée de la Polynésie française le rapport et l’avis sur la proposition de loi relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires en Polynésie française.

Acte est donné de la communication de l’avis favorable rendu par l’Assemblée de la Polynésie française sur cette proposition de loi, qui sera examinée par le Sénat demain après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport 2010 sur les comptes, la gestion et l’activité de l’Établissement public de réalisation de défaisance, établi en application de l’article 4 du décret n° 96-125 du 20 février 1996.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de l’économie, le débat d’initiative sénatoriale sur l’état des négociations internationales climatiques et les conclusions de la conférence de Durban.

La parole est à Mme la présidente du groupe de travail « Négociations internationales – Climat et environnement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le président du Sénat d’avoir pris l’initiative de ce débat sénatorial et le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire d’avoir permis la création du groupe de travail « Négociations internationales – Climat et environnement », que j’ai l’honneur de présider.

Si je remercie ainsi MM. Jean-Pierre Bel et Daniel Raoul dans mon propos liminaire, ce n’est pas seulement par courtoisie. C’est aussi parce que, dans cette période de crise économique et sociale profonde qui frappe durement les populations, bouleverse la donne internationale et met à nu un système fondé sur l’absence de régulation financière, il est devenu plus difficile de « parler climat ». Ce n’est plus dans l’air du temps : d’autres sujets d’inquiétude jugés plus importants et plus urgents devraient désormais occuper le devant de la scène. Il n’est pas anodin d’ailleurs qu’en même temps que la conférence de Durban se soit tenu un énième sommet sur l’euro à Bruxelles et que pas un chef d’État européen n’ait préféré faire le déplacement en Afrique du Sud, ne serait-ce que pour marquer son engagement et celui de son pays. On était bien loin, à Durban, de la surmédiatisation de la conférence de Copenhague !

L’heure est donc plutôt à la frilosité – si j’ose dire – en matière de lutte contre le changement climatique. Le marasme actuel est tel que les États sont peu enclins à ajouter des contraintes supplémentaires à nos économies, très dépendantes des énergies fossiles. Pourtant, comment ne pas voir qu’il est temps d’opter pour un autre raisonnement et de passer d’une action contrainte – la réduction des émissions de gaz à effet de serre en suivant des objectifs chiffrés – à une logique d’opportunité ? Seul un changement profond nous permettra en effet de parvenir à un nouveau modèle de développement qui crée des emplois et des richesses tout en préservant les ressources naturelles et en limitant l’impact environnemental des activités humaines.

Malheureusement, force est de constater que ce changement de paradigme n’était pas encore en toile de fond de cette conférence de Durban où Jean-Claude Lenoir, Marie-Hélène Des Esgaulx et moi-même avons eu le plaisir de vous accompagner, madame la ministre, ce dont nous vous remercions. La transition vers une économie plus verte n’était pas à l’ordre du jour. Espérons que « Rio+20 », la conférence consacrée à la croissance verte qui se tiendra au mois de juin prochain, soit plus innovante et atteigne, elle, ses objectifs !

Je m’arrêterai un instant sur les leçons que nous pouvons tirer de la conférence de Durban.

Ce sommet doit-il nous laisser un goût amer et un sentiment d’inquiétude pour l’avenir ou pouvons-nous nous enthousiasmer de ses résultats ? Les opinions divergent et le spectre des commentaires est large. Pour certains, le bilan est catastrophique ; pour d’autres, Durban a tout de même sauvé Kyoto et relancé la perspective d’un accord global.

Vous le savez, mes chers collègues, la conférence de Durban se réunissait à un moment particulier : d’une part, elle avait lieu, je l’ai dit, dans un contexte de crise ; d’autre part, elle s’inscrivait dans le cadre d’une dynamique essoufflée, après la grande et rude déception que fut la conférence de Copenhague, et cela malgré la conférence de Cancún, dont la principale réussite a été de sauver le processus multilatéral en matière de négociations climatiques.

La conférence de Copenhague avait en effet échoué à redéfinir un cadre juridique pour succéder au protocole de Kyoto et consacré le repli d’acteurs comme les États-Unis, bloqués tant par leur refus viscéral de se soumettre à un organe international que par les échéances électorales internes.

Dans ce contexte délicat, que pouvait-on vraiment attendre de la conférence de Durban ?

Soyons réalistes : sur beaucoup de points importants, l’issue souhaitée n’a pas été trouvée et nombre de débats se sont enlisés. Le consensus a d’ailleurs failli ne pas se faire, comme la nécessité de prolonger de deux jours la conférence – pendant lesquels mes collègues parlementaires et moi-même n’avons, hélas ! pu rester – l’a montré.

Tous les espoirs sont-ils déçus ? Oui, sans aucun doute ! Les engagements de réduction d’émission de gaz à effet de serre qui ont été pris sont insuffisants. L’accord de Durban entérine la décision de ne rien faire avant 2020, alors même que la situation est très inquiétante : les émissions de CO2 ont atteint un record en 2010, aggravant de ce fait le péril climatique.

D’après les estimations de l’AIE, l’Agence internationale de l’énergie, les rejets de gaz carbonique se sont élevés à 30, 6 gigatonnes en 2010, en hausse de 5 % par rapport à 2008. Or les émissions de CO2 du secteur de l’énergie ne doivent pas dépasser 32 gigatonnes en 2020 pour respecter la limite des 2 degrés d’augmentation du climat. Selon toute vraisemblance, le scénario adopté à Durban pourrait se traduire par un réchauffement climatique de 4 degrés d’ici à la fin du siècle. Les rapports du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, soulignent pourtant tous qu’un réchauffement contenu entre 2 degrés et 3 degrés constitue le seuil au-delà duquel la survie de nombreuses activités humaines n’est plus garantie…

La déception porte aussi sur le futur régime juridique de l’accord global qui succédera au protocole de Kyoto : la formulation trouvée laisse la porte ouverte à toutes les solutions et laisse craindre que la plus minimale, à savoir celle d’un « acte juridique » non contraignant, soit retenue.

La déception porte en outre sur la prolongation du protocole de Kyoto jusqu’à 2020 : ni la Russie, ni le Japon, ni le Canada, ni les États-Unis ne feront partie de l’accord, ce qui laisse les pays de l’Union européenne et la Norvège bien seules pour s’engager dans cette seconde partie du protocole.

On peine à voir là une avancée dans la mesure où l’Union européenne ne représente plus aujourd’hui que 11 % des émissions mondiales et que, de toute façon, les vingt-sept États membres sont déjà soumis au paquet énergie-climat, qui fixe ses propres objectifs.

La déception porte enfin sur le contenu du fonds vert, dont la création avait été esquissée au sommet de Cancún. Si ce fonds, destiné à aider les pays les moins avancés à adapter leur développement aux enjeux du changement climatique, a vu sa création officialisée à Durban, la question de son financement est restée en suspens. Les quelques contributions financières annoncées peuvent laisser espérer un fonctionnement sur deux ou trois ans, mais les 100 milliards de dollars par an nécessaires pour assurer son efficacité n’ont pas été trouvés. À quoi peut servir un fonds sans fonds ?...

Puisque la France semble s’être récemment convertie à l’idée d’une taxation des transactions financières, ne pourrait-il être envisagé, madame la ministre, que la taxe sur les mouvements de capitaux servent, du moins en partie, à abonder le fonds vert ? Les recettes d’une telle taxe sont évaluées à 200 milliards d’euros par an pour l’Union européenne. Peut-être pourrait-on convaincre ainsi nos partenaires européens, pour le moment réticents – comme vous l’étiez d’ailleurs vous-même encore voilà quelques semaines –, de l’intérêt d’une taxe de cette nature.

Ces écueils étaient prévisibles, mais la conférence de Durban a aussi comporté des évolutions positives, que je ne veux pas passer sous silence.

Le repositionnement de l’Europe en acteur central et incontournable des négociations climatiques a été flagrant et a effacé l’échec de Copenhague, où le Président français, en essayant d’imposer unilatéralement une position, avait finalement contribué à affaiblir la voix de l’Europe. On a en quelque sorte retrouvé l’Union européenne de Kyoto, une Union qui a su se faire entendre, en ralliant les petits États insulaires et les pays les moins avancés, et en se montrant plus porteuse de solutions d’avenir.

On peut également saluer les avancées de la Chine, qui a considérablement évolué sur la question du climat, faisant montre d’une prise de conscience de ses propres intérêts économiques, de son développement et de l’urgence de la situation.

Finalement, il ressort de tout cela que la « machine multilatérale » des négociations climatiques n’est pas cassée. Elle tourne toujours et elle avance, mais pas assez vite !

Il nous faut rester prudents et faire attention à ne tomber ni dans le scepticisme – à cet égard, on peut s’inquiéter du soutien que le Président de la République vient de recevoir d’un des « climato-sceptiques » les plus offensifs de notre pays… – ni dans le pessimisme, car, selon ces mots si justes de Goethe qui trouvent sur ce sujet une résonance toute particulière, « le pessimiste se condamne à être spectateur ».

C’est bien pourquoi nous devons rester optimistes et volontaires : les défis sont grands, mais les moyens d’action peuvent être à la hauteur, et c’est sur ce point que je conclurai, mes chers collègues.

Quelles « clés » avons-nous en effet à notre disposition pour agir ? À mon sens, le succès et la solidité des négociations internationales sont proportionnels au degré d’implication des parlements nationaux. La capacité des États à s’engager dans les discussions multilatérales dépend, in fine, de leur niveau démocratique et de leur façon de rendre compte à leurs opinions publiques respectives, donc de contribuer à leur mobilisation.

En tant que parlementaires, il nous revient de jouer le rôle de courroie de transmission afin que les négociations internationales ne soient pas seulement des rencontres intergouvernementales déconnectées de citoyens que l’on condamne ainsi à la résignation.

Je crois même que nous avons, au Sénat, une responsabilité particulière, car ce sont les collectivités territoriales, dont nous sommes les représentants, qui, en France, sont à la pointe de l’action en matière de lutte contre le changement climatique.

Les collectivités territoriales – qui étaient d’ailleurs bien représentées à Durban, comme nos collègues Ronan Dantec et Maurice Vincent pourront en témoigner dans leurs interventions – sont l’action. En marge des négociations, elles sont le lieu de mise en commun des expériences les plus avancées et elles ont un rôle clé dans ma mise en œuvre des stratégies d’adaptation et de lutte contre le changement climatique.

À cet égard, elles n’ont pas attendu pour mettre en place des plans d’action locaux, comme les plans climat-énergie territoriaux, ou encore des actions de sensibilisation et d’accompagnement. Ce foisonnement d’initiatives locales permet finalement d’entrevoir les contours de ce que serait un nouveau modèle de développement global. Les collectivités territoriales portent les projets concrets et ambitieux qui permettent de donner corps à l’action pour le climat. Notre implication, à nous sénateurs qui avons la charge de porter leurs intérêts, doit devenir un facteur de poids dans la conduite des négociations internationales, qui doivent laisser une plus grande place à des parlements forts, faisant le lien avec les populations.

Autrement dit, ces négociations représentent un enjeu démocratique que nous devons relever ensemble. C’est ainsi seulement que nous serons en mesure de ne pas rester de simples spectateurs. Le Sénat est disponible pour accompagner la mobilisation de la France et de l’Europe dans la lutte contre le dérèglement climatique !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Ronan Dantec, membre du groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente du groupe de travail, mes chers collègues, à la conférence de Durban de décembre 2011, les grands émetteurs de CO2 de la planète ne se sont pas entendus pour réduire les émissions rapides à des niveaux conformes à la demande des scientifiques.

Ce n’est pas une surprise : deux ans après l’échec de Copenhague, le renforcement des engagements des États n’était pas sur la table de négociation de Durban.

C’est évidemment préjudiciable. Nous accumulons un retard qui rend bien plus difficile à atteindre l’objectif final d’une stabilisation du réchauffement aux alentours de plus 2 degrés, situation dont nous savons que des millions de personnes souffriront concrètement, mais aucun observateur sérieux ne pouvait s’attendre à un résultat aussi ambitieux lors de cette conférence.

Je suis donc convaincu qu’il ne sert à rien de ressasser cette déception, aussi profonde soit-elle, sinon à conforter la démobilisation des acteurs de terrain et des opinions publiques, dont le scepticisme se nourrit tant déjà des images déprimantes de négociations interminables menées par des délégués épuisés par l’accumulation des nuits blanches – Mme la ministre sait de quoi je parle…

Nous n’avons pas de plan B : la négociation multilatérale est la seule voie possible, même si elle est encore aujourd’hui obstruée par la superposition des intérêts et égoïsmes nationaux. Aussi importe-t-il peu de qualifier la conférence de Durban d’échec ou d’avancée significative. Il s’agit maintenant de s’investir résolument dans le contexte et le calendrier décidés en Afrique du Sud.

Il est vrai que nous n’avons pas sauvé la planète à Durban, mais nous disposons maintenant d’un cadre plutôt clair, d’un calendrier, d’un chemin « acté » pour rechercher un accord associant tous les grands pays émetteurs de gaz à effet de serre, ce qui n’allait pas de soi il y a encore quelques mois !

Des lignes ont bougé à Durban. Incapable de se faire respecter deux ans plus tôt, l’Europe a retrouvé un certain leadership. À ceux qui la croyaient hors jeu pour cause d’endettement de ses États membres, elle a répondu en abandonnant l’attitude de bon élève toujours prêt à en faire plus qui avait été la sienne à Copenhague, où elle avait proposé de s’engager à réduire ses émissions de 30 % d’ici à 2020 en échange d’un accord mondial. Cette fois, elle a montré les dents et menacé de saborder elle-même le protocole de Kyoto, qu’elle avait pourtant porté à bout de bras jusque-là.

Cette attitude a payé : rejointe par les petits États insulaires et les pays les moins avancés, elle a rallié à ses propositions près des trois cinquièmes des États présents, effaçant le souvenir de Copenhague, où les pays du Sud, regroupés dans le G77 et menés par la Chine, avaient fait bloc.

Interpellée par cette nouvelle coalition, la Chine a semblé hésiter à Durban. Si elle a finalement dit « oui » – non sans quelques ambiguïtés d’ailleurs –, c’est probablement pour éviter de se couper de ses amis du Sud, mais aussi sans doute par crainte, tout simplement, pourrait-on dire, du changement climatique. La Chine, en effet, est particulièrement fragile à cet égard, car très exposée aux conséquences du dérèglement du climat. Or son niveau d’émissions ne lui permet plus guère d’exciper d’une « responsabilité commune mais différenciée » qui remonterait aux premiers temps de la révolution industrielle et des canonnières à charbon sur le Yang-Tsé-Kiang.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Elle doit agir, elle le sait, et, de ce point de vue, la construction de son propre marché carbone intérieur est une nouvelle importante, même si l’efficacité de celui-ci restera, évidemment, à vérifier.

La Chine a donc décidé à Durban de se rallier aux demandes européennes, à un horizon 2015, échéance que l’on peut juger lointaine et incompatible avec les études du GIEC, mais qui représente quand même une perspective tangible et un acquis de la conférence.

Certes, l’Inde n’a pas facilité la négociation, les États-Unis restent fidèles à eux-mêmes et je n’oublie évidemment pas que le Canada a annoncé son retrait du protocole de Kyoto, mais cette nouvelle donne internationale et les nouvelles coalitions qui se dessinent rouvrent le jeu pour un accord « légal » en 2015.

La seule question qui nous intéresse aujourd’hui est donc bien de savoir comment réussir la négociation qui sera lancée dans les mois qui viennent.

L’erreur commise à Copenhague a été de penser que l’accord climatique, qui sous-tend de fait les modèles économiques et sociaux du XXIe siècle sur toute la planète, pouvait être dégagé des autres régulations, en particulier financières, dont le monde a besoin. Faute d’une vision claire sur ce que peut être ce point d’équilibre entre anciens et nouveaux pays développés, la négociation climat a été ballotée ces dernières années au gré des intérêts nationaux. Ces derniers ne disparaîtront jamais totalement, mais une vision mieux partagée est nécessaire à la réussite de cette négociation.

Lier les différentes régulations est la clé, le premier enjeu. Nous devons réfléchir collectivement à la manière d’y parvenir, dépasser les a priori, poser de nouveaux paradigmes autour du rééquilibrage économique inéluctable entre anciens et nouveaux pays développés, sortir de ce monde de spéculation financière et de compétition exacerbée qui s’est montré incapable de générer ses propres régulations.

Le défi intellectuel est considérable, puisqu’il nécessite d’amener les experts du climat et de l’Organisation mondiale du commerce, les organisations non gouvernementales et les financiers à se confronter. Quatre années représentent finalement un temps court au regard d’une telle ambition, et la conférence « Rio+20 » de juin prochain peut constituer un rendez-vous propice à l’engagement de cette démarche.

Le deuxième enjeu de la nouvelle phase de négociations est sans aucun doute de développer sans tarder le fonds vert, la principale promesse faite par les pays développés à Copenhague étant de le porter à 100 milliards de dollars en 2020.

La conférence de Durban a accouché laborieusement d’un mécanisme de gouvernance de ce fonds. Il est prioritaire pour l’Union européenne, quelle que soit sa situation financière actuelle, d’abonder celui-ci. C’est une condition nécessaire pour restaurer la confiance et parvenir au sauvetage de la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Une possibilité concrète, évoquée par Laurence Rossignol, reste d’ailleurs sur la table de la négociation climatique : l’abondement du fonds vert par une taxation des transactions financières, sujet à propos duquel j’ai déjà eu l’occasion d’interpeller dans cet hémicycle M. Leonetti, ministre chargé des affaires européennes, lors du débat qui a précédé la conférence de Durban.

Madame la ministre, puisqu’une taxation des transactions financières fait toujours partie du calendrier du Gouvernement, j’espère que vous aurez l’occasion d’ouvrir le débat sur le lien entre ces deux enjeux.

Face aux différentes crises que nous affrontons aujourd’hui, ce lien est au cœur de la solution : une fois débarrassée des lobbyistes de la City de Londres, l’Europe pourra peut-être devenir une terre d’expérimentation et montrer la voie.

Il y a d’autres raisons d’espérer. La négociation internationale est un enjeu majeur, mais elle n’est pas le seul moteur de l’action contre le changement climatique : il est essentiel de renforcer aussi les dynamiques concrètes dans les quatre années qui viennent.

Les filières des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique se mettent en place et la sortie annoncée du nucléaire dans de nombreux pays va doper leur développement. Ce gisement d’emplois doit être soutenu, car c’est pour l’Europe l’une des principales opportunités de création massive d’emplois et de sortie de crise.

La conférence « Rio+20 » aura aussi pour thème l’économie verte, à laquelle nous devons porter une grande attention.

À cet égard, je ne peux que regretter que la baisse non concertée, massive et brutale du tarif d’achat de l’électricité ait totalement désorganisé la filière photovoltaïque en France. Il y a là une contradiction en même temps qu’un bien mauvais signal, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Les collectivités locales, notamment les communes et les régions, font aussi de plus en plus entendre leur voix dans ces négociations et développent concrètement de nombreuses actions, montrant ainsi leur capacité à réduire rapidement les émissions de C02 sur leurs territoires.

Les accompagner, notamment en trouvant les financements nécessaires à leur action, est une autre priorité.

Permettez-moi ici de prendre ma casquette de porte-parole de l’organisation mondiale des villes de Cités et gouvernements locaux dans la négociation internationale sur le climat depuis de nombreuses années pour rappeler la publication, juste avant la conférence de Durban, de méthodologies qui vont permettre aux villes du Sud d’avoir accès aux financements du MDP, le mécanisme de développement propre.

C’est une grande avancée, en attendant que le fonds vert leur apporte à son tour son soutien. Elle résulte du suivi dans la durée, par les réseaux de collectivités locales, de cette négociation. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est ainsi donnée pour me féliciter du soutien constant que la France a apporté à cette démarche de reconnaissance du rôle des autorités locales.

Il serait d’ailleurs légitime qu’en Europe, comme le demandent les réseaux de collectivités territoriales, la nouvelle recette que constituera pour les États la mise aux enchères des permis d’émission des entreprises – la somme de 200 milliards d’euros qui est avancée me semble surévaluée, mais on peut tabler au moins sur 50 milliards d’euros à l’horizon 2020 – soit affectée prioritairement à l’action locale. De nombreuses propositions, concrètes et techniques, émanent du réseau des autorités locales, et nous aurons l’occasion d’ouvrir le débat à leur sujet.

Confortées par les instruments à leur disposition, les autorités locales ont les moyens de faciliter et d’accélérer les négociations en faisant la preuve que, à l’échelle de leurs territoires, elles peuvent réduire rapidement et significativement leurs émissions.

Madame la ministre, mes chers collègues, je terminerai en soulignant la nécessité d’un accord global mariant les régulations mondiales environnementales et économiques, des financements forts pour les pays en développement, premières victimes du changement climatique, et un renforcement de ces dynamiques concrètes de terrain. C’est autour de ce triptyque que s’organisera un véritable accord en 2015.

Il faut s’engager résolument dans cette voie et refuser qu’un « climato-pessimisme » ne prenne la place du « climato-scepticisme » que nous avions enfin réussi, en Europe et notamment en France, à renvoyer à l’obscurantisme scientiste dont il relève.

Certes, on peut trouver ce propos d’un optimisme béat, mais avons-nous le choix ? Il faut montrer à tous ceux – et ils sont nombreux – qui agissent au quotidien pour réduire l’impact d’une catastrophe annoncée que leur engagement n’est pas vain. Toute tonne de CO2 évitée est bonne à prendre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

… tout ce qui ralentit les phénomènes et donne le temps de l’adaptation est utile.

Rappeler que la voie est ouverte, qu’un accord mondial reste possible et que des mécanismes efficaces vont monter en puissance, c’est redonner à l’action tout son sens.

Il ne s’agit pas de perdre toute lucidité sur le nombre d’obstacles qui se dressent encore devant nous, mais nous devons être convaincus d’une chose : il n’est pas trop tard ! Ceux qui disent le contraire se trompent. Le scénario négaWatt, récemment publié, montre ainsi qu’il est encore possible d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions dans les délais impartis. Mais n’attendons plus et agissons maintenant ! La France et l’Europe doivent continuer à montrer la voie…

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec, membre du groupe de travail. … et, au-delà des discours, afficher clairement que l’objectif de réduire de 30 % les émissions de CO2 d’ici à 2020 sur notre continent est bien notre ambition minimale commune et que nous allons nous organiser pour l’atteindre et le dépasser. C’est le message que nous devons porter en 2012, de Rio à Doha !

Applaudissementssur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, j’invite chaque orateur à respecter son temps de parole, car je rappelle qu’à dix-sept heures est prévue une séance de questions cribles thématiques.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, membre du groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour porter une appréciation positive et lucide sur ce qui s’est passé à Durban, il me paraît nécessaire de revenir quelque peu en arrière, car, juste avant que ne débute la conférence, on affirmait : « Il faut sauver Kyoto. »

Le protocole de Kyoto hante encore les rêves de tous ceux qui ont le souci de préserver la planète. Il faut le reconnaître, l’accord intervenu en 1997 est un moment fondateur de l’écologie globale, marqué par deux traits principaux.

D’une part, Kyoto a institué un mécanisme contraignant, avec des réductions chiffrées des émissions de gaz à effet de serre et de CO2, et créé dans le même temps une sorte de solidarité entre les nations, pour que l’ensemble de la planète participe à la lutte contre le réchauffement climatique.

D’autre part, Kyoto a constitué l’amorce d’un gouvernement écologique mondial, associant les États, les différentes organisations, intergouvernementales comme non gouvernementales, les scientifiques, les médias, ainsi, en définitive, qu’une bonne partie de l’opinion.

Il n’est donc pas inutile de souligner que le protocole de Kyoto a été le point de départ d’une prise de conscience dont on trouve encore trace dans les initiatives qui sont prises non seulement par les États, mais également par les collectivités locales et les citoyens.

Cela dit, il n’est pas indifférent de le rappeler, Kyoto doit beaucoup aux États-Unis, pour ce qui est tant de sa signature que de l’échec qui a suivi.

Si les États-Unis sont intervenus pratiquement au dernier moment, la présence d’Al Gore, alors vice-président, a largement contribué à inciter un certain nombre d’États à signer avec eux. Cependant, nous le savons, le fait que le protocole n’ait pas été ratifié par le Congrès américain a lourdement pesé sur la suite des événements, entraînant des réactions, souvent négatives, de la part de pays qui croyaient en sa mise en œuvre ; je pense notamment au Japon, à la Russie et au Canada.

Reconnaissons tout de même qu’une formidable et puissante dynamique s’est manifestée avec Kyoto, ouvrant sur de vastes plages d’espérance.

La conférence de Copenhague, elle, laisse le souvenir d’un grave échec, et même d’un véritable choc, puisqu’elle n’a pas abouti à consolider les acquis, malgré tout réels, de Kyoto.

Cet échec – faut-il le rappeler ? – doit beaucoup aux États-Unis et à la Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Chacun de ces pays attendait une avancée de l’autre pour agir. Leur poids très important, quand bien même les responsabilités furent partagées, a été déterminant dans l’échec de Copenhague.

Néanmoins, a émergé lors de la conférence une idée qui a trouvé sa consolidation dans les années suivantes : la lutte contre le changement climatique et l’éradication de l’extrême pauvreté sont des enjeux indissociables. À partir de là, on ne s’est plus contenté d’une vision environnementale sur l’évolution du climat ; on y a adjoint une vision économique et même sociale à l’égard de la situation d’un certain nombre de pays pauvres.

Bien entendu, le sommet de Cancún a été marqué par la volonté de réaffirmer le consensus qui s’était manifesté au départ. Le processus étant engagé, on a cherché à identifier les obstacles à lever.

J’en viens maintenant aux conclusions de la conférence de Durban.

Je veux tout d’abord, madame la ministre, vous remercier de nous avoir conviés, Laurence Rossignol, Marie-Hélène Des Esgaulx et moi-même à vous y accompagner. Nous avons ainsi été à même de voir comment se déroulait concrètement une telle conférence, d’en comprendre les éléments moteurs et de connaître les questions animant les débats dans les coulisses.

Un certain nombre de défis devaient être relevés. Il fallait notamment obtenir un engagement commun de l’ensemble des 195 pays participants. Force est de constater que cet engagement ne s’est pas exprimé : tous les pays n’ont pas signé le document susceptible de constituer le prolongement du protocole de Kyoto, qui expire tout de même à la fin de cette année 2012. Je l’ai dit au début de mon propos, l’objectif assigné à la conférence de Durban était : « Il faut sauver Kyoto. »

L’échec total était possible, il était même annoncé. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver dans la presse, en me rendant à Durban, aussi peu d’articles laissant à penser que la conférence pouvait aboutir à un résultat positif !

Finalement, celle-ci s’est conclue sur deux avancées, qu’il convient de souligner.

La première, c’est la fixation d’une double échéance : les États se sont tous engagés à prévoir un accord en 2015, qui devra entrer en vigueur en 2020. Voilà un point important et, de ce point de vue, Kyoto a été sauvé.

La seconde n’a pas été forcément assez mise en lumière. Les pays signataires avaient le choix entre trois formules : le protocole, l’instrument juridique et l’instrument juridique « liant ». Or, de ces subtilités juridiques propres au langage onusien, c’est la troisième qui a été choisie.

En définitive, quel jugement pouvons-nous porter sur ce qui s’est passé à Durban ?

Certes, d’aucuns diront que les signataires se sont contentés de remettre le problème à plus tard. Tel n’est pas mon avis. Dans la mesure où des échéances ont été actées, le processus continue.

En outre, la conférence a permis d’afficher le rôle majeur joué par l’Europe. Je l’avoue, j’ai ressenti un grand sentiment de fierté à voir la place que notre continent a occupée dans le débat. À ce titre, madame la ministre, je garde un excellent souvenir de votre intervention, qui a manifestement marqué les esprits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Elle restera comme l’un des grands moments qu’il nous a été donné de vivre lors de cette conférence.

On l’a dit avant moi, Durban a également mis en évidence le rôle important des collectivités locales. Ces dernières, y compris les plus modestes, se sont en quelque sorte appropriées les questions touchant au climat et les élus ont intégrées celles-ci dans les préoccupations qu’ils expriment.

Un autre point m’est apparu à Durban : la « dislocation » des grands ensembles sur le plan géopolitique.

D’un côté, la Chine s’est rapprochée et, de ce fait, les États-Unis sont en train d’évoluer. De l’autre côté et dans le même temps, une scission est clairement en train de s’opérer au sein des pays émergents, entre les BRICS – le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud – et les autres, parmi lesquels on compte des pays vulnérables, comportant des zones submersibles, situés en Afrique ou ailleurs. Or les seconds ne partagent pas forcément les mêmes préoccupations que les premiers, même si une attention particulière leur est accordée dans les accords passés : on parle en effet à leur propos non plus de limitation, mais d’adaptation.

Puis, il y a le fonds vert. La corbeille de celui-ci reste à remplir, et il nous appartient, madame la ministre, d’agir en ce sens. Un certain nombre de solutions vont certainement nous être proposées ; mais je m’arrêterai là, car j’ai épuisé mon temps de parole.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque j’ai entendu certains de mes collègues avant moi prononcer le mot « pessimisme », je terminerai par une citation d’Alain. Ce grand philosophe, né comme moi à Mortagne-au-Perche, ville dont je suis aujourd'hui le maire, affirmait ainsi : « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. »

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Évelyne Didier, membre du groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les négociations climatiques internationales donnent désormais lieu, à la fin de chaque d’année, à des débats où s’expriment invariablement des doutes sur la réalité des conséquences de l’activité humaine sur le climat – encore que des progrès aient été faits de ce côté –, la mauvaise volonté des uns, le sentiment d’urgence des autres, bref, des avis tellement divers et divergents sur des sujets multiples qu’il est bien difficile pour le citoyen du monde de s’y retrouver !

On pourrait considérer que ces grandes démonstrations internationales sont des marathons au cours desquels des initiés, parlant un langage abscons, sous le regard vigilant des lobbies, finissent par accoucher de textes consensuels parce que non contraignants.

Je poserai donc une question double : devons-nous continuer pour que rien ne bouge…si tant est qu’il vrai que rien ne bouge ?

Faisons le point et notons, pour commencer, les aspects positifs de la conférence de Durban.

Finalement, en jouant les prolongations, nous avons abouti à un consensus : pour la première fois, tous les pays émetteurs ont accepté de s’inscrire dans un accord global de réduction des émissions. Une feuille de route a été établie pour un nouvel accord multilatéral, à conclure d’ici à 2015, qui entrera en vigueur en 2020 et englobe tous les pays.

Le processus est sauvé, les négociations ne sont pas rompues.

Un accord a été trouvé sur les modalités de fonctionnement du fonds vert pour le climat : décidé à Cancún en 2010 pour aider les pays en voie de développement à faire face aux changements climatiques, il est censé être alimenté jusqu’en 2020 par les pays industrialisés, du moins si l’on arrive, d’ici à 2013, à trouver des modalités de répartition acceptés par les contributeurs. Ce n’est pas encore gagné, mais espérons !

Kyoto a donc trouvé son prolongement, fût-il modeste.

L’Union européenne s’est affirmée, grâce à sa pugnacité, et sa propre feuille de route continue de s’appliquer.

Par ailleurs, à Durban, pour la première fois dans l’histoire des conférences climatiques, syndicats et ONG ont rédigé ensemble – ce qui n’a pas été suffisamment souligné – une déclaration affirmant que la question environnementale est intimement liée aux questions sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cela n’a pas été suffisamment souligné, en effet !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

De plus, au travers des transferts de technologies décidés en commun à Cancún, les pays développés peuvent aider les pays en voie de développement, ce qui mérite d’être encouragé. Cela s’est d’ailleurs déjà produit et la voie est donc ouverte.

Alors, oui, pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, même si les avancées peuvent parfois sembler modestes, il importe de persévérer.

Pour autant, madame la ministre, mes chers collègues, fallait-il crier victoire ? Je ne le crois pas. Les déclarations très optimistes du gouvernement français semblaient d’ailleurs quelque peu en décalage avec les faits.

Commençons par rappeler que les États signataires du protocole de Kyoto ne sont responsables que de 15 % des émissions de gaz à effet de serre.

Quels sont les points de difficultés ?

Voyons, tout d’abord, le diagnostic : il doit être partagé par toutes les parties si l’on veut fonder durablement un accord.

Or, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, l’exercice n’est pas simple. On sait assez bien quelles quantités sont émises au niveau global, mais, lorsque l’on cherche à répartir le budget carbone entre les pays, les choses se compliquent. Ainsi, si l’on dispose de données a priori fiables sur les émissions de gaz à effet de serre des pays de l’annexe I du protocole de Kyoto, ce n’est pas le cas pour les autres pays, notamment pour le gros émetteur qu’est la Chine : d’après mes sources, les dernières données fiables la concernant remontent à 1994, ce qui date un peu !

Notons ensuite la non-attribution de certaines émissions. C’est le cas des combustibles de soute liés à l’aviation et à la marine internationales, soit environ 4 % des émissions mondiales. Personne n’en a aujourd’hui la responsabilité.

Parlons enfin des émissions dont l’imputation pourrait être contestée, puisque des émissions attribuées à certains pays donneraient matière à discussion. Ainsi, les émissions contenues dans des produits importés doivent-elles être imputées au pays producteur ou au pays consommateur ? En outre, doit-on considérer les émissions contenues dans les importations ou celles qui sont évitées dans les pays importateurs ?

Aujourd’hui, les émissions sont attribuées au pays sur le territoire duquel elles ont été émises. Ainsi, les exportations chinoises représentent le quart du produit intérieur brut de ce pays et près de 6 % des émissions mondiales. La véritable interrogation est alors de savoir si les exportations chinoises évitent ou non la production de CO2 dans les pays développés.

Ainsi, le constat n’est simple ni à établir ni à faire reconnaître par tous : la « vision partagée » apparaît surtout comme un élément de langage, et la « responsabilité commune mais différenciée » comme une expression permettant de produire un consensus mou, d’où d’ailleurs des positions en apparence convergentes qui dissimulent, en fait, des préoccupations très hétérogènes.

J’en viens aux stratégies.

L’Union européenne, tout comme les États insulaires, les pays en développement et les pays émergents, soutient la mise en œuvre d’un nouveau protocole de Kyoto. Mais le Canada, le Japon et la Russie ont refusé de renouveler leur engagement. Et les pays émergents, la Chine en tête, continuent de défendre cette vision de la « responsabilité commune mais différenciée ».

Disons-le, tant que les États-Unis, la Chine et le Brésil ne participeront pas vraiment à la discipline collective de réduction des émissions, celle-ci restera vaine.

Toutefois, il faut moduler ce que je viens de dire puisque nous savons qu’en réalité ces pays se mobilisent, mais le font d’une autre manière.

Historiquement, le protocole de Kyoto a constitué un outil destiné à stabiliser les émissions sur du court terme par une action immédiate. Entre 1996 et 2005, les discussions se sont concentrées sur la ratification et la mise en œuvre de ce protocole de court terme, au détriment de la discussion sur la stratégie de long terme.

À la conférence suivante, en 2006, on espérait la mise en place d’un nouveau dispositif juridiquement contraignant, qui serait plus large. Les espoirs de la conférence de Bali n’ont cependant pas été confirmés à Copenhague en 2009.

Les deux dernières années de négociations semblent confirmer une tendance.

D’une part, les initiatives viennent moins d’en haut que d’en bas, puisqu’en l’absence de nouveau protocole chaque pays annonce les objectifs qu’il s’est fixés. Au fond, chacun y va un peu comme il veut, comme il peut, avec ses forces.

D’autre part, nous sommes passés d’objectifs exprimés en termes de réductions d’émissions par pays à un objectif unique, mondial, qui consiste à limiter le réchauffement à 2 degrés. Pour ambitieux que puisse paraître cet objectif, dont beaucoup pensent d’ailleurs qu’il ne peut pas être tenu, il ne faut pas oublier qu’il implique la disparition de 5 % à 15 % des membres de l’ONU et que ce sont, comme toujours, les plus vulnérables qui seront les plus affectés.

Cette situation appelle plusieurs commentaires.

Il semble indispensable que la France maintienne son soutien à la mise en place de règles de transparence internationales pour ce qui est de la comptabilisation et du contrôle des émissions. C’est la solidité de la base des négociations qui est en jeu.

Comme toutes les crises environnementales, la crise climatique rejoint les crises économique, financière, politique et sociale que nous connaissons aujourd’hui, avec des risques de tensions très fortes qui peuvent, nous le savons, produire, à certains endroits, des guerres. Plus que jamais, il convient d’envisager des négociations climatiques non pas hors-sol, mais liées aux autres processus de négociation internationaux.

Nous ne pouvons faire l’économie de telles négociations si nous voulons que les acquis soient durables et il appartient à la France de faire des propositions en ce sens.

Enfin, quoi qu’on puisse dire du résultat des négociations climatiques, il ne faut pas négliger l’effet d’entraînement sur les collectivités et les acteurs économiques. Le processus est long et continu. Pour être partagé, l’effort de mobilisation doit donc également s’inscrire dans le temps.

Parions surtout sur l’implication des citoyens. Leur conscience des enjeux n’a jamais été aussi forte ! Les peuples s’en mêlent et la compréhension collective progresse.

Qui savait, il y a vingt ans, voire il y a seulement dix ans, que des îles étaient submergées, que des États disparaissaient, que le chikungunya allait s’installer dans nos régions et que les oiseaux, les papillons, les arbres et la vigne remonteraient vers le Nord ? Nous n’en parlions pas véritablement.

Aujourd’hui installée dans la conscience collective, la question climatique contribuera à une conscience globale, qui, je l’espère en tout cas, mettra en évidence l’absolue nécessité de la construction d’un monde plus juste, d’un monde dégagé des logiques financières où l’action des hommes se fera pour l’homme dans le respect de son environnement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Marcel Deneux, membre du groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la lutte contre le changement climatique est un véritable défi de la communauté internationale.

Elle repose sur deux piliers essentiels : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux impacts du changement climatique.

Elle a des répercussions dans de très nombreuses disciplines – économie, droit, environnement, finance, technologie, gouvernance – et, en définitive, de plus en plus d’influence sur notre vie quotidienne.

Malgré les efforts accomplis depuis l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto en 2005, les modifications du climat s’accélèrent et les prévisions des scientifiques sont alarmantes. Nos émissions de gaz à effet de serre, qui provoquent le réchauffement de la planète, sont plus importantes que prévu, et celles des pays à fort développement vont inexorablement croître, dans des proportions bien supérieures à celles, par exemple, des efforts de sobriété de l’Union européenne.

La conférence de Durban visait à gérer la question de « l’après-Kyoto », les effets contraignants du protocole s’achevant le 31 décembre prochain.

Les commentaires sur les résultats obtenus à Durban ont été très divers. Il est vrai qu’il a fallu attendre l’extrême fin de la conférence pour arracher un minimum d’engagements. Je considère pour ma part que les résultats ne sont pas nuls.

En effet, hormis le Japon, la Russie et le Canada, tous les pays – 195 au total –, y compris la Chine, l’Inde et les États-Unis, se sont ralliés à la feuille de route défendue par l’Union européenne. En la matière, il faut souligner le travail préalable remarquable des diplomates européens et, pour la France en particulier, celui de l’ambassadeur Serge Lepeltier, mais aussi, bien sûr, l’impulsion, déterminante dans les échéances finales, que vous avez donnée, madame la ministre.

Les résultats du sommet ne sont pas enthousiasmants pour autant.

Au final, l’accord a permis, d’une part, de prolonger jusqu’en 2017 les effets du protocole de Kyoto et, d’autre part, de fixer un nouveau cadre pour l’adoption en 2015 d’un accord global avec effet à l’horizon 2020, cela dans une formulation évidemment non contraignante, ce qui signifie que les différentes dates butoirs qui avaient été fixées précédemment sont repoussées de cinq ou sept ans…

L’accord ne s’accompagne pas d’une hausse du niveau d’ambition des pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les engagements annoncés ne permettront donc pas de contenir le réchauffement de la planète sous le seuil de 2 degrés d’ici à 2100, ce qui est d’autant plus certain que, selon les projections actuelles, il devrait s’établir dans une fourchette de 3, 5 à 5 degrés.

Après Durban, le fonds vert reste une coquille vide. Aucun engagement financier n’a été pris pour assurer son abondement, et la crise mondiale de la dette ne rend pas optimiste quant à la mobilisation internationale sur ce sujet. Ce mécanisme demeure pourtant essentiel pour avancer.

Ces conclusions doivent conduire à plusieurs types de réflexions.

À titre liminaire, je souhaite rappeler que les ambitieux efforts de l’Union européenne pour diminuer les rejets de gaz à effet de serre pourront vraisemblablement, s’ils sont maintenus, limiter l’étendue du réchauffement climatique, lequel reste toutefois inéluctable.

La France et l’Europe ont, avec des instruments juridiques contraignants, comme le Grenelle et le plan climat-énergie en perspective, mis en place une politique énergétique tournée vers les énergies renouvelables et la sobriété énergétique.

Cependant, l’Europe ne peut pas, à elle seule, contenir le réchauffement climatique. C’est d’autant plus vrai que l’objectif de limitation du réchauffement à 2 degrés est maintenant dépassé puisqu’il sera probablement d’environ 3 degrés. Ainsi devrions-nous réduire non pas de 20 % mais de 30 % nos émissions par rapport à 1990.

L’Europe semble faire cavalier seul sur ce chemin vertueux, alors qu’elle n’est responsable que de 11 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, elle doit continuer, voire renforcer sa politique environnementaliste, ne serait-ce que pour l’exemplarité, en termes de politique publique, et pour les effets de celle-ci sur les comportements des sociétés.

Au niveau international, les négociations sur le climat peuvent être ressenties par certains comme un « caprice de riches », coûteux et incompatible avec la croissance économique. D’autres ne les inscrivent pas dans leurs préoccupations prioritaires et elles sont, aux yeux de nombreux dirigeants, déconnectées des enjeux de politique interne. Sur la question du climat, la communauté internationale joue donc prudemment un jeu de poker menteur entre l’affichage de bonnes intentions et l’inertie en matière d’actions capables d’enrayer le processus du changement climatique.

Il est temps de faire avancer un projet de gouvernance mondiale et de créer un lieu où parler enfin de tous les problèmes de développement, ce qui permettra de démontrer à quel point il est nécessaire que les solutions proposées soient complémentaires.

On relève néanmoins dans beaucoup de politiques nationales des progrès remarquables en matière de pollution.

Il ne faut pas faire du climat une cause perdue, mais il faut porter une nouvelle approche sur la scène internationale. Le changement climatique est une réalité qui concerne tous les pays.

En outre, la limitation du rejet des gaz à effet de serre est aussi une opportunité économique. En effet, la révolution des énergies renouvelables créera plus d’emplois qu’elle n’en détruira dans les filières que l’on va progressivement remplacer. Je citerai, à titre d’exemples, le chantier de 10 milliards d’euros de l’éolien offshore en France, avec les milliers d’emplois qu’il représente, les évolutions en cours dans la filière automobile et tout ce qui commence à être fait en matière de remise aux normes des bâtiments.

Ce sont là autant de chantiers qui, démultipliés à l’échelle internationale, permettront de substituer des énergies non polluantes aux énergies émettrices de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut être en mesure de « vendre » l’économie verte comme un levier de croissance mondiale, un business auquel les grands groupes auraient intérêt à participer.

De même, sur le volet de la recherche et du développement, le changement climatique rend nécessaire le développement de l’ingénierie agronomique afin d’adapter les semis et les cultures aux caprices de la nouvelle donne climatique, comme la biodiversité s’adapte elle-même à celle-ci.

Sur le volet humain, enfin, il me semble indispensable que les négociations internationales consacrées au climat traitent de la situation des réfugiés climatiques. Le chiffrage à l’horizon 2050 diffère selon les organisations. Selon l’Organisation des Nations Unies, 50 millions, puis 150 millions de personnes seraient concernées. Bref, selon l’ampleur des variations, ce sont certainement des centaines de millions de personnes qui vont être touchées.

Les causes principales et « classiques » des déplacements sont l’avancée du désert, la déforestation, la salinisation des sols et les inondations, auxquelles s’ajoutent l’assèchement des lacs, les tempêtes violentes auxquelles sont soumises certaines zones, l’érosion ou encore la montée du niveau des océans, qui touchera directement les archipels et, à plus long terme, les 650 millions de personnes qui habitent dans des zones situées à moins de dix mètres au-dessus du niveau de la mer.

Certaines des 118 îles de la Polynésie française sont ainsi menacées de disparition, comme l’ont rappelé des scientifiques de plusieurs pays lors de l’ouverture du colloque sur l’aménagement du littoral face au changement climatique, le 11 décembre dernier, à Tahiti.

En marge des actions pour tenter de limiter le phénomène direct du réchauffement climatique, il nous faudra donc mettre aussi en place des outils juridiques internationaux afin de remédier à ses conséquences humaines, notamment au phénomène des réfugiés climatiques. Ces outils pourront prendre des formes diverses : ajout d’un protocole à la convention de Genève, convention ad hoc ou conventions bilatérales entre zones menacées et terres d’accueil, telle qu’il en existe entre l’archipel polynésien de Tuvalu et la Nouvelle-Zélande.

Entre prise en compte des effets directs du changement climatique et promotion du développement durable, qui suppose une approche environnementaliste de l’économie et, réciproquement, une approche économique de la protection de l’environnement, la France et l’Union européenne doivent adopter une nouvelle façon d’aborder la question du climat : il s’agit d’amener la communauté internationale à voir la politique mise en œuvre dans ce domaine comme une opportunité plutôt que comme un arsenal de contraintes.

Bien sûr, nous traversons une crise économique, mais, pour autant, le climat n’arrête pas de se réchauffer. Ces deux points essentiels doivent guider toute notre action politique, qui tiendra compte des différentes échelles de temps.

Cessons de vivre à crédit sur le plan financier : nos enfants nous en seront reconnaissants !

Cessons de vivre à crédit face au réchauffement climatique : nos petits-enfants chanteront nos louanges !

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente du groupe de travail, mes chers collègues, quel était l’objectif de Durban et pourquoi cette conférence était-elle importante dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

En décembre dernier, comme chaque année, les 183 pays membres de l’Organisation des Nations Unies se sont réunis pour discuter des problèmes liés au changement climatique, mais, cette année, ils devaient résoudre un problème particulier : le protocole de Kyoto cessant de produire ses effets à la fin de 2012, rien n’était prévu pour lutter contre le réchauffement après cette date.

Ce protocole historique a été mis en place en 1997, lorsqu’il n’a plus fait de doute que l’activité humaine réchauffait la planète et que ce réchauffement aurait des conséquences catastrophiques.

En signant ce traité, trente-sept pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % par rapport à leur niveau de 1990 à la fin de 2012.

Comme c’est en faisant tourner nos usines, rouler nos voitures et chauffer nos maisons que nous produisons des gaz à effet de serre, nous avons dû consentir d’importants efforts pour atteindre cet objectif.

La poursuite de ces efforts demeurera nécessaire après 2012, mais, à Durban, seuls quelques pays – ceux de l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande et l’Australie – ont accepté, en signant Kyoto II, de se fixer de nouveaux objectifs pour les prochaines années.

Deux grands pays émetteurs de gaz à effet de serre, le Japon et la Russie, ont en revanche annoncé leur sortie de l’accord en 2013.

Quant aux États-Unis, premiers émetteurs de CO2 de la planète jusqu’en 2008, ils ont toujours refusé de signer le protocole de Kyoto, rejetant toute contrainte qui pourrait freiner leur croissance ; ils n’ont pas changé de position à Durban.

Le coup de théâtre est venu du Canada, qui, signataire du protocole de Kyoto, n’a pas signé Kyoto II. Pis encore, deux jours après la fin de la conférence, ce pays annonçait sa sortie du protocole, sans même attendre la fin de l’année !

Pour autant, la conférence de Durban est-elle un fiasco complet ?

Heureusement, il y a aussi des raisons d’espérer ! À Durban, pour la première fois, la totalité ou presque des pays de la planète, y compris le Canada et les États-Unis, se sont engagés à signer un nouvel accord qui prendra le relais du protocole de Kyoto en 2020, soit dans huit ans. À cette date, on nous le promet, le monde entier se pliera donc aux contraintes du nouveau traité. C’est un vrai progrès.

Seuls quelques pays développés sont aujourd’hui tenus de réduire, en vertu du protocole de Kyoto, leurs émissions de gaz à effet de serre. En 1997, on considérait en effet que ces pays avaient une dette historique envers les autres, leur richesse actuelle, fruit de leur croissance passée, s’étant accumulée alors que les émissions de gaz à effet de serre ne constituaient pas encore une préoccupation.

Force est de constater que, depuis lors, le paysage économique a bien changé. Certains pays alors considérés « en développement », la Chine en tête, se sont en effet développés d’une manière phénoménale, devenant des géants industriels.

En 2008, la Chine est ainsi devenue le premier émetteur de gaz à effet de serre, devant les États-Unis ! Aujourd’hui, les pays en voie de développement sont responsables de plus de la moitié des émissions mondiales. Leur implication est donc indispensable pour freiner le réchauffement climatique.

Avant Durban, ces pays avaient toujours refusé de prendre des engagements dans ce domaine, au prétexte que ceux-ci freineraient leur développement et les empêcheraient d’atteindre le niveau de vie des occidentaux.

À Durban, la Chine, consciente de ses nouvelles responsabilités, et sans doute inquiète aussi des conséquences catastrophiques du réchauffement climatique, a changé d’avis. Elle a signé l’accord proposé par l’Europe et entraîné dans son sillage l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, et même les États-Unis.

Pour autant, que va-t-on faire pour le climat d’ici à 2020 ?

D’ici à 2020, les pays signataires auront eu le temps d’oublier leurs promesses, mais, même s’ils les tiennent, nous avons devant nous huit années « sacrifiées » durant lesquelles aucun traité international ne s’appliquera !

Certes, de tels engagements volontaires, fixés par les pays eux-mêmes en dehors de tout contrôle international et en l’absence de pénalités en cas de non-respect, ne sont que des promesses en l’air, mais, dans le monde de la diplomatie comme ailleurs, il importe de tenir ses promesses.

Il est vrai que les Américains n’ont pas pris trop de risques : ils se sont engagés à réduire d’ici à 2020 leurs émissions annuelles de gaz à effet de serre de 17 % par rapport à 2005, année pendant laquelle leurs émissions ont justement atteint des records mondiaux. Ils proposent ainsi d’en revenir à peu près au niveau de 1990 : on est loin de la diminution de 5 % prévue par le protocole de Kyoto et de celle de 20 % que l’Europe espère atteindre en 2020 !

Toujours parmi les États qui n’ont pas signé le protocole de Kyoto, les pays émergents sont, eux, plus ambitieux.

La Chine s’est engagée à faire baisser de 42 % son intensité carbone d’ici à 2020, ce qui signifie que dans huit ans, pour produire une même quantité de biens, ses usines consommeront 42 % d’hydrocarbures en moins, et non pas que les émissions totales de ce pays chuteront. Un doublement de la production des industries chinoises est en effet prévu d’ici à 2020. Toutefois, l’effort est bien réel. Il repose surtout sur le développement des énergies renouvelables, domaine dans lequel la Chine, qui va produire 45 % de son énergie à partir de sources renouvelables, via la construction de barrages hydroélectriques et la production de biocarburants, et le Brésil vont devenir leaders mondiaux.

Que fera quant à elle l’Europe d’ici à 2020 ?

Au-delà du respect de ses propres engagements relatifs à la réduction des émissions de CO2, l’Europe peut contribuer à faciliter la mise en œuvre des mécanismes prévus dans le traité pour favoriser le développement d’énergies vertes partout dans le monde. Elle accomplira ce faisant un beau geste de solidarité planétaire.

Pour atteindre leurs objectifs, les pays signataires ont en effet deux possibilités : d’une part, transformer leurs industries de sorte qu’elles émettent moins de gaz à effet de serre, ce qu’ils devront faire en toute hypothèse ; d’autre part, investir à l’étranger dans des projets d’énergie renouvelable.

Par ce second biais, les pays européens favorisent le développement des énergies vertes dans des pays qui, seuls, n’auraient pas les moyens de le faire et qui, sans cette aide, devraient développer leur industrie en utilisant des hydrocarbures, donc en augmentant leurs émissions de gaz à effet de serre.

A-t-on encore une chance de limiter le réchauffement à 2 degrés, comme ne cessent de le préconiser, avec raison, les scientifiques ?

Au vu des décisions prises lors de la conférence de Durban, où notre délégation, comme cela a été souligné, a fait preuve d’une forte implication et d’une grande efficacité, certains scientifiques, parmi lesquels Jean Jouzel, répondent que c’est impossible.

Ce seuil de 2 degrés au-delà des températures préindustrielles du début du XIXe siècle a pourtant été défini comme la limite à ne pas dépasser pour que les conséquences du réchauffement climatiques restent « raisonnables ».

Bien sûr, ces 2 petits degrés auront déjà à eux seuls pour conséquence une augmentation du niveau des mers et l’accroissement du nombre des tempêtes, des sécheresses et des inondations, mais les changements induits devraient être suffisamment modérés pour que nous ayons la capacité de nous y adapter à moindre frais. Au-delà, l’impact du réchauffement sera plus important, et sans doute beaucoup plus catastrophique.

Trois rapports établis par des climatologues, des économistes et des énergéticiens ont abouti à la même conclusion. Pour rester dans la limite du réchauffement de 2 degrés, il faudrait que les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent leur valeur maximale en 2020, décroissent ensuite très vite, puis atteignent, en 2050, un niveau trois fois plus faible qu’à l’heure actuelle. Or, à Durban, il a été décidé de ne rien faire jusqu’en 2020 !

L’objectif de la limitation du réchauffement à 2 degrés étant donc impossible à atteindre, jusqu’où le thermomètre montera-t-il donc ? Selon les experts, le pic des émissions n’aura pas lieu avant 2035. Compte tenu de l’évolution actuelle, le réchauffement pourrait alors atteindre, hélas ! 3, 5 degrés.

Face à ce constat, il nous faut réformer en urgence notre modèle économique pour préserver – impérieuse nécessité ! – les ressources de la planète. Pour ce faire, nous devons éviter tout gaspillage inutile, ce qui suppose d’adopter un mode de vie plus sobre, mais pas moins heureux.

Le partage équitable des richesses entre tous les habitants de la planète est une mutation qui implique de prendre en compte les données du monde actuel, tout en recherchant des solutions réalistes au problème de l’énergie.

L’avenir de l’humanité impose de s’engager dans une telle démarche avec beaucoup de volontarisme. Gandhi disait, et ce sera ma conclusion, que la terre dispose de suffisamment de ressources pour satisfaire les besoins de chacun, mais pas l’avidité de tous.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après chaque sommet international, on nous sert la même litanie : le pire aurait été évité et le dispositif sauvé.

Cette stratégie contribue à entretenir l’esprit de résignation ou l’illusion selon laquelle les problèmes seraient en voie de résolution alors même qu’ils s’accroissent.

Un petit pas a été fait, nous dit-on : il suffit de faire preuve d’un peu de persévérance et de patience, de poursuivre dans la même direction, et nous finirons par régler les problèmes. C’est là que réside l’erreur d’analyse.

De la patience et de la détermination, il en faut à coup sûr ! Quant au fait de persévérer dans la même direction, c’est sans doute une fausse piste ; en tout cas, ce n’est pas ainsi que l’on réglera les problèmes.

Nous avons déjà entendu ce discours à propos du sommet de Copenhague, que l’on se refusait à qualifier d’échec : une petite étape avait été franchie, nous expliquait-on, et nous allions en franchir d’autres.

Selon le Président de la République – mais il n’était pas seul à tenir ce discours –, il s’agissait même d’une grande avancée, en tout cas sur le plan formel, tous les pays ayant reconnu qu’il fallait prendre des mesures pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés au maximum.

Aujourd'hui, nous ne pouvons que constater que les décisions prises ne sont pas mises en œuvre et que le réchauffement dépassera cette limite.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je fais simplement un constat.

À Copenhague, des aides aux pays les plus pauvres avaient par ailleurs été promises, soit 10 milliards d’euros sur trois ans et 100 milliards d’euros à l’horizon de 2020, afin de soutenir leur effort de développement durable.

Avait également été annoncée la mise en place d’un groupe de réflexion de haut niveau sur les nouveaux modes de financement, car il était apparu que la simple dotation par les États d’un fonds pour les pays en voie de développement n’était pas suffisante. Toute une série de stratégies nous étaient présentées : certains proposaient d’instaurer une taxation des transactions financières, d’autres de taxer le fuel... Rien de tout cela n’a été fait.

Les États, comme ils s’y étaient engagés, ont fourni des objectifs chiffrés pour l’horizon 2020 : le bilan montre que l’on est très loin du compte, et aucun engagement n’a été pris pour 2050 !

La création d’une organisation mondiale de l’environnement n’étant, au mieux, qu’une perspective, le Président de la République avait annoncé une mobilisation en vue de la mise en place d’une organisation européenne de l’environnement, autre, bien sûr, que l’Agence européenne pour l’environnement et conçue comme une structure volontariste destinée à accompagner les politiques en la matière. Sur ce dossier encore, on n’a pas avancé d’un pouce…

La conférence de Durban a-t-elle permis de progresser ?

Les orateurs les plus optimistes ont soutenu que l’on avait plutôt avancé puisque, grand miracle, on n’avait pas reculé, les promesses de Copenhague ayant été réitérées ; mais, à y regarder de plus près, il faut constater que la réalité est plus nuancée.

Oui, s’agissant de la gouvernance, il semblerait qu’ait été retenu le principe, très ambigu au demeurant, d’un accord juridique « liant ». Or on sait pertinemment que, hormis ceux de l’Union européenne, la plupart des grands pays, qui comme tels sont en mesure de bloquer les décisions, ne veulent pas d’un accord juridique contraignant. C’est ainsi la position de principe des États-Unis, position que même le président Obama n’a jamais remise en cause, et la Chine, pas plus que les États-Unis, n’acceptera d’être jugée par une instance mondiale.

Nous sommes donc sortis d’un protocole qui comprenait, quoi qu’on en dise, une part de contraintes acceptées pour adopter le principe d’un acte juridique peut-être « liant » mais dont le non-respect fera l’objet d’une sanction nulle ! Il s’agit d’un recul de fait par rapport au protocole de Kyoto.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il est dommage que vous n’ayez pas été présente à Durban : vous ne diriez pas la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Madame Des Esgaulx, je suis les négociations au niveau européen depuis 1984 et j’ai assisté à toutes les rencontres sur le climat. Je connais donc bien les différents acteurs, ce qui m’autorise à vous dire que mon diagnostic est partagé.

Inutile de nous faire accroire que nous parviendrons à un accord contraignant, nous n’y arriverons pas ! Nous n’arrivons même pas à nous mettre d’accord sur des contraintes à l’échelle européenne.

Par ailleurs, je l’ai dit, nous ne disposons toujours pas d’objectifs quantifiés pour 2050.

Que l’échéance ait été reportée serait une grande avancée, et, certes, cela vaut mieux que de voir un pays fermer la porte aux négociations climatiques, quand bien même j’attends de voir quel pays le ferait, mais je rappelle que le même scénario s’était produit pour Kyoto : déjà, nous avions reporté l’échéance pour la conclusion de l’accord que nous nous étions engagés à trouver !

Nous assistons en réalité à une fuite en avant…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

… et nous n’avons aucune raison de penser qu’en 2015 nous disposerons d’un accord susceptible de fixer des objectifs pour 2050.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Le protocole de Kyoto serait prolongé ? Vaste foutaise ! D’abord, ni la Russie, ni les États-Unis, ni le Japon, ni le Canada ne l’appliqueront ! Ensuite, plus subtilement – le diable se cache dans les détails ! –, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont obtenu une modification du calcul de leurs contraintes d’émissions, sont en fait dispensées d’appliquer le protocole de Kyoto. Il n’y aura donc pas de prolongation effective du protocole de Kyoto.

Je reconnais cependant que la prolongation, même ineffective, de ce protocole, qui a lui-même valeur de traité international, présente au moins un avantage, celui de permettre éventuellement à l’Union européenne, si elle le souhaitait, de prendre appui sur lui pour mettre en place à ses frontières des mesures de protection, ou du moins d’accompagnement, visant à sanctionner les pays qui ne le reconnaissent pas. Telle est de mon point de vue la seule véritable avancée résultant de la prolongation du traité jusqu’à au moins 2015.

Pour ce qui est du fonds vert, on continue à annoncer une dotation de 100 milliards de dollars : ce fonds était virtuel, il l’est toujours autant !

Or, nous, pays de l’Union européenne, nous n’obtiendrons pas d’accord politique sans le soutien des pays les plus pauvres. Il est donc impératif de trouver de l’argent pour ce fonds.

Je rappelle que 100 milliards de dollars représentent 7 % du budget annuel mondial de l’armement, 20 % du budget consacré à la publicité – il n’est certainement pas vitale pour nos économies que celle-ci nous soit administrée à de telles doses ! –, un quart des subventions allouées à l’économie fossile et une petite part du produit que rapporterait la taxation des transactions financières…

Qu’il soit impossible de trouver, dans les pays riches de la planète, 100 milliards de dollars pour accompagner les pays en voie de développement n’est donc pas vrai.

L’Union européenne, qui fut le plus souvent exemplaire dans ce domaine, est aujourd’hui confrontée à une difficulté stratégique qu’il convient d’évaluer, car elle ne doit pas croire qu’il lui suffit de faire comme par le passé pour continuer de jouer le rôle tout à fait positif qui a été le sien lors de la ratification du protocole de Kyoto.

En effet, la mécanique mise en place a conduit à un système économique qui repose sur la concurrence entre les peuples et les États. On voudrait amener aujourd'hui ces États à coopérer alors que tout le système économique est fondé sur la concurrence et que rien, dans ce système, ne valorise la coopération. Nous sommes donc pris dans un étau.

Il est vrai aussi qu’avec l’émergence des pays dits, précisément, « émergents » la situation de l’Union européenne a changé, à l’égard tant des États-Unis, dont elle n’est plus le partenaire privilégié, que des pays les moins développés avec lesquels elle cherchait à élargir l’alliance. Ce front s’est fissuré tandis que, d’une certaine façon, celui des pays qui ne veulent pas prolonger le protocole de Kyoto est beaucoup plus puissant aujourd’hui qu’hier, car les pays émergents n’entendent pas accepter les contraintes que celui-ci impose.

Il nous faut donc trouver une autre stratégie. Avant tout, l’Union européenne doit être sûre de disposer d’une alliance à toute épreuve avec les pays les plus pauvres. Elle doit prioritairement conclure un accord avec eux, ce qui suppose qu’elle dégage des moyens pour leur développement durable.

Dans le même temps, l’Union européenne doit savoir que, si elle ne fait pas la preuve chez elle qu’elle est à l’avant-garde et qu’elle y trouve son intérêt, elle aura le plus grand mal à convaincre certains pays émergents de procéder à la révolution que constitue la transition énergétique. C’est pourquoi il est si important que, dans notre pays et en Europe, cette révolution s’accomplisse avec succès.

L’Union européenne ne peut pas se contenter de l’objectif des « trois fois vingt ». Elle a besoin non pas de politiques de régulation du marché, mais de politiques industrielles et d’investissements d’avenir réalisés par les puissances publiques, européennes ou nationales, pour accompagner la mutation industrielle indispensable.

L’Union européenne doit conduire des politiques communes pour économiser l’énergie et pour la recherche. C’est d’ailleurs de notre intérêt, au prix du baril de pétrole ! Indépendamment même du changement climatique, l’Europe dispose là d’une stratégie de croissance endogène.

Le juste échange est un autre enjeu important. Si nous continuons dans la voie du libre-échange, sans normes sociales ni environnementales hors de l’Union européenne mais parfois aussi en son sein, nous n’arriverons pas à limiter les émissions de gaz à effet de serre.

L’Union européenne doit présenter un mémorandum à l’OMC pour qu’il soit mis un terme à des échanges mondiaux fondés sur les seules règles de la concurrence et pour que s’imposent enfin des règles mondiales minimales en matière environnementale – sur le carbone en particulier – comme en matière sociale.

Enfin, certaines activités doivent être relocalisées. En effet, la meilleure méthode pour lutter contre le changement climatique est d’éviter le transport inutile de produits construits ailleurs, alors qu’ils pourraient l’être dans de bonnes conditions dans notre pays.

La crise écologique n’est pas seconde par rapport à la crise financière. Il s’agit d’une même crise, celle d’un modèle de développement en bout de course !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que les États s’engagent alors que s’achève le protocole de Kyoto, seul traité qui les lie aujourd'hui, à fournir les efforts nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour contenir ainsi le réchauffement de la planète à un niveau supportable, tel était l’enjeu des négociations sur le climat qui se sont tenues en Afrique du Sud en décembre dernier.

Or, après les échecs de Copenhague et de Cancún, le même constat s’impose : l’égoïsme des États a encore prévalu.

De nouveau, les négociations ont mis à jour le faible volontarisme des États et, pis, le désintérêt des grandes puissances alors même que progressent les thèses « climato-sceptiques » et que les émissions mondiales d’équivalent CO2 progressent de près de 5 %.

Dans le même temps, la crise financière relègue au second plan la crise climatique et écologique. Ainsi, en France, la crise économique a eu un effet paralysant sur le Grenelle de l’environnement ou, plus exactement, sur sa traduction en règles juridiques précises et contraignantes.

Pourtant, en 2008, le Président Sarkozy affirmait que « la crise financière et la crise économique ne [faisaient] que renforcer la nécessité de la révolution environnementale ». « L’on ne doit pas retarder cette révolution, on doit l’accélérer justement parce qu’on doit produire autrement », disait-il aussi alors, ajoutant que les engagements du Grenelle de l’environnement constituaient « une réserve de croissance fantastique ».

Si le Gouvernement actuel a renoncé à cet objectif – mais je ne doute pas que Mme la ministre cherchera à démontrer qu’il n’en est rien – et si, pour la majorité, ce n’étaient que des déclarations d’intention, nous estimons à l’inverse qu’il s’agit là d’une réalité, nationale et mondiale, et que la révolution environnementale doit bien avoir lieu.

Pour l’heure, cette révolution est loin d’avoir été accomplie. Les réponses apportées à la lutte contre le changement climatique, au niveau tant européen qu’international, sont inquiétantes : elles révèlent un dangereux glissement politique vers un système non contraignant de limitation des émissions de gaz à effet de serre qui exonère de leur responsabilité les grandes puissances et confie la préservation du climat aux seuls outils du marché, malgré les effets pervers, comme la délocalisation d’activités émettrices dans les pays du Sud, l’opacité dans l’attribution des permis d’émission pour les secteurs économiques concernés ou l’effondrement du prix de la tonne d’équivalent carbone, que ces outils induisent.

Lors des dernières négociations, les seuls engagements chiffrés ont concerné le principe d’une aide des pays industrialisés aux pays en développement pour leur permettre de « s’adapter » au changement climatique. Ainsi, la lutte contre le réchauffement climatique cède le pas à l’adaptation à ce bouleversement.

Dans le même temps, les politiques de l’Union européenne sont en contradiction avec les engagements pris à la fin de l’année 2008 dans le cadre du paquet énergie-climat ainsi qu’avec les objectifs de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, d’augmentation de la part des énergies renouvelables et d’économies d’énergie.

Nous assistons, par exemple, à des importations massives d’agro-carburants, dont la production entraîne une déforestation dans les pays du Sud. De même, l’exploitation des gaz et huiles de schiste est promue dans plusieurs pays de l’Union européenne.

En toile de fond, un vaste mouvement de privatisation est à l’œuvre qui concerne des services et des entreprises publiques constituant pourtant de véritables leviers pour accélérer la transition énergétique et l’émergence d’une économie décarbonée.

En France, le démantèlement progressif de l’entreprise publique SNCF continue, alors que l’ouverture à la concurrence de l’activité de fret a provoqué un transfert du rail vers la route, en totale contradiction avec l’objectif, énoncé par l’article 11 de la loi dite Grenelle 1, de « faire évoluer la part modale du non-routier et non-aérien de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 ».

Pour ce qui est de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, lesquels représentent 43 % de la consommation d’énergie finale dans notre pays, l’absence de volontarisme budgétaire couplée à la RGPP, la révision générale des politiques publiques, prive l’État, les collectivités territoriales et les organismes parapublics des moyens indispensables pour accélérer la construction et la rénovation énergétique des parcs de logements sociaux.

Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne peuvent être systématiquement repoussés à des horizons très lointains et formulés sans engagement juridique contraignant sur le plan international. Nous devons trouver aujourd’hui des solutions contraignantes pour remédier aux déséquilibres d’hier et éviter les catastrophes de demain.

En fait, la crise climatique fait écho à la crise financière ; les limites des négociations et des outils de régulation proposés révèlent les limites du système capitaliste actuel.

Il est nécessaire de rappeler que les deux crises – l’une économique, l’autre écologique – ne sont pas dissociables, mais ont des racines communes.

À l’origine de l’une et de l’autre, en effet, se trouve un problème lié à la place de l’humain dans la société : nous ne pouvons plus considérer les hommes et les femmes comme de simples consommateurs.

L’une comme l’autre, ces crises révèlent les limites d’un rapport au temps fondé uniquement sur le court, voire le très court terme. L’une comme l’autre, elles suscitent un questionnement qui n’est pas uniquement technique, mais également moral. L’une comme l’autre, elles nous invitent à repenser l’entreprise et son rôle dans la perspective de sa responsabilité sociale.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’habitat, l’agriculture et les transports ne peut résulter des seuls mécanismes du marché ; elle suppose nécessairement la mise en œuvre d’autres instruments, via la fiscalité, la réglementation et les investissements publics.

C’est pourquoi nous refusons que la prise en compte des enjeux environnementaux dans nos sociétés soit considérée comme une préoccupation annexe. Parce que la préservation de la planète passe par la lutte contre le dumping social et environnemental, la question du climat doit sortir du cadre des débats d’experts et être rendue plus accessible en même temps qu’il faut amener l’ensemble des États à prendre des engagements contraignants.

La France et l’Europe ont un rôle majeur à jouer. Elles doivent se donner les moyens de leurs ambitions et ne pas reculer.

Nous pouvons être un modèle en matière de développement durable. Par exemple, dans les schémas de cohérence territoriale, des objectifs de mobilité propre, de préservation et de valorisation de la continuité écologique sont souvent intégrés. Nous devons continuer à promouvoir de telles actions et nous donner les moyens de le faire.

À l’heure de la crise, il est temps de dépasser l’écologie-spectacle et l’écologie-business pour entrer enfin dans l’écologie-raison !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le bilan de la conférence de Durban, objet de mon intervention précédente, pour me placer dans le cadre de l’hypothèse la plus pessimiste en matière de réchauffement climatique.

Un rapport de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, dont les conclusions sont malheureusement toujours d’actualité, a montré que tous les domaines de l’économie seront touchés, voire bouleversés, par ce phénomène.

Ce sera notamment le cas des activités liées à l’utilisation de l’eau – on a pu estimer que, à besoins constants, un déficit hydrique d’environ deux milliards de mètres cubes par an pourrait apparaître – et à la biodiversité, mais aussi des secteurs de la santé – certains réchauffements climatiques saisonniers l’ont bien montré, comme celui de 2003, qui a été catastrophique –, de l’énergie et du tourisme.

Malgré la situation économique mondiale actuelle, le réchauffement climatique n’est pas une question secondaire, accessoire, dont on pourrait penser qu’elle ne concerne que nos enfants et petits-enfants. Il est au contraire au cœur du problème qui se pose aujourd'hui à nous.

En effet, la logique du marché, celle d’un libéralisme totalement débridé, qui domine toujours davantage l’économie mondiale, se traduit par une exploitation sans cesse croissante des ressources de la planète, au risque de voir ces dernières s’épuiser et au prix d’une pollution de plus en plus importante.

Cette situation est évidemment sous-tendue par la recherche exclusive du profit, qui impose de créer des besoins inutiles. Vers 1965, on a vu apparaître le marketing, dont la merveilleuse philosophie, pour dégager des profits, est non pas de créer des produits utiles à l’humanité, mais d’inventer des besoins, même s’ils ne correspondent à rien.

Bien sûr, cette politique économique a produit des inégalités, de l’exclusion et de la misère.

La crise économique actuelle est un effet immédiat de cette situation, et les conséquences sur la planète risquent d’être beaucoup plus graves encore.

En effet, la réalité physique l’emportera, toujours, sur les constructions économiques et financières des hommes. Or celle-ci peut se résumer de façon très simple : d’un côté, la population de la planète ne cesse d’augmenter, puisque nous avons récemment passé le cap des 7 milliards d’individus et atteindrons le seuil des 9 milliards avant 2050 ; de l’autre, nous vivons dans un monde fini, dont les ressources sont, à plus ou moins long terme, limitées.

Quand bien même certaines ressources peuvent être qualifiées de « renouvelables », elles ne seront pas suffisantes pour satisfaire une économie avide de profits illimités. À cet égard, mes chers collègues, j’ai été impressionné par le calcul réalisé par un scientifique du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Roland Lehoucq : celui-ci montre que, avec une croissance globale des dépenses énergétiques de 5 % par an, il arrivera un moment où même toute l’énergie du soleil, si l’on arrivait techniquement à la capter, ne suffirait plus à satisfaire cette croissance exponentielle.

À partir de ce constat, il est clair qu’un autre modèle économique doit être adopté de manière urgente. Celui-ci doit prendre en compte l’impérieuse nécessité de préserver les ressources de la planète et d’éviter tout gaspillage inutile. Cet objectif suppose, je l’ai dit, un mode de vie plus sobre, mais pour autant pas moins heureux.

Le partage équitable des richesses entre tous les habitants de la planète est une nécessité qui s’imposera à nous.

Si cette mutation implique, bien entendu, un nouveau modèle économique, nous devons construire ce dernier avec réalisme, donc prévoir des périodes de mix énergétique, qui permettront à l’humanité de s’engager dans une telle démarche, en recherchant de nouvelles énergies ou des techniques susceptibles de capter beaucoup plus efficacement qu’à présent les énergies existantes.

En tenant compte des diverses conférences et des sommets internationaux, nous devons, en tant qu’élus, travailler à favoriser la prise de conscience qui est absolument indispensable si l’on veut changer les systèmes régissant aujourd'hui notre économie. En effet, je le répète, si le réchauffement climatique est un problème planétaire, sa solution est territoriale.

À ce titre, l’engagement des élus, des collectivités et des acteurs économiques sera primordial pour relever un défi qui est, selon moi, celui de la sauvegarde de l’humanité.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la dix-septième conférence des Nations unies sur le climat s’est achevée, à l’aube du 11 décembre 2011, par un accord qui prévoit d’établir, d’ici à 2015, un pacte global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique.

L’accord obtenu est, en fait, une feuille de route vers un nouveau cadre juridique impliquant tous les pays. Si sa nature juridique doit être précisée, il trace néanmoins une suite au protocole de Kyoto.

L’aspect juridique, s’il est bien sûr important – ce n’est pas l’avocate que je fus qui dira le contraire –, n’est pas forcément l’essentiel. Le juridique doit non pas commander, mais accompagner les processus. De même, quand on crée une entreprise, on détermine d'abord un domaine d’activité économique, puis on choisit une forme de société, et non le contraire !

Le juridique s’imposera à un moment ou à un autre, mais il serait erroné de considérer aujourd'hui le problème uniquement sous cet angle.

En toute courtoisie, madame Lienemann, il y a donc là un point d’opposition entre nous.

Selon les experts, le monde est actuellement engagé sur la voie d’un réchauffement qui sera supérieur à 3 degrés en 2035 et des conséquences graves qui pourront en découler, catastrophes climatiques et déplacements de populations aux proportions imprévisibles notamment.

Le réchauffement climatique n’est plus un phénomène visible seulement aux pôles, avec l’inquiétante fonte de la banquise. Des signes assez frappants illustrent désormais l’évolution séculaire du climat en France. Les fortes tempêtes que nous avons connues depuis une dizaine d’années en témoignent.

Par ailleurs, l’année 2011 a été, selon Météo France, la plus chaude depuis 1900, avec une température moyenne en hausse de 1, 5 degré. L’année 2011 a également été la plus sèche depuis la création des relevés météorologiques. Pour les climatologues, au-delà des variations d’une année sur l’autre, dont il faut évidemment tenir compte, cette évolution est en majeure partie le résultat de nos émissions massives de gaz carbonique, de méthane et d’autres gaz qui ont intensifié l’effet de serre planétaire.

Tous les efforts des pays visent donc à contenir la hausse de température moyenne à 2 degrés, ce qui, pour certains, est bien en deçà de l’urgence climatique. À l’évidence, il faudra un jour se fixer un objectif encore plus contraignant.

J’ai eu le privilège de faire partie de la délégation ministérielle française à Durban en décembre dernier, et j’ai pu me rendre compte, en qualité d’observateur, de l’énorme défi représenté par de telles négociations, qui doivent aboutir, en seulement quelques jours, à un accord entre 195 pays !

La France cherche depuis dix ans à lancer une négociation globale impliquant tous les pays du monde, notamment la Chine, l’Inde et les États-Unis, dans la réduction des gaz à effet de serre.

À Durban, la position française et européenne était donc de ne pas s’engager dans une suite au protocole de Kyoto sans obtenir un accord contraignant impliquant tous les pays.

Le protocole de Kyoto, seul traité international sur le climat à ce jour, en vigueur depuis 2005, ne couvre qu’une part mineure des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés, soit 16 % du total mondial. Les États-Unis ne l’ont pas ratifié et il ne s’applique pas aux grands pays émergents que sont la Chine, l’Inde et le Brésil.

C’est pourquoi la conférence de Durban était cruciale. Après douze jours de négociations, les 195 pays participants se sont enfin accordés pour lancer des négociations impliquant tous les pays, y compris la Chine, l’Inde et les États-Unis. C’est bien là que réside le succès de ce sommet.

L’Union européenne, mobilisée en particulier grâce à l’action de la France, poursuivra l’application du protocole de Kyoto, et des négociations commenceront parallèlement pour signer, avant 2015, un accord global, qui entrera en vigueur en 2020.

Une autre avancée des négociations de Durban concerne un mécanisme financier acté à Cancún en 2010 pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique : le fonds vert pour le climat.

Ce fonds sera alimenté à partir de 2013 et montera en puissance jusqu’en 2020, date à partir de laquelle les pays industrialisés ont promis de verser chaque année 100 milliards de dollars. Cette initiative fait explicitement référence aux avancées intervenues dans le cadre de la présidence française du G20, en novembre 2011, sur les financements innovants.

L’accord prévoit aussi la mise en place d’un travail préparatoire destiné à faire entrer l’agriculture, qui est à l’origine de 15 % des émissions de gaz à effet de serre, dans le périmètre de la convention Climat de l’ONU. Néanmoins, cet accord de Durban peut sembler insuffisant, notamment au regard des ambitions françaises. Notre pays est effectivement très engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le développement de la croissance verte.

Est-il besoin de rappeler que, depuis 2007, sous l’impulsion du Président de la République, nous nous sommes dotés, avec le Grenelle de l’environnement, d’un vaste plan destiné à inscrire notre pays dans le développement durable et le respect de l’environnement ? Il s’agit là d’un instrument juridique à l’avant-garde des politiques menées en Europe.

La France est ainsi parvenue à se situer dans le trio de tête européen pour plusieurs grands chantiers : énergies renouvelables, amélioration énergétique des bâtiments, politique des transports respectant les engagements écologiques, traitement des déchets et mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance économique.

Je tiens à le dire à cette tribune, notre ministre de l’écologie et du développement durable, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a soutenu avec une fermeté exemplaire la position de la France à Durban, soulignant qu’il n’y avait pas de solution de rechange à un cadre multilatéral de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Madame la ministre, je salue donc votre implication personnelle dans ces négociations. J’ai été très impressionnée par votre engagement : il a permis à la France de jouer, avec l’Union européenne, un rôle moteur dans ces discussions et a conduit l’ensemble des grands pays émetteurs à faire évoluer leur position.

Sur la table, il y a maintenant un accord qui impose à presque tous les pays du monde de signer, avant 2015, un protocole, ou tout autre instrument contraignant, les engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas rien !

C’est même une formidable avancée : la conférence de Durban marque une étape décisive, puisque des pays émergents comme la Chine et l’Inde ainsi qu’un grand pays émetteur comme les États-Unis ont enfin accepté de s’engager sur la voie des réductions des émissions de gaz à effet de serre.

Cette conférence a ainsi consacré le principe selon lequel le changement climatique doit être traité dans le cadre du droit international, et non plus du pur volontarisme national, ce qui, de mon point de vue, change tout. Elle a fait admettre aux grandes économies émergentes, pour la première fois, l’idée que leurs engagements en matière d’émissions devraient être inscrits dans un cadre ayant force de loi.

Même si le chemin à parcourir est encore très long, la France et l’Europe ont insufflé une dynamique qui doit nous permettre d’affronter les défis qui demeurent, et cela de manière désormais collective. Et comme vous l’avez souligné, madame la ministre, un petit pas, quand il engage tous les pays du monde, y compris les plus réticents, représente une grande avancée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Ronan Dantec l’a souligné, il ne faut pas considérer la conférence de Durban comme un échec et il ne faut pas non plus désespérer des acteurs de terrain. La prise de conscience par la Chine, à l’occasion de cette conférence, de la nécessité d’une action concertée constitue au contraire une bonne nouvelle.

Il va de soi que les pays développés ont une responsabilité majeure dans l’explosion des émissions de gaz à effet de serre au cours de ces dernières années.

Lors du sommet de Durban, les pays émergents ont souligné notre dette climatique à leur égard ; ils ont aussi relevé que nous ne pourrions ni ne saurions avancer sans eux. Ils progressent plus vite que nous dans certains domaines, notamment dans ceux des énergies renouvelables et des technologies vertes, même si certains points sont contestables.

Qu’attendent la France et l’Europe pour oser se fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus élevés et, surtout, pour les tenir ? Il est important que l’Union européenne garde un rôle moteur en termes de négociations climatiques internationales et la France doit jouer un rôle essentiel en la matière.

En dépit de ce qui a été affirmé précédemment, nous estimons que le gouvernement français ne fait que survoler les défis que nous devons surmonter.

Ainsi, à l’opposé de la position qui est la nôtre et que nous assumons, il refuse de sortir du paradigme du « tout nucléaire » sous prétexte que cette mesure aurait un coût trop élevé.

Il ne met pas complètement en œuvre la législation : 35 % des décrets d’application du Grenelle de l’environnement tardent à être pris.

S’agissant de la contribution française censée abonder le fonds vert pour le climat, je ne veux pas répéter les propos qui viennent d’être tenus par mes collègues, mais, à l’évidence, il y a beaucoup à dire…

Pour sortir de l’impasse, un certain nombre de principes importants doivent être respectés.

Je le répète, il convient de mettre fin, d’une façon ou d’une autre, au paradigme du « tout nucléaire », qui nous semble périmé, même s’il a été décidé que le nucléaire ne contribuerait qu’à hauteur de 40 % à la production d’électricité en 2020 : pour notre part, nous souhaitons atteindre 0 % en 2031 !

Par ailleurs, nous devons absolument investir dans l’efficacité énergétique, ce qui devrait nous permettre de diminuer de 50 % notre consommation finale d’énergie d’ici à 2050. Cela passera notamment par la rénovation des bâtiments pour assurer une grande efficacité énergétique.

D’ici à 2050, notre consommation énergétique devra comporter 100 % d’énergies renouvelables, objectif tout à fait réalisable selon un certain nombre d’études.

Sans attendre, le Parlement doit mettre en place une fiscalité écologique prévoyant une taxation des transactions financières et des transports internationaux afin de favoriser les moins onéreux et les moins polluants. Un ajustement aux frontières doit être également envisagé lorsque c’est nécessaire. Voilà un chantier qui reste à ouvrir.

Enfin, autant que possible, il faut promouvoir l’agriculture biologique, notamment au sein de la restauration collective.

Comme on l’aura déjà constaté cet après-midi, les pistes sont toutes tracées et nous pourrions tomber d’accord sur un certain nombre de points, mes chers collègues. Il est de notre devoir de mettre en place ces pistes et de nous montrer exemplaires, y compris dans cette enceinte, afin de mieux peser dans les négociations internationales.

Il n’y a pas de petits efforts. Comme le disait Gandhi, « soyons le changement que nous voulons voir dans le monde ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais apporter quelques réflexions complémentaires au débat sur trois points : le bilan de la conférence de Durban, déjà largement évoqué, la reconnaissance officielle du rôle des acteurs locaux, les actions menées par les collectivités territoriales.

La conférence de Durban peut faire l’objet soit d’une lecture positive – le bilan aurait pu être pire si aucun accord n’avait été signé et si aucun relais au protocole de Kyoto n’avait été trouvé –, soit d’une lecture beaucoup plus négative – il ne s’agirait que d’un accord a minima, obtenu à l’arraché, manifestement insuffisant en raison de l’absence de règles contraignantes et du peu d’engagement des États.

Quoi qu’il en soit, et chacun en a bien conscience, le temps presse. Une décennie risque d’être sinon gaspillée, du moins insuffisamment mise à profit au regard de l’ampleur des enjeux et de l’écart entre les conclusions de cette conférence et les résultats des travaux des négociateurs scientifiques du GIEC, lesquels tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur l’urgence de l’action pour limiter le réchauffement climatique.

Malgré quelques progrès, il y a un certain nombre de blocages politiques à l’échelle internationale, blocages qui ne peuvent être sous-estimés.

Ainsi, les États-Unis restent hostiles à l’idée d’un nouveau traité contraignant. Ils ont également engagé un bras de fer avec la Chine afin de lui imposer les conditions de vérification de ses émissions de gaz à effet de serre, mesure à laquelle les pays émergents ne sont pas soumis.

Seule l’Union européenne, dont nous connaissons néanmoins les faiblesses institutionnelles, continue à jouer un rôle véritablement actif.

De surcroît, les intérêts des pays en développement sont toujours difficilement pris en compte.

Alors que la conférence « Rio+20 » s’esquisse, le bilan des négociations reste très insuffisant et la situation demeure extrêmement inquiétante.

J’en viens à la reconnaissance du rôle des acteurs locaux.

Au-delà des États, les acteurs locaux, dans les villes, les diverses communautés, les départements et les régions, sont très actifs et s’engagent concrètement pour faire avancer la situation.

À titre d’exemple, au mois de décembre dernier, Gregor Robertson, maire de Vancouver, a indiqué que sa ville continuerait à s’engager dans l’esprit du protocole de Kyoto, même si son pays s’est retiré des négociations. Et son action n’est pas isolée. De nombreux maires américains ont fait de même, au moment où le gouvernement Bush refusait toute négociation sur le climat.

Je rappellerai également l’engagement solennel, au mois de février 2009, de centaines de maires européens de dépasser, à l’échelon local, les engagements pris par les États. Ainsi, les 3 000 signataires de la convention des maires, qui représentent 131 millions d’habitants, se sont engagés à réduire de plus de 20 % sur leur territoire les émissions de CO2 d’ici à 2020 par rapport à 1990.

La reconnaissance de l’action des collectivités territoriales en matière de lutte contre le réchauffement climatique est légitime et nécessaire. C’est un enjeu non seulement politique et même symbolique, mais aussi financier.

Lors de la conférence de Cancún, l’association Cités et gouvernements locaux unis a notamment insisté sur les efforts qui devaient être faits pour soutenir financièrement l’action des pays en développement.

Au-delà de la déception qui a fait suite au sommet de Copenhague, de Cancún et de Durban, il faut souligner l’engagement des villes dans une démarche « onusienne » avec la création du « registre carbone », qui permet de suivre les actions menées en matière de lutte contre le réchauffement climatique par 51 villes regroupant 83 millions d’habitants.

En France, de nombreuses collectivités ont depuis longtemps engagé des stratégies d’atténuation du réchauffement et d’adaptation à ce phénomène, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports.

Les actions menées pour économiser l’énergie produisent des résultats écologiques, financiers – elles se traduisent, par exemple, par une baisse des factures pour les locataires – et sociaux, notamment dans le cadre la lutte contre la précarité énergétique.

Des investissements très importants ont également été réalisés dans le domaine des transports urbains et interurbains afin d’encourager un report modal des déplacements individuels vers les transports collectifs et « doux ». Les actions menées en faveur de l’intermodalité sont d’ailleurs largement répandues dans les collectivités.

Je voudrais maintenant revenir sur l’importance des réformes conduites en matière d’urbanisme et sur la nécessité de soutenir la limitation de l’étalement urbain, question qui relève des SCOT. Ce n’est pas toujours facile, notamment pour les maires des petites communes. Pourtant, ces éléments ont une importance majeure pour préparer l’avenir de façon sérieuse.

Les collectivités innovent. Je soulignerai, par exemple, les efforts de la ville de Nantes, qui a créé des forêts urbaines et a le projet de mettre en place une ceinture verte, ou encore ceux de Lyon. À Saint-Étienne, des stratégies pour préparer l’adaptation – hélas indispensable – au changement climatique sont dès maintenant mises sur pied.

Les collectivités françaises prennent donc leurs responsabilités et leur part dans les stratégies d’adaptation. En dépit des contraintes financières qui pèsent sur les uns et les autres, il est indispensable de soutenir leurs efforts ; mais, bien sûr, cette action ne sera pas suffisante et ne remplacera pas la nécessaire politique européenne dans laquelle je souhaite voir notre pays jouer un rôle moteur.

Au-delà, il s’agit de mettre en œuvre un modèle de développement pour privilégier une croissance verte dans les années à venir.

Applaudissement sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré l’échec du sommet de Copenhague au mois de décembre 2009 et après la remise sur les rails du processus onusien lors de la conférence de Cancún en 2010, c’est pleine d’espérances et particulièrement ambitieuse que la France s’est avancée vers la nouvelle phase de négociations à Durban. Les résultats paraissent être à la hauteur des espoirs fondés.

La bonne volonté affichée, parfois de façon retentissante, par tous les pays participants a permis d’atteindre l’ensemble des objectifs que s’était fixés le Gouvernement, à savoir l’adoption d’une feuille de route pour un nouvel accord mondial d’ici à 2015, l’adoption du principe d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto à partir de 2013, la reconnaissance de l’insuffisance des engagements actuels et de l’effort supplémentaire qu’il nous faudra fournir dans les années à venir, enfin, la création d’un fonds vert de 100 milliards de dollars d’ici à 2020 dont pourront bénéficier les pays en voie de développement les plus vulnérables face au réchauffement climatique.

La conférence de Durban est également un succès de la diplomatie européenne. Tout au long des négociations, l’Union européenne a été une force motrice.

Comme ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx, je tiens à saluer le rôle de la France, qui s’est exprimée par la voix de sa ministre de l’écologie et du développement durable, Nathalie Kosciusko-Morizet, au sein de cette coalition européenne.

Depuis 2007 et le Grenelle de l’environnement, la France est bien engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le choix du nucléaire qu’elle a opéré voilà cinquante ans, en attendant sans doute d’autres énergies, lui permet de figurer parmi les pays industrialisés les moins producteurs de gaz à effet de serre. La France émet 6 tonnes de CO2 par habitant, contre 9 pour le Royaume-Uni, 10 pour l’Allemagne et même 19 pour les États-Unis !

Le développement des énergies renouvelables, la rénovation urbaine, le bonus écologique, tous ces efforts de l’État sont à mettre à l’actif du Gouvernement. Yann-Arthus Bertrand nous le rappelle : « Chacun est responsable de la planète et doit la protéger à son échelle. »

Malgré cela, le changement climatique et les catastrophes naturelles qu’il entraîne ne cessent de s’aggraver. La disparition de la banquise et la fonte des glaciers conduisent à une augmentation du niveau global des océans menaçant de vastes régions du monde. La déforestation dégrade des écosystèmes entiers et menace de disparition de nombreuses espèces. Plus inquiétant encore pour les besoins fondamentaux de notre société, le réchauffement climatique dérègle la production agricole. La sécheresse qu’a connue une grande partie de la France en 2011 n’en est que le dernier exemple.

Face à l’urgence, plusieurs défis majeurs restent à relever. Je n’en citerai que deux, qui, à mon sens, s’inscrivent pleinement dans le cycle de conférences sur le climat.

Le premier chantier est celui de la gouvernance mondiale des questions environnementales. Ces problématiques imposent d’associer à leur résolution de nouveaux acteurs : les ONG, les grandes industries énergivores responsables de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre, les scientifiques, les mieux à même de nous renseigner sur l’évolution effective du climat. Il est absolument indispensable d’associer ces acteurs à la feuille de route que se sont fixée les États signataires de l’accord de Durban.

La deuxième question à laquelle il nous faudra trouver une réponse est celle du caractère contraignant du futur pacte climatique.

Comme mon ami Alain Fouché, j’ai été choquée par le retrait du Canada des accords de Kyoto au lendemain de la conférence de Durban à seule fin d’échapper à ses responsabilités dans l’augmentation de ses émissions de CO2 de plus de 30 % sur la période 1990-2007.

Les États les plus pollueurs doivent être comptables de leurs actes devant la communauté internationale, notamment face aux pays les plus vulnérables au changement climatique.

Seules des réformes aussi audacieuses permettront de réduire l’écart, qui ne cesse de se creuser, entre l’objectif retenu par la communauté internationale, à savoir la limitation du réchauffement de la planète à 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels, et les engagements effectifs des États.

Quels seront donc vos objectifs, madame la ministre, pour la prochaine conférence qui se tiendra au Qatar dans un an ? Comment coordonner les efforts réalisés par la France depuis 2007 et les futures négociations inscrites dans la feuille de route de Durban ?

J’achèverai mon propos par la désormais célèbre injonction qui doit, à mon sens, animer notre action en faveur du climat : « Penser globalement, agir localement ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le président, madame la présidente du groupe de travail « Négociations internationales – Climat et Environnement », mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier les membres du groupe de travail, à l’initiative desquels se tient ce débat qui me donne l’occasion de faire un bilan des négociations climatiques qui ont eu lieu à Durban, ainsi que, peut-être, de tracer quelques perspectives.

Je remercie tout particulièrement Marie-Hélène Des Esgaulx, Jean-Claude Lenoir et Laurence Rossignol, qui m’ont accompagnée à Durban, ainsi que Ronan Dantec, qui faisait également partie de la délégation à un titre différent. J’associe à ces remerciements Serge Lepeltier, qui fut autrefois sénateur et qui a lui aussi participé à la conférence de Durban en tant qu’ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique.

Il existe deux manières d’évaluer les résultats de la conférence de Durban ; vos observations en témoignent.

La première est de rappeler nos objectifs au début de cette conférence. Cette dernière constitue alors un succès incontestable.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre

La seconde est de considérer les efforts nécessaires pour lutter contre le changement climatique à l’échelle planétaire. De ce point de vue, il est tout aussi incontestable qu’il nous reste beaucoup à faire et peu de temps pour agir.

Après la déception de Copenhague, la conférence de Cancún, qui s’est tenue l’an dernier, avait permis de remettre le processus onusien sur des rails. Cela étant acquis, nos objectifs en allant à Durban étaient forcément plus ambitieux.

Notre premier objectif était d’obtenir une feuille de route avec un calendrier précis pour un nouvel accord mondial juridiquement contraignant, destiné à remplacer ou compléter, tout en le prolongeant, le protocole de Kyoto. Cet accord devait absolument comprendre des engagements de réduction des émissions pour tous les pays, à l’exception des plus pauvres et des moins développés. Les engagements devaient donc également concerner les pays émergents, dans un souci d’efficacité environnementale mais aussi diplomatique, afin d’éviter que certains pays, à l’instar des États-Unis, ne continuent à se cacher derrière le manque d’engagement de grands pays émergents comme la Chine ou l’Inde.

Cette feuille de route devait aussi – c’était le deuxième objectif – s’accompagner d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto à partir de 2013, pour éviter qu’il n’existe un vide juridique entre la fin de la première période d’engagement, en 2012, et l’entrée en vigueur du grand accord global que nous attendons tous.

Notre troisième objectif, dont on a moins parlé, était d’encourager les pays à tenir et même à renforcer leurs engagements volontaires de réduction des émissions dans les années précédant l’entrée en vigueur du nouvel accord, afin d’orchestrer une montée en puissance des efforts de lutte contre le changement climatique.

Enfin, notre quatrième et dernier objectif était d’obtenir la création du fonds vert pour le climat et de tracer des perspectives raisonnables s'agissant de son financement. Pour ce faire, nous comptions sur l’unité et la force des propositions de l’Union européenne.

Je crois que, au terme d’intenses négociations, nous avons atteint ces quatre objectifs, même si, je le répète, je comprends qu’on puisse critiquer ces résultats au regard de l’ampleur des efforts nécessaires pour aller au bout de nos objectifs de lutte contre le changement climatique.

La « plateforme de Durban » constitue une feuille de route pour un accord juridique mondial s’appliquant à toutes les parties. Mine de rien, cela faisait dix ans que l’on essayait de convaincre les pays émergents tels que la Chine ou l’Inde, ainsi que certains pays développés, comme les États-Unis, qui se cachaient derrière les premiers.

Les négociations en vue d’un nouvel accord vont donc pouvoir commencer au début de l’année 2012. Elles devront aboutir avant 2015 ; le calendrier est strict. Je tiens à rassurer Marie-Thérèse Bruguière : les engagements inscrits dans ce nouvel accord auront force légale – ce point a fait l’objet de négociations particulièrement serrées –, et ils prendront effet d’ici à 2020 au plus tard.

Non seulement la conférence a permis d’engranger ce résultat, mais en outre l’accord signé par les parties reconnaît explicitement l’écart existant, au niveau mondial, entre les engagements de réduction d’émissions à l’horizon 2020 pris par les pays et l’objectif mondial de limitation de la température moyenne à 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels. Bref, dans le même temps qu’on a fixé une feuille de route, on a reconnu l’urgence de se mettre d’accord et l’insuffisance des résultats obtenus jusqu’à présent.

La conférence a donc permis de lancer une série de travaux qui permettront de relever progressivement les niveaux d’ambition ; ce processus devrait se trouver renforcé par le prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.

Les participants à la conférence sont également convenus, en accord avec la position européenne, dite « Kyoto plus », d’adopter une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto en parallèle au lancement d’une négociation globale pour tous les pays sur la réduction des émissions. Sur ce point, l’accord n’est certes pas très clair et sa précision laisse franchement à désirer : les détails concernant les conditions de mise en œuvre ne sont pas nombreux. Il reste que cet accord existe.

Parmi les détails qui doivent être réglés dans les prochains mois, selon un calendrier qui, lui, est clair, figurent notamment les objectifs précis de réduction des émissions – les propositions de l’Union européenne sont connues, et nous espérons y associer un maximum de pays –, la durée de la période d’engagement – l’horizon sera-t-il 2017, 2018 ou encore 2020, date butoir pour la mise en œuvre de l’accord global – et un processus pour gérer les excédents de permis d’émissions. Ce dernier point est particulièrement sensible, puisqu’il est facteur de division jusqu’au sein de l’Union européenne, entre les pays d’Europe de l’Est – vous vous rappelez que la Pologne assurait la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne au moment des négociations de Durban –, qui disposent de réserves de quotas d’émissions et aimeraient pouvoir les reporter sur la nouvelle période d’engagement du protocole de Kyoto, et d’autres pays, dont la France, qui se veulent garants de l’intégrité environnementale de ce protocole.

Les participants à la conférence ont également décidé la création du fonds vert pour le climat. Ce point mérite évidemment d’être développé.

Nous avons lancé un programme de travail relatif aux sources de financement à long terme dont pourraient bénéficier les pays en voie de développement ; il nous faut 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.

Ce programme de travail fait explicitement référence aux avancées obtenues par la France, durant sa présidence du G20, en matière de financements innovants. Cette jonction entre des négociations climatiques dans le cadre de l’ONU et des négociations à forte composante financière dans le cadre du G20 était très importante.

D’autres progrès ont été enregistrés sur plusieurs aspects du régime climatique international, par exemple le lancement de travaux qui viendront le compléter s’agissant du lien entre climat et agriculture, au terme d’une facilitation menée par la France, et notamment par moi-même. Ce nouveau champ d’action est essentiel ; je fais là écho à l’une des observations de Marcel Deneux.

Ces résultats sont significatifs à l’échelle des négociations internationales sur le climat, et peut-être même au-delà. Il faut se réjouir que nombre d’États d’Afrique et d’Amérique latine, le groupe des Pays les moins avancés et l’Alliance des petits États insulaires se soient joints à l’Union Européenne pour plaider en faveur de cette feuille de route pour un nouvel accord. De nouvelles convergences diplomatiques émergent donc à l’occasion de ces négociations sur le climat.

En travaillant avec nos partenaires européens, nous avons été en mesure de faire bouger les lignes et de conduire les grands pays émetteurs, qu’ils soient développés, comme les États-Unis, ou émergents, telles la Chine ou l’Inde, à cesser de se regarder en chiens de faïence.

Cependant, il ne serait pas juste de conclure sans regretter de n’avoir pu aller plus loin sur certains sujets : nous avons encore beaucoup à faire dans les mois qui viennent. Peut-être qu’une mobilisation plus forte – notamment de ceux qui ont critiqué ensuite les insuffisances de l’accord – avant la conférence de Durban nous aurait aidés à aller plus loin.

Je voudrais en tout cas souligner l’importance de deux des défis qu’il nous reste à relever.

Le premier défi concerne la période de transition jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord global.

Cette période doit être un moment de montée en puissance de la mobilisation, et non de relâchement de l’effort. Nous savons en effet, grâce notamment aux travaux du Programme des Nations unies pour l’environnement, que l’écart ne cesse de se creuser entre les objectifs retenus par la communauté internationale dans son ensemble et les actions décidées par les États. On ne peut pas attendre 2020 pour combler cet écart !

Dans ce contexte, on ne peut que regretter que trop peu de pays se soient engagés à suivre l’Union européenne dans une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, et déplorer qu’un pays comme le Canada s’en soit même retiré dès le lendemain de la conférence de Durban – ce qui a été ressenti par beaucoup de participants comme une véritable provocation –, en escomptant ainsi échapper aux conséquences du non-respect de ses obligations au titre de la première période d’engagement, alors que cela ne fait qu’ajouter un deuxième défaut au premier.

Chaque État reste comptable de ses actes, notamment devant les pays les plus pauvres et les plus vulnérables au changement climatique. Tous doivent s’engager de manière constructive d’ici à 2015. Ces engagements pourront être mis en œuvre sans délai dans de nombreux États, d’autant que cette date correspond à des échéances importantes dans des pays comme la Chine ou les États-Unis.

Pour ce qui nous concerne, nous ferons des propositions à nos partenaires européens pour dessiner les contours du futur accord et faire en sorte que la période de transition précédant son entrée en vigueur soit mise à profit pour relever l’ambition de la communauté internationale. Ce seront, avec la capitalisation du fonds vert pour le climat, nos objectifs pour la conférence de Doha. Cette précision me permet de répondre à une question de Marie-Thérèse Bruguière.

Le second défi que nous devons relever concerne le mode de gouvernance des questions environnementales à l’échelle mondiale.

La conférence de Durban a montré encore une fois les limites d’un modèle de négociation. Certains d’entre vous l’ont d'ailleurs souligné ; d’autres ont pu s’en rendre compte sur place. Comment peut-on remettre du souffle dans la négociation ? Il faut probablement l’ouvrir pour lui donner une nouvelle respiration.

Il existe peu de négociations internationales qui présentent la double caractéristique suivante. D’une part, les bénéfices de l’action conjointe sont évidents : ce n’est qu’ensemble que nous arriverons à stabiliser la hausse des températures et, si nous n’y parvenons pas, nous aurons tous à en souffrir. D'autre part, les mesures requises pour obtenir les bénéfices importants qui nous attendent, y compris en termes d’emplois, supposent que chaque État enclenche des processus de transformation économique avec une pluralité d’acteurs qui n’y ont pas forcément été sensibilisés en amont ; elles supposent également une coopération internationale qui repose sur d’autres bases que la seule concurrence économique.

La réforme de la gouvernance mondiale de l’environnement sera pour la France l’un des grands enjeux de la conférence de Rio, qui se tiendra à l’occasion du vingtième anniversaire du Sommet de la Terre, en juin prochain.

Une des composantes essentielles de cette réforme consistera à mieux y associer les acteurs non étatiques – entreprises, syndicats, ONG, collectivités territoriales – afin de les préparer en amont aux mutations auxquelles ils seront confrontés et auxquelles ils devront participer. C’est pourquoi nous organiserons, Alain Juppé et moi-même, le 31 janvier, une réunion destinée à recueillir les propositions de ces acteurs. Ce sera aussi une manière d’aborder les questions d’environnement dans leur globalité, notamment dans leur lien avec la régulation économique – c’est une préoccupation que beaucoup d’entre vous, à l’instar de Ronan Dantec, ont exprimée –, et de travailler à une réforme de la gouvernance globale.

En conclusion, je voudrais souligner à nouveau que la conférence de Durban constitue une avancée significative.

Elle a consacré le principe selon lequel le changement climatique doit être traité dans le cadre du droit international et non du pur volontarisme national, comme l’a rappelé Marie-Hélène Des Esgaulx.

Elle a fait admettre aux grandes économies émergentes, pour la première fois, l’idée que leurs engagements en matière d’émissions doivent être inscrits dans un cadre ayant force de loi.

Elle a permis la création du fonds vert pour le climat, avec un programme de travail sur les financements innovants. Je souhaite que ce fonds soit alimenté par les financements innovants, y compris la taxe sur les transactions financières, à laquelle j’ai toujours été favorable et qui devra être appliquée de la manière la plus large possible afin d’être à la hauteur des enjeux que nous venons d’évoquer.

Le chemin qui reste à parcourir est important. Je peux faire miens certains mots – mais pas tous – de Raymond Vall. Les décisions prises à Durban ne suffiront pas à limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels. Cependant, nous avons franchi ensemble une étape, claire et essentielle ; celle-ci nous rapproche de notre objectif.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jacques Chiron et Ronan Dantec applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous en avons terminé avec le débat sur l’état des négociations internationales climatiques et les conclusions de la conférence de Durban.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et par France 3, des questions cribles thématiques ; nous les reprendrons à dix-sept heures précises.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la fiscalité des collectivités territoriales.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été mis à la vue de tous.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE a demandé la création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle ; de la même manière, nous avons proposé à la conférence des présidents de consacrer une séance de questions cribles au thème de la fiscalité locale. En effet, nous avons souvent relevé l’état d’impréparation totale dans lequel cette réforme a été discutée et adoptée : il en résulte un accroissement des charges de l’État et une absence terrible de lisibilité pour les collectivités locales, aggravée par des circulaires dont les auteurs ont oublié que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ».

D’ailleurs, avec l’article 40 de la loi de finances pour 2012, le Gouvernement s’est accordé deux années supplémentaires pour procéder aux ajustements de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE. En revanche, nous ne disposons toujours pas des données consolidées relatives à la répartition de la CVAE, contrairement aux engagements qui avaient été pris.

Monsieur le ministre, quelles sont les réelles intentions du Gouvernement quant à l’évolution de la CVAE ? Allez-vous revoir la clef de répartition de cet impôt ? On constate en effet que l’Île-de-France concentre la valeur ajoutée, ce qui entraînera inéluctablement des difficultés lorsque, du fait de la stabilisation du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, les collectivités locales auront de plus en plus de mal à dégager des recettes. Comment, d’autre part, entendez-vous remédier aux inconvénients découlant du fait que vous avez créé un impôt déclaratif ? De quels moyens de contrôle les collectivités locales vont-elles réellement disposer ?

En ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises, ou CFE, en réalité, la direction des finances publiques n’a pas été en mesure de fournir aux collectivités territoriales les éléments techniques leur permettant de prendre les délibérations adéquates. Comment, dans ces conditions, fixer de manière pertinente la base minimale d’imposition forfaitaire à la CFE, ainsi que celle concernant les entreprises réalisant plus de 100 000 euros de chiffre d’affaires ? Avez-vous l’intention de faire évoluer encore ces plafonds et planchers de base minimale ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, où en êtes-vous de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, question très importante pour les finances des collectivités locales ? Quelles sont les raisons du retard pris par ce dossier ?

Toutes ces questions démontrent les failles de cette réforme et l’impérieuse nécessité de la modifier profondément !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales

Monsieur le sénateur Mézard, votre question comprend à elle seule tout un ensemble de questions cribles. Je vais essayer d’y répondre en moins de deux minutes, mais si l’on peut poser de nombreuses questions dans un laps de temps aussi court, il est plus difficile de donner beaucoup de réponses dans la même durée.

Pour ne pas perdre davantage de temps, je vous rappellerai, premièrement, que la taxe professionnelle a été intégralement compensée.

Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’était le prix à payer pour alléger les charges de nos entreprises : celles-ci ne sont plus pénalisées par cette taxe qui représentait un véritable handicap dans la compétition avec les entreprises étrangères.

Deuxièmement, s’agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, versée à la fois au bloc communal, au département et à la région, les collectivités locales ont eu, chacune en ce qui la concerne, les réponses relatives à la CVAE à la fin de l’année 2011. Nous allons pouvoir leur adresser les données consolidées dans les prochaines semaines, afin qu’elles disposent des informations nécessaires pour repartir sur des bases mieux connues.

Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, lorsque cette réforme a été engagée et débattue, on n’a pas pu procéder à une évaluation précise de ses conséquences, commune par commune, territoire par territoire, parce que, tout simplement, ces éléments d’information n’étaient pas connus et qu’il a fallu les collecter. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de communiquer ces éléments et nous le faisons : il ne s’agit donc pas d’une manifestation de mauvaise volonté de la part du Gouvernement. Vous comprendrez que le lancement d’une telle réforme, surtout lorsque le Parlement – comme il doit le faire et comme il l’a très bien fait – en modifie le texte initial, exige un temps d’adaptation pour prendre en compte ces modifications et procéder à des évaluations. §

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Vous avez évoqué notamment le fait que le produit de la CVAE était concentré sur certains territoires, phénomène observable en particulier au niveau départemental et régional : c’est la raison pour laquelle il est prévu de mettre en place une péréquation départementale et régionale, en 2013, mais le Parlement en débattra.

Enfin, pour ce qui est des valeurs locatives, nous allons disposer prochainement des résultats des expérimentations réalisées dans cinq départements : dans les semaines qui viennent, ces résultats pourront être diffusés et débattus au Parlement, puisque tel était l’engagement pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le ministre, je sais que l’exercice est difficile, mais essayez de respecter le temps qui vous est attribué.

La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments d’information, mais j’ai le sentiment qu’ils ne répondent pas totalement…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… aux interrogations soulevées, à juste titre, par notre collègue Jacques Mézard. En revanche, il est évident que les collectivités territoriales essaient toujours, avec beaucoup de bonne volonté et, parfois même, de courage, de trouver leurs repères dans le maquis inextricable issu de la réforme de la taxe professionnelle. De fait, les élus sont inquiets, très inquiets même, face à l’illisibilité d’un dispositif pourtant essentiel à l’administration des collectivités locales.

S’agissant de la répartition de la CVAE, elle comporte, selon les propos tenus par la directrice de la législation fiscale lors de la réunion du Comité des finances locales du 12 juillet 2011, « une certaine dose de complexité » – je dirais même « une dose certaine » – : quel euphémisme pour qualifier une réglementation que ne comprennent même plus ses destinataires ! En ajoutant les retards préjudiciables dans la communication des données définitives, qui entraînent le report des votes de programmation pluriannuelle d’investissements, vous comprendrez, monsieur le ministre, l’inquiétude, et même l’exaspération, d’une grande partie des élus locaux, qu’il vous appartient d’essayer de rassurer et je vous en remercie par avance.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collectivités locales doivent voter leur budget avant le 31 mars prochain. Il existe deux types de collectivités locales : celles qui sont relativement à l’aise et peuvent voter leur budget en fin d’année précédente, ou en tout début d’année, et celles qui connaissent plus de difficultés et attendent généralement la fin du mois de mars, afin de disposer du maximum d’informations pour établir leur budget.

Or l’année 2012 comporte de nombreuses incertitudes sur un certain nombre de sujets. Tout d’abord, en ce qui concerne la dotation globale de fonctionnement, puisque l’enveloppe normée a été « rabotée », cette mesure aura des conséquences sur la dotation forfaitaire. Ensuite, le Fonds de péréquation communale et intercommunale sera mis en œuvre et de nouvelles règles de fonctionnement du Fonds de solidarité de la région Île-de-France entreront en vigueur. Des incertitudes subsistent également quant au montant des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO : nous savons bien que l’année à venir s’annonce moins bonne que l’année précédente. Enfin, les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle continueront à se faire sentir, les collectivités locales rencontrant notamment des difficultés à appréhender le montant exact de leurs bases fiscales : l’année dernière, les bases n’ont été connues qu’au mois de décembre.

Monsieur le ministre, je crains donc que de nombreuses collectivités locales ne se montrent très prudentes – elles auront peut-être raison ! – en n’inscrivant pas dans la section d’investissement de leur budget tous les travaux qu’elles auraient pu envisager, par précaution.

M. Alain Le Vern s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il est par conséquent à craindre que les collectivités locales ne se montrent très, ou trop, prudentes, ce qui aurait nécessairement des conséquences sur le rythme de la croissance économique.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quels éléments d’information pouvez-vous nous apporter, monsieur le ministre, avant la fin du premier trimestre et, si possible, avant la fin du mois de février, afin que les collectivités locales ne soient pas trop prudentes et puissent effectivement inscrire dans leur budget, autant que possible, les dépenses d’investissement qui leur sont nécessaires, dépenses qui soutiendront la croissance ?

Bravo ! et applaudissements amusés sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me permettre d’apporter des éléments de réponse complémentaires à ceux que j’ai mentionnés tout à l’heure, en brossant le tableau de la façon dont les uns et les autres ont voté les modalités de la nouvelle fiscalité des entreprises.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Premièrement, je voudrais dire à Philippe Dallier, à titre complémentaire, que les nouvelles procédures mises en place ont effectivement engendré des régularisations de la CVAE pour 2010 qui n’ont été connues qu’en juin 2011. Par ailleurs, le Gouvernement avait pris l’engagement de se fonder sur les ultimes rôles supplémentaires de taxe professionnelle pour calculer avec exactitude la garantie de ressources dont doit bénéficier chaque collectivité…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Ne lisez pas votre papier, répondez à la question !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Évidemment, pour cette année, cette situation ne se reproduit pas.

Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur le sénateur, vous devriez plutôt vous réjouir de cette bonne nouvelle : vous savez que vous disposerez des éléments nécessaires pour construire vos budgets.

Deuxièmement, les états de notification n° 1259, établis par les services du ministère des finances et comportant toutes les données utiles concernant la CVAE, la CFE, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou IFER, les taxes sur les ménages, la dotation de compensation de la taxe professionnelle et le Fonds national de garantie individuelle de ressources, ou FNGIR, seront notifiés à la fin du mois de février ou au début du mois de mars.

Enfin, vous savez que la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a été gelée. Mais la mise en place de la péréquation aura des conséquences pour certaines collectivités, malgré ce gel. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu d’encadrer cette baisse, en garantissant le montant des dotations à hauteur de 90 % de celui qui a été versé l’année passée. Cette garantie s’élève parfois à 100 % en ce qui concerne la DSU, la dotation de solidarité urbaine.

Vous avez également évoqué les emprunts aux banques. J’aurais sans doute l’occasion d’aborder ce point en répondant aux questions ultérieures. Je reviendrai également sur la question de la nouvelle banque destinée au financement des collectivités locales, issue du regroupement de La Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le ministre, je vous remercie votre réponse. Il est évident que nous avons besoin de connaître le maximum d’informations avant la fin du mois de février pour établir nos budgets. Nous attendons par conséquent ces informations.

Chers collègues de gauche, vous vous êtes bruyamment réjouis de la question posée.

La question était bonne ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous partageons, sur toutes les travées, les mêmes préoccupations.

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous avons tous intérêt à soutenir l’investissement public sur nos territoires. Donc, écoutons le ministre, réjouissons-nous des informations qu’il vient de nous transmettre et faisons notre travail d’élus locaux afin que notre pays se porte le mieux possible, quels que soient ceux qui le gouvernent !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la crise prend un tour plus aigu dans nos territoires, le rôle des collectivités sera déterminant pour retrouver la croissance nécessaire au redressement de notre pays, car, comme cela a été précisé il y a quelques instants, elles réalisent plus de 70 % de l’investissement public.

Encore faut-il que leurs moyens le leur permettent et que ceux-ci soient mieux répartis sur notre territoire.

Avec ces investissements, de nombreux emplois ont été créés et de nouveaux services rendus, en cohérence avec les attentes de notre population, et c’est tant mieux !

Pour que la dynamique se poursuive, ne stigmatisons pas les principaux acteurs de l’aménagement du territoire que sont nos collectivités

M. Christian Namy applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

La mise en place cette année du fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales, le FNPIC, constitue une avancée significative en ce sens ; il faut le souligner.

Cependant, pour que cette solidarité entre les collectivités soit efficace et juste, elle doit s’inscrire dans le contexte des réformes de notre fiscalité locale.

Le récent débat budgétaire a parfaitement illustré ce propos, notamment sur la question de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

Si les ressources initiales des collectivités ont été garanties, il faut reconnaître que la prise en compte des outils péréquateurs de la nouvelle contribution économique territoriale, la CET, dans leurs nouveaux indicateurs de richesse a des effets pervers.

Le fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, bouleversent la hiérarchie de leurs richesses, alors que la masse de leurs recettes fiscales réelle est la même. De ce fait, des territoires industriels qui souffrent ou des territoires ruraux à faibles bases d’impôt économique se trouvent fortement pénalisés.

A contrario, ceux qui sont potentiellement gagnants voient leurs potentiels financiers baisser alors que leurs ressources sont inchangées et plus dynamiques.

La double peine est donc inéluctable pour les territoires les plus fragiles : un risque de perte d’éligibilité aux fonds de péréquation et l’alourdissement de la fiscalité des ménages, alors que c’est l’inverse qui se produira pour les plus riches !

Qu’envisagez-vous, monsieur le ministre, pour mettre en cohérence les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle avec la réduction des inégalités entre les collectivités que vous soutenez par ailleurs ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et sur quelques travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur le président, permettez-moi de me réjouir des propos de Philippe Dallier, qu’il s’agisse de son intervention et de sa réplique. Mais il est évidemment loisible à chacun de transformer les questions cribles thématiques en une simple occasion d’affrontement entre la majorité du Sénat et le Gouvernement. Jusqu’à présent, je pensais que celles-ci étaient destinées à obtenir des réponses précises. Vous me posez des questions de délais : je vous apporte des réponses en matière de délais. On me fait part de difficultés : j’essaie d’y répondre afin que nous soyons le plus opérationnel possible.

Pour le reste, permettez-moi de rappeler que, dans cet hémicycle, la droite n’est pas la seule à avoir demandé une révision de la fiscalité des entreprises. Celle-ci s’est traduite par la suppression de la taxe professionnelle. D’autres procédures auraient pu être imaginées. Quoi qu’il en soit, cette réforme a été longuement préparée, et c’est le moins que l’on puisse dire. Des gouvernements de toutes tendances politiques s’étaient saisis de cette question mais aucun n’avait réussi à mettre en œuvre une réforme.

Aujourd'hui, puisqu’une réforme a abouti, faisons en sorte qu’elle profite aux entreprises et à la dynamique économique, mais que les collectivités ne soient pas en reste. C’est ce que nous essayons de faire de façon concrète.

J’en viens à la question de Pierre Jarlier sur la péréquation et la prise en compte de la richesse des collectivités. Nous avons eu un débat très intense, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, sur le principe et les modalités de la péréquation.

Il est vrai qu’une très large majorité est favorable au principe. Lorsqu’on en vient aux conditions de sa mise en œuvre, les débats prennent cependant une tout autre tournure. Lorsque l’on est contributeur, même quand le montant global de la péréquation n’est que de 100 millions d’euros, cela peut représenter des sommes considérables pour certaines intercommunalités. Il est donc compréhensible que les élus représentant ces territoires fassent valoir leurs arguments par rapport à cette ponction, qui, pour les uns, est justifiée, voire insuffisante et, pour les autres, est exagérée.

Nous avons défini les critères qui doivent être pris en compte, d’un côté, pour les prélèvements et, de l’autre, pour les reversements, c’est-à-dire pour la répartition du fonds.

Ces critères sont en partie différents. Le critère qui joue dans les deux cas est évidemment celui de la richesse des collectivités, sur la base de l’ensemble des ressources. Fallait-il prendre en compte les ressources réelles, les montants versés ou le potentiel ? La question a été tranchée, mais le débat reste ouvert, notamment avec l’évolution de la compensation de la CVAE réellement perçue par les collectivités.

J’avais indiqué au Sénat, lors de l’examen du budget, que nous devrions réexaminer le sujet au moment de l’évaluation, à l’automne 2012, afin d’être sûrs de bâtir un équilibre non pas sur des perceptions mais sur la richesse réelle de chaque territoire. C’est un vrai sujet, et, je m’en porte garant, le Gouvernement et le Parlement pourront partager leurs réflexions dans un débat ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je vous remercie, monsieur le ministre, des explications que vous venez de nous donner. Je tenais absolument à appuyer les propos de mon collègue Pierre Jarlier. Nous sommes tous deux membres de la mission commune d’information sur la réforme de la taxe professionnelle et nous continuons à penser qu’il aurait fallu supprimer la taxe professionnelle dans le cadre d’une réforme de la fiscalité locale englobant tous les enjeux en question.

S’il est nécessaire de réfléchir à l’évolution de la loi, il faudra aborder la question non pas seulement à partir de données chiffrées, mais à travers d’autres données : l’équilibre territorial, les relations entre les collectivités, entre les collectivités et les entreprises ; bref, entre les collectivités et le développement économique, vecteur de croissance pour les territoires.

Sur ce dernier point, je voudrais vous faire part de l’information que j’ai recueillie sur le terrain. Si les élus ont montré une grande satisfaction à l’égard du remboursement anticipé du FCTVA décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, ils s’inquiètent aujourd’hui de son maintien, compte tenu de la situation budgétaire de l’État. Aussi, je me fais le porte-parole de ces élus qui souhaitent que soient prorogés les effets positifs de ce mécanisme sur leurs communes. Je vous remercie, monsieur le ministre, de prêter attention à cette information.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le temps des réformes vient le temps des bilans. Dès lors, force est de constater qu’en matière de fiscalité locale, votre bilan, monsieur le ministre, est marqué par les mauvais coups portés aux territoires, l’inefficacité économique et le maintien des injustices pour les ménages.

L’année 2011 aura été, pour les collectivités territoriales, la première année d’application de la réforme de la taxe professionnelle. Nos collectivités abordent 2012 en tentant de trouver leurs repères, dans un contexte miné par la diminution de leur autonomie fiscale, de leur dotation et l’imprévisibilité, auxquelles le Président de la République continue d’ajouter la stigmatisation.

Outre la dégradation des déficits publics de plus de 4, 7 milliards d’euros en pleine crise des dettes souveraines, votre réforme n’est pas parvenue non plus à susciter l’adhésion de l’ensemble des entreprises et à faire la preuve de son efficacité économique.

Ce bouleversement fiscal a également eu pour conséquence directe le déséquilibre de la répartition de la charge locale, au détriment des ménages. Votre politique est restée exclusivement tournée vers les entreprises. La charge fiscale sur les entreprises a été injustement allégée par la suppression de la taxe professionnelle et seule la révision des valeurs locatives des locaux professionnels a été engagée.

Peut-on en dire autant de la fiscalité locale pesant sur les ménages ? De nombreuses voix se sont pourtant élevées pour admettre que la taxe d’habitation, mais également les taxes foncières sont des impôts injustes, du fait notamment de l’obsolescence et de l’iniquité des valeurs locatives sur lesquelles elles sont assises.

Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les impôts « ménages », rendu public en mai 2011, confirme ce constat et souligne que l’absence de revalorisation générale des bases « entraîne des transferts de charges implicites régressifs entre contribuables d’une même collectivité ».

En conséquence, où en est-on de la volonté de protection de nos concitoyens les plus modestes dont vous ne cessez de vous targuer ?

Monsieur le ministre, au-delà des effets d’annonce, comment comptez-vous mettre enfin en œuvre une politique fiscale juste pour les ménages ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Gérard Le Cam applaudit également.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Madame la sénatrice, j’indique tout d’abord que les reversements de l’État aux collectivités ont été en 2010 de 98 milliards d’euros, en 2011 de 99 milliards d’euros et en 2012 de 100 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année. C’est la réalité, qui est indiscutable : l’État a augmenté d’année en année sa contribution aux collectivités.

Ensuite, nous avons mis en œuvre, ensemble, la réforme de la taxe professionnelle parce que c’était à la fois un impôt injuste

M. Alain Le Vern s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

et une taxe qui handicapait très sérieusement nos entreprises.

M. Alain Le Vern s’exclame de nouveau.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Pour autant, y a-t-il eu des injustices au niveau des communes et des intercommunalités ? Nous avons tout simplement réparti autrement l’éventail des ressources entre les trois niveaux de collectivités : la commune et les intercommunalités, le département, la région.

La taxe d’habitation revient entièrement au bloc communal, mais il n’y a pas eu de charges supplémentaires pour les ménages. Les montants qui étaient perçus auparavant par le département et la région ont été transférés aux communes. Je ne vois donc pas d’où vous tenez les résultats que vous indiquez.

Enfin, il est nécessaire non pas d’instaurer une augmentation générale des bases, mais d’ajuster les valeurs locatives. En effet, si nous ne le faisons pas, les injustices continueront. Nous sommes engagés sur ce point, comme je l’ai indiqué tout à l’heure.

M. Daniel Raoul s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Monsieur le ministre, je suis ravie de savoir que nous irons vers un ajustement des bases locatives. Je regrette simplement que cela n’ait pas encore été fait.

Je souhaiterais vous répondre en rappelant plusieurs points.

Les sénateurs socialistes ont, tout au long de ce quinquennat, proposé par voie d’amendement et de proposition de loi de renforcer la justice dans la fiscalité locale par une meilleure prise en compte du revenu et une révision générale des valeurs locatives. Chaque fois, le Gouvernement s’y est opposé et a choisi de maintenir les inégalités existantes !

Les socialistes n’ont aucune leçon à recevoir d’un gouvernement qui, depuis 2007, a mis à mal la progressivité de l’impôt pour sauvegarder les avantages acquis des plus aisés.

Mlle Sophie Joissains s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Le Conseil des prélèvements obligatoires, dont j’ai cité dans ma question le rapport de mai 2011, a rappelé que seules les réformes portées par les gouvernements de gauche en 1990, en 1998 puis en 2000 ont permis d’introduire de la progressivité, et donc de la justice, dans la taxe d’habitation. C’est la réforme de 2000, avec le plafonnement de la taxe d’habitation en fonction du revenu qui a le plus concerné les ménages les plus pauvres, à savoir ceux qui sont situés dans les deux premiers déciles, en particulier dans le premier.

Les Français ne sont pas dupes : ils savent de quel côté de cet hémicycle la justice fiscale est défendue. Nous ne doutons pas qu’ils vous en donneront une nouvelle fois la preuve en mai prochain.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’interroger sur la thématique de ces questions cribles. En effet, peut-on encore parler de fiscalité des collectivités locales alors qu’elle tend à disparaître, tout particulièrement la fiscalité directe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Il y a quelques années, les ressources fiscales représentaient 60 % des recettes des collectivités locales et la fiscalité directe en constituait les trois quarts.

Si nous sommes aujourd’hui incapables de chiffrer précisément la place de cette fiscalité, nous savons qu’elle a quasiment disparu pour les régions, en dehors de la modulation de la TIPP – taxe intérieure sur les produits pétroliers –, qu’elle est très faible pour les départements, qui ne votent plus que le seul taux du foncier bâti, et qu’elle est profondément réduite pour les communes, du fait de la disparition de la taxe professionnelle.

Devant ces évolutions, nous sommes en droit d’affirmer qu’aujourd’hui la garantie constitutionnelle d’une autonomie financière des collectivités territoriales n’est plus assurée.

Cette question est importante car, comme le déclarait Pascal Clément dans son rapport sur la réforme Raffarin de 2004 : « la fiscalité locale relève d’une exigence démocratique, car il n’est pas de pouvoir politique véritable sans pouvoir fiscal ».

Le Conseil des prélèvements obligatoires, reprenant cette citation, est même allé plus loin dans son rapport de mai 2010. En effet, selon lui, il découlerait de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « que doit être considéré comme un élément essentiel de la démocratie le lien qui existe entre le vote qui permet de désigner les élus et le fait que ceux-ci aient le droit de déterminer précisément le taux ou l’assiette des impôts ».

L’autonomie fiscale constituerait donc un fondement de notre démocratie locale, laquelle est aujourd’hui bafouée par le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre.

Alors allez-vous enfin rendre aux élus locaux leurs responsabilités fiscales, monsieur le ministre ? Ce serait un gage démocratique et un gage d’efficacité. Cela permettrait aux citoyens de comparer le montant de leurs impôts en fonction des services dont ils bénéficient. §

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Comme vient de le dire M. Favier, les ressources des collectivités ont été spécialisées : la fiscalité, notamment celle des ménages, est davantage regroupée sur les communes et les intercommunalités. Les départements et les régions ont moins de ressources fiscales et plus de ressources financières. Telle est la réalité.

La Constitution, je le rappelle, consacre le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales, non de leur autonomie fiscale. La question est de savoir comment la mettre en œuvre.

Comme vous le savez, j’ai été pendant dix ans président de conseil général. À ce titre, permettez-moi d’évoquer l’une des ressources transférées – qui est importante – des conseils généraux, à savoir les DMTO, les droits de mutation à titre onéreux. Vous le savez, ceux-ci ont beaucoup varié.

M. Claude Jeannerot opine.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Les départements ont d’abord des compétences sociales. Or on sait très bien que cette ressource importante pour les conseils généraux ne fluctue pas proportionnellement aux dépenses sociales.

M. Claude Jeannerot opine de nouveau

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur Favier, on demande à tout prix pour les collectivités, par exemple le département, la fiscalité. Or celle-ci est très mal adaptée, car elle ne correspond pas du tout à l’évolution de la dépense des conseils généraux.

M. Alain Le Vern s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Il existe une deuxième manière d’aborder ce sujet – je le fais de façon très libre, car c’est là une vraie question. Elle consiste à verser des dotations, à l’instar de ce qui a été fait par exemple pour le RSA.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le reproche qui est fait à la dotation, quel que soit d’ailleurs le gouvernement en place, est souvent qu’elle ne laisse aucune marge de manœuvre, qu’il faut se débrouiller avec la somme obtenue.

M. Claude Jeannerot s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

On le voit, le financement des collectivités nécessite un réel débat, car si la dotation vient en remplacement de la fiscalité, son évolution ne correspondra jamais à celle de la dépense.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous devons réfléchir à une manière d’ajuster les financements. On ne peut pas partir du principe qu’une dépense est couverte par la fiscalité, puis, chaque fois que la fiscalité ne suffit pas, demander une compensation supplémentaire.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Il s’agit là d’un vrai débat, qui doit permettre au Parlement d’évoluer sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Il n’a rien dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Christian Favier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas satisfait de votre réponse. Vous venez en effet de confirmer votre volonté de restreindre l’autonomie fiscale des collectivités territoriales et la possibilité pour les élus de continuer à voter leurs impôts.

Vous êtes profondément attaché, on peut le dire, à une mise sous tutelle permanente des collectivités locales afin de freiner leurs dépenses, de réduire leur liberté d’action et de les empêcher de répondre aux besoins de leurs populations.

À cet égard, l’exemple des DMTO que vous avez pris est éclairant. Vous avez déjà privé les collectivités territoriales d’une certaine liberté en procédant de manière tout à fait arbitraire à une péréquation des DMTO, …

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est le Parlement qui l’a votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

… laquelle, si elle tient compte effectivement de la progression de ces droits de mutation, ne prend pas en compte la réalité des dépenses des départements.

Je prendrai un seul exemple, celui du département de la Seine-Saint-Denis. Alors qu’il est très certainement l’un des départements faisant face aujourd'hui aux difficultés sociales les plus importantes, il contribue au Fonds national de péréquation des DMTO, c'est-à-dire qu’il paie pour d’autres départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

C’est le monde à l’envers !

Si les régions et les départements ne peuvent plus maîtriser leurs ressources, c’est parce que vous voulez en fait transformer ces collectivités et leurs élus en simples services déconcentrés de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Vous ne supportez plus leur liberté, leur capacité à mettre en œuvre d’autres choix politiques que ceux du gouvernement auquel vous appartenez.

Quant à l’autonomie fiscale des communes, elle repose désormais sur la seule taxe d’habitation, impôt on ne peut plus injuste…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

… car il ne tient pas compte des revenus. Vous refusez pourtant obstinément de le réformer.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous serons conduits à faire de la réforme fiscale l’un des premiers chantiers de la prochaine législature, lorsque la gauche sera majoritaire à l’Assemblée nationale, comme elle l’est aujourd'hui au Sénat. §

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le ministre, deux ans après la réforme de la taxe professionnelle, le flou prévaut, malgré les réponses que vous venez de nous apporter : les collectivités ne savent toujours pas où elles vont ; elles ne savent pas sur quelles ressources elles peuvent compter, ni d’ailleurs, pour certaines, à quel point elles seront contributrices ou bénéficiaires, compte tenu des absurdités que vient de signaler mon collègue Christian Favier.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, le Gouvernement s’est octroyé du temps supplémentaire pour finaliser et peaufiner la mise en œuvre de la CVAE.

On le voit, une telle réforme aurait nécessité une longue préparation. Au lieu de cela, elle se fait aujourd'hui dans une totale improvisation et au détriment des collectivités territoriales et de ceux qui essaient de les gouverner.

La réforme de la taxe professionnelle a considérablement amoindri – cela a été dit quatre fois cet après-midi – l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Certes, il existe une définition assez large de la notion de ressources propres qui permet de faire en sorte que les ratios soient respectés. Toutefois, dans la pratique, les régions et les départements perdent une grande partie de leur marge d’action à cause de la politique mise en place par le Gouvernement.

Si gouverner, c’est prévoir, la politique que vous avez menée a placé un certain nombre de collectivités dans une situation périlleuse, voire difficile.

De fait, les collectivités tendent de plus en plus à être des administrations gestionnaires des politiques décidées par l’État, qui ne les assume pas toujours, et elles n’ont plus les moyens de définir des politiques adaptées à leur territoire, voulues par leur territoire.

Dès lors, comment comptez-vous faire vivre une réelle décentralisation tout en faisant sortir les collectivités territoriales d’un cadre aussi contraint et hypocrite ? Vous l’avez signalé tout à l’heure, s’il est imaginable que La Poste joue un rôle, il est peu probable qu’elle puisse faire un miracle, car elle ne pourra pas, en un jour, s’improviser remplaçante ou successeur de Dexia. Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le ministre.

MM. Claude Dilain et Jean-Luc Fichet applaudissent.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Votre question, madame Bouchoux, va me donner l’occasion de répondre également à l’intervention de M. Favier.

Permettez-moi de vous dire, madame la sénatrice, que la réforme de la taxe professionnelle n’a pas été improvisée. Simplement, le débat parlementaire s’est développé, comme il se doit. S’il s’agit de contester au Parlement le droit de modifier les textes présentés par le Gouvernement, …

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. … c’est à ne plus rien y comprendre !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont conduit à modifier considérablement le texte initial.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Aussi, la mise en œuvre effective de cette réforme a en effet nécessité deux ans d’ajustements.

M. Alain Le Vern s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les valeurs pour 2012 seront données dès janvier aux différentes collectivités afin qu’elles puissent élaborer leurs budgets dans de bonnes conditions.

Je reviendrai maintenant sur le débat plus général sur les ressources financières et les ressources fiscales. Je sais très bien, monsieur Favier, que votre bonheur est, comme vous l’avez encore rappelé voilà quelques instants, d’augmenter les taux, et donc les impôts.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

C’est vous qui augmentez les impôts pour les plus pauvres !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Selon une pratique ancienne dans notre pays, ce qui compte, ce sont les ressources financières de la collectivité, qui doivent être garanties.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Elles ne sont pas garanties ! Vous les baissez. Quel mensonge !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. La réforme de la taxe professionnelle garantit les ressources financières des collectivités. En termes de ressources transférées par l’État, le niveau global des ressources des collectivités a été respecté.

M. Alain Le Vern s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

En revanche, en matière de péréquation, les montants initiaux, collectivité par collectivité, ne sont pas exactement respectés.

M. Alain Le Vern s’exclame de nouveau.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Vous avez rappelé que la Seine-Saint-Denis a été conduite à contribuer au fonds national de péréquation des DMTO. Je rappellerai simplement que, dans le potentiel de DMTO, elle est quatrième sur cent dans le classement des départements de France. Si vous n’acceptez pas qu’une collectivité occupant une telle place contribue à la péréquation, alors cela ne vaut pas la peine de continuer à parler de péréquation ! Il est vrai que le côté gauche de l’hémicycle n’est pas tellement favorable à la péréquation, contrairement au côté droit !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.

Pour conclure, je rappelle que le Gouvernement a été au rendez-vous afin que les ressources des collectivités territoriales soient respectées et que leurs moyens d’intervention demeurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Vous ne répondez pas aux questions, vous lisez votre papier !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le ministre, véhémence n’est pas toujours raison ! Je pense que les problèmes soulevés par mes trois précédents collègues, toutes tendances politiques confondues, viennent s’ajouter aux transferts de compétences de plus en plus nombreux et, je le répète, trop tardivement et imparfaitement compensés. Même si c’est désagréable à entendre – excusez-moi de le dire –, certains retards sont préjudiciables aux collectivités.

Par ailleurs, et vous ne pouvez l’ignorer, un certain nombre de départements sont obligés, par exemple, de mobiliser leurs fonds propres pour faire face ponctuellement au versement du RSA, en attendant de récupérer la part de l’État.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Vous avez raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux. Il faut le reconnaître posément.

M. le ministre opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

À titre d’exemple, dans le Maine-et-Loire, dont le budget est d’environ 500 millions d’euros, le coût non compensé des transferts de compétences de l’État depuis sept ans s’élève à 280 millions d’euros, montant qui devrait sans doute croître encore de 40 millions d’euros en 2012. Ce chiffre se suffit à lui-même, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Tout le monde en convient, les collectivités locales ont de plus en plus de difficultés. En tout cas, elles sont inquiètes concernant leurs capacités à obtenir et négocier auprès des organismes bancaires des emprunts à des taux suffisamment corrects afin de pouvoir continuer d’avancer, et singulièrement, bien sûr, de gérer leurs investissements.

Cette difficulté, je le rappelle, fait également écho au rapport de la Cour des comptes de 2011 sur la gestion de la dette publique locale. La Cour y mettait d’ailleurs en évidence les conséquences de l’application des nouvelles normes prudentielles s’imposant aux banques, en application – faut-il le rappeler encore ? – de la recommandation dite « du comité de Bâle » de décembre 2010, laquelle pourrait effectivement, à terme, mettre nos collectivités en difficulté.

Aujourd’hui, il existe un flou sur le fait que la France pourrait perdre son triple A ; sa notation serait donc peut-être dégradée. Je dis « peut-être » car deux des trois agences, dont Moody’s, qui n’est pas la moindre d’entre elles – il semblerait même qu’elle soit l’une des plus importante –, viennent de confirmer que la France conservait son triple A en l’état, même si la presse ne s’en est pas fait l’écho.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il est vrai qu’on préfère se flageller plutôt que se rassurer, mais force est de constater que deux agences sur trois maintiennent le triple A de la France.

Le contexte, malgré tout, renforce l’inquiétude des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : de quelle manière le Gouvernement va-t-il pouvoir aider les collectivités territoriales dans leurs démarches auprès des bailleurs de fonds, afin de leur permettre d’obtenir les crédits les plus intéressants possible ?

M. Alain Gournac applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le ministre, vous connaissez le principe de l’exercice des questions cribles thématiques. Je vous demande donc de bien vouloir respecter les deux minutes qui vous sont imparties, sinon tous les orateurs inscrits ne pourront poser leur question.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous sommes dans une situation très difficile. La notation de la France entraîne en effet celle d’une trentaine, pas plus, de collectivités territoriales. Toutes ne sont pas notées par Standard & Poor’s. Celles qui ne le sont pas ne devraient donc pas être concernées par une dégradation éventuelle.

En ce début d’année 2012, les ressources dont ont besoin les collectivités territoriales sont encore disponibles. Elles sont fournies par le secteur bancaire, mais aussi par l’enveloppe de prêts de 5 milliards d’euros mise en place à la fin de l’année 2011 par la Caisse des dépôts et consignations, dont il reste encore un reliquat à utiliser.

J’ai fait un tour d’horizon avec l’ensemble des banques partenaires des collectivités territoriales. Je ne veux pas vous cacher que, vers le milieu ou la fin de l’année, les collectivités connaîtront sans doute un nouveau besoin de financement, qu’il s’agira de traiter. Nous sommes en train de travailler sur le sujet. Toutefois, je le répète, puisque les 5 milliards d’euros prêtés par la Caisse des dépôts et consignations n’ont pas été intégralement utilisés à la fin de l’année 2011 et puisque nous avions prévu que 20 % de ces 5 milliards pouvaient être reportés sur 2012, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Rien de tout cela n’est prévu dans le budget !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

et le Crédit Agricole, restent des partenaires pour les opérations sur lesquelles elles s’étaient déjà engagées, même si elles le font dans des proportions moindres que par le passé.

Cette capacité de financement existe donc aujourd'hui.

M. Alain Le Vern s’exclame

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

La banque des collectivités territoriales, qui devrait fonctionner grâce à la mise en commun de certaines activités de La Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations, sera opérationnelle, au mieux, à la fin du premier semestre, voire au début du second semestre, 2012. La période précédant la création de la banque risque d’être tendue. C’est la raison pour laquelle nous devrons étudier, avec la Caisse des dépôts et consignations notamment, les moyens de faire le pont entre le début de 2012 et la création de la banque, afin que le financement des collectivités soit garanti pour toute la durée de l’année 2012. Je pense que cela ne devrait pas poser trop de problèmes.

M. Alain Le Vern s’exclame de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je tiens à remercier le ministre pour sa réponse et pour les précisions qu’il a apportées. J’indique aussi que ce qui vient de nous être dit mérite d’être diffusé auprès des élus des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation particulière des départements mis en difficulté par les réformes fiscales menées par le Gouvernement, au rang desquelles figure la suppression de la taxe professionnelle engagée en 2010.

Leurs conséquences néfastes se font durement sentir pour les départements en grande difficulté, en raison de l’accentuation de l’effet de ciseaux qui pèse sur leurs budgets : les dépenses sociales sous-compensées ne cessent d’augmenter alors que, dans le même temps, les compensations stagnent.

Les esquisses de réponse apportées par le Gouvernement via le développement d’une péréquation horizontale, en particulier pour les DMTO, restent largement insuffisantes. La réforme doit être globale et porter sur le financement complet des allocations individuelles de solidarité, notamment la prise en charge de la dépendance, à laquelle le Gouvernement a renoncé l’été dernier.

Votre réforme fiscale a porté en particulier un coup d’arrêt aux efforts des départements, qui parviennent par leurs actions quotidiennes à maintenir un dynamisme économique et démographique sur leurs territoires, comme c’est le cas de la Seine-et-Marne. Ces départements ont été privés des fruits de leurs efforts et de toute marge de manœuvre fiscale leur permettant une évolution de leur budget. Or leurs charges, elles, continuent à courir.

Auparavant, le département que j’ai l’honneur de représenter bénéficiait d’une augmentation de ses bases d’imposition, qui accompagnaient mécaniquement sa croissance. Ce qui était vrai hier pour la taxe d’habitation, la taxe professionnelle ou la taxe sur le foncier bâti ne l’est plus aujourd’hui, après votre malheureuse réforme.

Désormais, les recettes attribuées aux départements pour compenser leurs pertes ont des montants figés dans le temps, tandis que les nouvelles parts de fiscalité indirectes transférées sont très peu dynamiques, voire en régression. Ainsi, en Seine-et-Marne, la part de taxe sur les conventions d’assurances transférée a diminué de 700 000 euros, soit une baisse de 1, 5 %, entre 2010 et 2011.

Enfin, les départements ont vu leur autonomie fiscale fortement amputée, puisqu’ils ne disposent dorénavant de la liberté de voter que sur 16 % de leurs recettes, contre 35 % auparavant. De cette façon, c’est tout l’accompagnement de cette croissance, l’élan de cette dynamique, que votre réforme casse net.

Aussi, monsieur le ministre, je vous le demande : quelles mesures urgentes entendez-vous prendre pour que tous les départements retrouvent les ressources dynamiques qui permettront le développement du beau potentiel démographique et économique qui est le leur ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous sommes, il faut en être bien conscient, dans une période de crise. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous sommes dans une situation qui est particulièrement délicate, aussi bien pour les collectivités et l’État que pour les familles. Vous devriez vous en rendre compte. Il n’est pas possible d’apporter des réponses par un claquement de doigts, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Commencez par baisser les taxes sur l’essence !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… au travers de dépenses supplémentaires. Aujourd'hui, la réalité nous impose de regarder comment les dépenses consenties peuvent permettre aux collectivités, notamment, de faire face à leurs projets, leurs programmes et, naturellement, à la nécessaire solidarité entre elles.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur le sénateur Eblé, vous avez raison de dire que les budgets des départements ont subi un effet de ciseaux, qui s’est singulièrement fait sentir en 2009, occasionnant une perte de l’ordre de 2 milliards d’euros en ce qui concerne les DMTO, ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure. Mais ces 2 milliards d’euros ont été compensés en 2010 ! En 2011, je tiens à le dire, les recettes perçues au titre des DMTO dépasseront le montant le plus élevé ayant été atteint jusqu’à présent, qui était de 7, 4 milliards d’euros. En effet, plus de 8 milliards d’euros seront perçus en 2012 par les départements au titre de l’année 2011.

Par conséquent, si vous nous expliquez qu’il y a des moments de tension budgétaire, caractérisés par des effets de ciseaux, reconnaissez aussi que le montant perçu au titre des DMTO augmente de 3 milliards d’euros en deux ans. Je crois que personne ne peut nier cette réalité.

Le sujet du RSA a été évoqué tout à l'heure, notamment par Mme Bouchoux. Plusieurs évaluations ont été faites. Dans le budget de 2012, un bilan global a été tiré. Ce sont 100 millions d’euros supplémentaires qui ont ainsi été dégagés en faveur du RSA dans le budget 2012 : 55 millions d’euros serviront à combler le déficit constitué par ce qui n’avait pas été payé les années précédentes au titre du RSA, et 45 millions d’euros constitueront une part supplémentaire pour les années qui viennent. Voilà la réalité des chiffres, qui va au-delà des propos que je viens d’entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Les départements connaissent la situation de crise, puisqu’ils sont malheureusement l’un des derniers remparts pour lui faire face et permettre la mise en œuvre de nos politiques sociales.

Je ne trouve pas dans votre réponse d’éléments revenant sur mes remarques concernant la situation particulière des départements en croissance. En effet, la péréquation que vous avez mise en œuvre ne consiste pas, contrairement à ce que faisait avec intelligence et générosité le bon Robin des Bois, à prendre aux territoires riches pour donner aux territoires pauvres. Vous, vous prenez aux territoires en croissance pour donner aux pauvres ! Cela relève d’une logique antiéconomique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

M. Vincent Eblé. … qui détruit la vitalité des territoires et l’intérêt de ces derniers à accompagner les dynamiques économiques et démographiques.

M. Alain Gournac proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

J’ajoute que la conjoncture nous inquiète particulièrement.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

En effet, les collectivités ont su maintenir une situation financière relativement saine. Leur besoin de financement ne devrait atteindre que 0, 2 % du PIB en 2011, contre près de 4, 6 % pour l’État, soit vingt-trois fois plus. Leur part dans la dette publique est restée relativement stable au cours du quinquennat, avoisinant 10 % du montant total

M. Jackie Pierre marque son impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

La perte du triple A, dont la politique de votre gouvernement est largement responsable, aura des conséquences en cascade pour l’ensemble des collectivités qui jusqu’alors étaient bien notées. Elles auront à pâtir de votre mauvaise gestion des comptes publics : voilà la réalité !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le ministre, je souhaite évoquer la question de la durée des emprunts des collectivités locales. Les financements d’urgence venant d’être effectués, la Caisse des dépôts et consignations va organiser son association avec La Banque postale. Vous avez d’ailleurs laissé entendre que cela ne se ferait pas avant cet été, ce qui n’est pas pour nous rassurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Au-delà de la confirmation de cette échéance, les collectivités continuent de s’interroger sur les conditions de financement, notamment la durée des prêts, qui leur seront offertes. En effet, dès lors qu’elles réalisent des investissements structurants, d’une durée de vie relativement longue, il importe de faire converger l’amortissement financier et l’amortissement technique pour leur permettre de conserver leurs marges de manœuvre et de continuer à investir.

Les nouvelles conditions d’emprunt devront en effet être intégrées dans les budgets locaux. À des durées, hier, de vingt années voire davantage, se sont progressivement et rapidement substituées, depuis le second semestre 2011, des durées de dix ou quinze ans au maximum, auxquelles s’est malheureusement ajouté le renchérissement du coût du crédit, que l’on doit notamment au relèvement des marges bancaires constaté depuis 2008, qui s’est bien sûr renforcé en 2011.

Le risque est de voir une progression de plus de 30 % des annuités de dette des collectivités territoriales, ce qui réduirait d’autant, vous l’avez bien compris, leur capacité à investir dans des domaines où pourtant elles réalisent des équipements importants, avec une durée de vie relativement longue, à l’exemple des travaux de voirie ou de réseaux d’assainissement, qui devraient pouvoir s’amortir sur trente, quarante voire cinquante ans.

Il faut en effet veiller, pour des raisons évidentes d’équité, à ne pas faire porter la charge de ce type d’investissement sur une seule génération, voire sur une durée plus courte encore. Continuer à réaliser de tels investissements va donc devenir plus difficile pour les collectivités.

Par ailleurs, les produits de très court terme sont également concernés par l’évolution de l’offre bancaire. Depuis la fin de l’année 2011, le coût des lignes de trésorerie a fortement augmenté, et les volumes proposés par les banques ont, dans le même temps, diminué de manière significative. De nombreux établissements financiers ont d'ores et déjà annoncé qu’ils ne proposeraient plus de lignes de trésorerie aux collectivités territoriales, ou qu’ils en réduiraient le montant. Or la ligne de trésorerie est un outil essentiel, qui permet aux collectivités de mener une gestion en trésorerie dite « zéro », et donc d’amortir leurs charges financières.

Monsieur le ministre, ma question sera double. D’une part, quelles décisions le Gouvernement compte-t-il prendre et mettre en œuvre pour permettre aux collectivités de maintenir un niveau d’investissement qui doit rester élevé, en ayant recours au financement bancaire ? D’autre part, que compte-t-il faire pour garantir le bon fonctionnement de l’économie locale, en permettant aux collectivités d’honorer les créances de leurs fournisseurs dans les délais réglementaires ?

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Vous savez que, à la fin de l’année 2011, deux décisions ont été prises pour permettre aux collectivités d’honorer leurs emprunts. La première consiste en la création d’une banque des collectivités territoriales. La seconde est la mise à disposition des collectivités d’un montant de 5 milliards d’euros par la Caisse des dépôts et consignations, versés soit directement, soit via les banques traditionnelles partenaires des collectivités. C’est la réponse au besoin de liquidité des collectivités.

Le deuxième sujet que vous abordez, la durée de remboursement des emprunts, est une vraie question. Le problème se pose notamment du fait des règles prudentielles mises en place par Bâle III, qui s’imposeront aux banques, et dont elles ont anticipé la mise en place. Dans ce contexte, Dexia nous a posé un gros problème. En effet, Dexia empruntait à court terme et prêtait aux collectivités à très long terme. En globalisant des emprunts de très court terme contractés à des taux favorables, elle permettait ensuite aux collectivités d’emprunter sur des durées très longues. Cela n’est aujourd'hui plus possible, du fait de l’exigence de mise en place de règles prudentielles.

Globalement, un changement structurel va donc s’opérer. Je tiens à vous livrer quelques réflexions sur les amortissements des investissements réalisés par les collectivités. Je n’oublie évidemment pas que 70 % des investissements publics sont le fait des collectivités.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Jusqu’à présent, de façon générale, les investissements étaient amortis sur vingt voire vingt-cinq ans.

À mon sens, il est aujourd'hui nécessaire d’examiner plus en détail les durées d’amortissement. Par exemple, dans le secteur de la construction et du bâtiment, certaines opérations d’infrastructure seront amorties en dix ou quinze ans, tandis que d’autres ne le seront qu’en vingt ou vingt-cinq ans. Je pense donc qu’il faudra procéder à des évaluations plus fines.

J’en viens à la question du financement. Les banques qui ont accès au marché bancaire mondial n’obtiennent évidemment pas de prêts à quinze ans ou vingt ans. Elles sont par conséquent obligées de continuer à emprunter à court ou à moyen terme.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Et elles ne sont pas toujours autorisées à globaliser leurs emprunts, notamment en raison des règles prudentielles que j’ai évoquées.

Aussi, la durée « normale » se situera de plus en plus autour de quinze ans. Au-delà, il faudra se tourner vers la Banque européenne d’investissement, mais pour des durées qui atteindront au maximum vingt ans, et non trente ou quarante ans comme cela a pu être le cas par le passé.

Voilà la réalité ! Ce ne sont pas des oukases édictés par le Gouvernement ou le Parlement qui y changeront quoi que ce soit. Les durées moyennes d’emprunt vont diminuer ; c’est peut-être regrettable, mais c’est ainsi. Nous le constatons déjà sur le terrain. C’est ce qui résulte des règles mises en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le ministre, votre réponse me convient, sauf lorsque vous parlez d’« oukases ». Car il s’agit, me semble-t-il, non pas d’oukases, mais tout simplement de règles de bon sens !

Certaines opérations réalisées dans le cadre de délégations de service public, de concessions ou de partenariats public-privé sont plus coûteuses parce les biens peuvent être amortis sur une longue période.

Il faudra donc continuer à réfléchir à la question, en France comme au sein de l’Union européenne, afin d’y répondre collectivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées à la fiscalité des collectivités territoriales.

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président du Sénat a communiqué au Sénat, par courrier en date du 17 janvier 2012, une décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2011-209 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, présentée par Mme Évelyne Didier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 745 rectifié [2010-2011], texte de la commission n° 72, rapport n° 71)

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Évelyne Didier, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte législatif que je vous propose d’examiner aujourd’hui vise à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Il était grand temps que nous nous emparions du sujet, tant cette question comporte de risques en matière à la fois financière et pénale pour l’ensemble de nos collectivités, particulièrement pour les communes, et en termes de sécurité pour nos concitoyens.

De nombreux maires de mon département m’ont alertée sur une difficulté commune à toutes les collectivités possédant des ouvrages de rétablissement sur leur territoire. Lors de la construction d’une nouvelle infrastructure, par exemple une voie ferrée, une voie navigable ou une autoroute, des ouvrages d’art sont construits par le gestionnaire – il peut s’agir de Réseau ferré de France, RFF, ou de Voies navigables de France, VNF – afin de rétablir la continuité des voies communales ou, le cas échéant, départementales lorsqu’elles ont été interrompues. Se pose, dès lors, la question de la répartition des coûts d’entretien, de réfection, voire de renouvellement de ces ouvrages et, par là même, de la responsabilité juridique concernant lesdits ouvrages.

La complexité du sujet, la méconnaissance des risques, la dérive constatée en matière de prise en charge des ouvrages nous donnent l’ardente obligation de traiter le sujet et de revenir à un principe simple, juste et de bon sens. Ce principe est le suivant : celui qui décide de construire une nouvelle voie en assume les conséquences.

Or, aujourd’hui, en l’absence de dispositions législatives et réglementaires, c’est la jurisprudence qui s’applique : les ouvrages d’art sont des éléments constitutifs des voies dont ils assurent la continuité ; la collectivité propriétaire de la voie portée est donc entièrement responsable de l’ouvrage, c’est-à-dire qu’elle doit en assurer l’entretien, la réfection et le renouvellement, et garantir la sécurité à l’égard des tiers. Ainsi, ceux qui décident de la création d’une ligne, laquelle viendrait à couper des voies existantes, laisseraient ensuite les ouvrages de rétablissement à la charge des collectivités, qui, elles, n’ont rien demandé. J’en ai besoin, je le construis, mais je vous l’abandonne ensuite...

À Pierre-la-Treiche, en Meurthe-et-Moselle, l’État a construit un pont lors de travaux concernant la canalisation de la Moselle dans les années soixante-dix : un édifice hors de proportion pour une telle commune et, surtout, non adapté au trafic auquel il devait servir au regard de la voie ainsi rétablie. Le pont de rétablissement correspond bien aux critères nécessaires à VNF et au gabarit des bateaux. Aussi, les coûts y afférant ne sont pas comparables à ceux d’un simple trafic routier. Ce sont donc bien les besoins du gestionnaire de l’infrastructure nouvelle qui sont pris en compte, bien plus que ceux des collectivités ; pourquoi serait-ce alors à elles de payer ?

Il est vraiment assez incroyable que l’on essaie aujourd’hui de poser comme principe de base un principe d’irresponsabilité, car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Le poids financier qui en résulte est tel que beaucoup de communes ne peuvent y faire face de manière satisfaisante. C’est une bombe à retardement, un véritable problème de sécurité publique.

Nous avons donc le devoir d’instaurer par la loi une règle précise et équitable qui définisse les obligations de chaque partie et, surtout, qui puisse sécuriser les communes à tout point de vue.

Si l’audition des différentes parties et le travail de réflexion que nous menons depuis trois ans sur cette question nous ont montré qu’il n’était pas souhaitable de remettre en cause la domanialité et le droit de propriété des collectivités sur ces ouvrages, il est cependant tout à fait possible, par ailleurs, de rechercher une répartition des charges plus juste et plus équitable.

La preuve en est qu’un tel modèle existe déjà puisque les sociétés d’autoroutes signaient des traités de concession leur imposant de prendre en charge les ouvrages de rétablissement comme si elles en étaient les maîtres d’ouvrage, ce qu’elles ne sont pas juridiquement. Ces traités ont été établis au regard de la sécurité des usagers des autoroutes. La sécurité des usagers de toute autre liaison de communication me semble être d’une importance équivalente.

Toutefois, dans un contexte de désengagement de l’État, où s’accentuent les obligations de rentabilité, ce qui existait auparavant n’est plus de mise et la jurisprudence en la matière achève d’enterrer le bon sens.

À Vandières, en Meurthe-et-Moselle, par exemple, passe maintenant une ligne à grande vitesse. Faisant fi des traités de concession qui régissaient jusqu’à présent les relations entre la SNCF et les collectivités, et qui lui imposaient l’entretien des ouvrages d’art qu’il construisait, RFF se garde bien désormais de se référer à ces traités et applique systématiquement la jurisprudence.

Certes, des conventions sont encore parfois signées entre la collectivité et le gestionnaire de la nouvelle infrastructure pour chercher à répondre à la question des frais d’entretien. Cependant, dans la plupart des cas, ces concessions sont insatisfaisantes pour les communes, car elles ne prévoient qu’un pourcentage libératoire de 8 %, c'est-à-dire insignifiant au regard des dépenses qu’un tel ouvrage entraîne dans le temps. Le conseil général de Meurthe-et-Moselle a calculé qu’un versement libératoire ne devenait significatif qu’à hauteur d’un taux compris entre 20 % et 50 % du coût de la construction de l’ouvrage. Les collectivités sont ainsi incitées à négocier des conventions qui leur sont défavorables, tout en sachant qu’en cas de désaccord le juge administratif devra trancher dans un contexte de jurisprudence tout aussi défavorable.

Décidément, nous ne pouvons en rester là et laisser dériver la jurisprudence, qui va aujourd’hui – écoutez bien, mes chers collègues – jusqu’à remettre en question le principe même de la convention. Un arrêté de la cour d’appel de Nancy en date du 17 juin 2010 a récemment confirmé, bien sûr, la règle de propriété des ouvrages et donc de prise en charge par les collectivités, mais, en plus, il a remis en cause les contrats administratifs à durée indéterminée, qui peuvent faire l’objet à tout moment d’une résiliation unilatérale sans qu’aucune des parties ne puisse prétendre à indemnisation. On peut craindre, dorénavant, que cette décision ne se généralise et que ne soient progressivement dénoncées toutes les conventions existantes, au profit de la jurisprudence.

Si nous laissons en l’état le cadre qui entoure la prise en charge des ouvrages d’art de rétablissement des voies, nous risquons d’être confrontés à une véritable révolte des collectivités qui, afin d’éviter un impact financier démesuré, finiront par faire obstacle à tout nouveau projet d’infrastructure, fût-il d’intérêt général.

C’est pourquoi, mes chers collègues – et sans doute nombre d’entre vous se trouvent concernés par ce sujet –, je vous propose aujourd’hui d’adopter une règle des plus équitables : au gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport doit revenir la responsabilité de la structure de l’ouvrage d’art, y compris l’étanchéité ; au propriétaire de la voie rétablie doit revenir la responsabilité de la chaussée et des trottoirs. Il s’agit bien, ici, d’affirmer un principe de neutralité financière, sans distinction de taille, de moyens humains ou financiers. C’est le principe du bon sens.

De toute façon, que ce soit l’État, RFF ou les collectivités qui paient, il s’agit d’une dépense publique. N’est-il pas préférable qu’elle soit prise en charge par une entité qui a toutes les compétences matérielles et le savoir-faire ? On ne joue pas avec la sécurité !

Par ailleurs, le texte prévoit d’instaurer l’obligation pour les parties de signer une convention, ce qui règle, d’une part, les questions posées en sus par chaque cas particulier et, d’autre part, le problème d’information des collectivités sur leurs propres obligations.

Enfin, il convenait également de s’attacher aux ouvrages de rétablissement existants. Ceux qui s’inquiètent aujourd’hui sont ceux qui ont des ponts sur le territoire de leur commune. C’est pourquoi le texte prévoit la possibilité pour l’une ou l’autre des parties de dénoncer les conventions existantes, même si ce n’est pas une obligation, et d’en conclure de nouvelles sur les bases que je viens d’énoncer. De même, pour les ouvrages ne bénéficiant d’aucune convention et en cas de litige, les parties auront trois ans pour signer un tel document.

En conclusion, je dirais que la question de la répartition des responsabilités et des charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies nous concerne tous.

Actuellement, la balance penche clairement du côté des communes ; je vous propose de rééquilibrer cette charge plus justement, en tenant compte des compétences techniques de chacune des parties.

Déjà, l’Association des maires de France, à l’occasion du bureau du 29 septembre dernier, et l’Assemblée des départements de France, notamment lors d’une commission en juin 2010, ont donné leur accord sur cette proposition de loi. Elles nous ont apporté leur entier soutien tout au long de notre travail de réflexion, et je souhaite, ici, les en remercier. J’en profite pour remercier également l’ancien ministre Dominique Bussereau qui, à ma demande, avait accepté de mettre en place un groupe de travail au ministère des transports, ainsi que ses services – ce sont les vôtres aujourd’hui, monsieur le ministre –, qui tout au long de l’élaboration de ce texte nous ont apporté un éclairage précieux sur un dossier complexe.

Je remercie, enfin, les services du conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui m’ont apporté des informations très utiles, ainsi que mon collègue Francis Grignon, qui a participé à tous ces travaux.

Mes chers collègues, la commission des lois, avec raison, a adopté cette proposition de loi à l’unanimité. J’espère que le vote de cet après-midi confirmera ce choix. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons été sollicités à maintes reprises par des élus locaux apprenant qu’ils devaient assumer des charges d’entretien ou de renouvellement de ponts ou de tunnels situés sur leur territoire. Or, la plupart du temps, ces élus ignorent les obligations qui leur incombent et, qui plus est, ne disposent pas toujours des ressources suffisantes pour y faire face.

Force est de constater que ces situations deviennent de plus en plus nombreuses. Il est donc grand temps d’y remédier.

Rappelons que l’absence de règles juridiques précises en la matière a conduit le juge administratif à développer une jurisprudence ancienne et constante. Selon cette jurisprudence, les ouvrages d’art de rétablissement des voies appartiennent au domaine public routier des collectivités, car ils assurent la continuité de la voirie gérée par ces dernières.

Les conséquences de cette jurisprudence sont très lourdes pour les collectivités territoriales. En effet, ces dernières doivent assurer la surveillance, l’entretien, la rénovation et l’éventuel renouvellement des ouvrages d’art situés sur leur territoire.

Ces obligations s’imposent aux collectivités alors même que les ouvrages d’art ont été décidés et construits par une autre personne morale que la collectivité, le plus souvent par l’État. Ces ouvrages ne font l’objet d’aucune décision officielle de remise de l’ouvrage à la collectivité. Ces obligations représentent pourtant un enjeu très important pour les collectivités.

Tout d’abord, le poids financier qui résulte de l’application des principes jurisprudentiels n’est pas négligeable. Les charges liées au renouvellement s’élèvent souvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire à plusieurs centaines de milliers d’euros.

D’après un courrier qui m’a été adressé par l’Association des maires de France, une commune du Calvados, de 312 habitants, a été sollicitée par Réseau ferré de France pour effectuer des travaux de renouvellement d’un pont situé sur son territoire. Les coûts sont estimés à 61 000 euros TTC, ce qui représente 66 % des dépenses d’équipement annuelles de cette petite commune. Celle-ci s’est évidemment trouvée dans l’impossibilité de faire face à cette charge supplémentaire.

Cet exemple illustre, parmi bien d’autres, les difficultés financières que peuvent rencontrer les collectivités lorsqu’elles sont confrontées à de telles situations.

Par ailleurs, les élus n’ont pas une vision claire de leurs obligations d’entretien et de leurs responsabilités. Souvent, ils se croient dispensés de l’entretien ou de la gestion de ces ouvrages, ce qui est potentiellement lourd de conséquences, notamment en matière pénale, en cas d’accident imputé à cette inaction.

Vous le comprenez bien, mes chers collègues, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. C’est pourquoi la proposition de loi déposée par notre collègue Evelyne Didier permet de sécuriser les collectivités territoriales en définissant un principe, clair et général. Selon ce principe, il reviendrait, d’une part, aux collectivités territoriales d’assurer la prise en charge et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en garantissent la continuité et, d’autre part, aux gestionnaires de l’infrastructure de transport nouvelle d’assurer la prise en charge de la surveillance, de l’entretien et de la reconstruction de la structure de l’ouvrage, ainsi que de son étanchéité.

Ce principe s’appliquerait aux futurs ouvrages de rétablissement des voies. Son caractère général permettrait d’englober la diversité des situations existantes.

Afin de prendre en compte la particularité de chaque ouvrage d’art, une convention serait signée entre les parties pour définir les conditions pratiques d’application de ce principe général.

La question de la situation des ouvrages d’art existants se pose différemment. L’objectif de la présente proposition de loi n’est pas de remettre en cause les conventions qui ont parfois été signées par le passé. C’est pourquoi ces conventions existantes continueront de s’appliquer. Ce n’est qu’en cas de litige et de dénonciation de ces conventions que le nouveau régime prévu par la présente proposition de loi s’appliquerait.

Il en serait de même s’agissant des situations pour lesquelles aucune convention n’a été signée. En cas de litige, une convention devrait être signée sur la base de ce principe général.

La commission des lois, qui a adopté à l’unanimité la proposition de loi, a précisé certaines dispositions.

Tout d’abord, si aucun délai de signature de la convention n’a été fixé pour les futurs ouvrages d’art, elle a estimé qu’un délai de trois ans, à compter de la saisine du juge, était nécessaire pour signer une convention, dans le cadre des ouvrages d’art déjà existants.

Ensuite, l’application du principe général de répartition des charges et des responsabilités pourrait inciter les gestionnaires des nouvelles infrastructures de transport à réaliser des ouvrages d’art a minima ou au rabais.

Pour protéger nos collectivités contre ce risque, nous avons donc adopté le principe selon lequel les règles de construction des ouvrages d’art seraient définies dès les dossiers préalables aux déclarations d’utilité publique. Ces règles tiendraient compte de l’usage ultérieur de ces ouvrages ainsi que des règles de construction en vigueur.

Enfin, nous avons supprimé le principe d’une compensation financière. La rédaction de cette disposition pouvait conduire à un transfert de compétences de gestion de la voirie entre les collectivités et les gestionnaires des nouvelles infrastructures de transports.

Cette possibilité nous est apparue contraire aux principes mêmes de la décentralisation, selon lesquels les collectivités assument la gestion de leur voirie.

Ainsi, mes chers collègues, cette proposition de loi a pour objet de sécuriser les collectivités territoriales, afin de mettre fin à une situation jurisprudentielle défavorable et dangereuse pour elles. L’édiction d’un principe général et clair devrait permettre de mettre fin à des situations injustes pour les élus locaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée examine aujourd’hui une proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Le rétablissement de voies préexistantes par des ouvrages d’art donne lieu à des situations différentes lors de la réalisation de nouvelles infrastructures de transports en fonction du maître d’ouvrage. En effet, la situation dépend de l’acceptation ou du refus par le maître d’ouvrage de prendre en charge une partie des coûts supplémentaires que représente, pour la collectivité dont la voie est rétablie, l’incorporation dans son domaine public d’un ouvrage d’art.

Face à ce double constat d’inégalité entre collectivités et d’insécurité juridique, mon prédécesseur, Dominique Bussereau, avait mis en place, dès 2009, un groupe de travail chargé d’élaborer des pistes de réflexion permettant de dégager des principes de gestion des ouvrages d’art.

Ce groupe était composé de représentants de maîtres d’ouvrage, tels que l’État, RFF et VNF, ainsi que de représentants des associations des collectivités locales, dont l’Association des départements de France, l’ADF. Je sais la part active que Mme Didier, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, ainsi que M. Grignon y ont prise.

Ce groupe de travail a été confronté à la complexité et à la diversité des situations locales. Néanmoins, les travaux qu’il a conduits ont permis d’aboutir à une convergence de vues, tant sur le diagnostic établi que sur la nécessité d’une disposition législative. C’est pourquoi je me félicite de l’initiative parlementaire qui nous réunit aujourd’hui.

Ce groupe de travail a dégagé des préconisations dont nous débattrons tout à l’heure. En effet, la proposition de loi qui est examinée aujourd’hui ne reprend pas l’ensemble des principes généraux qui sous-tendaient les réflexions de ce groupe.

Votre proposition de loi, comme les conclusions du groupe de travail, ne remettent pas en cause le principe de propriété dégagé par la jurisprudence : la collectivité reste propriétaire de l’ouvrage d’art de rétablissement, ce dernier constituant un « élément de la voie dont il relie les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ».

De même, le renvoi au cadre conventionnel pour fixer les modalités de répartition des charges entre la personne publique, propriétaire de l’ouvrage, et le maître d’ouvrage de la nouvelle infrastructure de transport constitue un élément de consensus.

Toutefois, la question des ouvrages d’art existants demeure posée. En effet, si la présente proposition de loi rappelle que les dispositions des conventions existantes continuent de s’appliquer, elle impose que, en cas de dénonciation d’une convention existante, en l’absence de celle-ci ou encore en cas de litige, une nouvelle convention soit conclue sur la base des principes de répartition établis dans son article 1er.

D’après les dispositions de cet article, la convention répartit les charges de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement selon le principe suivant : au gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport la responsabilité de la structure de l’ouvrage, y compris l’étanchéité ; au propriétaire de la voie rétablie la responsabilité de la chaussée et des trottoirs. Je souhaite insister sur ce point.

Une telle disposition pourrait avoir un impact non négligeable pour les grands maîtres d’ouvrage que sont l’État et certains de ses établissements publics, RFF ou VNF, par exemple, mais aussi pour les collectivités locales.

La dénonciation de conventions existantes et la conclusion de nouvelles conventions, selon les principes établis dans la proposition de loi pour tous les ouvrages d’art existants, pourraient dès lors engendrer des dépenses supplémentaires de plusieurs dizaines de millions d’euros par an, tous gestionnaires d’infrastructures confondus, c’est-à-dire aussi bien l’État et ses établissements publics que les collectivités locales.

Cela serait bien entendu tout à fait hors de portée pour chacun d’entre eux. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cette disposition.

Bien que le Gouvernement soit favorable au principe général de votre proposition de loi, madame Didier, il estime que son contenu nécessite des ajustements.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient certains des amendements qui vous sont soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours de la discussion.

Sans préjuger des améliorations qui seront apportées à ce texte par la Haute Assemblée, je souhaite avant tout que nos débats s’attachent à dégager la plus grande équité possible dans le partage des responsabilités et des charges financières relatives aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite d’abord remercier de leur initiative nos collègues auteurs de cette proposition de loi qui nous permet aujourd’hui, derrière une certaine aridité technique, d’évoquer un sujet qui intéresse de nombreuses collectivités territoriales.

La question de la répartition des charges et des responsabilités en matière d’ouvrages d’art et de rétablissement des voies est aujourd’hui essentielle au regard de l’aménagement du territoire. Et, à l’évidence, le travail qui a été mené par un groupe de collègues réunis autour de M. Bussereau a porté ses fruits.

Pour autant, ce qui devrait être clair sur le plan des principes l’est beaucoup moins dans les faits. Je songe en particulier à un certain nombre de petites communes, confrontées à leur obligation de surveillance et d’entretien des ouvrages d’art dont elles sont propriétaires. Bien souvent pourtant, elles ne peuvent, hélas, en assumer la charge financière en raison de coûts d’entretien et de réparation trop élevés pour leur budget. Il n’est pas rare de voir des petites communes renoncer à l’entretien de ponts pourtant dangereux pour les usagers. Un autre problème se pose alors, celui de la responsabilité pénale du maire.

Il n’est pas rare non plus que des collectivités ignorent même qu’elles sont propriétaires de tel ou tel ouvrage, par le jeu des transferts de compétences.

Le texte qui nous est soumis, bien calibré, apporte une réponse satisfaisante à des problèmes que nous ne voulons plus voir perdurer. Il était temps que le législateur s’empare d’une question qui est essentielle pour un certain nombre de nos collègues élus.

À mon sens, plusieurs facteurs expliquent une évolution qui est progressivement devenue défavorable.

D’abord, l’approfondissement de la décentralisation a conduit à des transferts de compétences et, concomitamment de charges : certaines collectivités se sont ainsi vu transférer la responsabilité de gestion d’ouvrages sans pour autant disposer des moyens correspondants.

Par ailleurs, si donc ces transferts de compétences et de charges n’ont pas été accompagnés des moyens financiers, le gel de la dotation globale de fonctionnement n’arrange rien à l’affaire. Un certain nombre de communes rurales n’ont plus les moyens de faire face à leur mission de service public d’entretien de ces ouvrages. Comment d’ailleurs le pourraient-elles compte tenu des responsabilités qui sont les leurs ?

Ce débat est aussi l’occasion d’évoquer une problématique plus large dans laquelle s’inscrit le présent texte : le devenir de l’ingénierie publique. Notre pays pouvait s’honorer d’une grande tradition en matière de prestations de services réalisées par l’État au profit des collectivités. Le maillage des directions départementales de l’équipement et des directions départementales de l’agriculture était à ce titre assez exemplaire. Mais tout cela a, en définitive, largement volé en éclats.

L’introduction du droit de la concurrence a bouleversé le schéma, obligeant l’État à recentrer ses interventions sur des missions d’expertise.

Enfin, l’ouragan de la révision générale des politiques publiques n’a rien arrangé.

Aujourd'hui, on assiste au spectacle d’un État désargenté, mais qui, pour autant, en matière de réglementation, se comporte de façon presque ubuesque.

Permettez-moi d’évoquer un cas très particulier, que je présenterai d’une manière détachée, sans pour autant me départir d’une certaine gravité.

Dans une vallée pyrénéenne que je ne citerai pas, car vous auriez tôt fait d’identifier le département en question, se trouve un pont qui connaît quelques défaillances et qu’il faut réparer. Les élus locaux s’engagent dans cette voie. Les services de l’État leur disent qu’il faut une étude préalable et proposent un bureau d’études. La conclusion de ce bureau d’études, validée par les services de l’État, est qu’il faut déplacer le pont de cinq mètres en aval, car des ajoncs facilitent, en le dissimulant, le passage des loutres.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Ce bureau préconise également de relever le tablier du pont de un mètre afin de permettre le passage des chauves-souris.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Lorsque les services de l’État acceptent de telles absurdités, qui, soit dit en passant, enchérissent le coût des travaux de un million d'euros, je dis que la République est en danger, car elle n’est plus respectée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Alors, monsieur le ministre, à défaut d’argent, donnez au moins quelques orientations de manière que ce type de situation ne se reproduise plus sur le territoire national. Vous pouvez, par les fonctions qui sont les vôtres, faire triompher un minimum de bon sens !

Cela étant dit, le groupe du RDSE apportera bien entendu son soutien à cette initiative bienvenue.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les ouvrages d’art méritent une attention particulière, pour tout à la fois garantir la sécurité des usagers et veiller à la conservation à long terme des structures.

De fait, l’entretien des ouvrages d’art rétablissant les voies de communication coupées par des infrastructures de transports nouvelles représente un enjeu financier important pour les collectivités territoriales.

L’ouvrage d’art étant incorporé dans le domaine public routier de la collectivité dont il supporte la voie, la collectivité territoriale est responsable de la surveillance, de l’entretien, de la rénovation et du renouvellement éventuel de l’ouvrage d’art.

La collectivité est également tenue de prendre les mesures nécessaires au maintien de ces ouvrages.

Au regard de cette situation, la question de la répartition des charges liées aux ouvrages d’art de rétablissement des voies a été étudiée, comme cela a déjà été indiqué, par un groupe de travail mis en place par M. Dominique Bussereau lorsqu’il était secrétaire d'État aux transports. Mme Évelyne Didier et moi-même avons travaillé avec les administrations centrales, les maires de France, les départements, VNF, RFF, etc.

À la suite de cette réflexion menée au sein du groupe de travail, j’ai souhaité, dès le mois de mai 2011, déposer une proposition de loi qui permette de clarifier et de rendre plus équitable la répartition des charges qu’impliquent l’entretien des ouvrages d’art et le rétablissement des voies de communication coupées par des infrastructures de transports nouvelles.

Mme Évelyne Didier a fait de même de son côté et c’est elle qui a la chance de voir son texte examiné en séance publique. Le texte dont nous débattons aujourd’hui est donc celui de notre collègue, amendé par la commission des lois du Sénat.

Dans ma proposition de loi, je rappelais que, en vertu du principe de continuité du service public et de la protection de la domanialité publique, la jurisprudence considère que les collectivités territoriales sont nécessairement propriétaires des ouvrages de rétablissement. Par conséquent, la maîtrise d’ouvrage et les obligations d’entretien et de renouvellement de la structure de l’ouvrage d’art incombent aux collectivités, au même titre que pour la chaussée.

Faute de moyens financiers suffisants, un certain nombre de collectivités se voient obligées de limiter le service rendu par leur voie ou d’en interdire l’utilisation pour des raisons de sécurité.

Ce phénomène devrait s’amplifier avec le vieillissement des installations dans les années à venir. Je pense en particulier aux ponts sur les canaux Freycinet.

Cette répartition des charges, au demeurant très favorable aux maîtres d’ouvrage constructeurs des infrastructures de transports nouvelles, fait l’objet d’une application systématique par les juridictions. En effet, les maîtres d’ouvrage ne proposent pas toujours de convention aux collectivités responsables de l’utilisation de ces infrastructures.

De ce fait, il arrive que des petites collectivités, par manque d’information ou, comme cela a pu arriver dans le passé, par manque de transparence des constructeurs, soient obligées d’engager des frais excédant ce qu’il leur est possible de financer sur leur budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

En effet, c’est aux collectivités qu’incombent l’obligation d’entretien et de renouvellement de la structure de l’ouvrage d’art, au même titre que la chaussée.

Le poids financier qui résulte de l’application de ces principes jurisprudentiels est important : le coût d’un ouvrage de rétablissement de voies « standard » est estimé entre 600 000 euros et 1 million d’euros. Le coût moyen de surveillance et d’entretien annuel d’un ouvrage est évalué entre 2 000 et 4 000 euros.

L’enjeu financier global s’élève donc à plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour les charges liées à la surveillance et à l’entretien et à plusieurs centaines de millions d’euros pour les travaux de renouvellement d’un ouvrage d’art.

Les collectivités risquent donc d’être confrontées à des dépenses disproportionnées au regard de leurs ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Ainsi, la réglementation en vigueur ne correspond pas à la réalité du terrain, ce qui conduit les collectivités à se désengager de la gestion globale des ouvrages d’art. Par ailleurs, elle n’offre pas aux petites collectivités de solutions juridiques pour remédier à la situation.

Il revient donc au pouvoir législatif de poser des principes équitables pour la répartition des conséquences de la superposition physique d’ouvrages.

C’est pourquoi, à la suite des réflexions menées dans le cadre du groupe de travail, deux propositions de loi ont été déposées. Il s’agit d’imposer la négociation d’une convention.

En effet, la convention, dont le contenu et le moment auquel elle devra être signée seront déterminés par décret, semble être l’outil adapté à la diversité des situations. La proposition de loi ne remet pas en cause le principe des conventions déjà signées, qui continueront de s’appliquer sauf en cas de dénonciation. Dans ce cas, la convention devra être renégociée dans un délai de trois ans.

Ma proposition de loi différait de celle de Mme Evelyne Didier sur plusieurs points. Le texte dont nous discutons aujourd'hui n’introduit pas la notion de petites collectivités, qui permettait de justifier une prise en charge plus importante par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport. J’avais proposé à cet égard un seuil de 3 500 habitants.

En effet, dans ma proposition de loi, j’introduisais une exception pour les collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants et n’ayant pas les moyens : lorsque ces dernières sont concernées par la gestion d’un ouvrage de rétablissement, le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport devrait prendre en charge l’entretien, la gestion et la reconstruction de la structure de l’ouvrage.

J’ai donc déposé un amendement, que nous examinerons tout à l’heure, précisant que, lorsque l’ouvrage de rétablissement appartient à la voirie d’une collectivité territoriale de moins de 3 500 habitants ou est géré par un établissement public dont la population, appelée à contribuer à l’entretien de cette voirie, est inférieure à 3 500 habitants, et que cette collectivité ou cet établissement public n’a pas les moyens, le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport est réputé devoir prendre en charge la gestion, l’entretien et l’éventuel renouvellement de la structure de l’ouvrage de rétablissement, sauf s’il en est disposé autrement dans la convention.

La collectivité ou l’établissement public de coopération intercommunale conserverait cependant la charge de la chaussée ainsi que des trottoirs, équipements et accessoires de la voie, une charge qu’elle supportait avant le rétablissement par ouvrage d’art et qui est indépendante de la nature du rétablissement.

Plus généralement, ma proposition de loi posait le principe que chaque propriétaire doit assumer la charge de l’entretien et de la reconstruction de son ouvrage, même s’il n’a pas décidé de le construire, une compensation financière pouvant accompagner ce transfert de gestion.

J’avais proposé que la compensation financière due à la collectivité puisse s’effectuer en capital ou sous forme d’un engagement à participer à tout ou partie des dépenses d’entretien, de réparation ou encore de renouvellement de l’ouvrage de rétablissement. Nous examinerons tout à l’heure un amendement que j’ai déposé en ce sens et qui prévoit le versement, au moment de la remise de l’ouvrage par le gestionnaire de l’infrastructure nouvelle, d’une soulte forfaitaire lui permettant de se libérer de ses obligations financières.

Enfin, la commission a décidé de ne pas prévoir de phase de médiation du préfet en cas de litige, arguant que le représentant de l’État pouvait être porteur des intérêts du maître d’ouvrage de l’infrastructure de transport. Cette insinuation me paraît injustifiée.

Avant la saisine du juge, j’estime qu’une phase de médiation est nécessaire. L’introduction d’une médiation du préfet permettrait de donner une chance aux parties de s’entendre sur la répartition des charges avec l’aide d’un tiers extérieur et d’éviter ainsi, dans la mesure du possible, le recours au juge et l’allongement des délais induits.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a pour but de garantir la sécurité juridique et financière des collectivités territoriales en matière d’ouvrage d’art et de rétablissement des voies. Je m’associe à cet objectif, mais je souhaite simplement que quelques aménagements soient apportés au texte proposé par la commission des lois.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd’hui sur la proposition de loi de notre collègue Évelyne Didier qui vise à mieux « répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies », permettant ainsi d’apporter une réponse équilibrée à une question à laquelle se trouvent confrontées de façon récurrente de nombreuses collectivités : l’entretien de ces ouvrages d’art particuliers.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, ce texte fait suite au groupe de travail qui s’est réuni au Sénat sur ce thème et dont l’objet était de proposer des solutions juridiques et financières aux collectivités qui supportent, selon une jurisprudence ancienne du Conseil d’État, l’entretien des ouvrages d’art de rétablissement des voies. Je voudrais saluer à cette occasion nos collègues Évelyne Didier et Francis Grignon qui ont permis, grâce à un travail approfondi, de faire avancer la réflexion sur la question.

Mes chers collègues, nous connaissons tous dans nos départements respectifs des situations dans lesquelles l’entretien de tels ouvrages, qui peuvent être situés sur des voies routières, fluviales ou ferroviaires, incombe à des communes dont la taille et le budget sont si modestes qu’elles ne sont pas capables d’y faire face.

Je pense notamment à la mise à grand gabarit du canal Condé-Pommeroeul, dans le cadre du projet Seine-Nord Europe, qui a pour objectif de relier les grands ports de la mer du Nord, en faisant gagner un jour de navigation. S’inscrivant pleinement dans les objectifs du Grenelle de l’environnement, il permettra de développer le mode alternatif que constitue le transport des marchandises par voie fluviale. Pour ce projet, il est nécessaire d’intervenir sur les ouvrages d’art. Dans ce cadre, le rehaussement de certains ponts, notamment sur le territoire de petites communes rurales, revêt une importance stratégique tant pour le canal Seine-Nord Europe que pour le territoire.

Bien d’autres exemples pourraient être cités. Ma collègue Jacqueline Gourault, qui ne peut assister à notre débat car elle préside en ce moment même une réunion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, m’a demandé de mentionner l’exemple d’une commune située dans son département, le Loir-et-Cher, où, depuis deux ans, la dégradation d’un ouvrage entraîne un danger réel de chute d’éléments sur la voie ferrée. Les restrictions de circulation sont de plus en plus contraignantes et les élus redoutent, avec un certain fatalisme, la fermeture à terme de l’ouvrage.

Ces situations créent des difficultés de liaison entre les petites communes qui peuvent être préjudiciables aux échanges entre territoires. La fermeture, par mesure de précaution, d’un ouvrage d’art oblige forcément les usagers à des détours importants, ce qui complique l’organisation des services de proximité – école, enlèvement des ordures ménagères, ramassage scolaire – ainsi que l’activité professionnelle, et suscite des craintes et des mécontentements. Quant au maire, il ressent un véritable sentiment d’impuissance si sa commune n’a pas les moyens d’assumer les conséquences d’une telle situation.

Aussi une meilleure répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités et les gestionnaires d’infrastructures de transports est-elle bienvenue. C’est précisément ce qui nous est proposé aujourd’hui.

La négociation entre les collectivités propriétaires des voies interrompues par la réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport et le gestionnaire de celle-ci doit permettre d’introduire une certaine souplesse dans l’élaboration de la convention, et donc rendre possible une adaptation au cas par cas. Elle permettrait de ne plus faire subir aux collectivités ce qui était, à mon sens, une injustice, à savoir la totalité de la charge financière de l’entretien des ouvrages rendus nécessaires par le passage, parfois « imposé », d’infrastructures ferroviaires, routières et fluviales sur nos territoires.

La proposition de loi prévoit également la possibilité de dénoncer les conventions déjà signées, ce qui permet d’envisager une renégociation sur les nouvelles bases, même pour des ouvrages construits antérieurement. L’exemple de ma collègue Jacqueline Gourault montre toute l’utilité d’une telle disposition.

Le texte initial avait institué une médiation du préfet en cas de blocage : la commission a choisi de la supprimer. Selon moi, cette médiation pourrait utilement compléter le dispositif. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement de notre collègue Francis Grignon sur ce point.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez tous pu le constater, ce texte est très attendu par les collectivités et par leurs élus. Il viendra justement équilibrer la répartition des charges des ouvrages d’art de rétablissement des voies. C’est la raison pour laquelle le groupe Union centriste et républicaine votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre des conséquences préoccupantes d’une décentralisation insuffisamment finalisée, qui n’a pas pris assez en compte les réalités du terrain, en particulier les préoccupations légitimes des collectivités territoriales.

Lors du transfert de 18 500 kilomètres de routes nationales aux départements, le Gouvernement avait l’occasion de régler le problème de la gestion des ouvrages de rétablissement des voies de communication, un problème qui ne pouvait être occulté au vu de son impact financier, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année. Mais il n’en a rien fait.

Par ailleurs, il est indispensable de régler la question de la responsabilité pénale qui peut être engagée du fait de cette gestion.

La proposition de loi de Mme Didier vient donc réparer un manque et pallier une injustice qui peut coûter très cher à des collectivités, quelles que soient leur taille et leur richesse réelle, sans oublier, bien évidemment, pour un grand nombre d’entre elles, la question des moyens humains disponibles, qui sont parfois inexistants.

La question est simple : si un canal, une voie ferrée ou une route en construction vient couper une autre route, à qui reviennent la gestion, l’entretien et la responsabilité des ouvrages de franchissement construits pour rétablir la continuité de l’infrastructure en construction ?

La question ne se pose pas lorsque les propriétaires respectifs de ces infrastructures ont prévu dans une convention les obligations de chacun des partenaires en matière de responsabilité, d’entretien et de gestion des ouvrages. Mais, malheureusement, il n’est souvent pas possible de retrouver ces conventions de construction, de nombreux ouvrages datant de la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale.

Que se passe-t-il donc en l’absence de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle ? Rappelons ici que, en ce qui concerne les voies d’eau, le Conseil d’État a jugé en 1906 que l’entretien des ponts revenait aux collectivités alors même que ces ouvrages « ont pu être construits par l’État ou tout autre maître d’ouvrage et en l’absence de remise à la collectivité gestionnaire ». Cette jurisprudence est devenue très préoccupante, car l’on se trouve dans cette situation absurde où, en vertu d’une jurisprudence désuète, les collectivités deviennent, en leur qualité de propriétaires, responsables de l’entretien de ces ouvrages d’art, alors même que ce ne sont pas elles qui ont décidé de leur construction. Parfois, elles ignorent même en être les heureuses propriétaires…

Pour les voies ferrées, la solution retenue est encore plus aberrante, puisque la jurisprudence du Conseil d’État répartissant l’entretien entre le gestionnaire et la collectivité propriétaire, cette dernière s’occupant des chaussées et trottoirs, a été repris par l’État, mais à son seul bénéfice et uniquement pour les routes nationales ! Quant aux autres routes, elles sont abusivement exclues de cet avantage ; les collectivités sont donc chargées de leur entretien et de leur gestion et héritent de la responsabilité afférente.

La seule consolation se trouve dans le positionnement de RFF, qui accepte d’assurer l’entretien des ouvrages de rétablissement en fonction de la population de la collectivité gestionnaire.

Le Gouvernement a donc privilégié une solution fondée sur une discrimination. Cette solution a d'ailleurs été reprise dans la proposition de loi de notre collègue Francis Grignon, qui propose de dénoncer les anciennes conventions pour les remplacer par de nouvelles suivant le principe que le propriétaire de l’ouvrage doit assurer pleinement les responsabilités et les charges financières résultant de l’entretien, avec pour seule consolation une vague compensation, beaucoup trop mal définie. M. Grignon introduit également une distinction en faveur des collectivités de moins de 3 500 habitants, lesquelles se voient déchargées de l’entretien.

La proposition de loi initiée par Évelyne Didier, qui vise à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, répond à cette problématique en reprenant le principe de neutralité financière pour les collectivités et en obligeant bien évidemment pour l’avenir le conventionnement entre propriétaires.

Elle suit le principe selon lequel le gestionnaire de la nouvelle infrastructure se voit confier la responsabilité de l’ouvrage d’art dont il a dû réaliser la construction, alors que revient au propriétaire de la voie rétablie la responsabilité des chaussées et des trottoirs.

L’enjeu est de taille, car sont concernés tant les constructions d’infrastructures nouvelles – TGV, autoroutes, canaux – que les ouvrages d’art existants dont l’usage et le vieillissement nécessitent des travaux importants.

Ce texte vise à trancher cette question très lourde financièrement et juridiquement et préserve au mieux les intérêts des collectivités dans leur ensemble.

C'est la raison pour laquelle il faut en débattre sans tarder et adopter la proposition de loi d’Évelyne Didier, qui met un terme à l’incertitude et tend à traiter dès à présent les difficultés qui naîtraient inévitablement du maintien de la situation actuelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaite féliciter notre collègue Évelyne Didier pour son excellente initiative, qui vise à sécuriser les communes – toutes les communes - face aux responsabilités pesant sur elles dans le cas d’ouvrages de rétablissement des voies de communications coupées par une infrastructure de transport nouvelle.

Cette initiative est saluée par bon nombre de maires et d’élus confrontés à des situations extrêmement difficiles et attendant de ce fait une clarification.

En effet, comme l’ont très bien évoqué à la fois l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur, il s’agit d’un problème d’une grande importance, tant les conséquences potentielles, financières et pénales, sont lourdes. Les membres de la Haute Assemblée ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : le texte du rapporteur a été adopté à l’unanimité par la commission des lois. Nous espérons qu’il en sera de même en séance.

Nous avons jusqu’ici laissé le juge définir le droit. Cette proposition de loi fait donc œuvre utile en permettant au législateur de reprendre la main.

Je commencerai par quelques mots sur le bien-fondé du dispositif qui nous est ici proposé, avant d’élargir la réflexion en m’interrogeant sur les considérants ayant conduit à cette situation de blocage.

Aujourd’hui, en l’absence d’un texte de loi qui précise les responsabilités de chacun concernant la surveillance, l’entretien, la réparation et le renouvellement des ouvrages de rétablissement et en raison de la jurisprudence en la matière, c’est à la collectivité qu’échoit la responsabilité des travaux, à l’exception notable, que je tiens à souligner, des ponts de rétablissement au-dessus des autoroutes.

Le Conseil d’État juge que les ouvrages d’art de rétablissement des voies interrompues sont des éléments constitutifs des voies dont ils assurent la continuité. Par conséquent, la responsabilité de ces ouvrages appartient à la collectivité qui supporte la voie rétablie. Nous en prenons acte, mais cela ne peut empêcher le législateur de répartir les charges, et c’est bien à ce niveau qu’il faut œuvrer.

Il est à noter également que chaque situation est particulière, sur les plans tant juridique que physique. Il existe des cas très divers en la matière, les gestionnaires d’infrastructures étant nombreux et leur rapport aux collectivités n’étant pas partout le même. Dans certains cas, des traités de concession ont pu être passés ; dans d’autres, il peut s’agir de propositions de conventions, plus ou moins satisfaisantes, qui ont été acceptées ou non. Nous savons ainsi que RFF propose souvent une soulte libératoire fixée à 8 % du coût de l’ouvrage.

Il n’y a donc pas aujourd'hui de situation d’égalité entre les collectivités au regard de ce problème. Conserver un tel vide juridique ne peut nous satisfaire.

De plus, faire reposer systématiquement cette charge sur la collectivité revient à ne tenir compte ni du fait générateur de la situation nouvelle, ni de qui a décidé de construire une nouvelle voie interrompant de fait une voie déjà présente. La collectivité dont la communication est interrompue subit un projet qu’elle n’a nullement décidé ; il n’est donc pas normal qu’elle assume l’ensemble des responsabilités.

Pour cette raison, la proposition de loi établit un principe simple, que nous approuvons, pour l’équilibre d’affectation des responsabilités qui y est posé : au gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle incombe la responsabilité de la surveillance, de l’entretien, de la reconstruction de la structure de l’ouvrage et de l’étanchéité de l’ensemble de cet ouvrage, tandis que reviennent à la collectivité concernée l’entretien et la gestion des trottoirs ainsi que du revêtement routier.

Il s’agit là d’un principe respectueux de chacune des parties. Cela évite également que des collectivités qui, la plupart du temps, ne disposent pas d’aide juridique ne soient amenées à signer des conventions dont elles ne mesurent pas bien la portée. En effet, quand le pont est neuf, on a du mal à imaginer qu’un jour – lointain – des problèmes insurmontables pourront survenir.

La proposition de loi prévoit ensuite l’obligation de convention pour les nouveaux ouvrages : nous approuvons ce gage de sécurisation de contentieux ultérieurs.

Enfin, une telle disposition permet de pallier l’ignorance du sujet par les communes, la plupart méconnaissant en effet les charges qui pèsent sur elles.

En fait, le transfert de ces ouvrages d’art s’est opéré sans avoir été annoncé, sans que l’on en ait mesuré les conséquences et, bien entendu, sans les moyens correspondants. Ce sujet illustre les limites de l’exercice des transferts de compétences. En effet, la transformation de l’institution des Ponts et Chaussées en directions de l’équipement, et aujourd'hui, en directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement – les DREAL – est révélatrice de l’évolution ayant conduit l’État à renoncer à assumer des compétences dans le domaine du génie civil.

Comment penser sérieusement que les communes – de toute taille, mais particulièrement les plus petites – puissent avoir les compétences techniques pour assumer des ouvrages dont la technicité et l’importance rendent le suivi impossible ? Plus encore, comment imaginer que ces communes puissent porter financièrement lesdits ouvrages ?

Tout le monde sait que cela revient en réalité à déléguer l’entretien au privé, moyennant finances : les savoir-faire deviennent privés, quand les financements demeurent publics. Cela consiste également à transférer sur le dos des contribuables locaux ce qui était considéré auparavant comme relevant de l’intérêt général. Du point de vue des investissements, cela peut aussi conduire à « reconcentrer » les équipements sur des villes et des territoires qui en auront les moyens, et à laisser à l’abandon des pans entiers du pays.

Pour finir, chacun sait que, dans le cadre de la réforme des collectivités, et essentiellement de la fiscalité locale, les communes se trouvent amputées de ressources et disposent par là même de très faibles marges de manœuvre dans leurs investissements.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, les sénateurs et sénatrices du groupe CRC vous invitent à voter avec eux cette proposition de loi équilibrée et sécurisante, mais aussi à remettre en cause cette politique de rétractation de l’action publique de l’État qui ne dit pas son nom.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi une telle proposition de loi aujourd'hui ?

Il s’agit avant tout de mettre fin à une situation où les contentieux entre les établissements publics d’infrastructures et les collectivités locales ne cessent de se multiplier.

Il s’agit également de répondre aux élus locaux, et notamment aux maires, exprimant un sentiment d’abandon face à ces établissements publics qui, de plus en plus souvent, rejettent sur eux toutes les responsabilités, en particulier financières.

Chacun ici connaît au moins un maire de son département qui, du jour au lendemain, s’est vu envoyer, soit par VNF, soit par RFF, une facture correspondant à des travaux de réparation.

Or quel maire connaît la jurisprudence dégagée par le Conseil d’État dans son arrêt du 14 décembre 1906, laquelle attribue la domanialité des ouvrages à la collectivité propriétaire de la voie portée ? Quel maire sait que, selon cette jurisprudence, il peut se voir imposer la prise en charge financière des travaux de réparation des ouvrages d’art de rétablissement de sa voirie ?

Je me rappelle le cas d’une commune de mon département, que certains ici connaissent, puisque Jacques Pelletier, notre ancien collègue et ami aujourd’hui décédé, en a été le maire pendant de longues années : Villers-en-Prayères.

Villers-en-Prayères, ce sont 108 habitants et plusieurs ponts, dont un pont rétablissant un chemin communal. Je ne citerai pas ici le type d’infrastructure traversée, ni donc l’établissement public concerné. Eh bien ! lorsqu’il a fallu engager 135 000 euros de travaux de réparation, ce dernier a tenté de remettre en question la convention datant de 1957, laquelle s’appuyait sur l’équilibre historique le liant à la commune. L’établissement public a ainsi proposé à la collectivité une nouvelle convention, aux termes de laquelle, par « un geste constructif », il prenait à sa charge une partie des travaux, à la condition que tout entretien ultérieur incombe à cette collectivité !

Après de nombreux échanges, la commune, grâce à la connaissance de notre ami Jaques Pelletier et au soutien d’une expertise extérieure, a pu faire respecter la convention initiale s’appuyant sur l’équilibre historique en vertu duquel la structure de l’ouvrage relevait du gestionnaire et la chaussée, de la commune.

Que serait-il arrivé sans ce soutien technique extérieur et sans la pugnacité de Jaques Pelletier et de son successeur à la mairie ?

Quel est le rapport des forces entre un élu local qui découvre un jour qu’il doit payer des réparations hors de proportion par rapport au budget communal et un établissement national disposant de services contentieux et juridiques extrêmement compétents ?

Comment ne pas se sentir désarmé lorsque l’on ne dispose pas de service juridique et que l’on voit régresser l’assistance venant de l’État ? Ce fut l’objet d’une partie de mon rapport sur l’ingénierie publique, et c’est aussi le cœur du problème.

En effet, je ne doute pas que ce type de démarche auprès des petites communes soit extrêmement courant. Le terme de « chantage » a été utilisé par un de nos collègues pour illustrer ces situations : il n’est peut-être pas si inapproprié…

Mes chers collègues, la présente proposition de loi est avant tout une protection pour nos petites communes et pour leurs élus locaux : la répartition des rôles, et donc des responsabilités tant juridiques que financières, sera inscrite dans le marbre.

En cette période de grandes contraintes budgétaires, ce texte est également l’occasion de fixer clairement les règles du jeu financier.

Je souhaite insister plus particulièrement sur la question des ouvrages d’art existants.

Le texte adopté par la commission des lois à la suite du rapport de notre collègue Christian Favier sécurise la situation des collectivités territoriales en laissant perdurer les conventions existantes, souvent fondées sur le principe historique d’équilibre financier. En cas d’apparition d’un litige et en l’absence de convention, il ouvre la possibilité de signer une convention établissant cet équilibre financier.

C’est bien là l’enjeu essentiel pour nos collectivités locales. En effet, bon nombre d’ouvrages ont été construits après la Seconde Guerre mondiale et arrivent donc « en fin de vie ».

Aussi, quel ne fut pas mon étonnement de voir le Gouvernement proposer dans son amendement n° 13 d’exclure le cas d’ouvrages d’art existants ! Si cette disposition venait à être adoptée, cela reviendrait immanquablement à vider cette proposition de loi de son sens. Vous comprendrez donc que je n’y sois pas favorable, à l’instar de l’Assemblée des départements de France, préférant l’équilibre qui a été trouvé dans le cadre des travaux menés par la commission des lois. Je ne m’attarde pas sur ce point, nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles.

Le coût de ces travaux indispensables à la sécurité de nos concitoyens est cependant complètement disproportionné par rapport aux budgets communaux ou départementaux. Christian Favier l’estime à « plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour les charges liées à la surveillance et à l’entretien et [à] plusieurs centaines de millions d’euros pas an pour les travaux de renouvellement ».

Permettez-moi d’illustrer mon propos en prenant l’exemple du conseil général de l’Aisne. Le patrimoine du département est riche de 1 022 ponts : 91 d’entre eux franchissent des canaux, 65 des voies ferrées et 9 ont été construits au titre de la LGV est-européenne ; 105 ont été transférés au titre des routes nationales d’intérêt local au 1er janvier 2006.

À ce jour, 78 de ces ponts sont classés comme étant dans un état préoccupant. Le coût pour leur réparation ou leur reconstruction est estimé à 74 millions d'euros TTC, qu’il faut mettre en parallèle avec l’engagement annuel du conseil général de 2, 4 millions d'euros pour les grosses réparations ou reconstructions d’ouvrage d’art et alors que le budget voirie s’établit à 30 millions d'euros environ. Par conséquent, trente années seraient nécessaires pour remettre en état ces 78 ponts…

C’est pourquoi, à la suite d’un contentieux avec VNF, une négociation a eu lieu pour l’entretien de 25 ponts à l’état préoccupant. Un accord a été trouvé, mais, après la remise en état de 3 ouvrages d’art, VNF a dénoncé cet accord. Le conseil général de l’Aisne se retrouve donc seul, sans avoir les moyens d’assumer cette charge financière. Je ne vous cache pas que nous suivons de très près l’état du pont de Vaux, construit en 1926 - notre collègue Antoine Lefèvre connaît bien cet ouvrage -, et dont la réparation s’élèverait à plus de 5 millions d'euros !

Mes chers collègues, j’évoque là des situations concrètes à laquelle nous sommes tous confrontés dans nos départements. Le territoire français s’enorgueillit, à juste titre, de ses réseaux ferré, autoroutier et fluvial, des réseaux qui quadrillent nos territoires et ont entraîné la multiplication des ouvrages de rétablissement afin d’assurer la circulation partout en France : près de 4 750 ouvrages rien que sur les routes départementales !

Le Sénat, représentant des collectivités locales, doit apporter une clarification juridique dans la répartition des charges de gestion des ouvrages de rétablissement. Nous devons sécuriser les interventions des collectivités territoriales en adoptant cette proposition de loi, un texte qui aura le mérite de mettre en œuvre une solution équilibrée préservant la neutralité financière des rapports entre collectivités et établissements publics gestionnaires des infrastructures de transports.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai brièvement quelques éléments de réponse aux différentes questions qui ont été soulevées.

Il me semble avoir déjà répondu au cours de mon intervention à Mme Didier, auteur de cette proposition de loi.

Monsieur Fortassin, vous relevez que les transferts de compétences et de charges au profit des collectivités territoriales n’ont pas été accompagnés des moyens financiers correspondants. Je rappelle tout de même que la loi de décentralisation de 2004 a donné lieu, s’agissant du transfert des routes nationales aux conseils généraux, au transfert concomitant des moyens correspondants, tant financiers qu’humains.

Monsieur Grignon, je partage votre préoccupation quant à l’impact des dispositions actuelles pour les petites collectivités territoriales. Ce point a d’ailleurs été discuté dans le cadre du groupe de travail auquel vous avez activement participé. À ce titre, vous présenterez un amendement visant à permettre au gestionnaire de l’infrastructure de transport de prendre en charge les dépenses liées à l’entretien, à la réparation et, éventuellement, au renouvellement de la structure de l’ouvrage pour les collectivités dont la population est inférieure à 3 500 habitants.

Cependant, je tiens à appeler votre attention sur le fait que le critère de population ne reflète pas systématiquement avec pertinence la capacité de la collectivité à assumer les charges liées à l’ouvrage de rétablissement. Il me semble que le critère du potentiel financier, par ailleurs utilisé pour déterminer les collectivités éligibles à l’assistance technique fournie par les services de l’État au bénéfice des communes et de leurs groupements, serait en l’espèce plus pertinent.

Monsieur Grignon, le Gouvernement souscrit aux autres propositions que vous avez formulées, sur la possibilité pour le gestionnaire de l’infrastructure de transport de proposer à la collectivité le versement d’une participation financière libératoire pour se libérer de sa charge. Actuellement, cela constitue une pratique courante.

Je me suis déjà exprimé sur la question des ouvrages d’art existants soulevée notamment par Yves Krattinger et Mireille Schurch. Je rappelle que la remise en cause des conventions existantes aurait un impact trop important sur la répartition des charges non seulement pour les grands maîtres d’ouvrage, comme RFF ou VNF, mais aussi pour les collectivités locales. Par ailleurs, la proposition de loi qui est présentée pourrait inciter à la dénonciation de conventions, ce qui est susceptible de porter atteinte au principe général du droit relatif à la sécurité juridique.

Enfin, comme vous l'avez rappelé, madame Schurch, la proposition de loi prévoit déjà des modalités de répartition des charges. La variété des situations est trop importante pour que le texte puisse prévoir tous les cas de figure. Aussi le Gouvernement soutiendra-t-il l'amendement de M. Grignon qui vise à laisser la répartition des charges à la renégociation.

Je répondrai plus avant aux uns et aux autres dans la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Le chapitre III du titre II du livre 1er de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Rétablissement de voies de communication rendu nécessaire par la réalisation d’un ouvrage d’infrastructures de transport

« Art. L. 2123-9. – I. – Le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique d’un nouvel ouvrage d’infrastructure de transport expose les modalités prévues pour le rétablissement de voies interrompues ainsi que les obligations futures concernant les ouvrages d’art de rétablissement incombant à chaque partie.

« La qualité des ouvrages construits tient compte de la gestion ultérieure des ouvrages de rétablissement de communication en respectant les règles en vigueur dans ce domaine et en s’appuyant sur le projet technique des gestionnaires des voies rétablies. Elle correspond également aux besoins du trafic supporté par la voie rétablie.

« II. – Lorsque, du fait de la réalisation du nouvel ouvrage d’infrastructures de transport, la continuité d’une voie de communication existante est rétablie par un ouvrage dénivelé, la superposition des ouvrages publics qui en résulte fait l’objet d’une convention entre le gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle et le propriétaire de la voie rétablie.

« La convention répartit les charges de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement selon le principe suivant :

« 1° Au gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport, la responsabilité de la structure de l’ouvrage, y compris l’étanchéité ;

« 2° Au propriétaire de la voie rétablie, la responsabilité de la chaussée et des trottoirs.

« Elle décrit les conditions prévisionnelles de cet entretien et contient une évaluation des dépenses prévisibles correspondantes. Enfin, elle fixe les modalités de remise de l’ouvrage et de l’ouverture de la voie à la circulation.

« III. – Ces dispositions s’appliquent aux ouvrages d’infrastructures de transports nouvelles dont l’enquête publique est ouverte postérieurement au premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi n° … du … visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

« IV. – Un décret précise les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 2123-10. – En cas d’échec de la négociation relative à la signature de la convention prévue au II de l’article L. 2123-9, la partie la plus diligente peut saisir le juge compétent.

« Art. L. 2123-11. – I. – Les dispositions des conventions conclues antérieurement à la promulgation de la loi n° … du … visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies prévoyant les modalités de gestion d’un ouvrage de rétablissement de voies continuent à s’appliquer, sauf en cas de dénonciation de la convention par l’une des parties.

« En cas de dénonciation de la convention, une nouvelle convention est conclue conformément aux principes énoncés à l’article L. 2123-9, dans un délai de trois ans à compter de la saisine du juge.

« II. – En l’absence de convention et en cas de litige concernant la prise en charge des dépenses ayant pour origine la situation de superposition domaniale résultant du rétablissement de la voie de communication, les deux parties signent une convention dans un délai de trois ans à compter de la saisine du juge, en respectant les principes énoncés au II de l’article L. 2123-9.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

expose

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

les principes fondant la réalisation des rétablissements de voies interrompues.

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Le dossier d'enquête publique intervient trop en amont du projet pour permettre de déterminer avec précision les modalités des rétablissements qui, pour une infrastructure linéaire, peuvent être nombreuses. Il en est de même pour les « obligations futures ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 14, présenté par M. Favier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

les modalités prévues pour le rétablissement

par les mots :

les principes relatifs aux modalités de rétablissement

et les mots :

que les obligations futures

par les mots :

qu'aux obligations futures

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 7 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

L'amendement n° 14 tend à reprendre la logique de l'amendement n° 7 rectifié bis – ne pas rentrer dans le détail des modalités et des obligations au stade de l'enquête préalable, mais en rester aux principes généraux –, tout en précisant toutefois les domaines dans lesquels ces principes doivent être exposés.

Il est vrai que les modalités de rétablissement des voies ne peuvent pas être définies dans le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, puisque, comme l'a rappelé M. Grignon, cette phase intervient trop en amont du projet. Pour autant, on ne peut se contenter d'une notion générale : il faut préciser les principes fondant la réalisation des rétablissements de voies interrompues. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de l’amendement n° 7 rectifié bis ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 ?

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Le Gouvernement était favorable à l'amendement n° 7 rectifié bis, dont la rédaction lui semblait préférable à celle de l'amendement n° 14. En effet, tant pour le gestionnaire de l'infrastructure de transport nouvelle qui sera lié par le contenu du dossier d’enquête publique et pourra l'opposer que pour la collectivité dont la voie est interrompue, il ne paraît pas souhaitable que la nécessité de clore le dossier d'enquête aboutisse à un accord imparfait qu'un temps de négociations plus long aurait permis d’améliorer.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 14.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les caractéristiques des ouvrages de rétablissement des voies tiennent compte, dans le respect des règles de l'art, des besoins du trafic supporté par la voie rétablie définis par les gestionnaires de ces voies et des modalités de la gestion ultérieure.

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette convention peut prévoir, à sa signature ou par avenant, la répartition des charges de tout ou partie des opérations ultérieures de surveillance, d'entretien, de réparation ou de renouvellement de l'ouvrage, ainsi que les conditions de sa remise à la collectivité et d'ouverture à la circulation.

II. - Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

La variété des situations est trop importante pour que la loi puisse prévoir tous les cas de figure. Aussi est-il proposé de ne pas fixer de principe pour la répartition des charges et de la laisser à la négociation, afin qu’il puisse être tenu compte de la spécificité de chaque situation. Cela laisse une plus grande marge de manœuvre, notamment pour permettre de dégager les petites collectivités des charges supplémentaires que peuvent constituer pour elles les rétablissements de voies par ouvrage d'art.

Dans l'hypothèse où, à la signature de la convention qui intervient en amont, l'ensemble des charges résultant des opérations de surveillance, d'entretien, de réparation ou de renouvellement de l'ouvrage ne seraient pas connues, des avenants pourront être conclus au fur et à mesure des besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Nous touchons là au principe même de répartition des charges qui fonde cette proposition de loi : la responsabilité de la surveillance, de l'entretien, de l'étanchéité, voire de la reconstruction incombe aux gestionnaires de ces équipements, tandis que la responsabilité du revêtement routier et des trottoirs revient aux collectivités locales. Il me semble très important de préciser ce principe, qui est très large, car c'est sur ce fondement que seront établies les conventions.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Cette proposition de loi n’a précisément d’autre but que de fixer une clé de répartition. Par conséquent, l'adoption de cet amendement viderait le texte de sa substance.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le gestionnaire de l'infrastructure de transport peut proposer à la collectivité le versement d'une participation financière libératoire correspondant aux opérations mises à sa charge, le cas échéant, dans le cadre de la convention.

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Cette disposition permet au gestionnaire de l'infrastructure nouvelle de se libérer de sa charge par un versement libératoire. Telle est en effet la pratique actuelle de certains gestionnaires d'infrastructures de transports : à ce titre, ils peuvent verser entre 6 % et 8 % du coût de l'ouvrage de rétablissement.

Cette disposition a été acceptée par de nombreuses collectivités locales en toute connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Ce système a d’ores et déjà montré ses limites, puisque certaines collectivités territoriales ont pu recevoir une dotation finalement insuffisante par rapport à la charge à laquelle elles devaient faire face.

Par ailleurs, le délai entre le moment où l’ouvrage est réalisé et celui où des besoins de réparation se font sentir étant parfois important, il est arrivé, dans certains cas, que l’argent prévu initialement pour ces travaux ait été utilisé à d’autres fins. De tels cas de figure se rencontrent dans des périodes difficiles, comme celle que vivent actuellement les collectivités territoriales, d’autant plus que les équipes municipales aux responsabilités ont souvent changé dans l’intervalle.

La collectivité se trouve alors sans moyens pour faire face aux réparations.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Par ailleurs, cela a été évoqué dans la discussion générale, l’ingénierie technique nécessaire pour appréhender les propositions des opérateurs à leur juste valeur est souvent insuffisante, notamment dans les petites collectivités. De ce point de vue, le système paraît tout à fait insuffisant.

La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

J’ai eu à connaître, il y a longtemps, du cas d’une commune dont le maire avait accepté ce système. Un pont neuf a été construit et, en plus, on a donné de l’argent à la commune. C’était formidable !

Évidemment, la réparation du pont a eu lieu trente après sa construction. Il n’y avait alors presque plus de trace de la situation initiale.

Le gestionnaire de l’infrastructure a demandé au maire ce qu’il était advenu de l’argent qui avait été perçu au moment de l’édification de l’ouvrage. Bien sûr, l’équipe municipale en place y avait vu une aubaine et avait dépensé cette somme, sans doute pour le bien de la commune, et c’est humain. Mais il n’y avait plus rien dans les caisses pour faire face à la situation qu’exigeait l’état du pont trente ans après !

Ce dispositif n’est donc pas satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Benoît Huré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Je souhaite ajouter deux remarques à l’explication d’Évelyne Didier.

En premier lieu, la commune aurait pu, par sagesse, placer cet argent, même si l’on sait qu’un tel placement n’est pas susceptible de rapporter des intérêts.

En second lieu, un département ou une commune ayant la charge de refaire un ouvrage d’art doit le faire au rythme et selon les prescriptions de l’utilisateur propriétaire de la voie créée. Cette contrainte impose des surcoûts, des cadencements, etc.

Le versement d’une somme forfaitaire pour se libérer de cet entretien est théoriquement une bonne idée. Cependant, lorsque les travaux interviennent vingt ans, trente ans ou quarante après, les normes et les conditions de sécurité ayant évolué, la bonne idée se révèle coûteuse…

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer le mot :

troisième

par le mot :

sixième

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Le délai de trois mois est trop court, les dossiers d'enquête publique nécessitant une longue préparation. Pour mémoire, le délai de six mois est celui qui est retenu pour l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation en matière d'étude d'impact et d'enquête publique.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 13

Remplacer les mots :

saisir le juge compétent

par les mots :

demander la médiation du préfet

II. – Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si cette médiation n’aboutit pas, l’une ou l’autre des parties peut saisir le juge administratif de l’absence de signature de la convention prévue au II de l’article L. 2123-9.

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

L'introduction d'une médiation du préfet a pour but de donner aux parties une chance de s'entendre sur la répartition des charges, avec l'aide d'un tiers extérieur, et d'éviter ainsi, dans la mesure du possible, le recours au juge et l'allongement des délais induits.

Je précise qu’il s’agit non pas d’une obligation, mais d’une possibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Cet amendement tend à proposer une médiation facultative en cas de litige, préalablement à la saisine du juge.

Toutefois, comme nous l’avions déjà évoqué en commission des lois, le préfet peut éventuellement être porteur des intérêts du maître d’ouvrage de l’infrastructure de transport, puisque l’on a souvent affaire à des opérateurs liés à l’État. Sa neutralité pourrait donc être mise en cause.

À notre sens, le recours au juge garantit une plus grande objectivité pour régler ces conflits entre les collectivités et les gestionnaires des voies ayant nécessité la réalisation d’un ouvrage de rétablissement.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Avis favorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 14 à 16

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Cet amendement gouvernemental a pour objet de supprimer les alinéas 14, 15 et 16, qui portent sur les ouvrages existants.

S'agissant des conventions en vigueur, elles ont été conclues librement et valablement par les collectivités.

Imposer la conclusion d'une nouvelle convention, en cas de dénonciation, entraînera un « appel d'air » que les gestionnaires d'infrastructures de transports ne pourront assumer, tant en termes financier qu’en termes de charge de travail nécessaire pour leur élaboration.

Je vous le rappelle, l'enjeu financier se chiffre en dizaines de millions d'euros par an pour la surveillance et l'entretien, et en centaines de millions d'euros par an pour les travaux de renouvellement.

Inciter par la loi à la dénonciation de conventions peut également être considéré comme portant atteinte au principe général du droit relatif à la sécurité juridique.

Par ailleurs, s'agissant des ouvrages existants ne faisant actuellement pas l'objet de convention, la loi ne saurait imposer la signature d'un tel document, qui sous-entend un accord entre les parties, dans l'hypothèse où un litige entre ces dernières apparaîtrait à propos d'un ouvrage de rétablissement existant.

Enfin, les alinéas 15 et 16 mentionnent un délai de trois ans à compter de la saisine du juge, procédure que l'économie de la disposition ne permet pas d'appréhender avec clarté. La rédaction de ces alinéas pose donc, en tout état de cause, une difficulté d'interprétation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Cet amendement tend à supprimer les dispositions de la proposition de loi relatives aux conventions déjà signées, qui pourraient faire l’objet d’un litige ou d’une dénonciation.

Le Gouvernement estime que la conclusion d’une convention, dans ce cadre, pourrait provoquer un « appel d’air » faisant peser sur les gestionnaires des infrastructures de transports une charge s’élevant à plusieurs dizaines de millions d’euros par an.

Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, l’objet du présent texte est non pas d’inciter par la loi à la dénonciation des conventions déjà existantes, que nous souhaitons maintenir lorsqu’elles fonctionnent, mais d’imposer la signature de tels documents contractuels en cas de litige seulement. Or rien ne dit que des litiges vont survenir avec la promulgation de ce texte.

Pour toutes ces raisons, la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

Après l´alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l´ouvrage dénivelé rétablit la voie d'une collectivité dont la population est inférieure à 3 500 habitants ou d´un établissement public de coopération intercommunale dont la population de l´ensemble des collectivités membres est inférieure à 3 500 habitants, le gestionnaire de l´infrastructure de transport nouvelle prend en charge l´entretien, la réparation et l´éventuel renouvellement de la structure de l´ouvrage de rétablissement, sauf s´il en est disposé autrement dans la convention.

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Cet amendement tend à prévoir un dispositif particulier pour les petites communes, celles de moins de 3 500 habitants.

J’ai bien conscience que les problèmes de seuil sont toujours difficiles à régler. Néanmoins, je maintiens cet amendement en espérant que, à l’avenir, à l’occasion d’autres discussions qui ne manqueront pas d’avoir lieu au sujet de cette proposition de loi, des solutions seront trouvées pour permettre aux petites communes, celles de moins de 3 500 habitants, de bénéficier d’un traitement particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Comme M. le ministre l’a dit, la richesse d’une collectivité locale n’est pas liée à l’importance de la population. Pour prendre l’exemple de mon département, le Val-de-Marne, il se trouve que la commune la plus petite, ou presque, je veux parler de Rungis, est de très loin la plus riche.

Par ailleurs, les effets de seuil peuvent aussi être dramatiques. Ainsi, aujourd’hui, avec le développement de l’intercommunalité ou, tout simplement, la progression normale de la démographie, une commune qui passerait de 3 400 habitants à 4 000 habitants se verrait brusquement privée du bénéfice de dispositifs lui permettant de faire face à ces dépenses nouvelles.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Le Gouvernement y est aussi défavorable, ainsi que je l’ai déjà dit à M. Grignon, la richesse fiscale nous semblant un critère plus pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

Les charges résultant, pour l’État, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. –

Adopté.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Grignon, Lorrain, César, P. Leroy, Nachbar et Beaumont, Mmes Sittler et Troendle et MM. de Legge, Pierre, Reichardt, B. Fournier et Cléach, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

les responsabilités et

et le mot :

financières

La parole est à M. Francis Grignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Le terme « responsabilités » figurant dans le titre pourrait sous-entendre un transfert de propriété. Or la loi n’a pas vocation à remettre en cause le principe selon lequel la collectivité dont la voie est rétablie devient propriétaire de l’ouvrage de rétablissement.

La notion de « charges » au sens large permet de couvrir aussi bien le coût des travaux que le coût financier.

Vous observerez que mes amendements précédents n’avaient pas vocation à supprimer les termes « responsabilités » et « financières » dans le corps même du texte. La suppression ici proposée a donc un caractère formel et est de nature à éviter toute interprétation abusive.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Je souhaite rappeler que l’objet de la présente proposition de loi est bien de définir un principe clair de répartition non seulement des charges financières, mais également des responsabilités de chaque partie lors de la réalisation d’un ouvrage d’art de rétablissement des voies.

C’est la raison pour laquelle la commission ne peut pas émettre un avis favorable sur cet amendement et souhaite le maintien de l’intitulé actuel.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Avis favorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat rapide – mais efficace ! –, je veux dire ma satisfaction devant l’ensemble des travaux accomplis.

Cette proposition de loi traite d’un problème auquel, j’en suis convaincue, nous serons tous confrontés un jour ou l’autre. Si chaque groupe politique de notre assemblée a tenu à exprimer sa vision de la situation, et c’était nécessaire, sur le fond, nous nous sommes efforcés de travailler dans un esprit d’ouverture. Celui-ci a caractérisé les discussions que Francis Grignon et moi-même, qui étions au cœur du sujet, avons eues avec les services du ministère.

À un moment donné, un principe simple s’est dégagé. Tout compte fait, n’est-ce pas cela, le propre d’une bonne loi ? Si tous les textes pouvaient être de cette nature, ce serait formidable ! En tout cas, merci à vous tous !

M. Gérard Le Cam applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je saluerai la qualité du travail effectué. Le problème à traiter est récurrent, et cela fait de longues années que nous en débattons au sein des associations d’élus ou avec les responsables ministériels. Nous l’avons ainsi abordé lors de quasiment toutes les réunions du COMOAR, le Comité des maîtres d’ouvrage routiers, que je copréside avec le directeur général des infrastructures des transports et de la mer.

Je me félicite donc de l’esprit dans lequel toutes ces questions ont été discutées et de l’adoption imminente de ce texte, qu’il va falloir maintenant porter dans d’autres enceintes. Peut-être mérite-il encore d’être amélioré, mais, en tous les cas, nous sommes sur le bon chemin, une solution est en vue, et l’ensemble des membres de notre groupe s’en réjouit !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour avoir moi-même travaillé longtemps sur ce sujet, je sais qu’il est plus compliqué qu’il n’y paraît.

Notre rôle, ici, est tout de même de trouver un savant équilibre entre les charges incombant aux uns et aux autres, à l’État ou aux collectivités, même si, au bout du compte, elles pèsent toujours sur le contribuable. Par conséquent, je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer sur une proposition de loi technique, qui vise à mettre fin à une situation source d’injustice et d’insécurité, tel que cela avait été d’ailleurs mis en avant dans le cadre du groupe de travail réuni autour de Dominique Bussereau.

Voilà un texte très similaire à une autre proposition de loi que j’avais moi-même cosignée avec Francis Grignon au mois de mai dernier, mais celle-ci, malheureusement, n’a pas été en son temps inscrite à l’ordre du jour.

Il nous est aujourd'hui proposé une solution qui a l’avantage d’être moins inéquitable et plus sécurisante pour les collectivités. Les enjeux sont énormes, et le témoignage de notre collègue du département de l’Aisne est suffisamment éloquent de ce point de vue. Je voterai donc cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera bien évidemment cette proposition de loi. Les uns et les autres l’ont rappelé, celle-ci est le fruit d’un travail de longue haleine, mené notamment par nos collègues Évelyne Didier et Francis Grignon dans le prolongement d’une initiative gouvernementale.

La réflexion menée avait d’ailleurs abouti au dépôt d’une autre proposition de loi. Aujourd’hui, c’est celle de Mme Didier qui nous est proposée. Elle-même l’a justement souligné, au-delà des diverses sensibilités politiques qui se sont exprimées, c’est la recherche de solutions dans l’intérêt général, dans l’intérêt de nos collectivités locales, qui a prévalu. Si M. le ministre a insisté sur la nécessité d’être attentif aux finances de l’État, Mme Didier a aussi fait observer avec raison que la charge incombera, de toute façon, à un niveau de responsabilité publique et qu’elle supposera donc de l’argent public.

Or, chacun le sait, nos petites communes rurales ne sont pas, aujourd’hui, en mesure d’honorer de tels engagements. Il est donc de notre responsabilité, tout en ne méconnaissant pas les actions à mener au regard des difficultés de l’État à maîtriser ses dépenses publiques, de soutenir des grands projets, aussi déterminants, notamment pour la sécurité de nos populations.

Mes chers collègues, ce texte va dans le bon sens, celui de l’intérêt général. C’est pourquoi il faut absolument que nous l’adoptions !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.