Le protocole de Kyoto serait prolongé ? Vaste foutaise ! D’abord, ni la Russie, ni les États-Unis, ni le Japon, ni le Canada ne l’appliqueront ! Ensuite, plus subtilement – le diable se cache dans les détails ! –, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont obtenu une modification du calcul de leurs contraintes d’émissions, sont en fait dispensées d’appliquer le protocole de Kyoto. Il n’y aura donc pas de prolongation effective du protocole de Kyoto.
Je reconnais cependant que la prolongation, même ineffective, de ce protocole, qui a lui-même valeur de traité international, présente au moins un avantage, celui de permettre éventuellement à l’Union européenne, si elle le souhaitait, de prendre appui sur lui pour mettre en place à ses frontières des mesures de protection, ou du moins d’accompagnement, visant à sanctionner les pays qui ne le reconnaissent pas. Telle est de mon point de vue la seule véritable avancée résultant de la prolongation du traité jusqu’à au moins 2015.
Pour ce qui est du fonds vert, on continue à annoncer une dotation de 100 milliards de dollars : ce fonds était virtuel, il l’est toujours autant !
Or, nous, pays de l’Union européenne, nous n’obtiendrons pas d’accord politique sans le soutien des pays les plus pauvres. Il est donc impératif de trouver de l’argent pour ce fonds.
Je rappelle que 100 milliards de dollars représentent 7 % du budget annuel mondial de l’armement, 20 % du budget consacré à la publicité – il n’est certainement pas vitale pour nos économies que celle-ci nous soit administrée à de telles doses ! –, un quart des subventions allouées à l’économie fossile et une petite part du produit que rapporterait la taxation des transactions financières…
Qu’il soit impossible de trouver, dans les pays riches de la planète, 100 milliards de dollars pour accompagner les pays en voie de développement n’est donc pas vrai.
L’Union européenne, qui fut le plus souvent exemplaire dans ce domaine, est aujourd’hui confrontée à une difficulté stratégique qu’il convient d’évaluer, car elle ne doit pas croire qu’il lui suffit de faire comme par le passé pour continuer de jouer le rôle tout à fait positif qui a été le sien lors de la ratification du protocole de Kyoto.
En effet, la mécanique mise en place a conduit à un système économique qui repose sur la concurrence entre les peuples et les États. On voudrait amener aujourd'hui ces États à coopérer alors que tout le système économique est fondé sur la concurrence et que rien, dans ce système, ne valorise la coopération. Nous sommes donc pris dans un étau.
Il est vrai aussi qu’avec l’émergence des pays dits, précisément, « émergents » la situation de l’Union européenne a changé, à l’égard tant des États-Unis, dont elle n’est plus le partenaire privilégié, que des pays les moins développés avec lesquels elle cherchait à élargir l’alliance. Ce front s’est fissuré tandis que, d’une certaine façon, celui des pays qui ne veulent pas prolonger le protocole de Kyoto est beaucoup plus puissant aujourd’hui qu’hier, car les pays émergents n’entendent pas accepter les contraintes que celui-ci impose.
Il nous faut donc trouver une autre stratégie. Avant tout, l’Union européenne doit être sûre de disposer d’une alliance à toute épreuve avec les pays les plus pauvres. Elle doit prioritairement conclure un accord avec eux, ce qui suppose qu’elle dégage des moyens pour leur développement durable.
Dans le même temps, l’Union européenne doit savoir que, si elle ne fait pas la preuve chez elle qu’elle est à l’avant-garde et qu’elle y trouve son intérêt, elle aura le plus grand mal à convaincre certains pays émergents de procéder à la révolution que constitue la transition énergétique. C’est pourquoi il est si important que, dans notre pays et en Europe, cette révolution s’accomplisse avec succès.
L’Union européenne ne peut pas se contenter de l’objectif des « trois fois vingt ». Elle a besoin non pas de politiques de régulation du marché, mais de politiques industrielles et d’investissements d’avenir réalisés par les puissances publiques, européennes ou nationales, pour accompagner la mutation industrielle indispensable.
L’Union européenne doit conduire des politiques communes pour économiser l’énergie et pour la recherche. C’est d’ailleurs de notre intérêt, au prix du baril de pétrole ! Indépendamment même du changement climatique, l’Europe dispose là d’une stratégie de croissance endogène.
Le juste échange est un autre enjeu important. Si nous continuons dans la voie du libre-échange, sans normes sociales ni environnementales hors de l’Union européenne mais parfois aussi en son sein, nous n’arriverons pas à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
L’Union européenne doit présenter un mémorandum à l’OMC pour qu’il soit mis un terme à des échanges mondiaux fondés sur les seules règles de la concurrence et pour que s’imposent enfin des règles mondiales minimales en matière environnementale – sur le carbone en particulier – comme en matière sociale.
Enfin, certaines activités doivent être relocalisées. En effet, la meilleure méthode pour lutter contre le changement climatique est d’éviter le transport inutile de produits construits ailleurs, alors qu’ils pourraient l’être dans de bonnes conditions dans notre pays.
La crise écologique n’est pas seconde par rapport à la crise financière. Il s’agit d’une même crise, celle d’un modèle de développement en bout de course !