Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 17 janvier 2012 à 14h30
Débat sur l'état des négociations internationales climatiques

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la dix-septième conférence des Nations unies sur le climat s’est achevée, à l’aube du 11 décembre 2011, par un accord qui prévoit d’établir, d’ici à 2015, un pacte global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique.

L’accord obtenu est, en fait, une feuille de route vers un nouveau cadre juridique impliquant tous les pays. Si sa nature juridique doit être précisée, il trace néanmoins une suite au protocole de Kyoto.

L’aspect juridique, s’il est bien sûr important – ce n’est pas l’avocate que je fus qui dira le contraire –, n’est pas forcément l’essentiel. Le juridique doit non pas commander, mais accompagner les processus. De même, quand on crée une entreprise, on détermine d'abord un domaine d’activité économique, puis on choisit une forme de société, et non le contraire !

Le juridique s’imposera à un moment ou à un autre, mais il serait erroné de considérer aujourd'hui le problème uniquement sous cet angle.

En toute courtoisie, madame Lienemann, il y a donc là un point d’opposition entre nous.

Selon les experts, le monde est actuellement engagé sur la voie d’un réchauffement qui sera supérieur à 3 degrés en 2035 et des conséquences graves qui pourront en découler, catastrophes climatiques et déplacements de populations aux proportions imprévisibles notamment.

Le réchauffement climatique n’est plus un phénomène visible seulement aux pôles, avec l’inquiétante fonte de la banquise. Des signes assez frappants illustrent désormais l’évolution séculaire du climat en France. Les fortes tempêtes que nous avons connues depuis une dizaine d’années en témoignent.

Par ailleurs, l’année 2011 a été, selon Météo France, la plus chaude depuis 1900, avec une température moyenne en hausse de 1, 5 degré. L’année 2011 a également été la plus sèche depuis la création des relevés météorologiques. Pour les climatologues, au-delà des variations d’une année sur l’autre, dont il faut évidemment tenir compte, cette évolution est en majeure partie le résultat de nos émissions massives de gaz carbonique, de méthane et d’autres gaz qui ont intensifié l’effet de serre planétaire.

Tous les efforts des pays visent donc à contenir la hausse de température moyenne à 2 degrés, ce qui, pour certains, est bien en deçà de l’urgence climatique. À l’évidence, il faudra un jour se fixer un objectif encore plus contraignant.

J’ai eu le privilège de faire partie de la délégation ministérielle française à Durban en décembre dernier, et j’ai pu me rendre compte, en qualité d’observateur, de l’énorme défi représenté par de telles négociations, qui doivent aboutir, en seulement quelques jours, à un accord entre 195 pays !

La France cherche depuis dix ans à lancer une négociation globale impliquant tous les pays du monde, notamment la Chine, l’Inde et les États-Unis, dans la réduction des gaz à effet de serre.

À Durban, la position française et européenne était donc de ne pas s’engager dans une suite au protocole de Kyoto sans obtenir un accord contraignant impliquant tous les pays.

Le protocole de Kyoto, seul traité international sur le climat à ce jour, en vigueur depuis 2005, ne couvre qu’une part mineure des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés, soit 16 % du total mondial. Les États-Unis ne l’ont pas ratifié et il ne s’applique pas aux grands pays émergents que sont la Chine, l’Inde et le Brésil.

C’est pourquoi la conférence de Durban était cruciale. Après douze jours de négociations, les 195 pays participants se sont enfin accordés pour lancer des négociations impliquant tous les pays, y compris la Chine, l’Inde et les États-Unis. C’est bien là que réside le succès de ce sommet.

L’Union européenne, mobilisée en particulier grâce à l’action de la France, poursuivra l’application du protocole de Kyoto, et des négociations commenceront parallèlement pour signer, avant 2015, un accord global, qui entrera en vigueur en 2020.

Une autre avancée des négociations de Durban concerne un mécanisme financier acté à Cancún en 2010 pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique : le fonds vert pour le climat.

Ce fonds sera alimenté à partir de 2013 et montera en puissance jusqu’en 2020, date à partir de laquelle les pays industrialisés ont promis de verser chaque année 100 milliards de dollars. Cette initiative fait explicitement référence aux avancées intervenues dans le cadre de la présidence française du G20, en novembre 2011, sur les financements innovants.

L’accord prévoit aussi la mise en place d’un travail préparatoire destiné à faire entrer l’agriculture, qui est à l’origine de 15 % des émissions de gaz à effet de serre, dans le périmètre de la convention Climat de l’ONU. Néanmoins, cet accord de Durban peut sembler insuffisant, notamment au regard des ambitions françaises. Notre pays est effectivement très engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le développement de la croissance verte.

Est-il besoin de rappeler que, depuis 2007, sous l’impulsion du Président de la République, nous nous sommes dotés, avec le Grenelle de l’environnement, d’un vaste plan destiné à inscrire notre pays dans le développement durable et le respect de l’environnement ? Il s’agit là d’un instrument juridique à l’avant-garde des politiques menées en Europe.

La France est ainsi parvenue à se situer dans le trio de tête européen pour plusieurs grands chantiers : énergies renouvelables, amélioration énergétique des bâtiments, politique des transports respectant les engagements écologiques, traitement des déchets et mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance économique.

Je tiens à le dire à cette tribune, notre ministre de l’écologie et du développement durable, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a soutenu avec une fermeté exemplaire la position de la France à Durban, soulignant qu’il n’y avait pas de solution de rechange à un cadre multilatéral de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Madame la ministre, je salue donc votre implication personnelle dans ces négociations. J’ai été très impressionnée par votre engagement : il a permis à la France de jouer, avec l’Union européenne, un rôle moteur dans ces discussions et a conduit l’ensemble des grands pays émetteurs à faire évoluer leur position.

Sur la table, il y a maintenant un accord qui impose à presque tous les pays du monde de signer, avant 2015, un protocole, ou tout autre instrument contraignant, les engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas rien !

C’est même une formidable avancée : la conférence de Durban marque une étape décisive, puisque des pays émergents comme la Chine et l’Inde ainsi qu’un grand pays émetteur comme les États-Unis ont enfin accepté de s’engager sur la voie des réductions des émissions de gaz à effet de serre.

Cette conférence a ainsi consacré le principe selon lequel le changement climatique doit être traité dans le cadre du droit international, et non plus du pur volontarisme national, ce qui, de mon point de vue, change tout. Elle a fait admettre aux grandes économies émergentes, pour la première fois, l’idée que leurs engagements en matière d’émissions devraient être inscrits dans un cadre ayant force de loi.

Même si le chemin à parcourir est encore très long, la France et l’Europe ont insufflé une dynamique qui doit nous permettre d’affronter les défis qui demeurent, et cela de manière désormais collective. Et comme vous l’avez souligné, madame la ministre, un petit pas, quand il engage tous les pays du monde, y compris les plus réticents, représente une grande avancée.

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