Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 6 mars 2012 à 14h30
Gouvernance de la sécurité sociale et mutualité — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traite de quatre sujets distincts, relativement techniques.

Il s’agit premièrement, et principalement, de la création d’une CARSAT en Alsace-Moselle.

Depuis 1960, et jusqu’en 2009, les caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, comportaient, en France métropolitaine, une branche vieillesse qui prenait en charge ce risque pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.

Pour des raisons historiques, l’Alsace-Moselle est le seul territoire à disposer d’une caisse régionale d’assurance vieillesse, ou CRAV, en parallèle avec une CRAM spécifiquement dédiée à l’assurance maladie.

En décembre 2008, les conseils d’administration de la CRAM et de la CRAV d’Alsace-Moselle ont engagé un processus de rapprochement de leurs deux organismes et adopté le principe d’une direction commune. En mars 2010, ils ont voté le principe d’une fusion complète.

Entre-temps, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », a transféré certaines compétences des CRAM vers les nouvelles agences régionales de santé et les a remplacées par des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, ou CARSAT.

L’article 1er de la proposition de loi entérine le processus ancien lancé par les instances locales d’Alsace-Moselle et organise la fusion entre la CRAM et la CRAV, ainsi que la création d’une CARSAT.

Cette mesure de simplification permettra de renforcer l’identité du territoire et du droit local, d’améliorer le fonctionnement des structures et d’éviter une éventuelle concurrence, au détriment des assurés, sur des compétences qu’elles partagent aujourd’hui, notamment en ce qui concerne l’action sociale et la santé au travail.

Comme pour les autres CARSAT, le conseil d’administration sera composé de vingt et un membres, soit huit représentants des salariés, huit représentants des employeurs, un représentant de la mutualité française et quatre personnalités qualifiées. La seule différence réside dans le fait que l’une de ces personnalités qualifiées devra représenter l’instance de gestion du régime local d’assurance maladie.

Il s’agit deuxièmement du champ territorial du régime local.

Le régime local d’assurance maladie complémentaire d’Alsace-Moselle est un exemple intéressant de couverture complémentaire obligatoire, héritière de l’histoire et de la culture de ce territoire.

La commission des affaires sociales vient justement de publier un rapport d’information présentant les caractéristiques du régime, à partir d’une enquête qu’elle avait commandée, voilà un an, à la Cour des comptes. Or, tout récemment, le régime local s’est trouvé au cœur du débat public national à l’occasion de l’élection présidentielle, ce dont je ne peux que me féliciter.

L’article 1er de la proposition de loi permet de mettre en cohérence la théorie avec la pratique en ce qui concerne le champ des bénéficiaires du régime local. Le code de la sécurité sociale prévoit en effet actuellement l’affiliation des salariés travaillant hors d’Alsace-Moselle pour une entreprise qui y a son siège. Or cette mesure est d’application complexe et n’a jamais pu être mise en œuvre. Sur l’initiative des instances du régime local, il est donc proposé de la supprimer pour des raisons là aussi de simplification, sauf pour le secteur des salariés agricoles et forestiers.

Il s’agit troisièmement du conseil d’administration du régime social des indépendants, le RSI.

Créé en 2006, le RSI regroupe les artisans, les commerçants et les professions libérales. Les membres des conseils d’administration des trente caisses de base élisent les cinquante membres du conseil d’administration de la caisse nationale, qui fédère le réseau.

Dans sa version initiale, la proposition de loi prévoyait que le conseil d’administration de la caisse centrale serait dorénavant composé par les présidents des caisses de base et par des personnalités qualifiées désignées par l’État.

Il s’agissait certainement d’une mesure d’amélioration de l’efficacité de la caisse centrale, mais elle avait pour corollaire une diminution de la représentation des professions libérales. En outre, la rédaction renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de fixer le nombre et le type de personnalités qualifiées, ce qui pouvait susciter quelques difficultés.

Finalement, sur l’initiative de son rapporteur, Yves Bur, qui est pourtant aussi l’auteur de la proposition de loi, l’Assemblée nationale a supprimé cette modification, tout en conservant la prorogation du mandat des administrateurs des caisses de base jusqu’au 30 novembre 2012, au motif que les élections théoriquement prévues au début du mois d’avril risquaient de se « télescoper » avec les élections présidentielle et législatives.

À cet égard, je signale que cette même mesure, heureusement rédigée de manière identique, figure aussi dans la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives que l’Assemblée nationale a adoptée définitivement le 29 février dernier. Cet exemple conforte notre assemblée dans le choix qu’elle fait de s’opposer aux textes « fourre-tout » qui, sous couvert de simplification, ne font souvent qu’apporter confusion et complexité !

Quatrièmement, enfin, il s’agit des comités régionaux de coordination de la mutualité, les CRCM, et du Conseil supérieur de la mutualité.

Ces comités sont des instances consultatives au niveau régional du secteur de la mutualité, élues pour six ans par les mutuelles. La partie réglementaire du code de la mutualité leur fixe une liste très longue de compétences, mais, étrangement, j’ai appris que ces comités ne se sont pas réunis depuis plusieurs années et que leur activité est très faible.

Dans les faits, la restructuration du secteur mutualiste conjuguée à l’ordonnance de janvier 2010, qui a créé l’Autorité de contrôle prudentiel, réduit l’intérêt de ces instances.

En conséquence, l’article 3 de la proposition de loi supprime les comités régionaux de coordination de la mutualité. Or ceux-ci avaient notamment pour rôle d’élire les membres du Conseil supérieur de la mutualité. Instance consultative, au niveau national cette fois, ce conseil semble avoir un fonctionnement qui n’est guère plus optimal que celui des CRCM. En effet, selon les informations qui m’ont été fournies, ce conseil supérieur ne s’est plus réuni en formation plénière depuis 2006 !

Toutefois, il se trouve que le secteur de la mutualité est très organisé au niveau professionnel, et la Fédération nationale de la mutualité française, la FNMF, y est largement majoritaire : elle regroupe 600 mutuelles de santé, qui couvrent 38 millions de personnes, et représente ainsi 95 % des mutuelles.

Dans les faits, il y a donc bel et bien un dialogue permanent avec les autorités publiques, mais c’est, au fond, le rôle de ces instances de consultation.

Pour ces raisons, l’article 3 substitue à l’élection des membres du Conseil supérieur de la mutualité, processus très coûteux et quelque peu artificiel du fait de la représentativité de la FNMF, une désignation par les organisations professionnelles. En outre, les critères de représentativité seront fixés par décret en Conseil d’État.

Il s’agit d’une mesure de simplification et d’allègement des coûts administratifs. Cependant, je ne mésestime pas la nécessité de faire vivre la démocratie du secteur mutualiste, car il importe de préserver cette forme d’organisation économique et sociale qui repose sur une finalité non lucrative.

Pour conclure, je veux rappeler que ces trois articles ont déjà été adoptés par le Parlement dans le cadre de la discussion de ce qu’il est convenu d’appeler la loi Fourcade, avant d’être censurés par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme.

Sur l’initiative de plusieurs sénateurs socialistes, l’article 1er a été, une seconde fois, approuvé dans le cadre, cette fois, de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, mais a été, de nouveau, invalidé par le Conseil constitutionnel, qui a estimé que cette disposition n’entrait pas dans le champ d’une loi de financement.

Or la réforme de la gouvernance des organismes de sécurité sociale en Alsace-Moselle est une mesure de simplification attendue par les acteurs locaux, qui l’ont préparée depuis plusieurs années.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a adopté sans modification la proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale. Je souhaite que le Sénat fasse de même.

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