Intervention de Marie-Luce Penchard

Réunion du 12 janvier 2012 à 9h30
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen un projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. Il a engagé le 30 novembre 2011 la procédure accélérée sur ce texte, qui a été adopté le 19 décembre dernier par l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement a décidé de diminuer de 5 % l’aide publique aux partis politiques et de réduire de 5 % le remboursement des dépenses de campagne électorale pour que les partis politiques et les candidats aux élections participent à l’effort de modération des dépenses publiques. Il s’agit là d’une question d’exemplarité.

Cette mesure a déjà été votée par le Parlement pour les élections autres que l’élection présidentielle, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, qui a modifié en ce sens le code électoral.

Le présent projet de loi organique poursuit seulement un objectif de cohérence : étendre à l’élection présidentielle, dont l’organisation relève de la loi organique, une mesure déjà votée pour les autres élections dans une loi ordinaire : rien de plus, rien de moins.

En premier lieu, je vous rappelle que ce projet de loi se contente de transposer à l’élection présidentielle le mécanisme approuvé par le Sénat lors de l’examen de la loi de finances pour 2012.

Comme vous le savez, les plafonds de remboursement et de dépenses électorales applicables aux autres élections que l’élection présidentielle sont déterminés par le code électoral : un article fixe le plafond des dépenses, un autre le taux des remboursements.

Fixé jusqu’à présent à 50 % du plafond des dépenses, le taux de remboursement a été abaissé à 47, 5 % pour les autres élections que l’élection présidentielle par l’article 112 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Je vous rappelle que le Sénat a adopté sans modification cette disposition le 1er décembre dernier, en première lecture, après que Mme la sénatrice Michèle André, au nom de la commission des finances, eut émis à son sujet un avis favorable.

Toutefois, cette modification n’est pas applicable à l’élection présidentielle, pour laquelle les modalités de remboursement des dépenses des candidats font l’objet de dispositions spécifiques déterminées par la loi organique.

Par ailleurs, s’agissant de l’élection présidentielle, ces modalités sont légèrement différentes dans leur principe. En effet, à la différence des candidats aux autres élections, les candidats à l’élection présidentielle, lorsqu’ils recueillent moins de 5 % des suffrages exprimés, peuvent prétendre à un remboursement forfaitaire, même si celui-ci représente seulement 5 % du plafond des dépenses, alors que ce taux s’élève à 50 % pour les candidats ayant recueilli plus de 5 % des suffrages exprimés. Au contraire, dans le cas des autres élections, les candidats ayant recueilli moins de 5 % des suffrages exprimés n’ont pas droit au remboursement forfaitaire.

Pour rendre applicable à l’élection présidentielle la baisse de 5 % du plafond de remboursement des dépenses électorales, il est nécessaire de modifier l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Par souci d’équité, il est donc proposé que tous les candidats soient concernés par cette baisse, quel que soit leur score. Les taux de remboursement des candidats, qu’ils obtiennent moins ou plus de 5 % des suffrages exprimés, ont donc été modifiés de la même façon dans le projet de loi organique : ils baisseront respectivement de 5 à 4, 75 % et de 50 à 47, 5 %.

De plus, par souci de cohérence avec les modalités retenues pour les autres élections, il a été décidé de baisser le taux de remboursement des dépenses électorales plutôt que le plafond de ces dépenses. Ce choix permettra de garantir aux candidats à l’élection présidentielle une meilleure sécurité juridique. En effet, la promulgation de la présente loi organique interviendra au plus tôt à la fin du mois de janvier 2012. Or, à cette date, les candidats à l’élection présidentielle auront déjà commencé à engager des dépenses. Avec la formule retenue, cependant, ils ne risqueront pas de dépasser rétroactivement le plafond des dépenses électorales et d’être déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel.

Je le répète, en définitive, le présent projet de loi organique se contente de transposer à l’élection présidentielle le mécanisme de baisse des remboursements que vous avez adopté pour les autres élections.

En second lieu, je souhaite vous exposer la portée financière de cette réforme.

Comme vous le savez, les remboursements des dépenses de campagne électorale représentent une part importante du coût de l’organisation de l’élection présidentielle : près du quart. Ils se sont élevés à 53, 4 millions d’euros en 2002 et à 44 millions d’euros en 2007.

Une diminution de 5 % des plafonds de remboursement, toutes choses égales par ailleurs, devrait donc permettre une économie d’environ 2, 2 millions d’euros si l’on se réfère au montant des remboursements versés en 2007.

Reste qu’au bout du compte, cette économie pourrait n’être qu’hypothétique. En effet, pour l’élection présidentielle comme pour les autres élections, une actualisation des plafonds de remboursement des dépenses électorales est prévue. Les montants des remboursements sont revalorisés par décret de manière à évoluer comme l’indice des prix à la consommation des ménages. De surcroît, cette actualisation, à l’origine triennale, a été rendue annuelle par la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

Or ce mécanisme n’est pas neutre pour nos finances publiques. Si je prends pour référence la configuration de l’élection présidentielle de 2007, les remboursements s’élèveraient en 2012 à 45, 9 millions d’euros, soit un montant supérieur de 1, 9 million d’euros à celui versé en 2007. L’économie de 2, 2 millions d’euros réalisée grâce à la baisse de 5 % des taux de remboursement serait donc presque annulée par la revalorisation mécanique des plafonds…

C’est pourquoi le Gouvernement propose, pour l’élection présidentielle, une mesure que le Sénat a déjà approuvée pour les autres élections : geler la revalorisation des plafonds jusqu’à la disparition du déficit des administrations publiques. Le mécanisme de revalorisation applicable à l’élection présidentielle fonctionnant par renvoi au code électoral, il suffit de modifier l’article 4 de la loi du 6 novembre 1962 pour que les dispositions de l’article 112 de la loi de finances pour 2012 prévoyant le gel des plafonds de remboursement pour les autres élections soient applicables aussi à l’élection présidentielle.

Grâce à ce gel et à la baisse de 5 % des taux de remboursement, les économies réalisées seront substantielles. Les deux mesures auront pour effet de diminuer les plafonds de remboursement de 8 % par rapport aux niveaux auxquels ils se seraient établis en l’absence de réforme, pour un gain total d’environ 3, 665 millions d’euros.

Plus précisément, les économies représenteront 70 000 euros sur les 870 000 euros auxquels peuvent prétendre les candidats n’atteignant pas 5 % des suffrages exprimés, 700 000 euros sur les 8, 7 millions d’euros dont peuvent bénéficier ceux qui atteignent ce seuil et presque 1 million d’euros sur 11, 6 millions d’euros pour les candidats du second tour.

Important, cet effort sera aussi durable, puisque le gel de la revalorisation des dépenses de campagne perdurera jusqu’au retour à l’équilibre de nos finances publiques.

En troisième lieu, je souhaite évoquer brièvement l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés socialistes, au cours de la première lecture du présent projet de loi organique.

Les mandataires des candidats aux élections présidentielles disposent, depuis le vote de la loi du 14 avril 2011, d’une semaine en moins pour déposer les comptes de campagne. En effet, l’article L. 52-12 du code électoral, auquel renvoie la loi du 6 novembre 1962, prévoit désormais que les comptes de campagne doivent être remis à la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, la CNCCFP, le neuvième vendredi suivant le premier tour de scrutin ; cette règle vaut pour l’ensemble des scrutins, qu’ils comptent un tour ou deux.

L’adoption de l’amendement permet de revenir, pour la seule élection présidentielle, au délai qui existait avant le vote de la loi du 14 avril 2011, soit le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il s’agit d’une mesure consensuelle et de bon sens, justifiée par le fait qu’il est très improbable qu’une élection présidentielle soit acquise au premier tour et que les deux tours sont séparés par deux semaines, au lieu d’une pour les autres élections comportant deux tours.

Avant d’inviter le Sénat à voter ce projet de loi organique sage et responsable, je dois vous dire que le Gouvernement ne peut pas approuver la modification que la commission des lois lui a apportée.

Comme M. le rapporteur lui-même l’a souligné dans son exposé des motifs, cet amendement est superfétatoire. En effet, l’article du code électoral qui prohibe les dons des personnes morales est bien applicable à l’élection présidentielle, comme cela est prévu depuis 1962. Aussi, il ne me semble pas opportun de modifier le droit dans ce domaine : cet ajout affaiblirait la jurisprudence du Conseil d’État, très claire en la matière. Le Gouvernement soutiendra donc l’amendement présenté par le groupe UMP pour rétablir la version actuelle du droit, qui est plus précise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les partis politiques et les candidats aux élections, notamment les candidats à l’élection majeure qui est celle du Président de la République, ont un devoir d’exemplarité en matière de modération des dépenses publiques.

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