Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 12 janvier 2012 à 9h30
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

On fait ce que l’on peut !

« Juste avant notre vote, » – rapporte Jacques Robert dans Le Parisien du 1er décembre 2011 – « Roland Dumas a passé une heure à l’Élysée avec Jacques Chirac. Sans doute lui a-t-il dit que la situation était délicate et qu’il avait dû manœuvrer pour faire régulariser les comptes. Mon impression, c’est que Roland Dumas, Jacques Chirac et Édouard Balladur se tenaient à l’époque par la barbichette. Et que nous avons servi de caution à une belle entourloupe. »

Le fait de faire examiner les comptes de campagne en première instance par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et d’autoriser cette dernière à saisir le parquet en cas de soupçon de délit, comme c’est le cas depuis 2006, règle-t-il la question ? Aucunement, car il ne se pose pas qu’un problème de moralité publique, que tout le monde a perçu ; il se pose également une question politique de fond : peut-on renvoyer un président de la République élu pour un dépassement de compte de campagne, d’autant que l’évaluation des dépenses liées à une campagne n’a rien d’une science exacte ? Tous les intervenants qui m’ont précédé l’ont souligné.

Les dépenses des « amis », des partis qui soutiennent le candidat, les dépenses de l’État pour les candidats sortants dans les mois qui précèdent le scrutin doivent-elles être comptabilisées ? Depuis Valéry Giscard d’Estaing, qui doit largement son échec à la division de sa majorité, tous les présidents sortants ont été réélus. Cela laisse un peu pensif !

Même en cas de faits graves – valise de billets d’origine douteuse, par exemple –, imagine-t-on un procureur ouvrir une instruction contre le Président de la République, ce qui serait d’ailleurs parfaitement inconstitutionnel ?

Répondant aux auteurs du livre de Jean-Jérôme Bertolus et Frédérique Bredin, paru l’année dernière et intitulé Tir à vue, la folle histoire des présidentielles – le titre dit tout ce que l’on veut… –, Roland Dumas explique parfaitement quel fut le dilemme auquel il avait été confronté en 1995.

« La France avait besoin d’un Président de la République, observe-t-il. La France venait d’élire Jacques Chirac. Même au prix de quelques anomalies, il était là. Donc, annuler les élections comme cela aurait été possible, et laisser la France sans capitaine dans le contexte international, c’était une décision d’une grande importance ! Les choses ont donc été négociées, c’est vrai, mais convenablement à mon avis. On est arrivé à un consensus sur la réintégration ou l’exonération de certaines sommes, et de fait le Conseil a statué dans sa sagesse pour que la France ait un Président de la République. »

Peut-on pourtant se satisfaire d’un système qui institutionnalise l’hypocrisie ? D’un système d’autant plus rigoureux pour les petits maladroits qu’il est tolérant pour les gros malins ? §Certainement pas ! D’où ma proposition d’amendement, qui permettrait à la fois de sanctionner un candidat élu qui aurait eu un comportement manifestement incompatible avec la charge de Président de la République, tout en conservant à la décision son caractère politique.

Selon ma proposition, en cas de rejet du compte de campagne du candidat élu, le Conseil constitutionnel informerait les deux assemblées du fait et des motifs de la décision, à charge pour elles de mettre en œuvre ou non la procédure de destitution prévue à l’article 68 de la Constitution.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement et vous en remercie par avance.

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