Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 12 janvier 2012 à 9h30
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, une démocratie qui ne coûte rien est une démocratie à vendre, une démocratie livrée aux enchères et aux intérêts privés, une démocratie dans laquelle la cause publique n’est plus défendue.

Les dérives du passé ont eu des conséquences lourdes sur la relation de confiance que les citoyens entretiennent avec leurs responsables politiques. La prise de conscience a eu lieu il y a plus de vingt ans. Elle a conduit à la rédaction des premières lois visant à rendre transparents les financements politiques et à limiter les conflits d’intérêts.

Le financement illicite de la vie politique par des personnes morales et le trafic d’influence pouvaient, enfin, être sanctionnés.

Ces principes généraux étant rappelés, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui concerne le financement des campagnes des candidats à l’élection présidentielle.

Le thème est complexe, cela a été rappelé par M. le rapporteur. Il est en particulier bien difficile de distinguer, quand l’un des candidats se trouve être le Président lui-même, ce qui relève de sa fonction et ce qui ressortit à son seul statut de candidat.

Il est même étonnant, alors que la loi impose à tout candidat de prendre en compte l’ensemble de ses dépenses liées à la campagne dans l’année précédant l’élection, que, à cent jours de l’élection présidentielle, le Gouvernement nous invite à examiner un projet de loi organique destiné à modifier les modalités des comptes de campagne pour la campagne en cours !

Ce projet de loi organique souffre donc d’un péché de rétroactivité. Le Conseil constitutionnel pourrait toutefois le censurer, car il change les règles du jeu de façon irréversible pour les candidats qui sont entrés en campagne les premiers...

Mais revenons au fond. Ce texte est d’abord démagogique.

Présenté comme devant permettre une baisse des contributions publiques, il n’induira en réalité qu’une diminution très faible de celles-ci, laquelle, de surcroît, ne pourra être mesurée, le cas échéant, qu’a posteriori.

À un moment où l’actualité judiciaire souligne que, en 1995 et 2007, des contributions « extralégales » auraient été perçues par des candidats à l’élection présidentielle, quelle est la cohérence de supprimer 5 % de financement public pour chaque candidat si certains d’entre eux n’ont pas de scrupules à aller chercher ce qui leur manque en dehors du cadre fixé par la loi ?

Hypocrite, ce système est aussi cynique : en matière d’élection présidentielle, le vainqueur a toujours raison, quelles que soient les libertés que celui-ci prend avec la loi. Tout dépassement, toute dérogation à la loi n’affecte jamais la validité de son élection !

Cet état de fait ne saurait durer, car il constitue une insulte à la démocratie. Cette préoccupation inspire plusieurs des amendements qui nous sont aujourd’hui soumis et qui, sous réserve de leur adoption, justifient que l’on soutienne ce texte, malgré les réserves initiales qu’il nous a inspiré.

En 2012, on ne peut plus, on ne doit plus se permettre d’offrir l’impunité à un président élu en dehors de toute contrainte et de toute obligation quant au respect des lois. Cette préoccupation doit également nous inspirer pour les élections législatives.

Le sujet est d’autant plus sensible que, pour la première fois, seront élus en 2012 onze députés des Français de l’étranger.

Ces élections vont se dérouler dans des conditions particulières, où la part des déplacements dans le coût total d’une campagne sera très significative, ce qui n’est pas le cas dans les circonscriptions métropolitaines.

Par exemple, une circonscription reliera Mourmansk, Téhéran, Wellington et Tokyo. Cette réalité induira, bien sûr, des coûts de déplacement astronomiques. Pour l’UMP, c’est le ministre des transports qui s’impose sur cette circonscription : nécessité oblige...

Dès lors, comment assurer une parfaite égalité entre tous les candidats quand certains sont des ministres en fonctions et d’autres de simples citoyens Français résidant à l’étranger ?

Avec mes collègues Hélène Conway Mouret, Claudine Lepage et Richard Yung, nous avons interrogé la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP. En effet, trois membres du Gouvernement ont été investis comme candidats de l’UMP à l’étranger : Thierry Mariani, Frédéric Lefebvre et Marie-Anne Montchamp. Comment ne pas craindre de voir ces derniers utiliser, lors de leurs déplacements à l’étranger, les moyens de la République pour favoriser leur élection comme député par les Français établis hors de France ?

À cet égard, on a d’ailleurs déjà constaté que le ministre chargé des transports a, depuis plusieurs mois, multiplié les déplacements officiels dans des pays faisant partie de la 11e circonscription. Entre le 3 juin 2011 et aujourd’hui, en l’espace de trente et une semaines, Thierry Mariani est parti, prétendument dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales, vingt-six fois à l’étranger, dont vingt-quatre fois dans un pays de la circonscription dans laquelle il est candidat !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion