Le présent amendement élargit effectivement le débat. Il est toutefois injuste de nous le reprocher, monsieur Détraigne, alors même que le Gouvernement a estimé opportun d’ouvrir une réforme des mécanismes de financement de la campagne présidentielle à quelques semaines seulement de son ouverture. C’est donc plutôt au Gouvernement qu’il convient d’adresser ce reproche.
La majorité sénatoriale, quant à elle, s’efforce de faire son travail. Dès lors que nous sommes saisis d’un texte, nous tentons de le modifier afin qu’il réponde au mieux aux besoins et permette de corriger certaines réalités.
Ce travail ne nous empêche en rien d’ouvrir un débat plus large. L’un de nos collègues vient ainsi de soulever les questions de la capacité d’expression et du pluralisme lors de la campagne pour l’élection présidentielle. Il est légitime, à cet égard, de se demander si le mode de remboursement des dépenses de campagne actuellement en vigueur, que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de modifier, est le plus juste et le mieux adapté.
À bien y regarder, nous avons justement constaté qu’il ne l’était pas, dans la mesure où il introduit des effets de seuil considérables, créateurs d’inégalités. Une voix accordée à un candidat n’a pas la même valeur, au moment du remboursement, selon que ce dernier parvient au second tour, obtient un score avoisinant les 5 % des suffrages ou dépasse à peine 0 % des voix.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons amorcer un débat, même si j’ai peu d’espoir quant à l’accueil que l’Assemblée nationale lui réservera. Il tend à substituer aux effets de seuil un mécanisme proportionnel : un remboursement au prorata du nombre de voix obtenues au premier tour, les candidats présents au second tour bénéficiant d’une prime.
Ce mécanisme permettrait de corriger les effets du système en vigueur : à l’heure actuelle, paradoxalement, les candidats présents au second tour et ceux ayant obtenu plus de 5 % des voix sont moins remboursés que les candidats ayant obtenu le moins de voix ; à l’inverse, les candidats dont le score avoisine le seuil de 5 % sans l’atteindre sont pénalisés par rapport à ceux qui l’ont tout juste dépassé. Lors de la dernière élection présidentielle, les écarts variaient de 800 000 euros pour les candidats ayant obtenu 4, 9 % ou 5 % des voix, à 8 millions d’euros pour ceux ayant atteint 5, 01 % des suffrages exprimés. Cette situation n’est guère satisfaisante.
Ce dispositif aurait par ailleurs l’avantage de garantir à l’État qu’il ne dépensera pas plus qu’il ne le souhaite au titre du remboursement.
Votre objectif, madame la ministre, compte tenu de l’état catastrophique de nos finances publiques, est d’économiser 3, 7 millions d’euros. Avec le mécanisme que je vous propose, vous auriez la garantie d’économiser cette somme. En effet, pour déduire le montant du remboursement, il suffirait, en utilisant une simple règle de trois, de diviser la somme inscrite au titre des crédits limitatifs dans le projet de loi de finances – aujourd’hui inscrite au titre des crédits évaluatifs – par le nombre de suffrages obtenus par chaque candidat. L’État serait donc assuré de ne pas dépenser, au titre du remboursement, un centime d’euro de plus, ce qui permettrait d’atteindre efficacement l’objectif d’économie que vous vous êtes fixé.
Je veux espérer, madame la ministre, que vous saurez entendre cette proposition, soucieuse autant des finances publiques que d’équité électorale.