Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 12 juillet 2010 à 15h00
Réseaux consulaires — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, force est de constater que le texte que nous examinons aujourd’hui, c’est-à-dire l’article 11 du projet de loi, puisque tous les autres articles ont été adoptés conformes par nos collègues de l’Assemblée nationale, suscite sinon moins d’opposition, en tout cas moins de vives réactions.

Souvenons-nous que l’article 11 relatif aux périmètres de référence des marchés d’intérêt national avait provoqué, après la suppression de ces périmètres protecteur en première lecture à l’Assemblée nationale, une vive réaction de la part de nombreux sénateurs, qu’ils soient membres de l’opposition ou de la majorité.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe socialiste du Sénat, avec le soutien de sénateurs de toutes les travées de cet hémicycle, vous avait alors donné l’opportunité de revenir à la rédaction initiale du projet de loi que vous aviez déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Ce premier texte était issu de la fructueuse concertation que vous aviez menée avec l’ensemble des professionnels du commerce des produits frais et de l’agriculture. Ce processus avait abouti à une proposition d’évolution de la réglementation des MIN qui recueillait l’assentiment de la plupart des parties concernées et qui semblait acceptable par la Commission européenne.

En effet, il convient de le rappeler, la directive Services n’a jamais condamné la nature ni les objectifs des marchés d’intérêt national et leurs périmètres de référence. Le texte qui avait été élaboré était conforme à la lettre et à l’esprit de cette directive, quoi qu’on en pense par ailleurs. L’argument selon lequel les périmètres de référence devaient être supprimés au motif qu’ils étaient en contradiction avec cette directive ne tenait donc pas.

Mes chers collègues, nous connaissons tous la suite : c’est finalement un amendement de compromis déposé par nos collègues du groupe CRC-SPG qui a permis de sauver les périmètres de référence des MIN. Les procédures d’autorisation dans ces marchés ont été assouplies et les critères d’octroi de l’autorisation permettant l’installation d’un grossiste dans le périmètre de référence d’un marché d’intérêt national ont été redéfinis.

Le texte résultant des travaux du Sénat était sans doute le meilleur compromis qu’il était possible d’envisager. Les autorisations d’installation des grossistes n’étaient plus obligatoires que pour les surfaces commerciales supérieures à 1 000 mètres carrés et prenaient en compte des critères fondés sur des considérations d’aménagement du territoire, de sécurité sanitaire et de développement durable.

Mes chers collègues, il convient de rappeler que ces périmètres de référence sont tout à fait essentiels pour la bonne marche du service public de l’alimentation. Il ne s’agit pas de défendre un monopole, bien au contraire ! Sans ces périmètres dits « de protection », les grossistes et distributeurs du secteur agroalimentaire auraient pu s’installer rapidement au sein des agglomérations, sans autorisation préalable des pouvoirs publics, au titre du commerce de gros des produits frais, tout en échappant aux divers contrôles, notamment sanitaires.

Cette concurrence déloyale aurait eu pour effet d’affaiblir sensiblement les 1 300 PME du MIN de Rungis ainsi que des dizaines d’autres en régions, et de menacer la pérennité des 26 000 emplois des MIN de France.

Les périmètres de protection des marchés d’intérêt national interdisent, comme chacun le sait, toute extension ou création d’activité destinée à la vente en gros à l’intérieur du périmètre pour les produits protégés. C’est en partie grâce à l’efficacité de cette mesure destinée à protéger les MIN et les grossistes et producteurs qui y exercent leurs activités que le marché de Rungis, le plus grand marché de produits frais au monde, est devenu un modèle dont l’organisation est exportée par ses dirigeants dans le monde entier.

Le marché de Rungis génère à lui seul un chiffre d’affaires de près de 8 milliards d’euros. Plus de 5 500 grossistes y emploient 12 000 salariés. Depuis plus de quarante ans, le MIN de Rungis mène au quotidien le combat de la qualité et de la fraîcheur de ses produits dont 18 millions de consommateurs profitent tous les jours. Chaque matin, ce sont plus de 30 000 professionnels qui franchissent les portes du marché pour l’approvisionner, y faire leurs achats ou venir y travailler.

Grâce aux périmètres de référence, les MIN sont de puissants outils d’aménagement du territoire. Ils constituent un réservoir d’emplois qu’il faut protéger et, pour nombre de nos agriculteurs, un outil essentiel de mise en marché de leurs produits jusque sur les étalages des commerçants forains et sédentaires de nos centres-villes. Ils sont le seul outil dont l’État dispose pour suivre la formation des prix de détail des produits frais. Ils sont, enfin, un lieu de contrôles sanitaires et phytosanitaires, des procédures essentielles pour assurer notre sécurité alimentaire.

Certes, les travaux du Sénat ont permis de sauver ces périmètres de protection, et nous pouvons être satisfaits, mes chers collègues, du combat qui a été mené sur toutes les travées de cet hémicycle pour la défense des MIN.

Lors de la deuxième lecture, l’Assemblée nationale s’est fort opportunément ralliée au texte voté par le Sénat et l’a même amélioré en écartant toute possibilité pour un opérateur de détourner, en multipliant sur le même site plusieurs implantations distinctes, la mesure de simplification consistant à dispenser d’autorisation les installations de faible surface.

Le texte transmis par l’Assemblée nationale prévoit en effet que la surface s’entend, le cas échéant, pour un groupe d’installations proches mais formellement distinctes, ce qui permettra d’éviter la constitution sans contrôle d’une installation dépassant le seuil légal des 1 000 mètres carrés par agrégation de plusieurs bâtiments destinés aux mêmes clients.

En revanche, le texte issu des travaux du Sénat en première lecture a été mis à mal sur deux points essentiels selon nous.

Tout d’abord, le Sénat avait prévu que l’autorité administrative compétente pour donner l’autorisation d’installation devait statuer sur les demandes d’autorisation en prenant en considération les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de sécurité sanitaire. L’Assemblée nationale a supprimé ce dernier critère, ce qui ne paraît absolument pas justifié : la sécurité sanitaire constitue une condition tout à fait essentielle pour accorder ou refuser l’autorisation d’implantation d’un grossiste. Nous vous proposerons donc un amendement visant à réintroduire ce critère.

Par ailleurs, le dispositif de compromis adopté par le Sénat en première lecture a été substantiellement fragilisé : la majorité à l’Assemblée nationale a décidé de lui conférer un caractère provisoire en limitant son application au 31 décembre 2012. À cette date, un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs visés, sera présenté au Parlement par l’autorité administrative compétente.

Certes, l’élaboration de ce bilan associera notamment les établissements publics et les organisations interprofessionnelles concernées. Les déclarations du rapporteur Gérard Cornu lors de la réunion de la commission de l’économie du 30 juin dernier ne nous ont cependant pas rassurés sur l’orientation de celui-ci.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons un amendement de suppression de cette clause de revoyure.

De plus, vous n’êtes pas sans savoir que, pour se développer, les MIN ont besoin d’investissements importants qui nécessitent une visibilité à long terme. Manifestement, cette clause de revoyure constitue un obstacle à de tels investissements.

Si l’échéance du 31 décembre 2012 devait être maintenue, les élus et professionnels qui défendent une alimentation de qualité au service des citoyens seront plus nombreux et plus déterminés que jamais pour préserver la concurrence « qualité » que garantissent les marchés d’intérêt national.

Le savoir-faire de ceux qui y travaillent et le service public qui les protège méritent toute notre attention et notre respect. Il s’agit ni plus ni moins de défendre le modèle français d’économie mixte et de distribution alimentaire alternative à la grande distribution ? Nous serons toujours attentifs à la défense des MIN, car il ne s’agit rien de moins que de défendre l’intérêt général et le service public de l’alimentation.

Grâce à l’existence des périmètres de référence, la France dispose encore d’un circuit de distribution alimentaire de qualité. Les MIN sont, par définition, des lieux de concurrence où se confronte une diversité d’offres. Ce ne sont ni des « monopoles » ni des lieux de « privilège ». Nous serons toujours présents pour défendre leur pérennité.

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