Aussi convient-il d'aborder la question d'une façon globale, en prenant en compte les conséquences négatives du survol, rare au début, puis de plus en plus fréquent, des communes situées sous les couloirs de vol. L'enquête épidémiologique de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires nous donnera d'ici quelques années des données scientifiques incontestables.
L'approche équilibrée définie par l'Organisation de l'aviation civile internationale consiste à rapporter le coût économique des mesures de lutte contre le bruit au bénéfice pour les populations, de façon à sélectionner les actions les plus appropriées parmi quatre catégories : la réduction du bruit à la source par la mise en service d'avions moins bruyants, les politiques d'urbanisme évitant l'installation de populations dans les zones impactées par le bruit, les procédures opérationnelles d'atténuation du bruit, telles que la descente continue, et, en dernier ressort, les restrictions d'exploitation, limitant ou interdisant les décollages et les arrivées nocturnes, ces dernières étant l'objet de la proposition de règlement.
Cette approche pouvait être consensuelle, mais le texte présenté par la Commission l'interprète de façon maximaliste en considérant que les mesures de restriction d'exploitation sont suspectes et en privilégiant les mesures d'urbanisme qui permettent une utilisation maximale des capacités de l'aéroport. Or cette approche productiviste ne peut avoir qu'un effet limité dans un pays comme la France, urbanisé de longue date, à la différence des États-Unis ou plus encore des pays du Golfe. Élu de Conflans-Sainte-Honorine, je peux témoigner du fait que les nuisances sonores liées à un aéroport très fréquenté se font ressentir à une grande distance des pistes.
Dans son dispositif, la proposition de règlement de la Commission reprend la plupart des dispositions d'une directive du 26 mars 2002 en leur conférant désormais une application directe. Il précise ainsi les modalités de mise en place de l'approche équilibrée ainsi que du retrait progressif des aéronefs les plus bruyants - l'introduction de nouvelles restrictions d'exploitation devait, d'après la directive de 2002, faire l'objet d'un simple préavis, tout en relevant de la compétence strictement nationale. La proposition de règlement énonce en outre les informations relatives au bruit des aéronefs que les compagnies aériennes doivent transmettre à la Commission.
La principale disposition contestée par la commission des affaires européennes concerne le droit de regard prévu par l'article 10, ce qui est un euphémisme puisqu'il s'agit plutôt d'un droit de suspension, la Commission pouvant suspendre une restriction d'exploitation non conforme au principe de l'approche équilibrée voire, plus largement, au droit européen. Cette procédure exorbitante du droit commun est superfétatoire, car les compagnies aériennes ou les sociétés aéroportuaires peuvent déjà contester devant le juge la légalité d'un arrêté de restriction d'exploitation et l'on voit mal quelle urgence particulière justifierait un tel pouvoir de contrôle a priori de la Commission alors que la mise en oeuvre du droit européen repose en premier lieu sur les États membres. Imaginez l'effet que produirait, en pleine concertation avec les populations et les acteurs concernés, une intervention de la Commission européenne suspendant la mise en oeuvre d'une mesure de restriction d'exploitation sur un aéroport en invoquant la nécessité d'augmenter le trafic !