Intervention de Pierre Lebailly

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 22 mars 2012 : 1ère réunion
Audition du dr. pierre lebailly chercheur à l'université de caen-basse-normandie responsable du programme agriculture et cancer agrican

Pierre Lebailly :

Parce que c'est là que nous travaillions, et parce que nous voulions nous fonder sur des biomarqueurs de génotoxicité et pas seulement sur des questionnaires comme aux Etats-Unis : il valait donc mieux être à proximité. Le panel était représentatif, car en Basse-Normandie comme dans l'ensemble de la France la moitié des exploitations pratiquent la polyculture et l'élevage.

En 1995, à Bordeaux, Isabelle Baldi commençait à constituer plusieurs cohortes pour étudier des pathologies neurodégénératives comme la maladie de Parkison et ses liens avec les pesticides (cohorte Paquid), la maladie d'Alzheimer et l'évolution des fonctions cognitives chez les ouvriers agricoles (cohorte Phytoner). Mais ni elle, ni moi n'étions capables de mesurer l'exposition aux pesticides. On admettait en général que l'exposition dépendait de la surface agricole traitée, mais la littérature agronomique soutenait le contraire. Nous avons donc constitué en 2000 un atelier sur la mesure de l'exposition. Parallèlement, un modèle de prédiction de l'exposition était créé dans le cadre de la procédure d'homologation au niveau européen. Les Français étaient alors les premiers utilisateurs de pesticides en Europe, les deuxièmes dans le monde, mais jamais il n'y avait eu d'études sur les conditions d'exposition, hormis celles de l'industrie, avant ou après homologation. Des études de terrain n'étaient exigées des industriels que dans le cas où les tests échouaient avec une tenue de protection complète, un habit de cosmonaute que jamais aucun agriculteur ne pourra porter. L'UIPP - qui finance mon laboratoire à hauteur de 45 000 euros par an - tentait par tous les moyens de nous dissuader d'entreprendre des études de terrain, arguant que les modèles de prévision de l'exposition étaient très conservateurs, basés sur des données des années 1980 qui surestimaient les expositions. Le recours à cet argument suffisait à obtenir l'homologation.

Au même moment, la cohorte américaine commençait à se fonder non plus seulement sur la surface traitée, mais sur d'autres critères comme le type d'équipements. Des études cas-témoin de plus grande taille étaient menées en France sur les tumeurs du système nerveux central, le cancer de la thyroïde ou du sein, le cancer broncho-pulmonaire, ou encore sur les lymphes, qui mettaient en évidence un lien avec le milieu agricole, sans préciser les pesticides ou les productions en cause. C'est en 2006 que nous avons pu proposer une étude plus ample, le programme Agrican.

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