Intervention de Patrick Lefas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 24 janvier 2012 : 1ère réunion
Centre national pour le développement du sport cnds — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes :

Je suis heureux que la commission des finances du Sénat ait souhaité organiser la réunion de ce jour. Elle fait suite au premier contrôle du CNDS réalisé par la Cour des comptes, lequel couvre la période 2006-2010.

Comme vous le savez, ce jeune établissement public a succédé, depuis 2006, au Fonds national pour le développement du sport (FNDS), dont les caractéristiques contrevenaient à l'article 21 de la LOLF. Il octroie trois grandes catégories de subventions :

- des subventions de fonctionnement à destination des associations sportives ou des ligues, désignées sous le nom de « part territoriale » du CNDS. Cela représente 43 % des dépenses prévisionnelles de 2012 ;

- des subventions d'équipement sportif, pesant 38 % de ces mêmes dépenses ;

- et des financements nationaux, à destination, notamment, du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), soit 7 % des dépenses.

S'y ajoutent d'autres dépenses, comme le fonds de concours à destination du programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », un complément exceptionnel de la part territoriale en faveur des jeunes scolarisés et les frais de structure de l'établissement.

Pour financer ces dépenses, le CNDS bénéficie de recettes affectées pour un montant prévisionnel de plus de 272 millions d'euros en 2012, à savoir :

- la contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives de 5 %, dite « taxe Buffet » ;

- un prélèvement de 1,8 %, plafonné, sur les sommes misées dans le cadre des jeux exploités par la Française des jeux, la loi de finances pour 2011 ayant toutefois porté ce taux à 2,1 % (plafonné à 24 M€ supplémentaires) pendant cinq ans afin de tenir compte de la prise en charge, par le CNDS d'une partie du financement de la rénovation des stades pour l'Euro 2016 de football ;

- et, depuis 2010, une contribution sur les sommes misées dans le cadre des paris sportifs de la Française des jeux et des nouveaux opérateurs agréés, dont le taux sera porté à 1,8 % à compter de 2012.

Trois idées-forces ressortent des travaux que nous avons menés.

En premier lieu, le CNDS s'est doté d'une organisation et d'un cadre de gestion adapté à ses missions.

En effet, il est un lieu de concertation entre les principaux acteurs de la politique du sport, ce qui lui impose de fonctionner selon des règles déontologiques strictes. La Cour a recommandé que la déclaration publique d'intérêt soit étendue aux invités permanents ou réguliers au conseil d'administration. Pour son organisation administrative, le CNDS a fait le choix de centraliser les paiements et de déconcentrer l'instruction de la majeure partie des dossiers, ce qui explique la relative modestie du budget de fonctionnement. On peut noter cependant que les effectifs du siège sont passés de 17 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2007 à 25 actuellement, soit une hausse de 47 % et qu'en prenant en compte le coût d'utilisation des services déconcentrés, soit 14 millions d'euros pour 350 emplois, selon une estimation ancienne fournie à la Cour, les charges de personnel sont en réalité beaucoup plus élevées.

Les procédures mises en place permettent d'instruire les demandes de subvention avec professionnalisme et de traiter les interventions diverses selon un mode opératoire précis et une approche concertée. L'établissement s'est par ailleurs doté d'une cartographie des risques et d'un dispositif de contrôle interne.

Le principal problème comptable concerne le suivi des engagements hors bilan, qui s'élevaient à 244,5 millions d'euros fin 2009 et à 340,9 millions d'euros fin 2011, et qui sont constitués de décisions de subventions d'équipement dont les paiements dépendent de la réalisation des opérations et, pour 112 millions d'euros, des décisions afférentes à l'euro 2016. La Cour recommande de veiller particulièrement à ce que l'établissement sache à tout moment s'il peut prendre des engagements nouveaux compte tenu des engagements pluriannuels déjà souscrits, ce qui suppose qu'il en connaisse avec précision l'écoulement et se donne les moyens de limiter la durée de ses engagements. La possibilité de passer des provisions pour charges dans cette perspective devrait sans doute être étudiée.

En deuxième lieu, la Cour considère que des améliorations doivent être apportées aux modalités d'octroi et de suivi des subventions.

S'agissant de la part territoriale tout d'abord, la Cour recommande de définir un nombre plus restreint de priorités, celles-ci s'étant accumulées au fil des années. C'est la voie dans laquelle semblait s'engager l'établissement en 2011. Par ailleurs, pour exercer pleinement leur effet de levier et leur complémentarité avec les collectivités territoriales, les subventions du CNDS doivent être allouées sur la base d'un projet concourant au développement du sport pour tous. Cette orientation stratégique peine à se concrétiser. Le montant moyen relativement faible des dotations - 2 974 euros en 2009 pour un total de 45 000 subventions - et leur caractère souvent récurrent conduisent à les assimiler à des subventions de fonctionnement courant. Le CNDS s'est toutefois engagé dans la voie du relèvement du seuil minimum de subvention (de 750 euros en 2011 à 1 000 euros en 2013).

Enfin, toujours au titre de la part territoriale, l'octroi d'aides à la consolidation d'emplois sportifs qualifiés dans le cadre du plan sport emploi (PSE) n'est pas subordonné à une évaluation systématique du projet de restructuration. Quant au soutien aux activités sportives d'accompagnement éducatif, après un lancement difficile, il souffre d'importantes disparités entre les territoires.

S'agissant maintenant des subventions d'équipement (67 millions d'euros en 2010), il y a également des progrès à faire dans la gestion. La Cour recommande que le CNDS développe les outils d'aide à la décision et qu'il précise sa doctrine d'intervention. Les fédérations sportives doivent s'engager plus avant dans la définition de schémas pluriannuels d'équipement sur lesquels puissent s'appuyer les avis du mouvement sportif, sans que cela lie pour autant le CNDS. Il importe aussi de mieux encadrer le montant de l'aide octroyée à partir de critères homogènes par nature d'équipements.

Enfin, il a été relevé des difficultés dans le versement des subventions d'équipement qui tiennent à deux types de raison. D'une part, la qualité des dossiers de mandatement préparés par les services déconcentrés est médiocre, et l'effort de formation technique et financière doit être accentué. D'autre part, le CNDS ne maîtrise pas le calendrier de réalisation des opérations concernées, qui dépend des maîtres d'ouvrage : la Cour recommande de mettre en place un suivi plus exigeant des dossiers en faisant des relances formelles et systématiques, afin d'apurer plus rapidement les situations (par exemple, le CNDS avait encore dans ses comptes 44 dossiers non apurés qui sont antérieurs à 2006).

En troisième lieu, l'enquête conclut que le CNDS doit avoir plus de visibilité sur l'évolution de ses missions et sur l'affectation de ses financements.

En effet, une volonté de recentrage a présidé à la création de cet établissement public, sur la base de la répartition suivante : au ministère des sports l'action régalienne et normative, le financement des politiques nationales et du sport de haut niveau principalement, et au CNDS le développement du sport pour tous au niveau territorial.

La Cour constate que cette répartition n'est pas aussi claire. Ainsi - mais les textes l'ont prévu dès l'origine - le CNDS subventionne le CNOSF, ce qui permet au mouvement olympique de ne pas subir la forte contrainte qui pèse sur l'évolution des crédits votés en loi de finances, sa subvention de fonctionnement annuel ayant progressé, en moyenne, de 7,5 % par an de 2005 à 2010.

Ensuite cette volonté de rationalisation a subi dès 2006 un accroc significatif avec la mise en oeuvre du Programme national de développement du sport (PNDS), financé via le CNDS de 2006 à 2008 au moyen d'un prélèvement complémentaire sur la Française des Jeux mais entièrement maîtrisé par le ministère. Les financements attribués via le PNDS ont ainsi introduit une confusion entre le rôle de l'Etat et celui du CNDS, établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie comptable. Si ce système n'avait pas été prévu par les textes, il aurait d'ailleurs pu relever, pour la Cour des comptes, d'une gestion de fait des deniers de l'Etat.

La fin du PNDS a entraîné des difficultés de financement pour des actions dont les bénéficiaires souhaitaient le maintien. Deux voies ont alors été mises en oeuvre par le ministère pour pérenniser ces financements en s'appuyant sur les ressources du CNDS :

- première voie : la création d'un fonds de concours permettant au CNDS d'abonder les crédits du programme budgétaire n° 219 « sport » de l'Etat : de 6,31 millions d'euros en 2009, ce fonds devrait s'élever à 19,5 millions d'euros en 2012. S'il appartient au conseil d'administration du CNDS d'en décider l'octroi, celui-ci est néanmoins largement mis devant le fait accompli. Par ailleurs, il peut être observé qu'aux termes de l'article 17 de la LOLF, les fonds de concours sont normalement constitués de « fonds à caractère non fiscal... pour concourir à des dépenses d'intérêt public... ». La Cour recommande de mettre fin à l'abondement récurrent des crédits budgétaires de l'Etat par le CNDS et l'Etat serait bien inspiré de relire la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005 (point 23) ;

- deuxième voie : la reprise de certaines actions de l'Etat au titre des missions propres du CNDS ; il en est ainsi, depuis 2009, du soutien à l'organisation d'évènements sportifs internationaux : pour 2011, le budget du CNDS prévoyait d'affecter 7 millions d'euros à cette mission, et un emploi dédié a été créé. C'est vrai aussi de la prévention du dopage (600 000 euros).

D'autres charges nouvelles sont supportées ou risquent de l'être par le CNDS. Ainsi celle liée à l'organisation de l'Euro 2016 de football, pour laquelle le CNDS sera le vecteur de la contribution de l'Etat. Le prélèvement exceptionnel prévu pour la période 2011-2015 devrait permettre de lever au maximum 120 millions d'euros. Or cette somme est inférieure à la participation annoncée par l'Etat à hauteur de 168 millions d'euros. D'autres besoins ont été exprimés, comme celui relatif aux grandes salles qui ont fait l'objet du rapport Costantini « Arenas 2015 ».

En tout état de cause, la Cour constate que la jeune histoire du CNDS montre une tension permanente entre la volonté de rationaliser les canaux de financement du sport, et la tentation de puiser dans les ressources de l'établissement en élargissant ses missions, comme s'il s'agissait d'une corne d'abondance.

Le dynamisme des dépenses doit être contenu, ne serait-ce que pour des raisons d'équilibre budgétaire de l'établissement. A cet égard la réduction du fonds de roulement qui était de 78,4 millions d'euros en 2008 et devrait être négatif en 2012 selon les dernières prévisions (- 3,1 millions d'euros) doit inciter à la prudence et au suivi correct des engagements pluriannuels.

En conclusion, le système mis en place à travers le CNDS présente l'avantage d'organiser un apport financier stable en faveur du sport pour tous. Il importe cependant de mieux définir ses objectifs et la doctrine d'utilisation de ses fonds, de mieux mesurer les conditions de son équilibre financier à moyen terme au regard de ses missions, enfin d'évaluer l'impact réel de ses actions.

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