La commission procède à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et entend MM. Patrick Lefas, président de la troisième chambre, Pascal Duchadeuil, président de section, Serge Barichard, conseiller référendaire et Walid Benaabou, auditeur, de la Cour des comptes, MM. Gérald Darmanin, directeur de cabinet et Pierre Messerlin, directeur-adjoint de cabinet du ministre des sports, M. Richard Monnereau, directeur des sports, M. Julien Nizri, directeur général, et Mme Francine Mary, directrice des affaires financières du CNDS, M. Jean-Jacques Mulot, trésorier du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice à la direction du budget.
Mes chers collègues, nous sommes réunis afin de procéder à la traditionnelle audition « pour suite à donner » aux travaux que nous avons demandés à la Cour des comptes, conformément au 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Au vu de sa nature et de son intérêt, cette audition est ouverte à nos collègues de la commission de la culture ainsi qu'à la presse.
Je vous rappelle que notre collègue Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, est à l'initiative de ces travaux. Je lui donne donc la parole afin qu'il nous rappelle les raisons qui l'ont conduit à les solliciter.
Merci Monsieur le Président.
J'ai, en effet, souhaité bénéficier de l'éclairage de la Cour des comptes sur le CNDS pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la taille même de l'opérateur, créé en 2006, justifiait que l'on se penche sur sa gestion. De fait, en 2012, cet établissement public devrait disposer de davantage de crédits que le programme « Sport ». La qualité de la gestion et les modalités de prise de décision revêtent donc une grande importance. Les fortes fluctuations de la trésorerie du CNDS au fil des années méritaient aussi, à mon sens, un examen particulier. Enfin, les missions confiées au CNDS par l'Etat m'ont semblé particulièrement larges et mouvantes au fil des années. Le jugement avisé de la Cour des comptes devrait nous aider à voir si tout est toujours justifié.
Outre la prise de connaissance des travaux de la Cour, l'audition de ce jour nous apportera, je l'espère, d'utiles précisions en croisant les visions de chacun.
Pour commencer, je donne donc la parole au président Lefas afin qu'il nous présente les résultats de l'enquête de la Cour des comptes.
Je suis heureux que la commission des finances du Sénat ait souhaité organiser la réunion de ce jour. Elle fait suite au premier contrôle du CNDS réalisé par la Cour des comptes, lequel couvre la période 2006-2010.
Comme vous le savez, ce jeune établissement public a succédé, depuis 2006, au Fonds national pour le développement du sport (FNDS), dont les caractéristiques contrevenaient à l'article 21 de la LOLF. Il octroie trois grandes catégories de subventions :
- des subventions de fonctionnement à destination des associations sportives ou des ligues, désignées sous le nom de « part territoriale » du CNDS. Cela représente 43 % des dépenses prévisionnelles de 2012 ;
- des subventions d'équipement sportif, pesant 38 % de ces mêmes dépenses ;
- et des financements nationaux, à destination, notamment, du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), soit 7 % des dépenses.
S'y ajoutent d'autres dépenses, comme le fonds de concours à destination du programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », un complément exceptionnel de la part territoriale en faveur des jeunes scolarisés et les frais de structure de l'établissement.
Pour financer ces dépenses, le CNDS bénéficie de recettes affectées pour un montant prévisionnel de plus de 272 millions d'euros en 2012, à savoir :
- la contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives de 5 %, dite « taxe Buffet » ;
- un prélèvement de 1,8 %, plafonné, sur les sommes misées dans le cadre des jeux exploités par la Française des jeux, la loi de finances pour 2011 ayant toutefois porté ce taux à 2,1 % (plafonné à 24 M€ supplémentaires) pendant cinq ans afin de tenir compte de la prise en charge, par le CNDS d'une partie du financement de la rénovation des stades pour l'Euro 2016 de football ;
- et, depuis 2010, une contribution sur les sommes misées dans le cadre des paris sportifs de la Française des jeux et des nouveaux opérateurs agréés, dont le taux sera porté à 1,8 % à compter de 2012.
Trois idées-forces ressortent des travaux que nous avons menés.
En premier lieu, le CNDS s'est doté d'une organisation et d'un cadre de gestion adapté à ses missions.
En effet, il est un lieu de concertation entre les principaux acteurs de la politique du sport, ce qui lui impose de fonctionner selon des règles déontologiques strictes. La Cour a recommandé que la déclaration publique d'intérêt soit étendue aux invités permanents ou réguliers au conseil d'administration. Pour son organisation administrative, le CNDS a fait le choix de centraliser les paiements et de déconcentrer l'instruction de la majeure partie des dossiers, ce qui explique la relative modestie du budget de fonctionnement. On peut noter cependant que les effectifs du siège sont passés de 17 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2007 à 25 actuellement, soit une hausse de 47 % et qu'en prenant en compte le coût d'utilisation des services déconcentrés, soit 14 millions d'euros pour 350 emplois, selon une estimation ancienne fournie à la Cour, les charges de personnel sont en réalité beaucoup plus élevées.
Les procédures mises en place permettent d'instruire les demandes de subvention avec professionnalisme et de traiter les interventions diverses selon un mode opératoire précis et une approche concertée. L'établissement s'est par ailleurs doté d'une cartographie des risques et d'un dispositif de contrôle interne.
Le principal problème comptable concerne le suivi des engagements hors bilan, qui s'élevaient à 244,5 millions d'euros fin 2009 et à 340,9 millions d'euros fin 2011, et qui sont constitués de décisions de subventions d'équipement dont les paiements dépendent de la réalisation des opérations et, pour 112 millions d'euros, des décisions afférentes à l'euro 2016. La Cour recommande de veiller particulièrement à ce que l'établissement sache à tout moment s'il peut prendre des engagements nouveaux compte tenu des engagements pluriannuels déjà souscrits, ce qui suppose qu'il en connaisse avec précision l'écoulement et se donne les moyens de limiter la durée de ses engagements. La possibilité de passer des provisions pour charges dans cette perspective devrait sans doute être étudiée.
En deuxième lieu, la Cour considère que des améliorations doivent être apportées aux modalités d'octroi et de suivi des subventions.
S'agissant de la part territoriale tout d'abord, la Cour recommande de définir un nombre plus restreint de priorités, celles-ci s'étant accumulées au fil des années. C'est la voie dans laquelle semblait s'engager l'établissement en 2011. Par ailleurs, pour exercer pleinement leur effet de levier et leur complémentarité avec les collectivités territoriales, les subventions du CNDS doivent être allouées sur la base d'un projet concourant au développement du sport pour tous. Cette orientation stratégique peine à se concrétiser. Le montant moyen relativement faible des dotations - 2 974 euros en 2009 pour un total de 45 000 subventions - et leur caractère souvent récurrent conduisent à les assimiler à des subventions de fonctionnement courant. Le CNDS s'est toutefois engagé dans la voie du relèvement du seuil minimum de subvention (de 750 euros en 2011 à 1 000 euros en 2013).
Enfin, toujours au titre de la part territoriale, l'octroi d'aides à la consolidation d'emplois sportifs qualifiés dans le cadre du plan sport emploi (PSE) n'est pas subordonné à une évaluation systématique du projet de restructuration. Quant au soutien aux activités sportives d'accompagnement éducatif, après un lancement difficile, il souffre d'importantes disparités entre les territoires.
S'agissant maintenant des subventions d'équipement (67 millions d'euros en 2010), il y a également des progrès à faire dans la gestion. La Cour recommande que le CNDS développe les outils d'aide à la décision et qu'il précise sa doctrine d'intervention. Les fédérations sportives doivent s'engager plus avant dans la définition de schémas pluriannuels d'équipement sur lesquels puissent s'appuyer les avis du mouvement sportif, sans que cela lie pour autant le CNDS. Il importe aussi de mieux encadrer le montant de l'aide octroyée à partir de critères homogènes par nature d'équipements.
Enfin, il a été relevé des difficultés dans le versement des subventions d'équipement qui tiennent à deux types de raison. D'une part, la qualité des dossiers de mandatement préparés par les services déconcentrés est médiocre, et l'effort de formation technique et financière doit être accentué. D'autre part, le CNDS ne maîtrise pas le calendrier de réalisation des opérations concernées, qui dépend des maîtres d'ouvrage : la Cour recommande de mettre en place un suivi plus exigeant des dossiers en faisant des relances formelles et systématiques, afin d'apurer plus rapidement les situations (par exemple, le CNDS avait encore dans ses comptes 44 dossiers non apurés qui sont antérieurs à 2006).
En troisième lieu, l'enquête conclut que le CNDS doit avoir plus de visibilité sur l'évolution de ses missions et sur l'affectation de ses financements.
En effet, une volonté de recentrage a présidé à la création de cet établissement public, sur la base de la répartition suivante : au ministère des sports l'action régalienne et normative, le financement des politiques nationales et du sport de haut niveau principalement, et au CNDS le développement du sport pour tous au niveau territorial.
La Cour constate que cette répartition n'est pas aussi claire. Ainsi - mais les textes l'ont prévu dès l'origine - le CNDS subventionne le CNOSF, ce qui permet au mouvement olympique de ne pas subir la forte contrainte qui pèse sur l'évolution des crédits votés en loi de finances, sa subvention de fonctionnement annuel ayant progressé, en moyenne, de 7,5 % par an de 2005 à 2010.
Ensuite cette volonté de rationalisation a subi dès 2006 un accroc significatif avec la mise en oeuvre du Programme national de développement du sport (PNDS), financé via le CNDS de 2006 à 2008 au moyen d'un prélèvement complémentaire sur la Française des Jeux mais entièrement maîtrisé par le ministère. Les financements attribués via le PNDS ont ainsi introduit une confusion entre le rôle de l'Etat et celui du CNDS, établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie comptable. Si ce système n'avait pas été prévu par les textes, il aurait d'ailleurs pu relever, pour la Cour des comptes, d'une gestion de fait des deniers de l'Etat.
La fin du PNDS a entraîné des difficultés de financement pour des actions dont les bénéficiaires souhaitaient le maintien. Deux voies ont alors été mises en oeuvre par le ministère pour pérenniser ces financements en s'appuyant sur les ressources du CNDS :
- première voie : la création d'un fonds de concours permettant au CNDS d'abonder les crédits du programme budgétaire n° 219 « sport » de l'Etat : de 6,31 millions d'euros en 2009, ce fonds devrait s'élever à 19,5 millions d'euros en 2012. S'il appartient au conseil d'administration du CNDS d'en décider l'octroi, celui-ci est néanmoins largement mis devant le fait accompli. Par ailleurs, il peut être observé qu'aux termes de l'article 17 de la LOLF, les fonds de concours sont normalement constitués de « fonds à caractère non fiscal... pour concourir à des dépenses d'intérêt public... ». La Cour recommande de mettre fin à l'abondement récurrent des crédits budgétaires de l'Etat par le CNDS et l'Etat serait bien inspiré de relire la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005 (point 23) ;
- deuxième voie : la reprise de certaines actions de l'Etat au titre des missions propres du CNDS ; il en est ainsi, depuis 2009, du soutien à l'organisation d'évènements sportifs internationaux : pour 2011, le budget du CNDS prévoyait d'affecter 7 millions d'euros à cette mission, et un emploi dédié a été créé. C'est vrai aussi de la prévention du dopage (600 000 euros).
D'autres charges nouvelles sont supportées ou risquent de l'être par le CNDS. Ainsi celle liée à l'organisation de l'Euro 2016 de football, pour laquelle le CNDS sera le vecteur de la contribution de l'Etat. Le prélèvement exceptionnel prévu pour la période 2011-2015 devrait permettre de lever au maximum 120 millions d'euros. Or cette somme est inférieure à la participation annoncée par l'Etat à hauteur de 168 millions d'euros. D'autres besoins ont été exprimés, comme celui relatif aux grandes salles qui ont fait l'objet du rapport Costantini « Arenas 2015 ».
En tout état de cause, la Cour constate que la jeune histoire du CNDS montre une tension permanente entre la volonté de rationaliser les canaux de financement du sport, et la tentation de puiser dans les ressources de l'établissement en élargissant ses missions, comme s'il s'agissait d'une corne d'abondance.
Le dynamisme des dépenses doit être contenu, ne serait-ce que pour des raisons d'équilibre budgétaire de l'établissement. A cet égard la réduction du fonds de roulement qui était de 78,4 millions d'euros en 2008 et devrait être négatif en 2012 selon les dernières prévisions (- 3,1 millions d'euros) doit inciter à la prudence et au suivi correct des engagements pluriannuels.
En conclusion, le système mis en place à travers le CNDS présente l'avantage d'organiser un apport financier stable en faveur du sport pour tous. Il importe cependant de mieux définir ses objectifs et la doctrine d'utilisation de ses fonds, de mieux mesurer les conditions de son équilibre financier à moyen terme au regard de ses missions, enfin d'évaluer l'impact réel de ses actions.
Merci, Monsieur le Président, pour cette présentation claire et complète. Peut-être inspire-t-elle des questions à notre rapporteur spécial...
En effet, Monsieur le Président. Je voudrais, tout d'abord, remercier, moi aussi, la Cour des comptes pour la qualité du travail accompli. Il me semble que cette enquête soulève plusieurs interrogations, auxquelles nos invités vont pouvoir répondre.
En premier lieu, cela concerne les missions qui incombent au CNDS, en particulier ce qu'on pourrait appeler les « missions extraordinaires ». Je pense au plan national pour le développement du sport, de 2006 à 2008. Je pense aussi à la participation à la construction et à la rénovation des stades en vue de l'Euro 2016 ? Quelle est l'autonomie de décision du CNDS dans ce genre de cas ? N'est-il pas qu'un outil de débudgétisation de décisions régaliennes ? Le CNDS et le ministère des sports pourraient répondre à ces questions.
En deuxième lieu, je souhaite revenir sur la question de la trésorerie du CNDS. Après avoir crû jusqu'en 2008, elle diminue et devrait même subir une sévère ponction du fait du programme « Euro 2016 » - 48 millions d'euros devant rester à sa charge sans compensation. De plus, le fonds de concours du CNDS au programme « Sport » devrait demeurer à un niveau élevé au cours des prochaines années. Nous en avons débattu cet automne lors de l'examen du projet de loi de finances. Le CNDS et la direction du budget pourraient nous livrer leur vision de ces problèmes et nous indiquer si ces prélèvements ne vont pas, à force, peser sur les missions « de base » de l'opérateur.
Enfin, la Cour des comptes s'étonne dans son enquête du fait que les avis de la plupart des fédérations sportives en matière d'allocations de subventions du CNDS ne se fondent pas sur une vision globale du territoire - et ne tiennent notamment aucun compte du recensement national des équipements sportifs. Le CNOSF pourrait peut-être nous apporter un éclairage là-dessus et, plus généralement, sur le rôle du mouvement sportif au sein du CNDS.
Nous sommes heureux de pouvoir évoquer devant vous le CNDS, établissement public autonome, mais non indépendant, et opérateur financier de son ministère de tutelle.
S'agissant du PNDS, l'autonomie du conseil d'administration du CNDS était, certes, nulle, mais cela était prévu par la loi.
Au sujet des subventions de fonctionnement, je voudrais dire que le ministre n'est pas favorable au relèvement de leur seuil de 750 euros à 1 000 euros car la politique du sport pour tous, y compris en milieu rural, passe notamment par l'octroi de petites aides en valeur absolue mais précieuses pour des associations modestes. En outre, je tiens à souligner que ces subventions reposent sur des critères, portant sur l'intérêt des projets portés par les bénéficiaires en matière de développement du sport pour tous.
Bien entendu, les projets sélectionnés pour bénéficier de subventions d'équipement répondent eux aussi à des critères, les fédérations sportives émettant d'ailleurs des avis sur ces projets. Le conseil d'administration du CNDS décide, de manière collégiale, au cours de deux réunions spécifiques organisées chaque année. Nous savons bien qu'au-delà des 15 % à 20 % du coût du projet ainsi soutenu directement par le CNDS, ce « coup de pouce » a un effet d'entraînement auprès d'autres collectivités ou financeurs privés. Il doit être clair que les critères de sélection sont exclusivement liés à l'intérêt sportif des projets, et non à un quelconque intérêt politique.
D'autre part, nous entendons les remarques de la Cour des comptes sur la nécessité de faire signer des déclarations d'intérêts à toutes les personnes assistant au conseil d'administration du CNDS. Il devrait être proposé au conseil de mars d'intégrer de telles dispositions dans le règlement intérieur de l'établissement.
De manière générale, nous considérons que le CNDS doit grandir et avoir une vision plus stratégique. Nous y réfléchissons et le ministre a ainsi mis en place un comité stratégique, avec Denis Masseglia, président du CNOSF. Ce comité aura pour tâche de réfléchir, en liaison avec le conseil d'administration du CNDS, aux candidatures françaises à de grands événements sportifs internationaux et aux grandes constructions.
Quelques mots enfin sur l'Euro 2016 et les Arenas. Sur le premier point, l'Euro est une compétition majeure, intéressant légitimement les élus. Je souligne également qu'in fine, c'est bien le conseil d'administration du CNDS qui votera le montant des aides attribuées par stade. Quant au « rapport Costantini », il s'agit d'un document utile mais qui ne lie pas le Gouvernement. L'effort de l'Etat devrait s'élever à 50 millions d'euros.
Je tiens tout d'abord à souligner la qualité des relations avec la Cour des comptes à l'occasion de ce contrôle, qui doit nous permettre de progresser.
Au sujet des observations, je voudrais dire que nous utilisons bien le recensement des équipements sportifs et divers systèmes d'aide à la décision très précis afin d'attribuer nos subventions.
S'agissant du suivi des éléments hors bilan évoqué par la Cour des comptes, nous avons sans doute à progresser en matière de formalisme et de relance des porteurs de projets. Nous allons mettre en place des procédures plus étoffées sur ce point. Mais aujourd'hui, aux termes du décret encadrant le CNDS et du règlement général de l'établissement, un porteur a jusqu'à onze ans pour développer son projet, le début des travaux devant se faire dans un délai de deux ans avec, au pire, un report d'un an. En termes administratifs et comptables, nous avons des systèmes d'information de suivi précis et nous savons où nous en sommes.
J'ajouterai simplement que le choix d'un traitement hors bilan des engagements futurs du CNDS résulte du caractère éventuel du passif au sens des instructions comptables : elle n'est pas certaine, non exigible en totalité sur l'exercice, et surtout elle doit être financée par des recettes pluriannuelles.
La dette n'est, certes, pas retracée comptablement. Néanmoins, une information est transmise au conseil d'administration. On pourrait d'ailleurs l'améliorer puisque l'établissement dispose d'un suivi détaillé. En revanche, les solutions proposées par la Cour ne nous paraissent pas souhaitables : la comptabilisation des charges constatées d'avance en fin d'exercice du montant des restes à payer n'a pas de fondement réglementaire au niveau comptable car les sommes ne sont pas décaissées ; le passage d'une provision pour charges en fin d'exercice pour ce même montant serait très complexe, et ce système engendrerait de multiples écritures rendant, au final, moins compréhensible le résultat du CNDS. De plus, cela reviendrait à dégrader considérablement, et de manière artificielle, le niveau des fonds propres de l'établissement.
Nous avons le souci de la sincérité des comptes et de l'amélioration de l'information du conseil d'administration et il ne nous semble pas que le passage de telles provisions aboutirait à ce résultat... En outre, au moment de notre création, nous avons repris la dette du FNDS, soit 113 millions d'euros, sans les crédits correspondants. Avec un tel système, nous aurions donc débuté avec des fonds propres négatifs.
Une autre solution pourrait être de procéder comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dotée d'une trésorerie très importante et qui n'est autorisée à passer un engagement que si elle dispose des fonds correspondants. Mais cela reviendrait à immobiliser des sommes conséquentes au sein du CNDS, ce qui n'est peut-être pas souhaitable... Pour notre part, nous préférons en rester à la situation actuelle, dans laquelle nos engagements sont gagés sur les recettes futures.
Pour compléter ce qui a été dit, j'ajouterai simplement, s'agissant de la tutelle de l'Etat, qu'il ressort de l'étude du Conseil d'Etat d'octobre 2009 sur les établissements publics que les ministères de tutelle doivent piloter l'action de leurs opérateurs financiers. Tel est le sens de l'action du ministère des sports à l'égard du CNDS. Simplement, la « tradition » de concertation de l'Etat avec le mouvement sportif, qui prévalait déjà au sein du FNDS, a été reprise pour la gestion du CNDS.
J'observe, par ailleurs, que les compétences respectives du ministère, au travers du programme « Sport » et de l'opérateur tendent à se clarifier au fil des années, notamment sous l'effet de la contrainte budgétaire. Dans ce cadre, nous assumons le fait de confier à cet établissement public le financement des grands équipements sportifs - et non seulement le développement de la pratique sportive. Nous assumons également le choix de développer une vraie gouvernance sur la stratégie du sport à l'international au sein du CNDS, étant entendu que le monde sportif a des prérogatives propres en la matière. Quant au budget général, il lui revient de financer le soutien aux fédérations sur la base des conventions d'objectifs, la protection des sportifs et les métiers du sport.
S'agissant des critères d'intervention du CNDS, la Cour des comptes a pointé leur « empilement », ce qui est pertinent. Mais la réforme est faite, depuis l'année dernière. Désormais, le CNDS finance les ligues et les comités sur la base de leur plan stratégique et les clubs sur le fondement de projets associatifs tendant à réduire les inégalités sportives.
D'autre part, je ne considère pas qu'il soit pertinent de chercher le « coût complet » de l'utilisation des services déconcentrés du ministère par le CNDS car les travaux accomplis à ce titre par les services entrent dans le cadre de leurs « missions naturelles ».
Enfin, je tiens à souligner le caractère indispensable du fonds de concours du CNDS au programme « Sport », quelque 20 millions d'euros sur les 97 millions de subventions attribuées aux fédérations en étant issus. Une telle « coupe » serait insupportable et nécessiterait un réexamen conséquent du budget du programme.
Je souhaiterais vous interroger sur la politique de la ville du CNDS. Mon département de Seine-Saint-Denis se place en avant-dernière position en matière d'équipements sportifs. Or, d'après le tableau figurant dans l'enquête, le CNDS n'a consacré, en 2009, que 3,5 millions d'euros de sa subvention d'équipement aux quartiers en difficultés, ce qui est très modeste au vu des déséquilibres existants. Même avec le plan de 15 millions d'euros récemment annoncé par le Gouvernement, je doute que l'on puisse vraiment réduire les écarts - d'autant que, comme me l'a montré un dossier récent, la part de financement du CNDS peut être très faible. A partir de là, pensez-vous que les critères de sélection sur lesquels vous vous appuyez sont assez discriminants pour résorber ces inégalités ?
Au sujet des « grandes salles », auxquelles, selon vos propos, 50 millions d'euros devraient être dévolus, qui prendra les décisions d'octroi, dans quel délai et quel sera le montant par projet retenu ?
D'autre part, de manière générale, les équipements sportifs font presque toujours intervenir un grand nombre de co-financeurs, en particulier publics. Cela est source de grande complexité avec de multiples instructions. Comment pourrions-nous simplifier ce système, qui n'apparaît pas très optimal ?
Enfin, les sommes accordées en bout de chaîne - parfois quelques centaines d'euros - semblent assez « ridicules » au vu de temps passé pour monter et instruire les dossiers...
En matière de gouvernance du CNDS, je voudrais y voir clair : cet établissement public est-il autonome ou bien n'est-il qu'une caisse dans laquelle le Gouvernement peut puiser à sa guise ?
De plus, les propos de M. Monnereau m'interpellent : vous dites « assumer » l'intervention directe de l'Etat sur diverses thématiques au sein du CNDS. Mais nous, parlementaires, sommes fondés à préciser ce qui doit l'être dans les textes régissant l'établissement, et à dire qui doit faire quoi. Donc je demande à la Cour des comptes si, à son sens, nous devons modifier les règles législatives relatives au CNDS.
Pour répondre à M. Dallier, je suis bien conscient des difficultés de la Seine-Saint-Denis. Mais, comme vous l'avez souligné, nous avons mis sur la table un plan exceptionnel de rattrapage, le ministre devant d'ailleurs effectuer pas moins de neuf déplacements sur le terrain afin de soutenir cette action.
Quant à la critique relative au « saupoudrage » du CNDS, je précise qu'en zone urbaine sensible, sa part doit être comprise entre 20 % et 30 % du financement total du projet. S'il y a eu un « raté » sur un dossier précis, je suis prêt à regarder cela puisque, au vu de nos règles, cela ne devrait pas arriver.
Le plan de 15 millions d'euros que vous évoquez concernera 40 communes, ce qui relativise la part que recevra chacun... mais, au-delà de la Seine-Saint-Denis, ma question portait sur les quartiers sensibles en général.
Encore une fois, l'Etat a décidé de faire un effort conséquent. De plus, au-delà des « petits » équipements, il ne faut pas oublier que les grands équipements sont une « vitrine » très appréciable. Je pense au Stade de France et, peut-être demain, à la piscine d'Aubervilliers.
Pour répondre à M. Bourquin qui se demande si le CNDS n'est pas une « caisse », je lui indique que ce terme ne convient pas : les fonds dont dispose le CNDS sont de l'argent public. L'Etat est donc fondé à s'intéresser à leur emploi - et il ne dispose d'ailleurs que d'un tiers des sièges au conseil d'administration.
Sinon, je répète que nous « assumons » nos choix en matière d'orientation du CNDS, en concertation avec le mouvement sportif et les élus locaux. Et je rappelle que le Parlement fait la loi mais que c'est un décret qui a créé l'établissement public et énuméré ses missions. Dans ce cadre, le Gouvernement considère qu'il est légitime que le CNDS ait à financer en partie les grands équipements sportifs nationaux.
A propos des Arenas, notre pays s'est vu confier l'organisation du Championnat du monde de handball masculin de 2017. A cette échéance, il devra disposer de dix salles d'une capacité d'au moins 10 000 places. Dans cette perspective, la fédération française de handball a présélectionné dix projets, dont les statuts diffèrent. On y retrouve :
- des projets purement privés, comme l'Arena 92 ou la grande salle de Villeurbanne ;
- la rénovation du Palais omnisport de Paris-Bercy, qui sera financée par l'exploitant ;
- le projet de Montpellier, dont le financement, essentiellement public, est déjà bouclé ;
- et les autres projets. Parmi eux, seul le projet orléanais a déjà été formellement déposé. Il sera étudié dès le mois de mars au sein du CNDS.
Evidemment, l'examen des projets, très complexe du fait de la multiplicité des enjeux, nécessitera une expertise approfondie, à laquelle procèdera un « comité des grands équipements » de 22 membres. Ce comité se prononcera notamment sur le niveau de financement souhaitable par le CNDS sur les différents projets qui lui seront soumis.
Pour revenir sur la question du « guichet unique » évoqué par M. Doligé, je note que le sport fait partie des domaines pour lesquels la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales autorise les cofinancements, ce qui correspond à la réalité profonde du financement des équipements sportifs sur le plan local. Pour sa part, le CNDS a une grande liberté pour l'attribution de ses subventions ; d'où l'importance de bien définir ses critères d'intervention. Tel est le sens de notre action - ce qui est une « petite révolution ». Et, par ses interventions, le CNDS interpelle les collectivités concernées et les invite à agir, elles aussi, sur tel ou tel projet d'intérêt local.
Je n'ai pas vraiment de question, mais je voudrais simplement souligner le contraste entre le financement du sport sur le terrain et l'indécence des rémunérations de certains sportifs - qui, de surcroît, émigrent parfois pour des raisons fiscales. Tout cela est-il bien exemplaire et même républicain ?
Tous les sportifs de haut niveau ne sont heureusement pas à blâmer. Le champion de football Mikaël Sylvestre n'a pas oublié son petit club d'origine de Saint-Pierre-des-Corps et vient nous aider...
Par rapport à l'une des préconisations de la Cour des comptes, je voudrais, moi aussi, affirmer l'importance, financière et morale, du soutien du CNDS à des petits clubs, même si certaines sommes peuvent paraître dérisoires. Je crois qu'il faut préserver ces financements.
En outre, il faut continuer de porter une attention particulière aux jeunes issus des quartiers sensibles et aux structures sportives susceptibles de les prendre en charge - lesquelles ne se situent d'ailleurs pas toutes dans ces quartiers.
Enfin, l'enquête de la Cour des comptes pointe des difficultés particulières que poseraient les contrats de projets Etat-régions (CPER) au CNDS. Le président Lefas pourrait-il préciser la nature de ces difficultés ?
Pour ma part, j'observe qu'une tendance lourde du budget du sport ces dernières années, soulignée par nos rapporteurs spéciaux successifs, est la forte diminution des crédits de l'Etat en faveur de l'action « sport pour tous » et, d'autre part, l'importance croissante du CNDS. Faut-il en déduire que le CNDS est désormais, dans les faits, le seul prescripteur de la dépense en faveur du « sport pour tous » - voire du sport amateur ?
Sur ce dernier sujet, au niveau des fédérations, le montant total consacré au développement du sport pour tous diminue peut-être mais ce montant doit être consolidé avec les autres aides existantes. En particulier, la part territoriale du CNDS a, elle, significativement progressé. L'action de l'Etat en faveur du sport pour tous est bien la somme de ces deux éléments, et elle augmente.
Du point de vue de la direction du budget, le mode de financement du CNDS par des taxes affectées le préserve de la régulation budgétaire que peuvent subir d'autres opérateurs. Ceci est un facteur d'explication de l'augmentation de la trésorerie de cet établissement public jusqu'en 2008. C'est pourquoi, avec l'accord du CNDS, celui-ci prendra en charge le soutien de l'Etat au financement de la construction ou de la rénovation des stades en vue de l'Euro 2016 de football - tout en bénéficiant, à ce titre, d'une augmentation du prélèvement qu'il perçoit sur les mises enregistrées par la Française des jeux. Au final, cette mission ne se fera donc pas au détriment de ses autres actions.
S'agissant du traitement des engagements hors bilan, nous partageons l'analyse développée par le CNDS. Toutefois, nous rejoignons la Cour des comptes quand elle affirme la nécessité d'améliorer le suivi desdits engagements afin d'assurer la soutenabilité des budgets futurs de l'opérateur. Des efforts sont engagés en ce sens et il convient de les poursuivre.
En réponse à Mme Beaufils, la Cour dit simplement que, dans le cadre des CPER, c'est l'Etat qui contracte avec les régions. Le CNDS n'arrive qu'en bout de chaîne, en exécution, et ne maîtrise à aucun moment des décisions qu'au final il subit.
D'autre part, au-delà du problème budgétaire évident, il faudra bien aborder le sujet de l'abondement régulier du programme « Sport » par le fonds de concours du CNDS. Son importance peut poser d'autant plus problème que sa régularité ne nous paraît pas assurée et que la trésorerie de l'établissement se tend au fil des ans.
Au sujet des « valeurs républicaines » évoquées par M. Fortassin, je dirais simplement que nous comprenons son interpellation. Le sport est, à notre sens, un vecteur de promotion de ses valeurs, comme le montrent les nombreux bénévoles engagés dans le monde sportif. Au-delà, le ministre a fortement soutenu la proposition de loi de M. Collin visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs qui contient des éléments forts, tels que le plafonnement des salaires par les fédérations.
A propos des publics prioritaires, je rappellerai simplement la mise en place par le Gouvernement d'un plan de formation des cadres bénévoles dans les zones urbaines sensibles ou dans le monde rural, à hauteur d'un million d'euros.
Je voudrais ajouter que le CNOSF partage les propos du ministère des sports sur la concertation qui prévaut entre l'Etat et le monde sportif au sein du CNDS, même si tout est toujours perfectible.
Nous approuvons également la décision de maintenir le seuil d'intervention du CNDS à 750 euros.
A propos de l'augmentation de 40 % en cinq ans de la subvention octroyée au CNOSF, je précise que la moitié de la hausse s'explique par la reprise, par le Comité, d'emplois auparavant assurés en son sein par des personnels de l'Etat qui y étaient détachés. Cela relativise le constat de la Cour des comptes.
Enfin, je tiens à souligner la qualité du travail accompli par le comité de programmation qui instruit les dossiers d'équipement au sein du CNDS. Sur 340 dossiers, il parvient à en sélectionner une centaine dans des conditions satisfaisantes, ce qui permet au conseil d'administration de trancher de façon généralement consensuelle, en toute transparence.
Avez-vous une idée du coût induit par les normes édictées par les fédérations et pourriez-vous leur demander de se montrer raisonnables en la matière ?
A la suite des propos de Mme Ravon, je rappelle que, faute de l'adoption définitive par le Parlement d'un amendement que j'ai présenté et que le Sénat a voté, le CNDS subira un déficit de 48 millions d'euros sur l'opération des stades de l'Euro 2016. Dans le schéma initial, le déficit ne s'élevait qu'à 30 millions d'euros. Comme le dit la Cour des comptes, si on charge trop la barque, les actions de base du CNDS finiront par subir l'effet des coupes budgétaires.
Nous avons beaucoup travaillé sur les normes. Il est vrai qu'il a pu y avoir des conjonctions malheureuses, beaucoup ayant été édictées en peu de temps. Il existe une commission d'encadrement de ces normes, au sein de laquelle nous pourrions peut-être renforcer le poids des collectivités territoriales, étant entendu que le pouvoir appartient, in fine, aux fédérations.
Il est à noter que seules les normes relatives au jeu lui-même sont opposables aux collectivités, les normes plus commerciales, concernant par exemple les tribunes, présentant un caractère plus contractuel, de capacité d'accueil de telle ou telle compétition.
Nous devons rester vigilants sur ces questions et bien distinguer ce qui est opposable aux collectivités et ce qui ne l'est pas.
De plus, certaines normes sont produites par les fédérations internationales. Le ministre évoquera prochainement ce sujet avec Jacques Rogge, président du Comité international olympique (CIO).
Pour revenir sur les crédits du CNDS, une incertitude existe sur le niveau des droits télévisuels, assiette de la « taxe Buffet ». Les recettes de l'établissement public pourraient diminuer de 5 millions d'euros en fonction de la renégociation en cours des droits du football.
De manière générale, nous sommes disposés à ce qu'un auditeur externe puisse examiner les comptes de cet opérateur.
En conclusion, le rôle de la Cour des comptes est de bien faire apparaître la situation de l'établissement public et de formuler des recommandations en matière de gestion.
L'initiative de la commission des finances du Sénat est heureuse en ce qu'elle permet au Parlement de se saisir de ces questions.
La commission autorise, à l'unanimité, la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte-rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.