Intervention de Xavier Harel

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 6 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Xavier Harel auteur de « la grande évasion le vrai scandale des paradis fiscaux »

Xavier Harel :

Je suis parfaitement en accord avec vous s'agissant de la timidité de la presse française. La presse anglo-saxonne a suivi ces questions de manière très assidue et a produit énormément d'informations. Ainsi, le Guardian a constitué une cellule d'investigation forte de dix journalistes pendant un an pour mettre à jour divers mécanismes, a sorti de nombreux scoops, et a fait avancer la connaissance sur un sujet caché, voire honteux. Aucune entreprise ne veut dire qu'elle pratique l'optimisation au point de ne plus payer d'impôts. Voyez l'émotion qu'a entraînée la révélation que Total n'avait pas payé d'impôts sur les bénéfices pour l'exercice 2010. Jamais vous n'obtiendrez l'information nécessaire pour expliquer comment Total a pu arriver à ce résultat surprenant. Certes, Total extrait principalement du pétrole à l'étranger, mais la France constitue un marché important pour cette entreprise, et il est difficile d'imaginer qu'elle n'y réalise aucun bénéfice.

J'ai exposé rapidement les difficultés auxquelles j'ai été confronté dans mon enquête : je disposais de nombreuses informations sur les situations américaine ou britannique, ainsi que sur les paradis fiscaux, mises à jour par des journalistes ou des experts, mais j'ai buté sur la pauvreté de l'information existante concernant la France, et sur la difficulté à obtenir des informations auprès de Bercy. J'ai trouvé ce que je cherchais presque par hasard, quand quelqu'un m'a aiguillé en direction du rapport du CPO, qui était déjà publié depuis trois mois. Je crois que la manchette de La Tribune sur ce sujet a suscité beaucoup d'intérêt, d'autant plus que les informations provenaient de l'administration fiscale.

S'agissant de la restructuration des pôles financiers, je n'ai pas d'avis particulier. Je crois que le sujet du jour est l'optimisation fiscale, c'est-à-dire les mécanismes astucieux mais légaux permettant de réduire significativement l'assiette fiscale, et non la fraude. On peut toutefois s'interroger sur les moyens. Le contrôle fiscal de grandes entreprises nécessite de disposer d'équipes très importantes, et plusieurs années sont nécessaires pour y voir clair. En outre, de nombreuses questions techniques très complexes se posent. En matière de prix de transfert, quel est le juste prix d'une turbine fabriquée par Alstom en Inde et destinée à un barrage en Ouganda ?

Le problème du pantouflage se retrouve dans le monde entier. Les grandes entreprises, les cabinets d'avocats, les cabinets d'experts comptables sont friands d'anciens inspecteurs des impôts qui sont en mesure de leur expliquer comment raisonne l'administration et quels sont les risques. Je crois que le principal problème est la complexité de notre fiscalité. J'ai lu récemment que 10 % du code fiscal était révisé tous les ans : ajout de 12 à 15 niches fiscales par an, création de nouveaux impôts, etc. Cette instabilité et cette complexité bénéficient à ceux qui savent les utiliser, et je crois que le législateur peut se fixer pour objectif de simplifier les choses. Si l'assiette est large et qu'il n'existe pas de dérogations, les experts comptables spécialisés dans l'optimisation disparaîtront naturellement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion