Procureur depuis 22 ans, je souhaite porter témoignage de l'importance de cette résolution, de la part d'un corps plutôt habitué à la discrétion. L'appel lancé par les 128 procureurs n'est ni politique, ni syndical. Il manifeste seulement le souci des magistrats du parquet d'exercer dignement et efficacement leur métier
Notre fonction est double et présente à la fois un versant administratif lorsque nous mettons en oeuvre une politique pénale -ce qui justifie notre soumission hiérarchique-, et un versant judiciaire lorsque nous conduisons l'action publique pour des affaires individuelles. Dans l'exercice de cette dernière mission, nous sommes des magistrats à part entière et il faut dissiper tout soupçon du justiciable sur notre indépendance.
Les magistrats du parquet sont le dernier maillon de la chaîne judiciaire dans une société qui ne cesse d'accélérer. L'inflation législative et l'insécurité juridique que nourrit la trop grande réactivité aux faits divers contrarient la mission du ministère public d'application de la loi et d'apaisement des conflits.
Enfin, se pose la question des moyens dévolus à l'action du ministère public. Les parquetiers sont comme les « urgentistes » de la justice pénale, condamnés à traiter tous les dossiers dans l'urgence, sous peine que la machine se bloque. On nous demande d'être présents sur des sujets toujours plus nombreux mais, en dépit des efforts consentis les dernières années, l'écart entre l'étendue des missions qui nous sont confiées et les moyens qui nous sont alloués, ne cesse de croître. Or, le ministère public est la clé de voûte de la justice pénale. Tout ce qui fragilise le parquet fragilise toute l'institution judiciaire.