Avant toute chose, je tiens à souligner que notre délégation représente non seulement les procureurs, mais également l'ensemble des membres du parquet dont la situation s'est nettement dégradée depuis trente ans, et dont les relations avec les magistrats du siège se sont tendues. La situation des magistrats du siège est d'ailleurs, elle aussi, préoccupante, notamment parce que leurs missions augmentent chaque année -je pense par exemple à la mise en place d'un contrôle du juge sur l'hospitalisation psychiatrique. Il convient, en effet, que nous gardions conscience des problèmes rencontrés par les magistrats du siège -problèmes qui expliquent que, lorsqu'un parquetier se présente devant un juge avec une demande de comparution immédiate, il ne trouve pas toujours une oreille attentive...
Pour en venir aux questions qui viennent d'être posées sur notre activité au jour le jour, je soulignerai que, en tant que membres du parquet, nous devrions pouvoir répondre aux situations individuelles ; or, nous avons de moins en moins les moyens de rencontrer les personnes dont nous devons traiter le dossier. Auparavant, les magistrats du parquet étaient en mesure de recevoir les justiciables pour leur expliquer le déroulement de la procédure et leur exposer les raisons des décisions rendues ; aujourd'hui, cela est impossible à cause du nombre de décisions que nous devons prendre chaque jour. À Béthune, le parquet reçoit 80 appels téléphoniques par jour... De même, en cas de prolongement d'une garde-à-vue, nous ne pouvons pas toujours rencontrer le justiciable, notamment en raison du grand nombre de commissariats éloignés du tribunal ; si nous voyons bel et bien la personne mise en cause, c'est par visioconférence, avec une image qui sautille ! Bref : hors des cas où nous y sommes strictement obligés par la loi, nous ne rencontrons plus les justiciables. La relation au citoyen est presque réduite à néant, ce qui constitue une véritable souffrance pour les magistrats du parquet. Plus encore que les questions relatives au statut, ce problème explique que les jeunes substituts veuillent rapidement quitter le parquet : ils ont l'impression d'être des standardistes qui orientent les procédures à la va-vite.
Le poids de la presse dans le travail du parquet devient ingérable. Les journalistes et les magistrats vivent sur deux planètes différentes : les premiers sont dans le monde de la communication en urgence, tandis que nous devons prendre le temps de mener nos enquêtes. Cette difficulté est renforcée par la structure des services d'enquête, qui les amène parfois à vouloir se faire de la publicité : il semble qu'aujourd'hui, lorsque l'on est en charge d'une affaire potentiellement médiatique, l'objectif principal est de le faire savoir plutôt que de la résoudre ! Peut-être conviendrait-il d'augmenter les moyens dont disposent les parquets pour communiquer avec les journalistes, qui constituent un front difficile à gérer.