Le procureur de la République défend l'intérêt général et la société ; il n'est pas le porte-parole du pouvoir exécutif, mais celui de la République. Étant ainsi celui qui s'exprime au nom d'un intérêt supérieur, il n'est pas non plus une des parties au procès. Il convient que sa mission puisse s'exercer de manière indépendante, mais avant tout de manière libre. Cette liberté est, à son tour, indissociable de la responsabilité du procureur, ce qui nous amène à la question du statut. Au-delà de la question des pressions qu'ils pourraient subir dans tel ou tel dossier, le statut doit surtout garantir que les procureurs remplissent leurs fonctions en vertu de leurs qualités personnelles et de leur expérience, non en raison de services rendus ou à rendre. L'avis conforme du CSM pour leur nomination constitue un minimum, une transparence totale sur les propositions, les avis et les nominations étant également nécessaire. A défaut d'une telle évolution, ou bien le garde des sceaux perdra tout pouvoir au profit du CSM, ou bien les procureurs deviendront de simples agents de l'administration. Nous n'avons toutefois pas de projets « clés en main » dans ce domaine.
Le ministère public à la française est certes une exception (mais faut-il s'aligner sur le modèle anglo-saxon ?), qui se caractérise notamment par le fait que le procureur peut apprécier l'opportunité des poursuites et qu'il détient des pouvoirs quasi juridictionnels dans le choix des modalités de ces poursuites. Une organisation dans laquelle toutes les affaires devraient être examinées par un juge du siège serait totalement inefficace.
Nous sommes très favorables à l'unité de la magistrature. Par ailleurs, les mobilités entre le siège et le parquet sont une bonne chose - bien entendu, pas au sein du même tribunal ! Pourquoi interdire à un magistrat du parquet de devenir magistrat du siège au bout de dix ans alors qu'un avocat ou un policier peut devenir juge ?
La conférence des procureurs ne s'est pas encore prononcée sur la question de la création d'un procureur général de la nation.
Enfin, concernant les instructions que nous sommes susceptibles de recevoir de l'exécutif à l'occasion par exemple des conflits sociaux, il convient de rappeler que le procureur n'est pas coupé de la vie de la cité et qu'il n'ignore pas les conséquences de ses décisions au regard de l'ordre public. Il peut fort bien prendre en compte les informations qui lui sont fournies, par exemple par le préfet, à condition de prendre sa décision de manière indépendante le moment venu.