J'ai un avis similaire, mais un peu plus nuancé. Les agences de notation répondent à un besoin, à l'heure où les marchés financiers jouent un rôle grandissant dans un financement de l'économie : les Etats, les entreprises, les banques y recourent massivement. La future réglementation bancaire CRD 3 (Capital requirements directive) ne fera que renforcer leur importance au détriment de la finance directe. Or il existe un très grand nombre d'investisseurs, qui souhaitent parfois placer leur argent à l'autre bout du monde : ils ont besoin de références pour mesurer les risques qu'ils prennent. L'essor des agences de notation ne fait qu'accompagner la montée de la dette dans le financement de l'économie.
Dans ces conditions, il est normal que le rating soit soumis comme toute autre activité financière à un corpus réglementaire. Mais l'approche actuelle repose sur un contresens. On a intégré la notation des agences dans la réglementation applicable à certaines entités. Or une note est une opinion, qui n'a de sens que dans un environnement pluraliste. La santé d'une agence repose sur la confiance dans la qualité de sa notation. Si son activité est soutenue par la réglementation, elle change de nature et devient une activité protégée. Renforcer les contraintes d'information ou d'organisation ne gênera pas les grandes agences. En revanche, il devient très difficile l'entrée de nouveaux acteurs, à moins qu'ils ne soient protégés, au risque de détériorer la qualité de leur notation.
On a transformé les agences en quasi-régulateurs, et on leur a presque confié un droit de vie ou de mort : si la note d'un émetteur est dégradée, sa dette n'est plus éligible pour tel ou tel investissement, ses papiers ne sont plus utilisables comme garantie auprès d'une banque centrale, etc. Ainsi on n'a fait que renforcer l'oligopole. Or la pluralité des opinions et la concurrence sont absolument nécessaires. Les autorités américaines ont judicieusement commencé à retirer de leur réglementation les références à la notation des agences. Celles-ci doivent retrouver le rôle qui est le leur. Les trois grandes conserveront leur influence tant qu'elles ne font pas d'erreur majeure, mais il faut de nouveaux intervenants.