Intervention de Anouar Hassoune

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 14 mars 2012 : 1ère réunion
Table ronde avec d'anciens salariés d'agences de notation

Anouar Hassoune :

Savions-nous ce que nous faisions ? Non, pas toujours. Sur 1 000 à 1 200 banques, j'ai contribué à en noter plus de 300. Noter la National Bank of Abu Dhabi, ce n'est pas trop compliqué : son bilan avoisine les 50 milliards, et l'on peut savoir assez précisément ce qu'il y a derrière les chiffres. Mais le bilan du Crédit agricole, c'est vingt-trois fois le PIB du Maroc ! Je ne sais pas faire, je l'ai dit, on ne m'a pas écouté, je suis parti. Pour analyser correctement la situation du Crédit agricole, il faudrait une dizaine d'analystes très expérimentés, connaissant tous les métiers de la banque, rémunérés chacun entre 500 000 et 600 000 euros : cela ruinerait une agence. De même, les agences n'ont aucun moyen de noter les Etats-Unis.

On revient donc à la question du business model, qui détermine la qualité de la notation. Entre 2000 et 2007, avant la crise, le recrutement a été un peu laxiste : les directions des ressources humaines ne s'en mêlaient pas, mais c'étaient les analystes seniors qui choisissaient eux-mêmes leurs équipes et certains, pour avoir la main sur leur équipe, ont été laxistes et n'ont pas retenu les plus « capés »... Or le monde est devenu de plus en plus complexe à la suite de l'énorme choc monétaire américain de 2003 et 2004, et nous nous sommes aperçus que l'information manquait. Tout le monde n'est pas Pierre Cailleteau !

Le modèle de l'investisseur payeur est intenable. Quand l'information est rare, elle a un prix. Aujourd'hui l'information est publique, disponible immédiatement sans aucun coût, et aucun investisseur ne veut payer. Une note communiquée confidentiellement à un investisseur aurait bientôt fait le tour de la planète ! Une fois l'information devenue un point focal au sens de Thomas Schelling, c'est l'émetteur qui doit la payer.

Quant aux conflits d'intérêts, il y en a, mais ils sont bien gérés. N'oubliez pas que la valeur du travail des agences repose sur leur crédibilité. Si on les savait corruptibles, elles seraient ruinées. Nous sommes tous co-responsables de la crédibilité de notre métier.

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