Intervention de Carlos Tavarès

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 7 février 2012 : 1ère réunion
Situation de l'industrie automobile en france — Audition de M. Carlos Tavares membre du comité exécutif et du comité de direction de renault directeur général délégué aux opérations

Carlos Tavarès :

Je n'ai pas d'information particulière sur le marché de la gendarmerie que vous évoquez mais je ne doute pas que cette dernière, dont le patriotisme ne peut bien sûr être mis en doute, fait, comme tout consommateur, le choix du véhicule qui répondait le mieux à ses besoins et ses capacités financières.

Monsieur Martial Bourquin, je rappelle, sans agressivité ni arrogance, que notre première responsabilité vis-à-vis de la nation est d'assurer la pérennité de l'entreprise, d'éviter qu'elle ne bascule dans le rouge, ce qui la contraindrait à mettre en oeuvre des plans sociaux douloureux parce qu'elle n'aurait pas fait les bons choix. Force est de constater que tous nos concurrents européens, à l'exception notable de Volkswagen, enregistrent aujourd'hui des pertes. Or nous savons que nos sociétés et les États n'auront plus les moyens, ni la volonté, de demander au contribuable de soutenir des entreprises qui seraient dans le rouge en raison de ce qu'on pourrait considérer comme des fautes de gestion. Mon rôle de dirigeant consiste donc d'abord à protéger nos 126 000 salariés et leurs familles ainsi que nos fournisseurs, en faisant des choix technologiques et industriels pertinents, propres à nous permettre de faire face à nos concurrents.

Il est frappant d'observer que les discounts actuellement concédés par les constructeurs européens oscillent entre 20 % et 30 %, alors qu'avant la crise, leur marge opérationnelle n'était que de quelques points. Avec de telles remises, comment mener les batailles industrielles qui sont devant nous ? Comment survivre, sans demander à l'État de combler les trous ? Quant à notre propre stratégie industrielle, il n'y a rien de mal, je pense, à développer en France les technologies de pointe, les produits à forte valeur ajoutée, les véhicules utilitaires, électriques, haut de gamme. Pour que le groupe Renault soit rentable en France, il n'y a rien de mal à faire en sorte qu'il soit profitable dans le monde et qu'il le reste. Je n'ai pas mauvaise conscience : nous protégeons nos collaborateurs, à qui nous demandons beaucoup, en raison d'une concurrence mondiale que je qualifierai de sanguinaire.

Les meilleurs constructeurs mondiaux généralistes n'ont pas plus de 6 ou 7 points de marge opérationnelle. Désoptimiser, c'est prendre le risque de basculer très vite dans le rouge. C'est le drame de l'industrie automobile en ce moment. Autant nous sommes extrêmement reconnaissants à l'État français d'avoir aidé l'entreprise pendant la première crise, autant nous sommes lucides et savons que nous ne pourrons pas le demander une deuxième fois. C'est dire le poids de notre responsabilité dans la tempête actuelle, qu'il nous incombe de traverser de telle sorte que nous puissions assurer ensuite, peut-être, une croissance plus durable.

La meilleure façon d'aider le tissu industriel automobile en Europe est de faire en sorte que le marché européen s'améliore, ce qui relève de données exogènes. S'il ne s'améliore pas, la seule chose que nous pouvons faire, pour ne pas détruire de la valeur, est de garantir des performances orientées vers nos parts de marché. Nous n'avons pas annoncé de fermetures d'usines en France. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour fabriquer en France des produits à forte valeur ajoutée. En 2011, nous avons été la deuxième marque européenne, derrière Volkswagen et devant Ford ; nous sommes leader en France, leader européen des véhicules utilitaires, nous avons battu notre record de ventes dans le monde.

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