Sur le dernier point, c'est simple : pas encore grand-chose. Je suis venu avec M. Thierry Coulhon, directeur de programme, qui s'occupe notamment des initiatives d'excellence (IDEX), des équipements d'excellence (EQUIPEX) et des laboratoires d'excellence (LABEX), M. Florent Massou, directeur stratégique et financier, et Mme Sana de Courcelles, conseiller parlementaire du commissariat général à l'investissement, qui suit également la contractualisation.
La règle de base des investissements d'avenir, à quelques exceptions près qui vous concernent car elles concernent la culture, est qu'ils passent par des appels à projets et sont sélectionnées par des jurys internationaux. Nous respectons strictement les choix de ces jurys. Le comité de pilotage comprend différentes directions d'administration centrale. Une proposition complémentaire peut être faite au jury dans certains cas, mais nous nous en remettons ensuite à sa décision. Pour les IDEX, nous respectons strictement les choix du jury. Cette position, nous l'avons prise à la demande des universitaires et des scientifiques eux-mêmes. Peut-être y avait-il d'autres manières de faire, mais je suis profondément convaincu qu'ils avaient raison. Nous avons beaucoup entendu ceux qui sont heureux des décisions prises par les jurys. Pour les autres, les chercheurs et les universitaires ont fait preuve d'un fair-play que je tiens à saluer. Cette procédure nous met à l'abri des querelles de chapelles. Respecter scrupuleusement les choix du jury ne nous empêche pas de nous tordre de douleur quand des projets magnifiques ne sont pas retenus, ce qui est le cas. Il y a aussi des projets qui ne sont pas retenus dans un premier temps, qui sont ensuite repris et qui passent. Nous soutenons ces règles, avec leurs effets parfois injustes. S'il en était autrement, nous commettrions l'erreur d'entrer dans l'arbitraire, ce qui serait très mal reçu par la communauté scientifique.
Deux thèses s'affrontaient sur les investissements d'avenir. Selon la première, il fallait décider de tout en une seule vague, puisque préparer un projet prend beaucoup de temps, pendant lequel les chercheurs ne cherchent plus et les enseignants enseignent moins. Il a fallu l'arbitrage du Président de la République pour parvenir à la solution que je défendais et qui a été retenue. J'en avais fait une condition pour accepter cette mission : étant donné les montants en cause, nous risquerions davantage de commettre des erreurs graves et irréversibles si les sommes étaient attribuées d'un coup et il fallait donc procéder par vagues successives. Nous avons annoncé aujourd'hui les résultats de la deuxième vague des équipements d'excellence. C est une question d'équité, comme aux examens : il y a des gens qui ne passent pas du premier coup, mais qui peuvent très bien réussir la deuxième fois. Se priver de cette possibilité, ce serait détruire de la valeur et perdre de la chance. Plus personne ne critique désormais ce principe des vagues, même s'il ralentit le processus. Pour les équipements d'excellence, Thierry Coulhon peut en témoigner, nous avons eu une très belle première vague, mais la deuxième vague est vraiment exceptionnelle : tous les projets ont monté en qualité. Cela nous a pris du temps, mais nous avons tiré les leçons de la première vague. Les dossiers de la deuxième ont été beaucoup plus faciles à finaliser.
En effet, et c'est la troisième règle, une fois que les décisions sont prises, il faut contractualiser. Je viens du privé, je ne suis ni homme politique, ni fonctionnaire et j'ai découvert une institution : l'agent comptable du Trésor. Celui-ci nous demande, pour des projets dont on ne sait s'ils aboutiront d'ici trois à cinq ans, d'indiquer les dépenses de petit équipement pour les dix ans à venir ! Étant comptable, je veux éviter les fausses déclarations, aussi je me refuse à de telles spéculations.
Le temps de la contractualisation est assez long. L'opérateur, l'Agence nationale de la recherche (ANR), est surchargé de travail et ces projets sont plus importants que ceux qu'elle traite d'habitude. Nous avons eu une discussion, nous avons demandé au ministère plus d'emplois « équivalents temps plein » (ETP) et, pour pouvoir aller vite sur la contractualisation, nous avons obtenu une enveloppe spéciale pour les appels d'offres en cours, permettant de recruter des consultants de haut niveau pour écluser le retard. Nous travaillons sur des produits périssables, nous sommes dans la compétition internationale, un délai de six mois pour traiter un projet nous paraît normal, que l'on soit dans le public ou le prive. Au-delà de neuf mois, il faut s'inquiéter. Il fallait donc réagir. Il ne s'agit pas d'une critique de l'Agence, il faut reconnaitre que la quantité de travail est considérable. Il s'agit de trouver les moyens de faire face, de trouver des solutions correctrices pour contractualiser vite. Nous sommes en train de récupérer les retards, pour une quarantaine de projets sur un total de 51 de plus de neuf mois. Sur les LABEX, nous avançons tout de suite, pour que les gens commencent à travailler. Pour les instituts de recherche technologique (IRT) et les instituts hospitalo-universitaires, nous allons contractualiser dans des délais courts, d'ici la fin janvier au plus tard. Pour les trois IDEX qui ont été désignés, nous irons très vite. Il a fallu raboter les trois premiers projets, de 1,2 milliard environ à 700 à 750 millions d'euros par projet, puisque vous avez voté pour accorder à 10 IDEX un total de 7 à 7,2 milliards d'euros. Si une troisième vague paraissait nécessaire, nous la ferons. Sinon, nous repartirons le reste. La deuxième vague d'EQUIPEX vient de sortir ce matin. Nous aurons les résultats des autres vagues d'IDEX et de LABEX d'ici février-mars. Nous ne souhaitons pas aller au-delà du 15 mars, par respect de la démocratie, car nous serons alors en campagne présidentielle. Nous aurons ensuite tout le temps nécessaire pour contractualiser.
Nous avons eu en matière hospitalo-universitaire une très mauvaise surprise : aucun institut hospitalo-universitaire n'a été retenu pour le cancer. Sachant tout l'argent qui est mis par la France pour la recherche sur cette maladie qui concerne l'ensemble des Français, c'est inacceptable qu'il n'y ait pas, selon l'expression du président du jury, de rupture dans les recherches proposées. Ce n'est pas la faute des jurys, mais des porteurs de projets, que j'ai reçus pour le leur dire. Avec l'accord des présidents des commissions des finances des deux assemblées, un nouvel appel à projets spécifique sera lancé, qui n'était pas prévu par la loi. S'il n'y a pas de lauréat, il faudra s'interroger. Beaucoup de porteurs de projets se sont présentés de manière isolée. J'ai le plus grand respect pour le rapport Marescaux, sur l'unicité de lieu, mais la France est un petit pays, qui doit faire face à la concurrence. Quand des réseaux existent, il n'est pas absurde que plusieurs lieux se mettent ensemble.
Sur les IRT, nous sommes dans un bras de fer avec un ensemble d'industriels. Nous n'avons forcé personne à répondre aux appels à projets. Mais ceux qui l'ont fait sont responsables des engagements pris en répondant. Les IRT sont là pour dynamiser durablement un territoire. Cela suppose que la recherche et l'industrie, c'est-à-dire quelques grands groupes, mais aussi les PME/PMI, voire les start-up travaillent durablement ensemble. Chacun doit jouer le jeu. Il ne s'agit pas de mettre du personnel vieillissant à disposition en se faisant rembourser pour recruter des jeunes par ailleurs, ce qui est inacceptable. Il faut aussi, si vraiment nous voulons demain bâtir une industrie sur un territoire, que la propriété intellectuelle soit partagée entre le public et le privé. Cela n'empêche en rien de concéder une licence exclusive en raison de la compétition internationale. Sans redevance, comment créer un IRT durable ? C'est un point essentiel, non négociable de mon point de vue.
Tous ceux qui ne l'ont pas encore fait devront contractualiser avant fin janvier. Nous sortirons tous les IRT qui ne respectent pas les règles, et s'il le faut, nous lancerons un nouvel appel à projets qui aboutira après l'élection présidentielle. Ce n'est pas une question de politique industrielle, ni une question d'aménagement du territoire, je ne fais ni l'un ni l'autre. Pour autant, j'ai en permanence les yeux fixés sur deux cartes : celle de l'aménagement du territoire et celle des grandes filières, et je découvre avec stupéfaction que notre territoire commence à être couvert, mais pas forcement là où on l'attendait, et pas dans les industries que l'on attendait, à Pau, à Clermont-Ferrand, à Montpellier par exemple. Lorsque l'on finira de déterminer les investissements d'avenir, vers la fin 2013, il faudra s'interroger si l'on s'aperçoit que certains territoires et certaines filières ne sont pas couverts. Si nous inversions la mécanique, nous referions les erreurs passées. C'est un défi. Ainsi, tout le monde vante l'école d'économie de Toulouse, mais ce sont de jeunes talents de l'école d'économie de Paris qui sont sortis ! C'est une formidable remise en cause. Je suis très triste pour nos amis toulousains, d'autant que je ne suis pas partie prenante, en tant que Lyonnais, mais voir surgir de jeunes équipes là où on ne les attendait pas est une excellente nouvelle.
Combien avons-nous engagé jusqu'aujourd'hui ? Une quinzaine de milliards d'euros. D'ici à fin mars, nous aurons engagé entre 20 et 23 milliards d'euros. Combien avons-nous effectivement dépensé ? Environ 1,6 milliard d'euros, avec, dans certains cas, des effets de levier très importants, provenant, par ordre décroissant, des collectivités, qui accompagnent certains projets depuis le début, des entreprises et des industriels, mais aussi de l'ingénierie financière, puisque nous réussissons, pour des projets magnifiques, à obtenir des prêts participatifs d'Oseo dans de bonnes conditions.