En premier lieu, l'article 2 du projet de loi tend à instaurer la possibilité de céder le bail hors du cadre familial.
En second lieu, il vise à proposer une série de mesures, contreparties pour le bailleur, qui remettent largement en cause le statut du fermage.
En déposant cet amendement, nous avons souhaité exprimer notre opposition au projet de loi sur ces deux points.
Tout d'abord, en revenant sur l'interdiction posée par l'article L. 411-35 du code rural, le Gouvernement fait fi de l'importance de l'intuitus personae dans les relations entre le bailleur et le preneur.
Ainsi, le projet de loi interdit au bailleur, sauf paiement d'une indemnité, de conserver toute maîtrise de l'avenir et du choix de ses locataires. On sait combien il est important que le bailleur puisse choisir son locataire au regard, notamment, de la spécificité du bien qu'il loue.
Si nous dénonçons tout d'abord le principe de cessibilité du bail, nous dénonçons de la même façon les conséquences que le Gouvernement entend lui attacher.
En effet, les contreparties données aux bailleurs qui acceptent le caractère cessible des baux remettent largement en cause le statut du fermage. Notons d'ores et déjà que de larges compensations fiscales et financières leur sont par ailleurs aménagées par ce texte.
Premièrement, la possibilité d'augmenter le loyer jusqu'à 50 % lors de la cession du bail est une aberration au regard, notamment, de l'installation des jeunes agriculteurs.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit une batterie de mesures en faveur de la précarisation du statut de fermier.
Tout d'abord, l'une de ses dispositions initiales tendait à réduire le préavis de dix-huit mois à douze mois. Sans la vigilance de certains députés, dont mon collègue et ami André Chassaigne, cette mesure aurait été entérinée sans soulever le moindre problème.
Ensuite, est remis en cause le caractère automatique du renouvellement du bail. Aujourd'hui, le bail dure neuf ans et il est renouvelable. Le Gouvernement propose une durée de dix-huit ans, avec un renouvellement garanti de cinq ans seulement. Autrement dit, le fermier pourra compter sur un bail de vingt-trois ans. Pensez-vous ainsi couvrir la totalité de sa vie professionnelle ? Ne sera-t-il pas obligé, dans certains cas, de passer d'une ferme à une autre ?
Enfin et surtout, le droit donné au bailleur de ne pas renouveler un bail, et ce sans justification, autrement dit sans faute, contre le versement d'une indemnité compensatrice de licenciement est un coup porté au statut du fermage.
Nous ne remettons pas en cause le principe d'une indemnisation, mais nous nous opposons fermement à une disposition qui permet d'acheter le droit de rompre un tel contrat sans que le locataire ait commis une quelconque faute. Cette mesure est très grave au regard de la nature du contrat de fermage et des conséquences sociales dramatiques que peut avoir la rupture d'un tel contrat. On peut en effet imaginer que des agriculteurs français, européens ou extra-européens se livrent demain à des surenchères.
Aujourd'hui, le fermage est d'ordre public, ce qui veut dire qu'aucun contrat entre un bailleur et un preneur ne peut déroger au statut. Monsieur le ministre, en introduisant dans le projet de loi de telles dérogations, vous supprimez de fait cette protection. A terme, le droit des contrats classiques risque de s'imposer.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste citoyen et républicain demandent la suppression de l'article 2.