Intervention de Antoine Durrleman

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 janvier 2012 : 1ère réunion
Patrimoine immobilier des établissements publics de santé non affecté aux soins — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Antoine Durrleman, président de la sixième Chambre de la Cour des comptes :

Le rapport de la Cour fait suite à une enquête de terrain menée auprès de nombreux établissements de santé qui a donné lieu à près de 140 auditions. Le sujet proposé par votre commission est à la fois un sujet d'histoire, d'actualité et d'avenir.

Il s'agit, tout d'abord, d'un sujet d'histoire puisque le domaine privé des établissements de santé résulte précisément de l'histoire même des hôpitaux. L'essentiel de ces biens est en effet issu de dons et legs remontant à une époque où les établissements de santé vivaient de la charité.

C'est également un sujet d'actualité dans la mesure où ce patrimoine doit être regardé comme un outil au service des problématiques de financement et de modernisation des établissements de santé.

Le patrimoine privé des hôpitaux est, enfin, un enjeu d'avenir. En effet, le mouvement de modernisation et de restructuration du secteur hospitalier, loin d'être achevé, s'est accéléré avec les plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 ». Ces plans ont pour conséquence de libérer des surfaces dédiées aux soins qui, une fois « désaffectées », entrent dans le domaine privé des hôpitaux. Cet enjeu de la reconversion des anciens établissements de santé concerne toutes les régions et de très nombreux établissements.

Quel regard porter sur ce patrimoine ? Le constat de la Cour est triple.

Le patrimoine immobilier non dédié aux soins est, tout d'abord, mal connu au niveau des établissements de santé - il est mal connu au plan juridique et dans sa description même -, mais également au niveau national. Il n'y a pas aujourd'hui de base de données consolidées permettant de disposer d'une vision exhaustive de ce patrimoine. Cet exercice est pourtant nécessaire à la définition d'une stratégie patrimoniale nationale.

Il s'agit, en second lieu, d'un patrimoine dont l'usage peut être discutable. Les établissements de santé sont, dans certains cas, conduits à accueillir, dans ces locaux, des institutions de toute sorte dont l'activité n'est pas forcément en lien direct avec le secteur hospitalier. Cet « usage de circonstance » a pour conséquence que, lorsque l'établissement souhaite mener une politique de valorisation de son patrimoine, il se heurte alors au problème, très complexe, du droit des occupants.

La deuxième difficulté d'usage de ce patrimoine privé est liée à la politique de logement que certains établissements proposent à leurs agents. Cette politique paraît mal encadrée à un double niveau.

En ce qui concerne, tout d'abord, les logements de fonction, leur attribution semble insuffisamment encadrée et prenant de la distance par rapport aux règles générales qui gouvernent la mise à disposition de ce type de logements, à savoir la nécessité absolue ou l'utilité de service. S'agissant, ensuite, de l'attribution de logements sur critères socioprofessionnels, cette politique, que la Cour ne remet pas en cause dans son principe, doit être mieux construite, chiffrée et évaluée.

Enfin, le patrimoine immobilier privé des établissements de santé paraît insuffisamment valorisé. Il a longtemps fait l'objet d'une gestion passive, davantage axée sur la transmission du patrimoine plutôt que sur son optimisation.

La Cour relève néanmoins des exceptions qui recouvrent deux catégories d'établissements : certains hôpitaux, comme les Hospices de Beaune, ont très tôt développé une gestion active de leur patrimoine ; plus récemment, certains établissements, comme les Hospices civils de Lyon (HCL) ou l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), soumis à des contraintes financières, ont fait de la valorisation de leur patrimoine un élément structurant de leur plan de redressement.

Les préconisations de la Cour sont de trois ordres :

- la nécessité d'une description beaucoup plus fine de ce patrimoine, tant au niveau des établissements qu'au niveau national ;

- la mise à disposition des établissements de santé d'un certain nombre de facilitations. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) a en effet laissé ouvertes un nombre important de questions, notamment s'agissant de la portée des avis de France Domaine ;

- l'inscription explicite, dans les missions de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), de la fonction d'assistance à la valorisation du patrimoine.

Il ne faut cependant pas se tromper : les sommes qui peuvent être tirées de la meilleure valorisation de ce patrimoine sont sans commune mesure avec les besoins de financement des établissements de santé, soit 24 milliards d'euros d'endettement et 6 milliards d'euros d'investissement annuel. Elles peuvent néanmoins représenter une contribution décisive au montage de plans de financement. C'est pourquoi, la Cour souligne l'importance de la définition d'une politique nationale, relayée au niveau local par les agences régionales de santé (ARS).

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