Mon optimisme ou ma détermination s'expliquent par le fait que la position française s'étend en Europe, grâce à la loi que vous avez votée, mais aussi grâce à nos programmes d'action. Une page a été tournée de façon irréversible. Il nous appartient de rendre la position de l'agence crédible, malgré les limites de ses capacités d'action.
Pour Genopharm, nous faisons le travail. Nous avions missionné l'agence suisse, afin qu'elle inspecte Genopharm Suisse. Nous nous sommes occupés de Genopharm France, c'est un long roman, puisqu'il s'agit d'une holding dont les filiales se nomment Alkopharm, Alko Chimie, toutes ayant le même PDG... Nous traquons cette société, avec nos moyens juridiques, et nous gagnons, puisqu'elle fabrique des médicaments dits indispensables mais dans des conditions qui ne garantissent pas la sécurité. Nous avons ordonné la suspension de Genopharm, qui s'est dissoute deux jours avant la suspension de lots. Vous serez sollicités, en tant que parlementaires, au nom de la défense de l'emploi. Cette société dissout ses branches au fur et à mesure. Nous avons pris des dispositions (importations ou nouvelles AMM) pour que tous les malades français puissent bénéficier de leurs médicaments. La sécurité progresse ainsi, en traquant, pas à pas, les sociétés qui n'assument pas leurs responsabilités. Cette société disparaissait pour réapparaître le lendemain, en tentant de mobiliser les malades, en arguant que l'Afssaps l'empêchait de les soigner ! Nous avons gagné tous les contentieux et nous nous occupons d'Alkopharm ou ce qu'il en reste.
Nos fonctions d'inspection et de contrôle s'articulent avec notre mission de garantie des livraisons de médicaments. C'est dans nos laboratoires, et non sur dénonciation d'un concurrent, que nous avons établi les défauts du Thiotepa. Heureusement, la société ne dispose que d'une boîte postale au Luxembourg et d'une filiale en Suisse, l'inspection va assez vite. Notre responsabilité étant aussi de faire en sorte que tous les patients disposent en temps utile de leurs médicaments, nous avons pris les décisions de police sanitaire qui s'imposaient, pour autoriser les importations, faire traduire les notices. L'un des avantages de l'Europe est que nous pouvons nous substituer à des producteurs ou des exploitants d'AMM défaillants, ce qui ne peut marcher qu'avec des Etats qui coopèrent et se coordonnent.
J'ai le plus grand respect pour les académiciens, qui sont totalement libres et se réfèrent à des données que nous avons publiées. Je crains, comme je l'ai dit publiquement, que la quantité de commentaires circulant actuellement sur des suspicions de génériques défaillants n'occulte les qualités des nombreux produits génériques non défaillants que nous contrôlons, comme les antiagrégants que nous avons tous inspectés, tous contrôlés, qui sont de qualité, mais qu'on ne prescrit pas. Il en va de même pour les statines. Nous devons traiter tous les médicaments avec attention. Il peut y avoir de mauvais médicaments parmi les génériques comme parmi les princeps.
Il serait dangereux pour la santé publique de remettre en question les génériques sur la foi de fausses informations, comme la reprise par la presse d'un article cité par l'académie de médecine mentionnant un lot de Vancomycine non commercialisé en France et produit exclusivement en Colombie. Les génériques doivent être source de créativité et non d'une médecine au rabais.
Le passage à la DCI, dénomination commune internationale, demandée par le législateur, représentera pour les prescripteurs un changement culturel majeur, qu'il faudra accompagner. Les génériques sont des médicaments à part entière, de très bonne qualité. Leur sous-utilisation en France, pour les spécialités qui représentent les plus grosses parts de marché, peut s'expliquer par les réticences de certains producteurs de princeps. Il ne faut pas stigmatiser les médecins, qui ont la difficile responsabilité du contact direct avec le patient, mais leur expliquer. Nous avons des programmes de recherches sur les génériques. Nous pourrons répondre scientifiquement, objectivement, aux questions posées par l'Académie.
Le médicament repose sur un processus continu, qui appelle une remise en question permanente. Nous devons informer loyalement les prescripteurs des incidents comme des bénéfices.
Bien sûr, les prothèses posent un énorme problème. La sécurité des patients importe avant tout. Nous devons avoir le courage de dire que certains dispositifs, comme certains médicaments, présentent plus de risques que d'autres. La durée est l'un des critères de risque. Une surdose ponctuelle, pour mauvaise qu'elle soit, est souvent moins nocive qu'une longue exposition. Il en va de même des dispositifs, qui peuvent évoluer, s'abîmer, au sein du corps humain.
Comme nous l'avons écrit à la suite du rapport PIP, il nous faut dresser une liste des dispositifs à risque, que nous partagerons avec les autres pays. Pour ces dispositifs, nous devons prendre des mesures de précaution, en exigeant davantage des organismes qualifiés pour les contrôles, par l'incitation ou par la loi. Nous avons besoin de donnés cliniques sur l'utilisation du produit et pas uniquement du signalement d'incidents. Il revient aux fabricants de produits à risques de suivre leur utilisation directe ou indirecte. Si nous n'avons pas de moyens réglementaires pour l'imposer, notre articulation avec la Haute Autorité de santé nous y aidera. Nous sommes deux agences différentes, mais non opposées. Notre ambition est d'établir cette liste ensemble et d'en tirer les conséquences. Les producteurs qui refuseraient de donner des informations ne pourraient guère figurer sur la liste des remboursements. La sécurité et le remboursement sont deux choses différentes, mais liées.
Notre investissement est majeur dans ce domaine. On n'en parle pas assez, mais beaucoup de personnes travaillent sur les dispositifs, chez nous. Le Mediator a révélé une défaillance de la pharmacovigilance, PIP une défaillance de la matériovigilance et certains produits sanguins une défaillance de l'hémovigilance. Repensons les vigilances, comme nous l'avons écrit dans le rapport PIP ! Il y a une directive, que l'on peut étendre aux dispositifs. Il faut permettre aux personnes de déclarer. Pour signaler qu'il a un patient dont une prothèse s'est rompue, un médecin généraliste ne devrait pas avoir à remplir un formulaire hypercompliqué ! Un signalement ouvert, national, transparent, est le premier élément de la réforme des vigilances. Derrière chaque signalement, il doit y avoir une instruction et la saisie dans une base de donnés, de pharmaco, matério ou cosmétovigilance. Il est indispensable d'articuler l'échelon national avec le régional car l'instruction uniquement parisienne à partir d'un signal statistique est insuffisante. Quand un chirurgien envoie plusieurs lettres recommandées, on peut aller vérifier sur place qu'il s'agit d'un vrai chirurgien, qui a une certaine expérience et détecter qu'il y a un vrai problème. Nous devons entendre les signaux statistiques et nous appuyer sur les équipes régionales qui ne doivent pas ignorer les signalements.
Il faut enfin articuler les vigilances. Pour l'usager, le pharmacien, le médecin, il n'est pas simple d'attribuer tel problème de coeur à la pile, à l'anticoagulant ou à l'antiarythmique. Nous allons proposer une réforme en profondeur, avec la direction générale de la santé, qui n'oubliera pas le tissu régional.
La France évolue assez bien en matière de pharmacovigilance, nous recevons plus de signalements des médecins que des industriels. Un signalement argumenté doit donner lieu à une investigation, menée au niveau national, conjointement avec la Cnam grâce au groupement d'intérêt public que vous avez créé par la loi, ou local grâce aux structures régionales.
Pour les dispositifs médicaux, c'est plus compliqué, mais il y a des actes traçants au sein du PMSI, projet de médicalisation des systèmes d'information permettant de retracer le coût des interventions. Cette réforme, qui verra le jour avant la fin de l'année, suppose débats et arbitrages.
Dans le budget de l'agence, nous avons accru de 70 % le budget des centres de pharmacovigilance, pour un an seulement, en leur demandant d'être articulés avec leur agence régionale de santé ; nous les soutenons pour mener des recherches publiques. La grande révolution viendra du recueil des signalements des patients, des médecins généralistes et des pharmaciens. Il sera facilité par la directive sur la pharmacovigilance, qui s'étendra à la matériovigilance. J'en ai parlé avec les services de la Commission européenne cet après-midi. Il nous faudra peut-être un peu plus de personnel. Nous devons substituer à un système fondé sur l'analyse et la surveillance de marché un autre, fondé sur la notion d'inconvénients ou d'incidents médicaux. Il sera plus efficace avec une coordination internationale. Pour éviter les lenteurs ou la paralysie, la vigilance doit être active. Notre rôle est d'aller chercher les informations. Ce n'est pas parce que la FDA ne nous a pas prévenus que nous ne devons pas enquêter. Nous devons aussi transmettre des informations comprises par les usagers. Nous vivons une période de doutes et de crises. Sachons l'accepter et soyons proactifs.
Sur les cent mille prothèses de hanche posées chaque année en France, trois cent quatre-vingts sont des prothèses ASR, contre trente mille en Angleterre. Le taux de signalement était relativement faible. Une investigation complémentaire a montré que le taux de rupture était de 5 %. Si notre système était plus proactif, vous auriez dû trouver ce rapport sur notre site il y a un an et non pas maintenant lorsque la presse en parle. C'est un changement d'attitude, qui nous expose à certains contentieux...