Commission des affaires sociales

Réunion du 28 février 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Je vous prie de bien vouloir excuser notre rapporteur Claude Jeannerot, retenu à l'étranger par ses obligations de président de conseil général. En première lecture, le 15 février, le Sénat a opposé la question préalable à cette proposition de loi. La commission mixte paritaire, réunie à l'Assemblée nationale la semaine dernière, s'est séparée sur un constat de désaccord. Il y a plusieurs principes sur lesquels la majorité sénatoriale ne peut transiger, au premier rang desquels figure la préservation des droits sociaux des salariés. Ce texte prétend concilier ceux-ci avec les droits des passagers, qui peuvent subir les effets d'une grève. C'est un exercice délicat, dont le résultat nous a paru déséquilibré, plus favorable aux entreprises de transport aérien de passagers qu'à leurs employés.

Deux points nous ont paru particulièrement inacceptables. Tout d'abord, on ne peut envisager de transposer au transport aérien, presque à l'identique, la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social dans les transports terrestres car il y a d'importantes différences entre ces deux secteurs. Imposer aux salariés de déclarer à leur employeur leur intention de faire grève quarante-huit heures à l'avance aura pour principal effet de rendre l'exercice du droit de grève plus malaisé. Or la situation souvent précaire des dizaines de milliers de salariés de l'assistance en escale les empêche d'obtenir par la négociation une amélioration de leurs conditions de travail ; leur voix risque de devenir inaudible si, du fait de pressions de leur employeur, ils ne peuvent plus défendre leurs droits par la grève.

Ensuite, obliger, sous peine de sanction disciplinaire, les salariés grévistes ou qui ont fait part de leur intention de faire grève à informer leur employeur, vingt-quatre heures à l'avance, qu'ils renoncent à faire grève ou veulent reprendre le travail, porte atteinte à leur capacité de libre détermination. Cette contrainte serait d'ailleurs inopérante dans le secteur aérien, puisqu'il serait impossible de rétablir l'activité dans un si court délai. Elle pourrait même conduire les salariés à poursuivre la grève un jour de plus, de manière purement artificielle : un salarié qui renoncerait à faire grève un soir ne pourrait pas reprendre son service le lendemain matin. Est-ce vraiment l'intérêt des passagers ?

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne suffisent pas à emporter notre adhésion. Il est désormais prévu que le délai de dédit de vingt-quatre heures ne s'appliquera pas « lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève ». Une telle formulation traduit une méconnaissance du déroulement réel des mouvements sociaux dans les entreprises. La « fin de la grève » relève avant tout de la décision de chaque salarié, qui ne dépend pas des décisions syndicales. Insuffisante, aussi, est l'atténuation par les députés de la sanction du manquement à l'obligation d'information en cas de dédit : elle ne s'appliquerait que si le salarié refuse « de façon répétée » de s'y soumettre.

Tous les constats faits par notre rapporteur en première lecture restent valables, sur le fond, la forme et la méthode. Il faut cesser d'opposer systématiquement les salariés aux passagers qui seraient des victimes collatérales d'un désaccord auquel ils sont étrangers. Est-il besoin de le rappeler, la grève n'est pas un choix fait à la légère, mais le dernier recours des salariés lorsque le fil du dialogue social est rompu et que l'employeur refuse de négocier. Je note au passage qu'un accord a finalement été trouvé entre Air France et ses pilotes, ce qui montre que le dialogue social peut aboutir. Cet accord ôte d'ailleurs tout son sens à cette proposition de loi puisqu'il prévoit que les pilotes non grévistes ne pourront pas remplacer les grévistes.

On dit que les pilotes sont des privilégiés. Mais ce texte concerne avant tout les dizaines de milliers d'employés de l'assistance en escale dont la situation contractuelle et salariale est des plus précaire.

Un dernier mot sur la procédure d'adoption à marche forcée de cette proposition de loi, à une semaine de la clôture de la dernière session parlementaire du quinquennat. Comme l'Assemblée nationale n'a pas fait jouer son protocole de consultation des partenaires sociaux, il n'y a pas eu de concertation formelle avec eux, comme c'est l'usage dans notre commission, alors qu'il s'agit d'un texte qui encadre le droit de grève. Le Conseil d'Etat n'a pas eu à rendre d'avis à son propos, alors qu'il soulève de sérieuses questions de constitutionnalité. Enfin, nous ne disposons d'aucune étude d'impact.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que réitérer fermement notre position de première lecture. Le texte transmis par l'Assemblée nationale ne corrige en rien les défauts que nous avions mis en lumière. Je vous propose donc d'adopter la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le groupe UMP n'est absolument pas d'accord avec ces arguments et votera contre la motion.

La motion n° 1 tendant à opposer la question préalable est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Deux membres de notre commission sont appelés à siéger au sein du groupe de travail inter-commissions consacré à la création éventuelle d'un registre national des crédits. Je vous propose les candidatures de Ronan Kerdraon et Hervé Marseille. Pour toute information sur le fonctionnement de ce groupe, vous voudrez bien vous adresser au service de la commission des affaires économiques qui est à son initiative.

La commission désigne MM. Ronan Kerdraon et Hervé Marseille en qualité de membres de ce groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale, je vous propose de nommer d'ores et déjà rapporteur Alain Milon, qui connaît bien ce sujet. Nous ne savons pas encore si ce texte doit être examiné d'ici la fin de la session, ou si notre rapporteur aura le temps de travailler plus sereinement et de présenter son rapport en juin, à la reprise des travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je suis à votre disposition, madame la présidente.

La commission désigne M. Alain Milon en qualité de rapporteur de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Il est regrettable que nous devions entendre M. Maraninchi alors qu'un important débat se déroule dans l'hémicycle sur le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la situation en Grèce. Plusieurs commissaires du groupe UMP, dont moi-même, iront en séance et ne pourront assister à l'audition : veuillez nous excuser auprès de M. Maraninchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ancienne membre de la commission des affaires européennes, je partage vos regrets : mon groupe étant d'un effectif plus faible que le vôtre, il est encore plus difficile de nous organiser. Mais M. Maraninchi doit être nommé demain ; il a été entendu la semaine dernière à l'Assemblée nationale et son audition cet après-midi par notre commission était déjà prévue quand le débat sur le MES a été inscrit à l'ordre du jour. M. Maraninchi n'a pas pu se libérer à un autre moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous auditionnons cet après-midi le professeur Dominique Maraninchi, dont la désignation en qualité de directeur général de l'agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé est imminente.

Debut de section - Permalien
Dominique Maraninchi, directeur général de l'Afssaps

Cela dépend de vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vous rappelle que l'ANSM est le nouveau nom de l'Afssaps, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. A la demande du ministre Xavier Bertrand, notre commission avait d'ailleurs eu l'occasion de vous entendre, voici un an presque jour pour jour, le 15 février 2011, au moment où vous alliez prendre la responsabilité de l'Afssaps, dans un contexte rendu particulièrement difficile par l'affaire du Mediator.

Votre audition sera, j'imagine, l'occasion pour vous de nous présenter l'évolution de l'agence au cours des douze derniers mois et les objectifs que vous entendez poursuivre pendant votre mandat à la tête de cette structure renouvelée. Je vous indique, d'ailleurs, que plusieurs membres de la commission et moi-même avons été destinataires d'un mail des personnels contestant le calendrier de mise en oeuvre des réformes. Sans doute nous en parlerez-vous.

Depuis le Mediator, l'actualité sanitaire s'est trouvée à nouveau troublée par l'affaire des prothèses fabriquées par l'entreprise PIP, ce qui pose la question de la sécurité des dispositifs médicaux que nous avions soulevée, en son temps, notamment lors de l'examen de la loi « sécurité sanitaire ». Je note au passage que ces dispositifs ne figurent pas explicitement dans le nouveau nom de l'agence, contrairement aux médicaments, dont on pourrait considérer pourtant qu'ils sont aussi des produits de santé. Cette distinction vous paraît-elle pertinente ?

Le poste que vous vous apprêtez à occuper ne fait pas partie de ceux pour lesquels un avis formel, fondé sur un vote à bulletin secret, est requis de notre commission au titre de l'article 13 de la Constitution et de l'article 19 bis de notre Règlement. C'est l'article premier de la loi du 30 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé qui a imposé que nous auditionnions près d'une vingtaine de personnes responsables des agences sanitaires avant leur nomination. Nous n'aurons donc pas à nous prononcer sur l'opportunité du choix de l'exécutif, et c'est d'ailleurs heureux car nous n'avons pas les moyens de vérifier l'existence de liens ou de conflits d'intérêts susceptibles d'entacher l'exercice de responsabilités au sein des instances sanitaires.

Ceci étant, nous connaissons vos qualités personnelles et vos compétences scientifiques, monsieur le professeur. C'est donc au titre de l'information des sénateurs que nous vous accueillons. Je vous laisse la parole.

Debut de section - Permalien
Dominique Maraninchi, directeur général de l'Afssaps

Je vous remercie de l'attention que vous portez à l'agence.

J'ai soixante-trois ans, je suis médecin, professeur à l'université de la Méditerranée, dans le domaine de l'hématologie et de la cancérologie. J'ai exercé des responsabilités de recherches à l'Inserm. J'ai dirigé l'institut Paoli-Calmettes à Marseille, deuxième centre anti-cancer de France, qui a un grand potentiel de recherche. J'ai assuré la présidence, dans une situation de crise, de l'institut national du cancer, jusqu'à l'an dernier, lorsque l'on m'a demandé de prendre la responsabilité de l'Afssaps.

Ma motivation et mon travail consistent à offrir la meilleure prise en charge médicale possible, à l'échelle individuelle dans la pratique de la transplantation et de l'immunologie, de façon collective par le pilotage de dispositifs de recherches et de soins, et nationale en essayant de peser pour la prise en charge du cancer dans notre pays.

La crise du Mediator nous a tous interpellés. Elle était à son paroxysme lorsque j'ai pris la responsabilité de l'Afssaps. Bien sûr nous connaissons nos limites, mais je suis mobilisé autour de cet objectif majeur : offrir la meilleure prise en charge médicale possible à la population française. Telle est et demeure la vocation de l'Afssaps.

Nous avons connu plusieurs périodes. Lorsque je suis arrivé, en pleine crise du Mediator, un très grand débat public s'est ouvert pendant deux mois, avec les assises du médicament, qui nous ont permis d'écouter les attentes. Puis est venue une phase d'arbitrage, qui a débouché, le Gouvernement ayant décidé en août de présenter un projet de loi, sur le texte que vous avez adopté définitivement en décembre. Pendant ce temps, j'ai agi, dans la limite de mes moyens juridiques et de mes responsabilités, pour changer la vision que nous avons de nos produits de santé à la lumière de la crise du Mediator. Je suis fier que le législateur ait stabilisé certaines de ces initiatives, en matière de transparence tout d'abord : depuis mars 2011, toutes les commissions suivent un ordre du jour et sont filmées ; les opinions minoritaires s'expriment, ce qui représente un énorme changement ; la publicité sur les liens d'intérêts est effective. La transparence des débats redonne confiance en la décision.

Parmi les décisions plus ou moins spectaculaires, je citerai celle qui concerne le médicament antidiabétique Actos, à propos duquel nous avions reçu des signaux de risque accru de cancer de la vessie, relativement faible, de l'ordre d'une quinzaine sur 200 000 patients. Nous avons mis en oeuvre à cette occasion une nouvelle méthodologie, en nous adressant directement aux médecins traitants, en les mettant en garde contre ce risque et en leur annonçant l'étude que nous avons lancée sur 1,4 million de personnes. Cette prise de parole d'une agence publique et neutre a été efficace : en trois semaines, la consommation du médicament a baissé de 60 %. Avec des experts publics, nous avons mené cette étude dans la vie réelle, et l'avons rendue publique en vidéo quand elle a été présentée à la commission compétente de l'Afssaps : elle confirmait un risque statistique accru, faible mais réel.

Ensuite, cette commission a recueilli publiquement l'avis des patients ; leur principale association a défendu les médicaments permettant le traitement du diabète, tout en considérant le risque posé par Actos comme inacceptable. Les experts étaient partagés mais, devant l'importance des données, ils ont voté unanimement pour la suspension de ce médicament, de façon publique et collective.

Les médecins étaient préparés, donc il n'y a pas eu de désordre sanitaire. L'impact international a été considérable : la FDA (Food and Drug Administration) a publié l'étude française en quatre jours et mis en garde contre les risques de ce médicament. L'Europe a été moins sensible à une décision jugée un peu unilatérale, mais a traité le dossier. Des experts publics, autonomes, indépendants, ont pris une décision transparente et rapide, en quatre mois, contre dix-sept ans pour le Mediator.

Deuxième type d'action, qui n'est pas toujours apprécié : la révision des bénéfices-risques des anciens médicaments. Il faut surveiller tous les médicaments, mais les médicaments commercialisés avant 2005, dont le Mediator, sont parfois tombés dans l'oubli. Je vous l'avais dit l'an dernier, un médicament qui n'a plus de bénéfices n'a plus que des risques. Il faut réactualiser la relation bénéfices-risques des produits de santé. Cette action a débouché sur de nombreuses décisions. En un an, l'agence a décidé cinq suspensions de médicaments, au lieu de quinze dans les quinze années précédentes, et révisé les bénéfices-risques de quatorze médicaments, au lieu de quarante-six dans les quinze années précédentes, et a saisi l'Europe de révisions d'AMM pour de très nombreux médicaments. Même si nous n'avons pas toujours été suivis dans les arbitrages, nous avons marqué notre position de leader européen. Nous avons su répondre à la demande dans le cadre de la structure actuelle de l'agence, mais dans un nouvel état d'esprit : la transparence.

Nous avons investi le champ de la connaissance et de la recherche, en stimulant des programmes de recherches sur la sécurité des produits de santé, afin que les experts ne puissent plus dire qu'ils sont obligés de travailler avec l'industrie. Nous avons développé les financements publics, pour qu'ils approfondissent leurs connaissances de façon indépendante. Nous avons mis à disposition 15 millions d'euros par an à cette fin. La loi que vous avez votée a créé une agence indépendante.

Une crise sanitaire ne s'arrête pas le jour où on l'a décidé. Nous l'avons vu avec le Mediator : elle laisse des victimes, dont nous devons nous occuper. Il ne suffit pas de décider de supprimer un médicament, il faut s'occuper des personnes qui en sont victimes et en souffrent. De même, pour les prothèses mammaires : la crise a éclaté un an après la décision courageuse et unique en Europe, qu'a prise l'Afssaps ; mais on a oublié qu'il y avait de nombreuses victimes à accompagner. C'est l'alerte qu'a lancée l'agence, en raison des risques potentiellement accrus de certaines formes de cancer pouvant être provoqués par certaines ruptures, qui a entraîné la crise. Il y avait un risque de morts directes ou indirectes. Nous avons répondu à la demande des ministres de présenter publiquement et de façon transparente un rapport neutre et objectif sur la chronologie de 1996 à 2010. Nous avons exposé les faiblesses, voire les défaillances, de notre système de sécurité, en termes de matériovigilance, de contrôles de mémoire, d'information des patients et de traitement des victimes. Nous espérons que les décisions qui seront prises à l'échelle mondiale empêcheront cette situation de se reproduire.

Je comprends l'émoi des personnels. Quant à la gouvernance interne, le directeur général applique la réglementation. Je n'ai pas changé cette organisation, réglementée par de nombreux décrets. Nous avons fait évoluer l'organisation interne par des groupes de travail destinés à responsabiliser les équipes en matière de gestion des produits et des métiers. Nous avons mené cette action de façon intensive pendant six mois, car elle répondait à une forte attente, tout le monde étant convaincu qu'il fallait un changement, mais cela provoquait des craintes : l'Afssaps reposait sur un socle historique de réglementations et de procédures, et la réforme n'était pas encore mise en oeuvre, ce qui a parfois été difficile pour les agents.

L'agence est réactive et une certaine impatience se manifeste parfois. La société attend de nous de nouvelles règles, sur lesquelles vous avez légiféré. Nous devons aussi faire évoluer nos procédures et la manière dont nous considérons les personnes. Au sein de l'agence, les liens ou les conflits d'intérêts n'étaient pas suffisamment pris en compte. J'ai fait délibérer le conseil d'administration en décembre afin que les règles soient très claires et très dures. Toute personne recrutée sur un poste de cadre devra avant tout répondre à des critères déontologiques, ses compétences seront examinées par une commission indépendante proposée par le conseil scientifique, elle devra faire preuve d'aptitudes managériales. Chaque direction regroupera une cinquantaine de personnes dynamiques sur tous les aspects de la gestion des produits.

Au-delà du Mediator, les crises auxquelles l'agence doit faire face ne concernent pas que le médicament mais l'ensemble des produits de santé et notre manière de les considérer. Ce n'est pas qu'une affaire de médicament et de mauvaise évaluation, c'est l'ensemble du secteur qui doit être repensé, autour d'un message clairement inscrit dans la loi que vous avez votée : notre travail, c'est la sécurité, non pas des produits, mais des patients. Cela suppose que nos équipes soient concentrées sur les produits et guidées uniquement par la relation bénéfices-risques et la santé des patients. Cela concerne également tous les dispositifs médicaux. Il en résulte une articulation. L'Afssaps exerce des fonctions d'évaluation, d'inspection et de contrôle qui doivent aboutir à des décisions. Nous avons vu qu'une inspection indépendante du contrôle peut amener des dysfonctionnements, des pertes de temps et de sécurité. Nous devons intégrer l'inspection et le contrôle autour de chaque classe de produits, non pour l'évaluation du bénéfice, mais d'une balance bénéfices-risques permanente, comme vous l'avez demandé dans le cadre de la loi.

Au terme d'une année difficile, mais accompagnée de réalisations concrètes, je suis optimiste. Nous sommes mobilisés pour la réforme que nous devons appliquer avec sagesse et efficacité. La France joue un rôle moteur. Après la France, la transparence s'imposera dans les autres pays européens, de même que l'évaluation des produits au cours du temps - j'étais il y a quelques minutes avec la directrice générale Sanco (santé et protection des consommateurs) de la Commission européenne. Des progrès tangibles sont possibles dans le domaine du médicament. Il y a beaucoup de retards pour des produits sensibles et dangereux pour la santé, comme les dispositifs médicaux. Les dispositions prises par la France interpellent et devraient aboutir à une évolution de la réglementation européenne. Si tel n'était pas le cas, nous demanderions une action prioritaire dans le cadre français afin que nos concitoyens ne soient pas exposés à des risques, en raison de procédures abstraites et aveugles.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

La France joue un rôle moteur, selon vous. Soit. Mais Genopharm a commercialisé pendant un an des produits périmés et c'est un autre pays, la Suisse, qui a réagi. Le Mediator avait été interdit dès 1998 en Italie et en 2002 en Espagne. Des prothèses de hanche ASR ont continué à être distribuées en France, un an voire dix-huit mois après leur interdiction aux Etats-Unis.

Comment la pharmacovigilance s'articule-t-elle avec le contrôle ? Les déclarations d'incidents ne remontent toujours pas. Les médecins hésitent à signaler. L'organisation régionale ne donne pas toute satisfaction. L'agence n'a pas connaissance de tous les éléments.

Certains produits de santé et dispositifs médicaux sont mis sur le marché sans AMM, le Ceps (comité économique des produits de santé) négociant les prix avec les laboratoires. Ce mécanisme devrait perdurer. Quid de l'intervention de l'agence, lorsque des dispositifs médicaux implantables, par exemple, qui nous intéressent au sein de la mission d'information animée par Mme Jouanno, sont mis sur le marché ?

Comment allez-vous travailler avec la commission de transparence de la Haute Autorité de santé ? J'ai toujours défendu un organisme unique, avec un patron qui puisse contrôler ces agences agissant séparément. Chaque semaine va-t-elle nous amener un nouveau scandale ? Le problème des prothèses de hanche ASR, qui existe depuis un an, vient d'être révélé au grand public par la presse. La transparence que vous souhaitez ne doit-elle pas être plus évidente ? Les produits de nutrition parentérale, qui ne passent plus par une AMM depuis une dizaine d'années, ne méritent-ils pas une surveillance accrue ? Sont-ils efficaces ?

Par ailleurs, l'Académie de médecine vient de présenter une communication sur les médicaments génériques, qui remet en question leur qualité et risque de renforcer la présence du « NS » (non substituable) sur les ordonnances de nos confrères et qui a été largement reprise dans la presse.

Nous vous soutenons dans vos efforts mais vous avez du pain sur la planche !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Outre les médicaments, avez-vous le pouvoir de contrôler les produits amaigrissants, en vente libre dans les pharmacies, et les produits de beauté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Votre agence a-t-elle un droit de regard sur les dispositifs médicaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Sur la réorganisation de l'agence, les inquiétudes qui nous ont été retransmises portent sur la vitesse, voire la précipitation, des changements, qui n'est pas une bonne chose. Des cabinets de consultants interviennent. A quel coût ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

A propos du Mediator ou d'autres médicaments, on a mis en évidence une insuffisance de la formation initiale ou continue des médecins. Avez-vous des propositions en la matière ?

Debut de section - Permalien
Dominique Marininchi

Mon optimisme ou ma détermination s'expliquent par le fait que la position française s'étend en Europe, grâce à la loi que vous avez votée, mais aussi grâce à nos programmes d'action. Une page a été tournée de façon irréversible. Il nous appartient de rendre la position de l'agence crédible, malgré les limites de ses capacités d'action.

Pour Genopharm, nous faisons le travail. Nous avions missionné l'agence suisse, afin qu'elle inspecte Genopharm Suisse. Nous nous sommes occupés de Genopharm France, c'est un long roman, puisqu'il s'agit d'une holding dont les filiales se nomment Alkopharm, Alko Chimie, toutes ayant le même PDG... Nous traquons cette société, avec nos moyens juridiques, et nous gagnons, puisqu'elle fabrique des médicaments dits indispensables mais dans des conditions qui ne garantissent pas la sécurité. Nous avons ordonné la suspension de Genopharm, qui s'est dissoute deux jours avant la suspension de lots. Vous serez sollicités, en tant que parlementaires, au nom de la défense de l'emploi. Cette société dissout ses branches au fur et à mesure. Nous avons pris des dispositions (importations ou nouvelles AMM) pour que tous les malades français puissent bénéficier de leurs médicaments. La sécurité progresse ainsi, en traquant, pas à pas, les sociétés qui n'assument pas leurs responsabilités. Cette société disparaissait pour réapparaître le lendemain, en tentant de mobiliser les malades, en arguant que l'Afssaps l'empêchait de les soigner ! Nous avons gagné tous les contentieux et nous nous occupons d'Alkopharm ou ce qu'il en reste.

Nos fonctions d'inspection et de contrôle s'articulent avec notre mission de garantie des livraisons de médicaments. C'est dans nos laboratoires, et non sur dénonciation d'un concurrent, que nous avons établi les défauts du Thiotepa. Heureusement, la société ne dispose que d'une boîte postale au Luxembourg et d'une filiale en Suisse, l'inspection va assez vite. Notre responsabilité étant aussi de faire en sorte que tous les patients disposent en temps utile de leurs médicaments, nous avons pris les décisions de police sanitaire qui s'imposaient, pour autoriser les importations, faire traduire les notices. L'un des avantages de l'Europe est que nous pouvons nous substituer à des producteurs ou des exploitants d'AMM défaillants, ce qui ne peut marcher qu'avec des Etats qui coopèrent et se coordonnent.

J'ai le plus grand respect pour les académiciens, qui sont totalement libres et se réfèrent à des données que nous avons publiées. Je crains, comme je l'ai dit publiquement, que la quantité de commentaires circulant actuellement sur des suspicions de génériques défaillants n'occulte les qualités des nombreux produits génériques non défaillants que nous contrôlons, comme les antiagrégants que nous avons tous inspectés, tous contrôlés, qui sont de qualité, mais qu'on ne prescrit pas. Il en va de même pour les statines. Nous devons traiter tous les médicaments avec attention. Il peut y avoir de mauvais médicaments parmi les génériques comme parmi les princeps.

Il serait dangereux pour la santé publique de remettre en question les génériques sur la foi de fausses informations, comme la reprise par la presse d'un article cité par l'académie de médecine mentionnant un lot de Vancomycine non commercialisé en France et produit exclusivement en Colombie. Les génériques doivent être source de créativité et non d'une médecine au rabais.

Le passage à la DCI, dénomination commune internationale, demandée par le législateur, représentera pour les prescripteurs un changement culturel majeur, qu'il faudra accompagner. Les génériques sont des médicaments à part entière, de très bonne qualité. Leur sous-utilisation en France, pour les spécialités qui représentent les plus grosses parts de marché, peut s'expliquer par les réticences de certains producteurs de princeps. Il ne faut pas stigmatiser les médecins, qui ont la difficile responsabilité du contact direct avec le patient, mais leur expliquer. Nous avons des programmes de recherches sur les génériques. Nous pourrons répondre scientifiquement, objectivement, aux questions posées par l'Académie.

Le médicament repose sur un processus continu, qui appelle une remise en question permanente. Nous devons informer loyalement les prescripteurs des incidents comme des bénéfices.

Bien sûr, les prothèses posent un énorme problème. La sécurité des patients importe avant tout. Nous devons avoir le courage de dire que certains dispositifs, comme certains médicaments, présentent plus de risques que d'autres. La durée est l'un des critères de risque. Une surdose ponctuelle, pour mauvaise qu'elle soit, est souvent moins nocive qu'une longue exposition. Il en va de même des dispositifs, qui peuvent évoluer, s'abîmer, au sein du corps humain.

Comme nous l'avons écrit à la suite du rapport PIP, il nous faut dresser une liste des dispositifs à risque, que nous partagerons avec les autres pays. Pour ces dispositifs, nous devons prendre des mesures de précaution, en exigeant davantage des organismes qualifiés pour les contrôles, par l'incitation ou par la loi. Nous avons besoin de donnés cliniques sur l'utilisation du produit et pas uniquement du signalement d'incidents. Il revient aux fabricants de produits à risques de suivre leur utilisation directe ou indirecte. Si nous n'avons pas de moyens réglementaires pour l'imposer, notre articulation avec la Haute Autorité de santé nous y aidera. Nous sommes deux agences différentes, mais non opposées. Notre ambition est d'établir cette liste ensemble et d'en tirer les conséquences. Les producteurs qui refuseraient de donner des informations ne pourraient guère figurer sur la liste des remboursements. La sécurité et le remboursement sont deux choses différentes, mais liées.

Notre investissement est majeur dans ce domaine. On n'en parle pas assez, mais beaucoup de personnes travaillent sur les dispositifs, chez nous. Le Mediator a révélé une défaillance de la pharmacovigilance, PIP une défaillance de la matériovigilance et certains produits sanguins une défaillance de l'hémovigilance. Repensons les vigilances, comme nous l'avons écrit dans le rapport PIP ! Il y a une directive, que l'on peut étendre aux dispositifs. Il faut permettre aux personnes de déclarer. Pour signaler qu'il a un patient dont une prothèse s'est rompue, un médecin généraliste ne devrait pas avoir à remplir un formulaire hypercompliqué ! Un signalement ouvert, national, transparent, est le premier élément de la réforme des vigilances. Derrière chaque signalement, il doit y avoir une instruction et la saisie dans une base de donnés, de pharmaco, matério ou cosmétovigilance. Il est indispensable d'articuler l'échelon national avec le régional car l'instruction uniquement parisienne à partir d'un signal statistique est insuffisante. Quand un chirurgien envoie plusieurs lettres recommandées, on peut aller vérifier sur place qu'il s'agit d'un vrai chirurgien, qui a une certaine expérience et détecter qu'il y a un vrai problème. Nous devons entendre les signaux statistiques et nous appuyer sur les équipes régionales qui ne doivent pas ignorer les signalements.

Il faut enfin articuler les vigilances. Pour l'usager, le pharmacien, le médecin, il n'est pas simple d'attribuer tel problème de coeur à la pile, à l'anticoagulant ou à l'antiarythmique. Nous allons proposer une réforme en profondeur, avec la direction générale de la santé, qui n'oubliera pas le tissu régional.

La France évolue assez bien en matière de pharmacovigilance, nous recevons plus de signalements des médecins que des industriels. Un signalement argumenté doit donner lieu à une investigation, menée au niveau national, conjointement avec la Cnam grâce au groupement d'intérêt public que vous avez créé par la loi, ou local grâce aux structures régionales.

Pour les dispositifs médicaux, c'est plus compliqué, mais il y a des actes traçants au sein du PMSI, projet de médicalisation des systèmes d'information permettant de retracer le coût des interventions. Cette réforme, qui verra le jour avant la fin de l'année, suppose débats et arbitrages.

Dans le budget de l'agence, nous avons accru de 70 % le budget des centres de pharmacovigilance, pour un an seulement, en leur demandant d'être articulés avec leur agence régionale de santé ; nous les soutenons pour mener des recherches publiques. La grande révolution viendra du recueil des signalements des patients, des médecins généralistes et des pharmaciens. Il sera facilité par la directive sur la pharmacovigilance, qui s'étendra à la matériovigilance. J'en ai parlé avec les services de la Commission européenne cet après-midi. Il nous faudra peut-être un peu plus de personnel. Nous devons substituer à un système fondé sur l'analyse et la surveillance de marché un autre, fondé sur la notion d'inconvénients ou d'incidents médicaux. Il sera plus efficace avec une coordination internationale. Pour éviter les lenteurs ou la paralysie, la vigilance doit être active. Notre rôle est d'aller chercher les informations. Ce n'est pas parce que la FDA ne nous a pas prévenus que nous ne devons pas enquêter. Nous devons aussi transmettre des informations comprises par les usagers. Nous vivons une période de doutes et de crises. Sachons l'accepter et soyons proactifs.

Sur les cent mille prothèses de hanche posées chaque année en France, trois cent quatre-vingts sont des prothèses ASR, contre trente mille en Angleterre. Le taux de signalement était relativement faible. Une investigation complémentaire a montré que le taux de rupture était de 5 %. Si notre système était plus proactif, vous auriez dû trouver ce rapport sur notre site il y a un an et non pas maintenant lorsque la presse en parle. C'est un changement d'attitude, qui nous expose à certains contentieux...

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

L'entreprise en question n'est pas française !

Debut de section - Permalien
Dominique Maraninchi, directeur général de l'Afssaps

Certes, mais le droit s'applique de la même façon ! La loi que vous avez votée nous permet de progresser sur les obligations des firmes. Il était possible de faire de la publicité pour des prothèses de genou à Roland Garros, sans que nous puissions nous y opposer ! Certaines firmes utilisaient les faiblesses de notre dispositif de façon scandaleuse. Nous avons désormais un peu plus de moyens d'agir.

Une agence de sécurité doit vivre dans l'insécurité, ce qui ne rassure pas une partie du personnel. Notre rôle est très clair : à la deuxième perquisition, on comprend les vertus de la transparence... Quand on est tranquille, il faut aller au-devant de l'événement, être très réactif.

Nous avons la responsabilité du contrôle de certains produits qui ne sont pas réglementés de la même façon. C'est le cas des biocides et des cosmétiques, qui ne sont pas soumis à AMM. Nous agissons par la norme, sur la quantité de produit qui peut être utilisée, et cela en liaison avec d'autres agences. Nous avons la capacité d'interdire, en vertu de notre pouvoir de police sanitaire. L'arme de l'information est importante.

Pour ce qui concerne les produits de beauté, ils entrent dans la catégorie des cosmétiques.

Pour les médicaments, comme pour les produits de santé et les produits dérivés, des marchés parallèles particulièrement nocifs se développent. Au titre de nos pouvoirs de police et en lien avec les forces de sécurité, nous traquons ces marchés, dangereux pour les médicaments, extrêmement importants pour les produits cosmétiques.

L'information est une arme, la formation continue des médecins notre meilleur recours. Bien sûr, il existera toujours des médecins bien informés qui auront une pratique déviante. Mais nous devons informer les médecins des dangers de certains produits et de certaines pratiques, c'est une nouvelle culture. Bien que les médecins sachent très bien prendre des décisions immédiates bénéfices-risques, nous devons les informer de façon compréhensible à long terme, en priorité par rapport aux patients qui expriment des demandes ressenties. C'est une question de formation professionnelle, mais aussi de qualification requise pour exercer tel ou tel acte engageant une responsabilité.

Les syndicats de l'Afssaps vous ont saisis pour dénoncer une confusion entre vitesse et précipitation. Mais pour l'instant, nous ne nous précipitons pas ! Mille personnes travaillent pour cette agence qui ne s'était jamais réorganisée et qui doit aujourd'hui le faire pour assurer ses missions. Des personnes qui restent au même poste pendant quinze ans risquent de perdre la culture de la vigilance. Il ne s'agit pas de déplacer tout le monde d'office, mais de décloisonner l'évaluation des bénéfices et celle des risques, l'inspection du contrôle et l'évaluation. Ce changement suppose un accompagnement, qui a été confié, aux termes d'un marché public, à Capgemini. Nous en sommes au stade de la préfiguration. La grande bascule ne sera pas un grand soir. Vos questions montrent que nous avons bien fait de ne pas attendre la promulgation de la loi et la publication des décrets d'application pour changer notre organisation et nos pratiques, par exemple pour filmer les commissions et en publier le compte rendu rapidement. Même si cela n'est pas toujours facile, l'adhésion est très bonne. Le pilotage est parfois douloureux, les résultats des contrôles doivent être justes et rendus publics rapidement, pour la sécurité des patients et la transmission des informations à l'Europe. C'est une pression nouvelle, qui nous place dans le paradoxe du changement : il est attendu, mais ne doit pas survenir trop vite. Rassurez-vous : ce processus est débattu depuis juin dernier, il sera, je l'espère, appliqué en juin prochain, afin que notre programmation, à partir de septembre, se déroule dans des conditions plus sereines, dans le respect des règles que vous nous avez données : pas de conflit d'intérêts, impossibilité d'avoir un conjoint qui travaille pour l'industrie pharmaceutique, même si l'on est intègre, et d'exercer une fonction de responsabilité à l'agence. D'anciennes directions laissent place à de nouvelles, d'où une perte de repères qu'accompagnent les consultants. Le financement du programme de formation a été doublé, pour permettre à chaque agent d'évoluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vous remercie de nous avoir apporté ces informations complètes.