Cette proposition de loi, pompeusement intitulée « relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité », traite en fait de quatre sujets relativement techniques. Elle a été adoptée avant-hier à l'Assemblée nationale, mais ses dispositions sont connues depuis assez longtemps déjà.
Il s'agit d'abord de créer en Alsace-Moselle une caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Entre 1960 et 2009, les caisses régionales d'assurance maladie (Cram) comportaient en France métropolitaine une branche vieillesse, qui prenait en charge ce risque pour le compte de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Cette dénomination pouvait d'ailleurs prêter à confusion. Pour des raisons historiques, 1'Alsace-Moselle est le seul territoire à disposer d'une caisse régionale d'assurance vieillesse (Crav) en plus d'une Cram spécifiquement dédiée à l'assurance maladie. L'Ile-de-France fait également figure d'exception, puisque c'est la Cnav elle-même qui y est responsable de la prise en charge des bénéficiaires.
En décembre 2008, les conseils d'administration de la Cram et de la Crav d'Alsace-Moselle ont amorcé un rapprochement et adopté le principe d'une direction commune ; en mars 2010, ils ont voté le principe d'une fusion complète. Entre-temps, la loi HPST a transféré certaines compétences des Cram vers les nouvelles agences régionales de santé et les a remplacées par des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Je ne reviens pas sur les débats parfois agités que nous avons eus alors, y compris sur le nom des nouvelles caisses.
En conséquence, l'article 1er de la proposition de loi organise la fusion entre la Cram et la Crav, ainsi que la création d'une Carsat. Cette mesure de simplification renforcera l'identité du territoire et du droit local, améliorera le fonctionnement des structures et évitera toute concurrence au détriment des assurés, notamment en ce qui concerne l'action sociale et la santé au travail. Comme pour les autres Carsat, le conseil d'administration sera composé de vingt et un membres, soit huit représentants des salariés, huit représentants des employeurs, un représentant de la mutualité française et quatre personnalités qualifiées. La seule différence réside dans le fait que l'une de ces personnalités qualifiées devra représenter l'instance de gestion du régime local d'assurance maladie complémentaire.
S'agissant ensuite du champ territorial des bénéficiaires du régime local d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle, la proposition de loi accorde la théorie avec la pratique. Le code de la sécurité sociale autorise en effet l'affiliation au régime local des salariés travaillant hors d'Alsace-Moselle pour une entreprise qui y a son siège ; mais cette mesure est trop complexe pour avoir jamais été mise en oeuvre. A l'initiative des instances du régime local, il est donc proposé de la supprimer. Toutefois, le régime local agricole a souhaité la conserver, car il a un nombre d'assurés très faible : un peu plus de 40 000. La proposition de loi préserve donc le droit en vigueur pour les salariés agricoles et forestiers.
Troisième sujet : le conseil d'administration du régime social des indépendants (RSI). Créé en 2006, le RSI regroupe les artisans, les commerçants et les professions libérales. Les membres des conseils d'administration des trente caisses de base élisent les cinquante membres du conseil d'administration de la caisse nationale, qui fédère le réseau. Dans sa version initiale, la proposition de loi prévoyait que le conseil d'administration de la caisse centrale serait dorénavant composé par les présidents des caisses de base, eux-mêmes élus, et par des personnalités qualifiées désignées par l'Etat. Cette mesure aurait certainement rendu plus efficace la gestion de la caisse centrale, mais elle aurait réduit la représentation des professions libérales. En outre, la rédaction renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le nombre et le type des personnalités qualifiées. Finalement, à l'initiative de son rapporteur Yves Bur qui était pourtant l'auteur de la proposition de loi, l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Elle a toutefois conservé la prorogation du mandat des administrateurs des caisses de base jusqu'au 30 novembre 2012, pour éviter tout « télescopage » avec les élections présidentielle et législatives.
Dernier point : les comités régionaux de coordination de la mutualité (CRCM) et le conseil supérieur de la mutualité. Les CRCM sont des instances consultatives du secteur de la mutualité, élues pour six ans par les mutuelles. La partie réglementaire du code de la mutualité leur accorde de très nombreuses compétences mais, étrangement, le ministère de la santé m'a indiqué qu'ils ne se sont pas réunis depuis plusieurs années et que leur activité est très faible. La restructuration du secteur mutualiste et l'ordonnance de janvier 2010, qui a créé l'autorité de contrôle prudentiel, ont ôté tout sens à leur existence, et la proposition de loi les supprime.
Les comités régionaux élisaient les membres du conseil supérieur de la mutualité, instance consultative nationale dont le fonctionnement laisse lui aussi à désirer : selon les informations qui m'ont été fournies, il ne s'est plus réuni en formation plénière depuis 2006 ! Or le secteur de la mutualité est très organisé au niveau professionnel et la fédération nationale de la mutualité française (FNMF) y est très majoritaire : elle regroupe six cents mutuelles de santé qui couvrent trente-huit millions de personnes, et représenterait ainsi 95 % des mutuelles. Il existe un dialogue permanent avec les autorités publiques, ce qui est le rôle de ces instances de consultation. Voilà pourquoi le texte prévoit que les membres du conseil ne seront plus élus mais désignés par les organisations professionnelles ; les critères de représentativité seront fixés par décret en Conseil d'Etat. Cette mesure de simplification, soutenue tant par le ministère de la santé que par la mutualité française, allégera en outre les coûts administratifs. Dans ce secteur, les organisations professionnelles sont de toute façon très représentatives. Cependant, je ne méconnais pas la nécessité de faire vivre la démocratie dans le secteur mutualiste, pour préserver cette forme d'organisation économique et sociale qui repose sur une finalité non lucrative.
Les trois articles de cette proposition de loi ont déjà été adoptés par le Parlement à l'occasion de la loi « Fourcade », puis censurés par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme. L'article 1er a été une seconde fois approuvé par les deux assemblées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, à l'initiative de plusieurs sénateurs socialistes, mais censuré derechef par le Conseil qui a estimé qu'il n'entrait pas dans le champ d'une loi de financement. Nous sommes plusieurs à avoir déposé une proposition de loi reprenant cette réforme consensuelle, que tous les parlementaires alsaciens-mosellans souhaitent voir aboutir aussi tôt que possible. Je vous propose donc d'adopter la proposition de loi sans modification.