J'ajoute simplement que nous avons rencontré l'Association des départements de France (ADF) et de nombreuses personnes impliquées et j'en viens aux constats de la Cour.
D'abord, l'hypothèse de judiciarisation excessive n'est pas confirmée, puisque les placements judiciaires n'ont pas subi de décélération.
Ensuite, le délai de traitement des dossiers n'a pas été réduit, au contraire, par l'intervention du procureur.
Nous doutons que la révision quinquennale puisse intervenir à temps, ce qui laisse planer un fort risque de voir toute une population sans protection. Au demeurant, la révision n'est peut-être pas utile pour des personnes très âgées ou soufrant d'un mal irréversible.
Ainsi, la réforme n'a pas amélioré la situation des personnes protégées.
Le contrôle des comptes de tutelle représente pour les greffiers une charge d'autant plus lourde que leur présentation n'est pas normalisée. La réforme étant intervenue en même temps que celle de la carte judiciaire, il est difficile d'apprécier les moyens dont disposent les juges des tutelles.
J'en viens aux tuteurs. En ce domaine, la réalité des progrès n'est pas contestable. La loi réaffirme la prééminence de la tutelle familiale, qui représente toutefois moins de la moitié des cas. Les tuteurs professionnels ont été unifiés, ils figurent sur une liste et bénéficient d'un agrément préfectoral après avis du procureur de la République. Enfin, les financements sont explicites et unifiés.
Toutefois, la réforme des tuteurs reste au milieu du gué sur deux points : la formation et la répartition sur le territoire. Le premier aspect est positif, mais coûteux et peu accessible aux tuteurs bénévoles ou familiaux. Sur le plan géographique, la situation est très variable, mais aucun recensement exhaustif n'a été réalisé. Certains tuteurs sont surchargés, ce qui nuit au suivi des dossiers.
Les contrôles ne sont pas coordonnés. Nous n'avons d'ailleurs pas obtenu d'informations sur la manière dont ils étaient conduits. Sur un autre plan, le nouveau financement manque de lisibilité pour les personnes les plus faibles, qui ignorent à quoi elles s'engagent en demandant une tutelle.
L'accompagnement social peine à monter en charge : quelque 4 000 MASP ont été mises en place fin 2009, alors que les travaux préparatoires misaient sur 9 000 à 13 000 mesures. L'écart peut s'expliquer notamment par le caractère contractuel du dispositif, que les intéressés vivent mal. D'autre part, la MAJ passe par une procédure bien trop longue. Fin 2009, on dénombrait un millier de MAJ, contre 30 000 escomptées au cours des travaux préparatoires. Les 68 000 tutelles aux prestations sociales adultes (TPSA) auraient dû disparaître fin 2011, pour être transformées en MAJ ou en MASP. Or, très peu de transformations ont eu lieu, ce qui a rendu nombre de TPSA caduques, mais a laissé subsister les curatelles généralement associées à ce dispositif. La déjudiciarisation souhaitée n'a donc pas eu lieu.
Le coût de ces mesures est supérieur aux prévisions, puisque l'équilibre financier reposait sur la réduction des mesures judiciaires au profit de mesures sociales, théoriquement moins coûteuses. Dès 2009, les départements ont économisé 6 millions d'euros, mais les mesures d'accompagnement coûtent environ 500 euros par personne et par mois, soit largement le triple des 150 euros envisagés ! J'observe à ce propos que l'accompagnement social exige un personnel compétent, ce qui a induit une anticipation du recrutement pendant les deux premières années de mise en oeuvre, malgré le faible nombre des mesures décidées, car les départements voulaient avoir le temps de s'organiser.
Les trois quarts des départements ont opté pour une délégation complète de gestion pour les MASP, de préférence à l'intervention en régie directe.
Enfin, les personnes concernées n'ayant en général que des ressources limitées, la MASP n'est que difficilement facturable. C'est pourquoi 82 % des départements l'ont rendue gratuite.
Le coût du dispositif est donc incertain, mais tout suggère qu'il sera supérieur aux prévisions. Au titre de l'exercice 2011, la charge pesant sur le département est évaluée à 47 millions d'euros, au lieu des 21 millions attendus.
Tous ces constats sont provisoires, car le bilan quantitatif et qualitatif de la loi n'a pas encore été publié.