Intervention de Michelle Meunier

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 février 2012 : 1ère réunion
Egalité salariale entre les hommes et les femmes — Présentation du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

La délégation aux droits des femmes a été saisie par votre commission pour donner un avis sur la proposition de loi. Je regrette la brièveté du délai dans lequel nous avons dû travailler, cependant je me réjouis que le débat sur les inégalités de salaires soit à nouveau ouvert. Lors des auditions, nous avons entendu le directeur général du travail, les représentants des principales organisations syndicales et le service des droits des femmes au sein du ministère en charge de la cohésion sociale.

Avec ce texte, il s'agit moins de produire de nouvelles règles - notre arsenal législatif est l'un des plus complexes en Europe - que de faire appliquer celles qui existent. En 2010, moins de la moitié des entreprises de plus de trois cents salariés ont transmis à l'inspection du travail le rapport de situation comparée (RSC), obligatoire depuis 1983. La négociation collective est obligatoire, mais seulement trente-sept branches sur plus de mille sont parvenues à un accord spécifique et seules deux mille entreprises ont conclu un accord spécifique en 2010.

Les femmes continuent à gagner en moyenne 25 % à 27 % de moins que les hommes. La pénalité financière en cas d'absence d'accord ou de plan d'action pour l'égalité professionnelle prévue par la loi « réforme des retraites » est entrée en vigueur le 1er janvier dernier : hélas, son contenu coercitif a été atténué par le décret d'application du 7 juillet 2011 et la circulaire du 28 octobre 2011. Les entreprises contrevenantes disposent de six mois pour transmettre un plan d'action. La circulaire confie aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) le soin de juger s'il y a lieu d'appliquer ou non la sanction. Certaines entreprises, en raison de leur bonne foi ou de difficultés économiques, pourront en être dispensées. Enfin, à défaut d'accord, le chef d'entreprise peut mettre en oeuvre un plan d'action unilatéral : les syndicats y voient une remise en cause du dialogue social.

La délégation a donc accueilli la proposition de loi comme un signal fort. Les sanctions sont très lourdes. Pourtant, comment accepter la manière dont l'Etat envisage d'appliquer le dispositif existant ? Il est bon, en outre, de parler à nouveau des inégalités salariales, aboutissement d'une accumulation d'inégalités de traitement et de pratiques discriminatoires.

La délégation a adopté sept recommandations. Tout d'abord, nous souhaitons que toutes les entreprises de plus de cinquante salariés remettent un rapport écrit sur les conditions réelles d'emploi et de formation des femmes et des hommes. Actuellement, le document produit se résume souvent à une paraphrase des dispositions légales ou à un amoncellement de chiffres inexploitables... Nous souhaitons également lancer, dans le cadre d'un plan interministériel de lutte contre les inégalités professionnelles, une campagne d'information pour rappeler la réglementation.

Comment s'étonner que les organisations syndicales soient peu mobilisées, quand les femmes ne représentent que 22 % de leurs membres - et seulement 14,1 % au sein des organisations patronales ? Les unes comme les autres acceptent que nous imposions une représentation plus équilibrée des femmes au sein des instances qui veillent à la mise en oeuvre du dispositif. Cependant, le nombre de femmes parmi les adhérents des syndicats varie selon les secteurs : 18 % dans le syndicat de la métallurgie, mais 55 % dans la banque ou l'assurance. Faut-il imposer des quotas, comme dans les conseils d'administration ? Dans un premier temps, faisons en sorte que les listes de candidatures aux élections au comité d'entreprise et à la délégation du personnel autorisent une représentation proportionnelle des femmes et des hommes.

Les femmes de vingt-cinq à trente-cinq ans, sur lesquelles pèse le « soupçon » de la maternité, ont une situation particulièrement fragile dans l'entreprise. Des entretiens obligatoires, avant et après l'interruption de travail, seraient notamment une occasion d'informer la femme des changements qui ont eu lieu dans son service pendant son absence. Le code du travail prévoit le droit à la formation pendant le congé parental, mais aux frais des salariés : il y a lieu de modifier cela.

Tous nos interlocuteurs insistent sur la nécessité de mieux sensibiliser la population. La délégation souhaite un plan interministériel de lutte contre les inégalités professionnelles, afin de maintenir une vigilance collective et créer un réseau territorial de soutien à la négociation collective.

Ce sont les administrations déconcentrées qui mettent en oeuvre, au quotidien, les dispositifs relatifs à l'égalité professionnelle et salariale. Or, à l'heure actuelle, les Direccte et les déléguées régionales aux droits des femmes auprès du secrétariat général pour les affaires régionales (Sgar) ne se concertent pas. Il serait judicieux d'associer les déléguées du Sgar à l'action des Direccte, en particulier pour les programmes régionaux stratégiques. C'est une autre de nos recommandations.

Pour conduire ce plan d'envergure nationale, il manque encore un pilote au niveau national. Seul un ministère aux droits des femmes en aurait la légitimité politique. Nous reprenons donc ce souhait formulé de longue date. A défaut, un délégué interministériel pourrait servir de référent. Nous l'inscrivons aussi dans nos recommandations.

Enfin, les élus locaux que nous sommes doivent faire preuve de vigilance, à l'égard des entreprises, sur nos territoires... mais aussi au sein de nos administrations. La Charte européenne pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale prévoit l'intégration de la dimension du genre dans toutes les politiques et les activités des collectivités. Signons et faisons signer cette charte. Imposons, dans les appels d'offres, que les entreprises candidates respectent les obligations légales en matière d'égalité professionnelle. C'est l'objet de la dernière recommandation.

Il y a toujours mille raisons de remettre à plus tard le débat sur les inégalités : hier, la nécessité d'augmenter le niveau de qualification des femmes, aujourd'hui, la crise économique. Et demain ? Sachons saisir l'opportunité de cette proposition de loi pour fixer des objectifs ambitieux aux partenaires sociaux.

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