Intervention de Claire-Lise Campion

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 février 2012 : 1ère réunion
Egalité salariale entre les hommes et les femmes — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion, rapporteure :

Quel paradoxe : alors que le code du travail affirme le principe de l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, un écart de salaire d'environ 25 % persiste. Il a même cessé de se réduire depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Les causes en sont multiples. Le travail à temps partiel, le plus souvent subi, concerne à 80 % les femmes ; elles exercent des métiers en moyenne moins qualifiés que ceux des hommes, ont moins de responsabilités d'encadrement, bénéficient de promotions moins rapides ; les interruptions de carrière liées à la maternité, notamment, freinent leur progression dans l'entreprise et réduisent leurs primes d'ancienneté ; l'emploi féminin est concentré dans des secteurs moins rémunérateurs - métiers autour de la famille et services notamment. Enfin, le poids des stéréotypes et des représentations reste fort et influence les choix d'orientation des filles.

Et pourtant, une part de l'écart salarial demeure inexpliquée... sinon par des processus discriminatoires. Pourquoi l'écart salarial entre les hommes et les femmes a-t-il cessé de se réduire depuis quinze ans ? La précarité grandissante du travail est un élément d'explication : 60 % des CDD sont occupés par des femmes et les contrats à temps très partiel se multiplient, par exemple dans la grande distribution. Les « travailleurs pauvres » sont d'abord des femmes, plus particulièrement celles qui élèvent seules leurs enfants. Au bout d'une carrière professionnelle, les écarts de revenus cumulés sont considérables, comme nous l'avions souligné lors du débat sur les retraites.

Pourtant, le législateur a introduit dans le code du travail l'obligation de négocier au niveau des branches et dans les entreprises, en matière d'égalité professionnelle - accès à l'emploi, formation, promotion professionnelle, conditions de travail, conciliation entre vie professionnelle et responsabilités familiales - et d'égalité salariale. Depuis la loi Roudy de 1983, les grandes entreprises ont également l'obligation d'élaborer un rapport de situation comparée. En application de l'article 99 de la loi sur les retraites de 2010, le rapport de situation comparée (RSC) doit comporter un plan d'action avec des objectifs précis. L'absence de plan d'action ou d'accord collectif est passible d'une pénalité - au maximum 1 % de la masse salariale.

Ceci étant, les accords collectifs sont rares et sans grande consistance. L'obligation d'établir le RSC n'est appliquée que dans 45 % des entreprises. Et le décret pris en application de la loi de 2010 a affaibli la portée de la pénalité. Je regrette que le Gouvernement ait ainsi amoindri la mesure qu'il a lui-même fait voter il y a deux ans.

Les obligations prévues par la loi de 2010 sont en retrait par rapport à la loi de 2006 relative à l'égalité salariale. Celle-ci prévoyait une résorption totale des écarts de rémunération à fin 2010. L'objectif ne pouvant être atteint, la loi sur les retraites a purement et simplement supprimé la date butoir. Nous voilà renvoyés aux calendes grecques...

Pour relancer la négociation collective, la proposition de loi comporte deux mesures fortes. Les entreprises devront, dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires, conclure un accord sur l'égalité salariale, à défaut de quoi elles perdraient le bénéfice des exonérations de cotisations sociales et des réductions d'impôt ; je vous présenterai un amendement à ce sujet. L'autre disposition concerne les entreprises qui ne transmettraient pas le rapport de situation comparée à l'inspection du travail. La pénalité serait de 1 % de leur masse salariale.

Ces mesures inciteront les entreprises à engager enfin une action déterminée. Les obligations existantes sont restées lettre morte faute de sanctions dissuasives ou de volonté de les appliquer. L'égalité salariale est en effet une question de volonté politique. Cette proposition de loi en est la première traduction. Elle devra être complétée par d'autres mesures, que Michelle Meunier a esquissées et qui vont jusqu'au partage des tâches domestiques, sans lequel l'égalité professionnelle restera inaccessible.

Des moyens devront être affectés à cette politique, alors que l'on coupe année après année dans les crédits du programme « Egalité entre les hommes et les femmes ». La dotation budgétaire s'élève à seulement 4,9 millions d'euros en 2012, contre 5,5 millions en 2011. Le nombre de contrats d'égalité et de mixité des emplois recule, les subventions aux associations diminuent.

Cette proposition apportant une première réponse aux difficultés rencontrées par les salariées, je vous invite à l'adopter.

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