Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 février 2012 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative pour 2012 — Ratification de la décision du conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne tfue - ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité - examen des rapports

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteur générale :

qui est pertinent : notre industrie n'a pas assez innové, nous ne sommes pas sur les bons secteurs de marché. Voilà qui nous invite à un effort autrement puissant pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.

La taxe sur les transactions financières est en réalité la combinaison de quatre mesures. En premier lieu, une taxe alibi, sur l'achat de CDS souverains « à nu », pratique de marché déstabilisatrice et hautement spéculative, qui consiste à acheter une assurance pour un risque que l'on ne court pas : mais c'est pur affichage, puisque cette mauvaise pratique va être proscrite par la Commission européenne fin 2012 ; prenant effet en août, cette taxe ne s'appliquera donc que quelques mois. On peut au reste se demander pourquoi la France n'a pas interdit cette pratique, comme l'Allemagne l'a fait en 2010. En deuxième lieu, une taxe sur le trading à haute fréquence, qui devrait pourtant être clairement distinguée de la taxe sur les transactions financières, ainsi que nous l'avions fait en proposant ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2012, puisqu'il ne s'agit pas d'une taxe de rendement mais de comportement, qui vise à décourager une pratique spéculative en taxant les ordres annulés.

Etait curieusement intégrée, en troisième lieu, la suppression du déplafonnement des droits d'enregistrement sur les cessions de parts de sociétés cotées et non cotées. A l'initiative de notre commission, le Sénat avait déplafonné ces droits et abaissé en contrepartie leur taux de 3 % à 2 % ; l'Assemblée nationale avait repris le principe du déplafonnement, mais en l'édulcorant. Le Gouvernement souhaitait supprimer cette mesure de taxation des transactions financières : il l'arase dans l'article de ce collectif censé créer une taxe sur les transactions financières en lui appliquant le taux extrêmement faible de 0,1 %.

La dernière mesure, enfin, emblème du dispositif, se contente de reprendre, sous forme allégée, le système anglais du droit de timbre. Son assiette repose sur cinq conditions cumulatives : elle porte sur des actions, admises aux négociations sur un marché réglementé, où qu'il se trouve, mais pour des sociétés dont le siège social est situé en France et la capitalisation boursière supérieure à 1 milliard au 1er janvier - ce qui n'est pas le cas en Angleterre - et donnant effectivement lieu à un transfert de propriété. Les exemptions, à l'image du stamp duty britannique, sont nombreuses et le taux - toujours 0,1 % - cinq fois inférieur à son équivalent britannique. Son avantage est qu'elle frappe les droits de propriété, et n'est donc pas délocalisable mais, contrairement au Royaume-Uni, aucune « exit tax » n'est prévue lorsque les transactions sont enregistrées auprès d'un dépositaire étranger.

Voilà qui est mieux que rien, m'objectera-t-on, et l'on ajoutera que cette avancée, fût-elle timide, aurait mérité d'être saluée, plutôt que vilipendée. Mais au vrai, une telle timidité donne tout à craindre. Qu'y a-t-il à craindre, puisque l'on rétablit là l'impôt de bourse contre la suppression duquel nous avions bataillé ? Tout simplement que cette initiative vienne faire échec au projet de taxe sur les transactions financières en préparation à la Commission européenne. Le président de la République a pris le soin d'indiquer qu'il s'agissait là d'un dispositif provisoire, appelé à disparaître dès qu'entrerait en scène la proposition de la Commission européenne. Sauf que... Deux logiques s'opposent ici. La taxe à la française - ou faudrait-il dire à l'anglaise ? - ne repose nullement sur une visée dissuasive, puisqu'elle épargne les transactions les plus spéculatives, sur les dérivés. Le projet de la Commission européenne, à l'inverse, porte sur une assiette très large, l'ensemble des transactions financières, c'est pourquoi, et pour aucune autre raison, son taux est faible. Elle est due dès lors qu'une partie se situe dans l'Union européenne, et non en fonction de la nationalité de la société émettrice. Notre crainte est que l'initiative française plombe la proposition européenne en devenant le plus petit commun dénominateur.

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