La présentation aurait pu être plus sévère envers un projet de loi de finances rectificative qui arrive à un moment très particulier. La France, qui était en excédent entre 1995 et 2002, accuse un déficit commercial sans précédent proche de 75 milliards d'euros, alors que l'excédent allemand atteint 100 milliards malgré des salaires analogues et un temps de travail moindre en Allemagne. Il est vrai que la politique industrielle n'est pas du tout la même, puisque la France laisse sans traitement deux grandes faiblesses de notre industrie : le rôle excessif des grandes entreprises et une gamme trop étroite laissant une place insuffisante à l'innovation. Notre déficit résulte de la stratégie industrielle.
Lorsque M. Copé a lancé l'idée de la TVA sociale, début 2011, le Premier ministre a déclenché un tir de barrage fondé notamment sur le fait que la TVA allemande venait de rattraper le niveau français. De son côté, M. Baroin faisait un tir de barrage en expliquant qu'il faudrait une baisse massive des cotisations sociales, compensée par cinq points supplémentaires de TVA. Il estimait que cette évolution aurait un effet destructeur sur la croissance. Enfin, Xavier Bertrand concluait qu'une hausse de la TVA pesant sur tous les Français n'était pas une bonne façon de réduire le coût du travail. Par quel mystère la mesure inefficace, lorsqu'elle était proposée par M. Copé, est-elle devenue efficace quand le président de la République l'a reprise ?
Enfin, la plus grande absurdité de ce dispositif est que 3,3 milliards seulement sur 13 bénéficieront à l'industrie. Le vrai secret de la compétitivité tient à l'innovation et à la spécialisation dans le haut de gamme. Nous refusons d'augmenter un impôt injuste qui pèse trois fois plus sur les ménages modestes. De surcroît, ce dispositif fera payer une seconde fois aux retraités les cotisations qu'ils ont versées pendant leur vie active.
J'en viens au rapport d'information n° 52 sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, fait par M. Marini pendant la session 2004-2005. Pour son élaboration, notre commission a auditionné le 4 mai 2005 M. Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances. Répondant à M. Arthuis, président de la commission et promoteur obstiné de la TVA sociale, le ministre a expliqué que « l'impact le plus récessif d'une hausse de la fiscalité des ménages provenait de la TVA, dont une hausse d'un point pouvait donner lieu à 0,9 point de croissance en moins », alors que l'allégement de cotisations sociales apporterait une contribution de 0,4 point de croissance. Résultat : un point de TVA supplémentaire compensant une baisse de cotisations sociales se traduit par un demi-point de croissance en moins. Enfin, le ministre d'alors a déclaré « craindre qu'une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne soit intégrée dans la marge, et donc intégralement répercutée sur le prix de vente ».