Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 février 2012 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative pour 2012 — Ratification de la décision du conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne tfue - ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité - examen des rapports

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale :

Nous revenons sur le débat amorcé durant l'audition. D'une capacité financière de 440 milliards, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a jusqu'à présent été relativement peu utilisé puisque, si le récent accord du 20 février sur la Grèce prévoit de débloquer 130 milliards en faveur de la Grèce, le FESF n'a, à ce jour, versé que 12,5 milliards (à l'Irlande et au Portugal). Ce qui compte, c'est la capacité dissuasive de ces fonds plus que leur utilisation effective.

La capacité de prêt résiduelle du FESF, d'un montant de 250 milliards permettrait, en y additionnant les 500 milliards attendus du MES, de disposer de 750 milliards d'euros, hypothèse évoquée par Christiane Lagarde, directrice générale du FMI. Toutefois, l'effet de levier de ces 250 milliards du FESF pourrait être seulement de deux, alors qu'un facteur quatre avait un temps été évoqué.

Conformément à l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le MES a vocation à n'être utilisé qu'au cas où la dégradation de la situation d'un Etat membre présenterait un risque systémique pour la zone euro, et son aide serait accompagnée de l'application stricte de la clause de conditionnalité. Son entrée en vigueur a été avancée à juillet 2012 et le FESF devrait cesser de fonctionner le 30 juin 2013.

Le mode de financement du MES pourrait, lui, justifier une notation « triple A », mais il convient de bien distinguer les 80 milliards d'euros de capital libéré, dont 16,3 milliards d'autorisations d'engagement pour la France proposés au PLFR, et les 620 milliards de capital appelable.

Pour la France, la mise en place du MES suppose l'adoption des deux projets de lois ordinaires dont nous débattrons en séance publique le 28 février, et du PLFR pour 2012 avec les deux premières tranches du mécanisme, sachant que nous aurons peut-être, par la suite, à nous prononcer sur la ratification du TSCG.

Quelles sont les limites du Mécanisme européen de stabilité ? Tout d'abord, sa taille, le montant certes considérable de 500 milliards risquant d'être insuffisant si un Etat important y faisait appel ou même pour jouer un rôle dissuasif. On peut envisager de pouvoir disposer d'une capacité d'intervention totale de 1 500 milliards d'euros si l'Allemagne acceptait que le FESF continue de fonctionner à côté du MES et si les Etats acceptaient d'accroitre leurs contributions au FMI.

Ensuite, se pose le problème de l'accès du MES aux liquidités de la BCE, ce qui supposerait que la BCE le considère comme une banque, hypothèse qui fait consensus en France, mais se heurte à l'opposition de l'Allemagne et de la BCE - vous avez noté la prudence d'expression du directeur général du Trésor.

Le considérant 5 du préambule du traité instituant le MES fait débat dans la mesure où il conditionne l'assistance financière du MES à la ratification du TSCG avant le 1er janvier 2013 et au respect de la règle d'or. Un long processus...

La valeur juridique du lien entre le TSCG et le MES est sujette à une interprétation qui n'est pas seulement politique.

Appelé à constituer le cadre global de la gouvernance budgétaire en Europe, le TSCG s'inscrit dans le prolongement du six pack adopté en novembre 2011 par le Parlement européen, avec l'opposition des députés socialistes européens. Il va plus loin que le pacte de stabilité en introduisant l'obligation pour les Etats de se doter d'une « règle d'or » contraignante de droit interne. Le directeur général du Trésor a fait allusion à la résolution qu'avait proposée Richard Yung sur la subsidiarité.

Le traité s'insère dans le cadre du two pack actuellement en cours de discussion, qui, dans sa version initiale, prévoit lui aussi l'obligation d'adopter une règle d'or contraignante. Le TSCG prévoit un renforcement de la discipline du pacte de stabilité en retenant la majorité qualifiée inversée à toutes les étapes de la procédure pour les Etats en déficit excessif. Ce faisant, il répond clairement à un objectif politique. En effet, aux règles du pacte de stabilité réformé entrées en vigueur en novembre 2011, s'ajouterait désormais une obligation de moyens. Est-ce à dire que l'obligation de résultat n'est pas suffisante ? Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Ce traité entrera en vigueur au 1er janvier 2013, un État pouvant, à partir du 1er janvier 2014, saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) au sujet de la transposition de la règle d'or par un autre État. Les modalités pratiques de la règle d'or française n'ont pas encore été fixées par le Gouvernement, la définition du solde structurel demeurant délicate.

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